Une chance en appelle une autre ? Vraiment?

Chapitre 1 : Une chance en appelle une autre ? Vraiment ?

Chapitre final

6227 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/12/2021 11:51

"Une chance en appelle une autre…" Vraiment ?

 

Cette fanfiction participe aux Défis d’écriture du forum Fanfictions .fr : Coupez ! On la refait - (novembre décembre 2021).

 

La porte claqua avant même que la lettre et la plume de phénix qui l'accompagnait ne touchent le sol. La chaise qui portait son imperméable en cuir se renversa dans la précipitation. Il enfila le pardessus tout en courant vers sa moto garée à l'arrière de sa maison. D'un coup de baguette magique, il alluma le contact et l'enfourcha sans prendre le temps de chasser les feuilles mortes qui recouvraient sa selle et il lança son bolide dans la nuit.

 

Merde.

 

James. Lily. Harry.

 

Alors qu'il prenait le petit déjeuner chez eux ce matin, Dumbledore, leur ancien directeur était venu leur annoncer qu'ils étaient recherchés par Voldemort. Tout ça à cause d'une stupide prophétie…

 

Merde. Merde.

 

Celui qui a le pouvoir de vaincre le Seigneur des Ténèbres approche... il naîtra de ceux qui l'ont par trois fois défié, il sera né lorsque mourra le septième mois...

Harry était né le 31 juillet… Ils avaient tous fait le rapprochement. James et Lily s'était regardés mais tous les deux ne semblaient pas prendre la menace au sérieux. Après tout, avaient-ils dit, il y avait d'autres enfants nés fin juillet. Pourquoi Harry plus qu'un autre ?

 

Sirius avait insisté pour les faire déménager, histoire de les mettre à l'abri le temps de trouver mieux. Il avait tant et si bien bataillé que James et Lily avaient fini par accepter. Alors, aidés de leur professeur, ils avaient déplacé les affaires de la petite famille dans une maison vide à Godric's Hollow.

 

Merde. Merde. Merde.

 

C'était là qu'il se rendait, les entrailles tordues par la peur. D'un coup de poignet, il fit gonfler les gaz pour accélérer encore, insensible au vent qui lui fouettait le visage. Il prit soin de voler au-dessus des nuages pour ne pas être vu des Moldus. Pour des personnes sans pouvoirs magiques, voir une moto voler au-dessus de leur tête aurait de quoi choquer et lui, Sirius Black, pourrait avoir de gros problèmes avec le ministère de la Magie. Autant les éviter, surtout en ce moment. Le pouvoir était beaucoup trop gangréné par les Mangemorts, ces sorciers qui avaient, en toute conscience, choisi de suivre Voldemort, le mage noir le plus cruel que la communauté magique ait connu. Et ses partisans auraient été bien trop heureux d'avoir une opportunité de le mettre hors d'état de nuire. Et Sirius ne pourrait plus protéger les Potter.

 

James.

James l'avait aidé, quand à seize ans, il avait été chassé de chez lui parce qu'il s'opposait à sa famille adepte de la magie noire depuis des générations. Le choixpeau magique ne l'avait pas envoyé dans la maison espérée par ses parents : il avait été admis à Gryffondor et non à Serpentard, contrairement aux autres membres de sa famille. Il était tout le contraire d'un Black. James et ses parents l'avait alors accueilli chez eux, à bras ouverts. Depuis, ils se considéraient comme des frères. Ils étaient une famille. Et ils feraient tout pour protéger leur famille.

 

Lily.

La douce et adorable Lily. La jolie tornade rousse. Celle avec qui il s'était livré à une compétition féroce pour être le meilleur élève de Poudlard, l'école des sorciers. Celle qui avait un talent indéniable en potions et qui concoctait les baumes de soins les plus efficaces qu'ils avaient pu tester. Celle qui avait réussi à calmer l'arrogance de James. Ils avaient mis du temps à s'apprécier, Sirius et elle, puis James avait été blessé un jour dans la lutte contre le Seigneur des Ténèbres et ils s'étaient rapprochés, tous les deux inquiets. Il la considérait maintenant comme une sœur.

 

James et Lily.

Sirius avait été témoin à leur mariage. Il avait été le premier à qui ils avaient annoncé la grossesse de Lily. Quand le petit Harry, âgé de quelques jours à peine lui avait serré le doigt, il avait su qu'il ferait tout pour le protéger. James et Lily lui avaient demandé d'être son parrain et il avait accepté sans hésiter.

 

Harry.

Il avait à peine un an et un psychopathe cherchait déjà à le tuer.

 

Merde… Un an, putain !! Tout ça à cause d'une prophétie débile.

