Promesse de sang

Maintenant qu'ils étaient libres de leurs obligations, leur relation s'étiolerait forcément et ils s'éloigneraient l'un de l'autre. Plus de baisers, plus de nuits partagées. La promesse de sang les empêcherait de redevenir ennemis, bien sûr. Ils auraient probablement un lien toute leur vie, mais sans danger, ils n'avaient plus à se protéger et le serment ancien n'avait plus raison d'être. La promesse de sang ne les obligeait pas à se montrer fusionnels s'ils n'en avaient pas le désir.

C'était probablement ce qui avait le plus énervé Drago dans la compréhension que Harry avait offerte à Rogue. C'était une preuve de plus qu'il n'y avait rien de spécial entre eux, que Harry venait en aide à tout le monde. Y compris à ceux qu'il détestait.

Agacé, Drago avait pensé pouvoir repousser Harry en se servant de la présence de Rogue. Mais une fois encore, Harry avait retourné son monde en lui offrant la possibilité de vivre avec lui. Il le connaissait assez pour savoir que c'était une offre sincère et sérieuse.

Une part de Drago avait envie d'accepter immédiatement. La simple idée d'être séparé de Harry le rendait nauséeux. Cependant, il restait encore assez de traces de son éducation pour se révolter à l'idée d'être si dépendant de quelqu'un.

Cette part de lui voulait l'exclusivité. Il voulait être spécial et pas seulement un ami comme les autres. C'était plutôt confus dans son esprit, mais il était certain qu'il ne pourrait pas se contenter de miettes de l'attention du Gryffondor. Il ne pourrait pas être son colocataire, il ne pourrait pas supporter les allées et venues de ses deux amis de toujours ni subir les regards condescendants de Weasley et de Granger.

Perdu dans ses pensées, les sourcils froncés, Drago n'avait pas vu Harry approcher de lui en douceur. Il sursauta lorsque la bouche de Harry se posa sur la sienne. Il répondit au baiser presque malgré lui, incapable de le repousser, et il s'accrocha au cou de Harry quand ce dernier l'attira plus près de lui, pour le serrer dans ses bras.

Lorsque leurs lèvres se séparèrent, Harry ne lui laissa pas le temps de reprendre ses esprits.

— Tu réfléchis trop, Drago.

Il allait protester et grogner, mais Harry l'interrompit, en le dévisageant avec attention. Finalement, le Gryffondor soupira, puis il murmura tristement.

— Tu devrais penser à ce que tu veux vraiment.

Drago se figea, détaillant Harry avec attention. Il fronça les sourcils et répondit un peu plus brusquement qu'il ne l'avait envisagé.

— De quoi tu parles ?

Lorsque Harry évita son regard, Drago cligna des yeux. Il n'aimait définitivement pas voir Harry agir comme ça, l'écarter de lui de cette façon — alors même qu'il prévoyait de le repousser. Cette soudaine distance entre eux lui coupait le souffle sans qu'il ne puisse expliquer pourquoi.

Il se reprit de son mieux, cachant son malaise et son envie de tendre la main vers lui, attendant patiemment la réponse à sa question qui tardait à venir.

Harry soupira et il haussa les épaules doucement. Il avait perdu son sourire et il semblait presque résigné.

— D'ici quelques jours, tu seras libre. Je veux dire… tu vas pouvoir reprendre ta vie et tu vas devoir décider de ton avenir.

Drago renifla, oubliant ses sentiments emmêlés pour lever un sourcil moqueur. Même s'il essayait d'être sarcastique, la douleur devait être audible dans sa voix puisque Harry tendit la main vers lui sans pour autant aller jusqu'à le toucher.

— Bien sûr. Reprendre ma vie. Retourner sous l'autorité de mes chers parents qui m'ont vendu à ce foutu mage noir de pacotille et qui étaient prêts à me mettre à mort ? Ça annonce des repas de famille incroyablement animés…

Harry se mordilla la lèvre.

— Je ne retournerai pas chez les Dursley. Je compte… vivre ici. Je suppose que plus personne ne s'intéressera à moi maintenant que tout est terminé…

Drago fronça les sourcils, un peu perplexe devant le changement de sujet. Harry s'éloigna, mais au moment de sortir de la bibliothèque, il ajouta, presque à voix basse et sans se retourner.

— Il y a assez de chambres si tu veux… venir ici aussi.

Drago resta longuement immobile dans la bibliothèque, l'esprit en ébullition, les poings serrés. Il ne savait pas trop s'il devait courir après Harry pour le secouer et exiger des explications sur son comportement étrange ou s'il devait juste… attendre.

Les évènements des dernières heures s'étaient précipités à une vitesse folle et leur monde avait été chamboulé une nouvelle fois. D'ici quelques heures, l'excitation due à la brusque montée d'adrénaline se calmerait et ils reprendraient leurs marques.

Après une nuit de sommeil, ils retrouveraient les habitudes confortables qu'ils avaient prises et tout irait pour le mieux. Jusqu'à ce que Drago ait un choix à faire pour son avenir.

Il avait parfaitement conscience de se mentir à lui-même, aussi il quitta la pièce à grands pas, transformant sa peur en colère.

Severus s'était assis sur le lit confortable de la chambre indiquée par Harry Potter et il était resté immobile, le regard dans le vague, perdu dans ses pensées.

Il laissait les souvenirs du passé l'envahir, avec une pointe d'amertume… tout en attendant le moment où Harry aurait besoin de réponses et où il devrait se montrer honnête.

Lorsque des coups furent frappés à la porte, il se tendit, mais il invita quand même son visiteur à entrer, persuadé que c'était le fils de Lily qui venait lui poser des questions.

En voyant Drago Malefoy entrer, il se redressa légèrement, un peu surpris. Depuis son arrivée à Poudlard, il avait encouragé et privilégié le garçon parce qu'il était le fils de Lucius. Il l'avait également soutenu parce qu'il était le rival de Potter et que les deux garçons se battaient sans cesse.

Pour être honnête, il ne s'était pas vraiment intéressé à lui. Il avait des notes correctes — qui auraient pu être excellentes s'il avait plus travaillé — et il était plutôt populaire dans la maison Serpentard malgré son caractère imbuvable d'enfant unique gâté outrageusement. Étant l'héritier de Lucius, Severus avait immédiatement pensé qu'il suivrait les pas de son père : dès qu'il en aurait l'occasion, le gamin tendrait le bras pour être marqué sans se poser de questions, en bon petit héritier.

Ça s'était produit, bien évidemment. Sauf qu'il s'était lourdement trompé : Drago n'avait pas vraiment envie de rejoindre les Mangemorts et s'il avait appris à connaître son élève, il l'aurait su. Il l'aurait su et il aurait pu le protéger.

C'était une autre de ses erreurs et il devrait vivre avec. Severus soupira.

— Drago. Il y a un problème ?