R.A.B

Sirius s’approcha de Harry avec un large sourire et il le prit dans ses bras, le serrant contre lui. Il nota la crispation — légère, mais présente — et la vieille culpabilité de l’avoir abandonné ressurgit. Il aurait être celui qu’il l’élevait, et non pas un presque inconnu aux yeux de son filleul adoré…

   — Alors mon grand ? Tu vas bien ?

Harry cligna des yeux, un peu perplexe, avant de sourire d’un air un peu forcé, visiblement nerveux.

   — Bien sûr ! Enfin… compte tenu des circonstances. Je suis désolé, mais je ne pouvais pas…

Sirius soupira et lui posa une main sur l’épaule, le fixant gravement.

   — Ne t’en fais pas. J’ai confiance en toi, gamin. Je sais que tu as fait de ton mieux et si tu as fait marche arrière pour t’en aller, c’est que tu as écouté mes conseils. Tu te souviens ? Battre en retraite ?

Harry baissa la tête, et il se frotta le front.

   — Ils parlent déjà de m’arrêter. Fol’Oeil et…

Sirius gronda.

   — Et Rémus. Je suis au courant. Je pensais qu’il ferait passer notre amitié avant tout le reste, mais visiblement il sera en premier l’homme de Dumbledore. Je sais qu’il lui doit beaucoup, mais ce n’était pas une raison d’oublier notre amitié.

Le jeune homme sursauta et releva brusquement la tête, les yeux écarquillés. Choqué, il murmura.

   — Dumbledore ? Mais quel rapport avec lui ? Il est mort, non ?

Sirius soupira et écarta ses questions d’un vague geste.

   — Écoute, Harry. Je t’en parlerai, mais pas tout de suite. Ce ne sont que des soupçons en premier lieu, je n’ai aucune preuve. Et mieux vaut… Enfin. Je ne veux pas te mettre plus en danger que tu l’es déjà.

Cependant, Harry commençait à relier certains faits étranges. Visiblement, quel que soit le passé dont il était question — celui où Régulus était tué ou celui où il survivait — toutes les manigances pointaient vers Dumbledore. Le directeur était celui qui l’avait annoncé comme survivant et qui avait orienté chaque facette de sa vie pour qu’il soit aussi isolé que possible et qu’il n’ait pas d’autre choix que de prendre part à la guerre. Pire encore, les réactions de Lupin et Fol’Oeil semblaient indiquer qu’il n’aurait pas dû survivre à cette ultime bataille.

Sirius passa son bras sur ses épaules, et il l’attira contre lui en le dirigeant habilement vers les escaliers, continuant de bavarder.

   — Ne te soucie pas de ça pour l’instant, veux-tu ? Tu es ici, avec moi, et je compte bien veiller sur toi, dorénavant. Que tu sois majeur ou non, tu vas m’avoir dans les pattes.

Harry gloussa de plaisir, les yeux brillants, visiblement ravi. N’importe quel adolescent normal n’aurait pas accepté d’être sous la surveillance étroite d’un adulte, mais son filleul semblait avoir besoin d’être rassuré.

   — Mais tu ne risques rien, Sirius ? Je veux dire je croyais que…

   — Ne t’en fais pas pour ça. J’ai eu quelques indications qui pourraient bien tout changer. Et ne me regarde pas avec cet air de chiot malheureux, ça ne fonctionnera pas.

Harry eut un rire amusé. Puis, il reprit son sérieux après quelques secondes, suivant Sirius alors qu’ils atteignaient l’étage des chambres.

   — Alors je… Tu n’es pas déçu ? Je veux dire j’ai échoué, après tout.

Sirius s’arrêta pour poser ses mains sur les épaules de Harry, et pour le regarder droit dans les yeux, essayant de lui montrer qu’il était totalement sincère.

   — Harry… quoi que tu fasses, tu ne pourras jamais me décevoir. Tu es un garçon extraordinaire, n’en doute jamais, et je crois en toi. Je pense que je ne le répéterai jamais assez, mais… Je crois en toi. Tu as accompli beaucoup malgré ton jeune âge et ce n’est pas parce que tu n’as pas pu le vaincre aujourd’hui que tu as échoué. Tu l’as affaibli et tu as montré au monde magique qu’un jeune adulte de tout juste dix-huit ans était parfaitement capable de mettre ce mage noir de pacotille en difficulté.

Harry rosit de plaisir, les yeux brillants. Ravalant quelques larmes d’émotions, il enlaça fermement son parrain, fermant les yeux et reniflant aussi discrètement que possible.

   — Merci Sirius.

Sirius lui passa la main dans les cheveux, et soupira.

   — Allez, Harry. Va te reposer un peu. Nous mangerons un peu plus tard, mais après de telles émotions, une petite sieste ne pourra pas te faire de mal.

Le jeune homme marmonna quelques instants, légèrement réfractaire à l’idée de se coucher en pleine journée, mais adorant au fond de lui que quelqu’un prenne soin de lui de cette façon. Il laissa Sirius le pousser devant sa chambre, mais au moment où son parrain ouvrit la porte, il résista, horrifié.

Cependant, Sirius le poussa doucement dans la chambre et referma la porte derrière eux.

Affolé, Harry regarda autour de lui, se détendant légèrement en constatant que Régulus avait dû les entendre arriver et s’était dissimulé. Sirius avait noté son comportement et il soupira.

   — Harry. Je sais que tu n’es pas seul. Je te fais confiance, mon grand, mais j’aimerais que tu me fasses confiance toi aussi, pour que je puisse t’aider. La situation est un peu… explosive et j’ai besoin d’avoir toutes les cartes en main pour te protéger.

Harry ouvrit la bouche et la referma aussitôt, indécis. Mais avant qu’il ne puisse réfléchir à une réponse, Régulus sortit de sous la cape d’invisibilité avec un air de défi.

Sirius repensa au conseil de Severus, mais il était trop choqué pour se mettre à hurler. Harry, se méprenant sur ses muscles tendus et son silence soudain, s’écarta de lui pour rejoindre Régulus et enlacer leurs doigts. Le jeune homme tremblait et son compagnon lui pressa la main avec tendresse pour le rassurer.

Sirius s’adossa à la porte de la chambre, le souffle coupé, en regardant ce jeune homme venu directement du passé. Il secoua la tête, incrédule, mais l’expression blessée sur le visage de Harry le ramena au présent.

   — Comment… Comment est-ce possible ?

Il nota l’air revêche de Régulus, son expression fermée, et la façon dont il tenait la main de Harry, caressant le dos de sa main de son pouce. Il nota l’air inquiet de Harry, qui l’observait, craignant visiblement qu’il s’en prenne à son frère. Puis, son filleul soupira.

   — J’ai trouvé un sort dans la bibliothèque. Un sort qui permettait de retourner à un instant précis du passé. Je… Tu étais mort, Sirius. J’étais tout seul, et… J’avais besoin de toi. Alors j’ai utilisé le sort à la première occasion, au premier instant de libre que j’ai pu trouver. Mais… Je n’ai pas atterri tout à fait au bon endroit. En fait, je suis arrivé au moment exact où Reg allait être tué, et… Je l’ai aidé. Je suis resté un mois avec lui, où nous avons appris à nous connaître et…

Harry marqua une longue pause pour échanger un regard complice avec Régulus. Il sembla un peu perdu, ne sachant plus comment s’expliquer, aussi Sirius termina calmement sa phrase, se répétant que Harry était digne de confiance.

   — Et tu l’as amené avec toi.