 

Sirius se pencha sur le guidon pour gagner encore en vitesse. Son cœur battait de manière anarchique. Qu'allait-il trouver en arrivant ? Il était transi de froid, mais cela n'avait rien à voir avec l'humidité qui transperçait ses vêtements. Il avait peur. Et sa peur lui glaçait les entrailles.

 

James.

Lily.

Harry.

 

Enfin, après un trajet qui lui avait paru durer une éternité, il arriva en vue de Godric's Hollow. Il ralentit les gaz et inclina le guidon pour se poser en douceur, à l'abri des regards, dans la petite ruelle sombre qui menait hors du village et au bout de laquelle se trouvait la maison de James et Lilly. Son cœur ne se calmait toujours pas…

 

Il descendit de sa moto, déroulant la béquille d'un coup de talon et se précipita vers l'entrée de la maison des Potter, sans même regarder si sa bécane restait debout. Peu importe au final.

 

Il poussa le portillon et son angoisse grimpa encore d'un cran quand il constata qu'aucun sortilège de protection n'entourait la maison. Aucune lumière ne filtrait par les fenêtres de ce côté de la maison.

 

Non. Pitié non. Faites qu'il ne soit pas trop tard.

 

Il sortit sa baguette magique et entra sans bruit, il se dirigea vers le salon, attiré par la lumière vacillante de ce qui devait être un feu de cheminée. Son cœur menaçait d'exploser dans sa poitrine. Quand il arriva à la porte de la pièce principale, il vit James et Lily tranquillement assis devant la cheminée du salon à jouer avec Harry qui gazouillait. Une scène de vie de famille normale qui transforma sa peur en colère incontrôlable.

 

- Par le cul de Merlin … Vous n'êtes que deux inconscients !

 

Il avait hurlé, évacuant une partie de la tension qui l'avait habité durant tout le trajet. Harry se mit à pleurer, apeuré, alors que James et Lily sautaient sur leurs pieds, baguettes en main. Puis, reconnaissant leur ami, ils baissèrent leur garde et la rangèrent à nouveau.

 

- Sirius ?? Que fais-tu ici ? lui demanda James, la tension transparaissant encore dans sa voix.

- Vous n'êtes pas au courant ?

- Au courant de quoi ? demanda Lily qui essayait de calmer les pleurs d'Harry en le prenant dans ses bras.

 

Sirius soupira et s'avança pour se tenir au dossier d'un fauteuil du salon. James et Lily allaient bien et le soulagement l'avait frappé au point que ses jambes tremblaient. Foutue adrénaline.

- Votre appartement de Londres… Il vient d'être attaqué, leur apprit-il.

 

Lily se colla un peu plus à son mari, dévisageant Sirius, la terreur dans les yeux, elle resserra encore Harry contre elle. James était abasourdi.

 

- Je vous avais prévenus, putain… Et vous, vous êtes là, dans votre salon, comme si tout était normal, à jouer avec votre fils. Sans qu'aucun sortilège ne protège cette maison. Vous voulez un panneau pour indiquer à Voldemort où vous trouver peut-être ? 

 

James tenta de se maitriser mais l'agressivité teintait encore sa voix quand il dit :

- Seul toi et Dumbledore êtes au courant de notre déménagement. Nous n'avons encore rien dit à personne, tu as oublié ?

 

Sirius s'apprêtait à répliquer, mais Lily intervint, incisive :

- Merci de t'inquiéter, mais nous allons bien, tu peux le voir toi-même.

 

Le jeune homme la regardait, courroucé. Il s'apprêtait à répliquer quand elle leva la main pour le faire taire.

- Les sortilèges de protection, tout ça… J'allais le faire… Mais oui, je voulais juste passer un moment à jouer avec mon fils après une journée stressante et perturbante pour lui. Il ne comprend pas ce qu'il se passe. Il a besoin d'attention et de jouer avec ses parents… C'est tout.

 

Elle finit par baisser la voix et termina sa tirade dans un murmure.

- De plus, je doute fort que de simples sortilèges d'illusions suffisent contre Voldemort. Il faut plus que ça…

 

Sirius baissa la tête. Elle avait raison. Il contourna le fauteuil dans lequel il s'affala, vidé de toute énergie. Lily lui posa Harry sur les genoux :

- Bien, maintenant j'ai à faire. Pour te rassurer, je vais les mettre ces fichus sortilèges. En attendant, occupe-toi de lui… Joue un peu ... Ca te fera du bien ...

 

Et elle sortit de la pièce, laissant les deux hommes entre eux. Chacun rentra sa tête dans les épaules, grimaçant, quand ils entendirent la porte d'entrée claquer. Leur réaction fit rire le petit Harry, qui se mit en tête d'attraper les cheveux longs de son parrain. Le regard de Sirius se porta sur le bébé, tout en évitant ses assauts. Les larmes avaient tracé des sillons sur ses joues potelées. Il lui passa affectueusement la main dans les cheveux et le reposa par terre.

 

James, assis dans le fauteuil en face de lui, lança un sort sur deux marrons, qui s'assemblèrent pour former un bonhomme. Le petit être se leva et se mit à danser tout seul sur le tapis, magiquement stable sur des jambes de brindilles, faisant des révérences, soulevant un chapeau invisible de ses petites mains en branchage. Le sortilège eut un grand succès auprès de Harry qui se mit à rire et à applaudir devant ce petit spectacle.

 

Sirius continua de l'observer un moment, le temps de retrouver un rythme cardiaque normal. Puis il soupira, fermant les yeux. Il était épuisé. La guerre des sorciers faisait rage, mettant ses nerfs à rude épreuve. Il souffla :

- J'ai l'impression de ne plus pouvoir faire confiance à personne, James. Il y a trop de coïncidences, trop de hasards malheureux. Comment les Mangemorts peuvent-ils connaitre nos déplacements et comment Voldemort peut-il être si bien préparé à chaque attaque que nous portons ? Et maintenant cette prophétie et la destruction de votre appartement à Londres ? Il y a un traitre dans l'Ordre du Phénix, ça me parait évident. Et j'enrage de ne pas l'avoir vu avant…, pesta-t-il en frappant l'accoudoir du fauteuil de son poing.

 

James opina du chef en s'enfonçant dans le dossier du sofa dans lequel il s'était assis :

- Je me suis fait la même réflexion, avoua-t-il en passant nerveusement sa main dans ses cheveux. Pas plus tard que ce matin ...

- Dumbledore nous a envoyé une note tout à l'heure et nous a fait une proposition. Ça nous a pas mal préoccupés, déclara Lily qui réapparut à la porte du salon.

- Quelle proposition ? demanda Sirius.

- Il nous a parlé du sortilège de Fidelitas, lui répondit James sans le lâcher des yeux. Avec Lily, nous en avons pesé toutes les éventualités et choisi notre gardien du Secret.

- Le sortilège de fidélité… Pour cacher votre secret au cœur d'un être unique qui en devient le gardien. C'est un sortilège de grande complexité mais ce serait idéal…, murmura-t-il.

- Voldemort n'arriverait pas à nous trouver même s'il avait le nez collé à la fenêtre de cette maison, confirma James.

- Sauf si la personne à qui vous confiez ce secret décide de le révéler, objecta Sirius sur un ton plus sombre.

 

Sirius se pencha en avant, les coudes sur les genoux, pensif. Gardien du Secret, un rôle difficile. Si le choix était trop limpide, l'élu subirait indubitablement des pressions de la part des Mangemorts. Il devrait se cacher, se protéger lui-même. Ce devrait être quelqu'un de suffisamment fort pour supporter tout ça. Pour ne rien révéler même sous la torture.

 

- Il refusera de parler, intervint Lily, sûre d'elle, aux côtés de son mari.

- Nous avons entièrement confiance en lui, ajouta son mari, ne quittant pas Sirius des yeux.

- Parce que vous avez déjà choisi ? J'aurais aimé avoir mon mot à dire ! regretta Sirius en relevant la tête, pointant un doigt vers eux, avant de voir de ses deux amis échanger un regard, l'un amusé, l'autre exaspéré.

- Nan, mais je rêve… maugréa la jolie rousse se retournant pour aller préparer à manger. T'as beau avoir été le meilleur de notre promotion aux exams de fin d'année, tu es toujours aussi lent à la détente…

- Sérieux, Lily, tu m'en veux encore de t'avoir battue de quelques malheureux points aux Aspics ? lui lança Sirius, exaspéré devant l'attitude de la jeune femme alors que James se retenait de rire derrière elle.

- Parfaitement, répliqua-t-elle de la cuisine. Et quand je vois le temps que tu mets à comprendre une évidence pareille, ça m'énerve encore plus !! Nan, finalement, James-chéri, c'est pas possible, je crois qu'on va devoir modifier notre choix !

- Mais ça fait trois ans, faut tourner la page au bout d'un moment !! protesta Sirius en se redressant dans le fauteuil, les mains écartées devant lui en signe d'incompréhension. Il se tourna vers son alter ego pour rechercher du soutien.

 

Celui-ci se mordait la lèvre inférieure pour ne pas éclater de rire devant la joute verbale et le problème épineux du classement de fin d'études qui avait souvent opposé les deux personnes qu'il aimait le plus au monde après son fils : sa femme et son frère de cœur. Mais quelles têtes de mules ces deux-là ! Cependant, l'ambiance était plus légère maintenant, ponctuée par les rires du petit gars au yeux verts qui jouait toujours avec son bonhomme sur le tapis entre les fauteuils des deux hommes.

 

Leurs regards se portèrent sur lui, alors que le jouet en châtaignes bougeait de plus en plus vite. Harry essayait de l'attraper et, au bout de quelques tentatives seulement, d'un geste vif s'en saisit.

- Aahhhh !!! t'as vu ça ? Ce geste précis !! Un futur attrapeur de Quidditch, je te le dis !! Bravo mon fils !!! exulta le père devant l'air exaspéré du parrain.

 

Décidemment, le sport des sorciers était vraiment le principal centre d'intérêt de James.

 

Le bonhomme en marrons s'extirpa de la main du bébé en s'appuyant sur les petits doigts potelés avec les brindilles qui lui servaient de bras, déclenchant l'hilarité du propriétaire des doigts en question. Le père ébouriffa les cheveux de son fils avant de reprendre son air sérieux quand son ami lui demanda :

- Bon alors, vous avez choisi qui ?

- C'est toi qu'on a choisi, imbécile !! Toi, cria Lily depuis la cuisine.

- Hein ?

- Oui. On a étudié toutes les possibilités. Le directeur lui-même nous a proposé d'être notre gardien du Secret, mais le seul en qui j'ai toute confiance, c'est toi Sirius. Il y aurait bien Remus et Peter, mais l'ancienneté de notre amitié a fait que…

- Quelques minutes seulement séparent notre rencontre et celle de Remus, rappela Sirius.

- Je sais bien, mais…

 

James hésita à révéler la suite de ses pensées, Sirius comprit ce qu'il s'apprêtait à dire et ajouta à sa place :

- Tu as des doutes, toi aussi.

- J'ai des doutes sur presque tout le monde, Sirius, confirma James.

 

Son ami lui répondit en hochant la tête, résigné. Sirius continua :

- A ce propos, James, il faut savoir en qui on peut faire confiance. Il faut trouver le traitre… Et j'ai eu une idée pour y arriver. J'ai même déjà un plan.

- Lequel ?

- La chance, déclara Sirius avec un clin d'œil en sortant une petite fiole remplie d'un liquide couleur or.

- Felix Felicis !!! De la chance liquide !! Mais ça coute une fortune !! s'exclama James.

 

Son ami haussa les épaules et balaya la remarque d'un revers de main :

- Peu importe, c'est toujours mieux que de passer six mois à la préparer, on n'a pas le temps pour ça et j'avais l'argent. Je vais la boire, je trouverai le traître, je pourrai le mettre hors d'état de nuire et nous serons tranquilles. Vous n'aurez peut-être même plus besoin de gardien du secret.

 

James hocha la tête, sachant pertinemment que lorsque Sirius avait une idée en tête, il était impossible de le faire changer d'avis.

 

Petit à petit, une merveilleuse odeur de tourte aux champignons vint chatouiller leurs narines et Sirius se laissa gagner par la douce atmosphère que dégageait le feu de cheminée. Le jeune homme se relaxa enfin. Les trois amis passèrent le reste de la soirée à parler de tout et de rien jusque tard dans la nuit, comme cela leur était déjà arrivé bien souvent. Petite bulle hors du temps dans une époque bien trop sombre. Ces moments leur faisaient du bien et ils en sortaient le cœur plus léger.

 

En rentrant chez lui, il sortit la petite fiole au liquide dorée de sa poche et l'observa. Il ne s'en était pas séparé depuis qu'il l'avait acheté en début d'après-midi. Il retira le bouchon en liège et en avala tout le contenu en quelques gorgées.

 

Au début, il ne ressentit rien. Puis lentement, une sensation enivrante l'envahit. C'était comme si un nombre incalculable de possibilités s'ouvrait devant lui, comme si d'un coup, il était capable de tout et que tout lui réussirait. Il posa le flacon vide devant lui, déterminé, confiant. Léger même. Il sentait qu'il lui fallait lâcher prise. Il n'en aimait pas l'idée, mais il savait au fond de lui que c'était ce qu'il devait faire pour les douze prochaines heures. Sirius en était sûr, à la faveur de la nuit, il allait démasquer le traître ...

 

Il se concentra sur son objectif et une évidence lui sauta aux yeux : pour commencer, il allait se rendre sur les ruines de l'appartement londonien de ses amis. Il visualisa sa destination, puis dans un claquement sec, son corps disparut, pour réapparaître à plusieurs centaines de kilomètres de là, au milieu de l'ancien salon des Potter ... enfin de ce qu'il en restait… Sirius avait transplané.

 

Il éclaira la scène avec sa baguette magique : autour de lui, c'était le chaos le plus total, les quelques meubles qu'ils avaient laissés pour faire illusion jonchaient le sol, brisés. L'appartement était ouvert aux quatre vents, les murs avaient explosé, réduits à l'état de gravas éparpillés au pied de l'immeuble qui tenait encore plus ou moins debout. Apparemment les deux autres étages inférieurs avaient été évacués. Sirius avait donc la place libre pour ses recherches.

 

Au milieu du salon, les pans de son imperméable claquant au rythme des bourrasques, Sirius observait la scène, un sourire confiant sur le visage. Puis soudain, un grattement attira son attention. Il dirigea le faisceau de lumière qui sortait de sa baguette vers l'origine du bruit : une petite souris se tenait près de ce qui avait été l'entrée de l'appartement, le fixant. Qu'est-ce qu'une souris fichait là, à le regarder comme s'il était un morceau de cheddar alléchant ? Il jurerait même qu'elle bougeait ses pattes avant pour l'attirer vers elle.

 

Il s'approcha, obéissant à ce que la potion semblait lui indiquer. La souris s'enfuit à son arrivée et il vit, là où elle se tenait, de subtiles traces de lutte. Il n'y avait aucun doute, quelqu'un s'était retrouvé allongé sur le sol ... et tordu de douleur, probablement l'effet du Doloris, un des trois sortilèges impardonnables dont les Mangemorts raffolaient.

 

Il s'accroupit et approcha la lumière pour mieux observer les indices, la tête penchée sur le côté, les coudes sur les genoux. Un homme avait été torturé ici. S'il se fiait à la taille des sillons laissés dans la poussière, le bougre semblait être plutôt petit. La tête avait dû se trouver là, à sa gauche. Il ramassa quelques cheveux châtain clair, courts, secs et drus. Ainsi coincés entre deux lattes du parquet, il ne les aurait jamais remarqués sans avoir pris la potion.

 

Sur le sol, il repéra aussi des marques circulaires. On aurait dit que la victime avait pleuré, ses larmes se mêlant à la cendre. Le sort semblait avoir duré. L'instinct de Sirius lui criait que c'était Voldemort qui tenait la baguette. Les Potter n'étaient plus là et cela l'avait rendu furieux. L'informateur en avait payé le prix. Qui était-il ?

 

Petit.

Cheveux châtains.

Proche de la résistance.

 

Soudain, il se rappela de la photo de l'Ordre du Phénix qu'ils avaient pris quelques mois auparavant. C'était comme s'il avait le papier glacé sous les yeux. Comme si la potion n'éclairait qu'une petite partie des souvenirs qu'il avait de ce cliché.

 

Là, debout entre les Potter…

 

Peter et ses petits yeux larmoyants, ses cheveux châtain plaqués sur son crâne… Pas beaucoup plus grand que James qui était assis…

Il ressentit comme un coup de poignard au cœur…

 

Non…

Impossible…

Pas Peter…

 

Il était leur ami ! Depuis presque dix ans, ils avaient tout partagé… Tous les quatre : James, Remus, Peter et lui, Sirius, ils avaient formé leur petit groupe et s'étaient eux-mêmes surnommé les Maraudeurs. Unis comme les doigts d'une main.

 

Peter avait toujours été avec eux, même s'il avait parfois eu du mal à suivre, même s'il était un peu moins fort, il ne les avait jamais lâchés et les trois autres l'avaient toujours encouragé à dépasser ses limites.

 

Quand ils avaient découvert que Remus était un loup-garou, James et Sirius avaient décidé de devenir des animagus, envers et contre toutes les règles de l'école et sans autorisation légale. Peter, lui, avait eu des difficultés à se transformer. James et Sirius avaient passé des soirées entières pour l'aider et l'entraîner. Quand il y était enfin parvenu et ils étaient partis fêter ça comme il se devait, avec bon nombre de pintes de Biéraubeurre au bar de Mme Madame Rosmerta, à Pré-au-Lard. C'est là qu'ils avaient décidé de leurs surnoms, en rapport avec leur forme animale : James avait choisi "Cornedrue", Sirius "Patmol", Remus "Lunard" et Peter "Queudver".

 

Quand ils s'étaient promis de dissimuler leur capacité de métamorphose, Peter avait eu peur de se faire prendre mais James et Sirius avaient réussi à le convaincre.

 

Tous les souvenirs remontaient : Sirius qui laissait Peter copier ses devoirs en lui indiquant quels mots changer pour cacher l'imposture.

James et Sirius qui l'avaient tant de fois aidé pour qu'il puisse réussir ses examens.

Sirius qui l'avait coaché pour séduire la fille qui lui plaisait.

Les matchs de Quidditch qu'ils jouaient dans le jardin de James pendant les vacances d'été.

Les soirées entières à rire et à s'amuser dans la tente du camping quand ils étaient allés à la coupe du monde.

Les jeux partagés dans leur salle commune à Poudlard.

Leurs escapades les soirs de pleine lune.

 

Tous ces souvenirs heureux ne faisaient qu'alimenter le sentiment de trahison qu'il ressentait.

 

Il avait eu confiance en lui. Il était son ami et lui aurait confié sa vie… 

Tous ces souvenirs, tout ce qu'ils avaient partagé… C'était du vent ?

Et maintenant, sur la vingtaine de résistants qui formaient l'Ordre du Phénix, combien en restait-il ? Tout ça à cause d'un lâche. D'un traître.

 

Pourquoi ?

 

Sirius ne comprenait pas, pour lui, l'amitié était sacrée. Peter faisait partie des Maraudeurs ! La trahison n'en était que plus douloureuse encore. La déception immense.

 

A présent, sous une impulsion de Felix Felicis, Sirius savait parfaitement ce qu'il devait faire. Il regarda droit devant lui, déterminé, avant de disparaître à nouveau. Il réapparut dans le salon d'un appartement miteux à l'est de l'Angleterre. Il n'y était venu que deux ou trois fois car ils avaient toujours préféré se retrouver chez James ou parfois chez Sirius, et Queudver ne les avait jamais invités. Il ne s'imposait pas, il suivait et se cachait toujours derrière des plus puissants que lui, pour être protégé et bénéficier de leur aura. Comment Sirius et tous les autres avaient-ils pu ne rien voir ? Étaient-ils tous aveugles à ce point ? Sirius enrageait.

 

Un rapide coup d'œil lui confirma que le propriétaire des lieux était absent. Sur la table, des potions étaient renversées, se vidant de leur contenu. Il s'approcha, passa son doigt dans les gouttes et le porta à son nez : des potions de soins, pour guérir les ecchymoses et soulager les douleurs.

- Voyez-vous ça…

 

Il se retourna et avisa un petit pot de cuivre sur le linteau en bois de la cheminée. Le couvercle était ouvert et de la poudre ressemblant à de la cendre était dispersée tout autour : de la poudre de cheminette. Ainsi la cheminée de l'appartement de Queudver avait été reliée au réseau de transport magique, alors que cette façon de voyager était particulièrement surveillée par le ministère. Voilà qui était étrange pour un membre de l'Ordre.

 

A côté du bocal, était posée une photo des Maraudeurs. Ironique.

 

Sirius s'en saisit et examina l'image : James lui faisait un grand signe sur le papier glacé, le bras autour du cou de Remus et une version plus jeune de lui-même le regardait en souriant, le coude posé sur l'épaule de Peter, le pouce en l'air. Son poing se serra, froissant le cliché. Ses yeux brûlaient d'une colère sourde, amère comme sa déception. Il jeta l'image dans la cheminée et alla s'assoir dans un fauteuil.

 

Mais à peine fut-il installé, qu'il entendit un feu magique enfler dans l'âtre. Quelqu'un utilisait le réseau de cheminées pour voyager. Il se releva sans bruit alors que son ancien camarade sortait des flammes vertes créées par la poudre de cheminette. En découvrant les bleus sur le visage de son ancien ami, Sirius, aidé par Felix Felicis, se composa un air horrifié et prit un ton inquiet :

- Mon dieu, Peter, que t'est-il arrivé ?

 

L'intéressé sursauta, surpris de trouver son ancien camarade dans son salon à cette heure tardive.

- Sirius… Que fais-tu là? Tu… tu m'as fait peur, dis !

- Mais, tu as des bleus partout, s'exclama Sirius, en s'avançant. Tu as pris une sacrée dérouillée dis-donc, laisse-moi soigner ça ! fit-il en sortant sa baguette.

 

Queudver reculait devant l'insistance de Sirius et se retrouva acculé contre la table.

- De quoi as-tu peur ? Je ne suis pas Voldemort, voyons !

 

Peter tressaillit et se recroquevilla en entendant ce nom. Sirius eut un éclat de rire mauvais, froid, et son visage perdit toute bonhommie :

- Tu as peur d'entendre le nom de ton maître ? Je te comprends, Peter, siffla-t-il la mâchoire serrée.

- Je ne vois pas ce que tu veux dire, Sirius, marmonna Queudver, la respiration saccadée, en lançant des petits regards terrifiés vers la porte.

- Tu as livré James et Lily à Voldemort, espèce de lâche !! Tu oserais le nier ?? hurla-t-il en approchant de Queudver, le visage déformé par la rage, menaçant.

 

Il se saisit du bras de Peter, souleva la manche et appuya sa baguette contre l'avant-bras. La marque des ténèbres apparut : la dernière preuve dont il avait besoin. Sirius accusa le coup, son poing serrant encore plus le bras de son ancien ami, prêt à le briser.

 

Queudver fondit en larmes et tomba à genou devant Sirius, s'accrochant aux pans de son imperméable. Ce dernier se dégagea d'un coup de pied, faisant retomber Peter en arrière. Celui-ci leva les yeux, le visage déformé de terreur :

- Sirius, pleurnicha-t-il, que pouvais-je faire d'autre ? Il est venu me voir, le Seigneur des Ténèbres… Tu ne te rends pas compte… Je n'ai jamais été courageux comme toi, James ou Remus… Celui-dont-On-Ne-doit-Pas-Prononcer-Le-Nom… Il m'a forcé… Je ne voulais pas…

- Ne me ments pas !!

- Il rallie tout le monde. Il est trop puissant. Qu'a-t-on à gagner à s'opposer à lui ?

- On a à gagner des vies innocentes, Peter ! cracha Sirius, animé d'une terrible fureur.

- Mais… il m'aurait tué …

- Alors tu aurais dû mourir, comme nous serions morts pour toi s'il l'avait fallu !!!

 

A ces mots, Sirius releva sa baguette magique qu'il pointa vers Queudver. Celui-ci, dans un dernier élan pour fuir un combat qu'il savait perdu d'avance, se transforma en rat. Mais la chance souriait toujours à Sirius et il avait prévu cette tentative. Il réceptionna donc le rat dans un sac de jute qu'il fit apparaître par enchantement devant l'animal qui n'eut pas le temps de se détourner. Il referma le sac d'un coup de baguette.

- Tu n'iras nulle part, espère de traître. Dumbledore saura sûrement quoi faire de toi.

 

Sirius apporta le rat à l'Ordre du Phénix. Il dut avouer à Dumbledore que les quatre amis avaient enfreint les règles de Poudlard et qu'ils étaient devenus animagus. Le directeur de l'école ne leur en tint pas rigueur, il fut même plutôt impressionné qu'ils aient réussi cet exploit sous son nez. La seule conséquence était qu'ils allaient maintenant être inscrits sur la liste officielle des personnes capables de cette métamorphose. Cela n'arrangeait pas Sirius, ils allaient devoir expliquer pourquoi ils n'avaient pas demandé les autorisations officielles. Mais Dumbledore était persuadé que ses actions de cette nuit allaient jouer en sa faveur et que lui et James ne seraient pas inquiétés.

 

Après sa capture, Peter avoua aux résistants le lieu de rassemblement des Mangemorts, celui où Voldemort avait élu domicile. Et pour la première fois depuis de nombreuses années, l'Ordre du Phénix eut un énorme avantage sur leur adversaire. L'attaque qui suivit fut rapide, meurtrière des deux côtés, mais l'objectif principal fut atteint : Voldemort fut battu. Il fut anéanti dans une formidable explosion qui souffla les murs de son manoir sur la colline surplombant Little Hangleton, où il était né.

 

Plusieurs Moldus des environs affirmèrent avoir vus des flashs lumineux et une sorte de météorite verte traverser le ciel, s'éloignant du lieu de l'explosion. Ce soir-là, les membres de la Brigade de réparation des accidents de sorcellerie du Ministère durent lancer bon nombre de sortilèges d'Amnésie.

 

Quelques jours plus tard, le 31 octobre 1981, James et Lily baptisèrent leur petit Harry, intronisant officiellement Sirius en tant que parrain.

 

La fête se poursuivit dans le cottage de Godric's Hollow et quand tous les invités furent partis, James et Sirius s'installèrent auprès du feu.

 

Alors que Lily était partie coucher le petit, les deux amis discutaient dans le salon, installés dans leurs fauteuils préférés, un dernier verre de Whisky Pur Feu à la main.

- Tu crois vraiment qu'il est mort ? Demanda James, les yeux perdus dans le liquide ambré.

 

Sirius hésita avant de répondre :

- Je ne sais pas. Au fond de moi, je ne crois pas. Ça ne m'étonnerait pas qu'il ait trouvé un moyen de conserver son âme quelque part, en attendant son heure pour revenir. Mais je pense qu'il lui faudra quelques années pour tenter à nouveau quoi que ce soit. Et ça nous laisse suffisamment de temps pour être bien préparés.

- Tu as sans doute raison. Puis avec les procès qui se déroulent en ce moment, on a autre chose à penser… Bon nombre de Mangemorts jurent avoir été soumis au sortilège de l'Impérium… T'y crois toi ?

- Non, pas un seul instant… Mais comment prouver qu'ils ont agi contre leur volonté sous l'effet du sort ? On ne peut pas tous les soumettre au Veritasérum. Du coup, le tribunal risque de les relaxer…

- Il faudra donc continuer à les surveiller. Mais ça, ce sera ton rôle, je crois. Tu l'as accepté, ce poste ?

 

Sirius sourit :

- Tu as devant toi le nouveau capitaine de la brigade d'élite des tireurs de baguette magique ! Apparemment, la traque des grands criminels, c'est mon truc. Je commence la semaine prochaine. Ils veulent même me décorer. Une médaille !! Moi !!

- C'est quand même grâce à ton intervention qu'on a réussi à mettre fin à tout ça…

- Grâce à la chance, surtout, je dirais… Et puis qui sait s'il n'y aura pas un retour de flamme ?

 

Le jeune homme hésita avant de poursuivre :

- Je n'ai fait que boire une potion, James. Cette médaille, je ne la mérite pas. Que veux-tu que j'en fasse…

- Elle ira bien sur ton futur uniforme, lança James, moqueur.

 

Sirius ne répondit pas et préféra changer de sujet :

- Bon, et toi ? Ce poste dans l'équipe de Quidditch d'Angleterre ?  

 

James se passa la main dans les cheveux, les ébouriffant encore davantage.

- Je l'ai refusé. Lily va commencer sa formation de médicomage, alors je vais rester pour l'aider au mieux avec Harry. On m'a offert un poste à mi-temps au ministère, je l'ai accepté. Mais pour l'instant, profitons de ce petit répit, fit James en levant un verre de whisky vers son ami.

 

Lily les rejoignit, encore plus épuisée qu'après la bataille contre les Mangemorts, quatre jours plus tôt. Elle s'écroula dans le fauteuil aux côtés de son mari, jurant qu'endormir un bébé était de loin le combat le plus difficile qu'elle ait mené de toute sa vie, déclenchant l'hilarité des deux hommes.

- Désolé, Lily, je n'ai plus de Felix Félicis ... la nargua Sirius entre deux éclats de rire.

 

***

 

Des années plus tard, dans les sombres forêts d'Albanie, alors qu'il s'intéressait à la magie noire en vue des cours qu'il allait devoir donner dès qu'il rentrerait, un jeune professeur de Poudlard entendit soudain un étrange murmure, semblant s'échapper d'un diadème niché dans un tronc d'arbre.

 

Un diadème, ici ?

Une vielle relique, quelle chance !!

 

Le jeune homme s'en saisit. Le murmure s'amplifia, lui proposant un marché.

 

Lui prédisant gloire, puissance et richesse.

Lui faisant miroiter tout ce qu'il avait toujours désiré.

 

Le jeune homme accepta l'offre, aveuglé par les promesses. Une ombre s'éleva alors du bijou, froide, menaçante, avant de fondre sur lui. Le professeur lâcha l'objet, hurlant de terreur, puis de douleur alors que son âme se déchirait en deux sous la volonté de celui qui partageait soudain son corps.

 

Il tomba à genou et porta les mains à sa tête, là où la douleur était la plus forte. Il était maintenant chauve et, petit à petit en promenant ses doigts à l'arrière de son crâne, il sentit qu'un visage lui déformait la peau. Affolé, il se mit à pleurer. Les larmes coulèrent sur son visage.

 

Qu'ai-je fait ?

 

Ses doigts se mirent à trembler sur sa peau devenue imberbe. Il cria encore.

 

Noooonnn !!

C'est un cauchemar !!

 

Puis il s'évanouit. Quand il se réveilla, l'esprit un peu plus clair et la douleur estompée. Il amena ses mains derrière sa tête et gémit en constatant que le visage était toujours là. Il enroula alors méticuleusement son chèche autour de sa tête en une sorte de turban pour cacher son hideuse transformation. Soudain, une voix s'éleva entre ses oreilles :

- Les vacances sont terminées, Quirinus. Il est temps de rentrer à Poudlard.

 

Le jeune professeur releva la tête, débarrassé de toute douleur et lui répondit, tremblant, terrorisé et soumis :

- Oui, Lord Voldemort. Je ferais selon vos ordres, mon maître.


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