Lettockar, tome 1 : la honte des écoles

Chapitre 3 : Les Choixlettes magiques (partie 2)

3746 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 22/12/2021 16:52

3. Les Choixlettes magiques (partie 2)


L'esprit grandement confus, Kelly rejoignit ses camarades à la table de couleur bronze, s'asseyant entre John et Naomi qui la félicitèrent copieusement. Quand « Ziltrov, Iena ! », la dernière élève de la liste, fut envoyée à Ornithoryx, le festin put débuter. Doubledose frappa dans ses mains, et les plats, saladiers et bouteilles se remplirent de mets en tout genre et de toutes origines, sans doute pour rendre hommage au cosmopolitisme de Lettockar : tacos, steak-frites, couscous, saumon au miel, bortsch, curry de veau, paella, choucroute… il y en avait pour tous les goûts. Kelly se rendit compte qu'elle était affamée, et se jeta sur la nourriture, à l'image de tous ses camarades. Il ne lui manquait que du jus de raisin.


Tout à coup, un grand élève, âgé d'une quinzaine d'année, avec de longs cheveux blonds attachés en dreadlocks, de petites lunettes rectangulaires et un visage aux joues grisées par un début de barbe, s'assit parmi les élèves de première année. Sur son uniforme, au-dessus du sigle de Lettockar, il portait un insigne métallique de couleur bronze où un « P » était gravé. Sous le regard interloqué de ses cadets, il déclara d'une voix chaude et apaisante :


- Bonjour les jeunes ! Je me présente : je m'appelle Peter Shengen, et je suis le préfet de la maison Dragondebronze. C'est-à-dire que je suis chargé de faire respecter le règlement de l'école par les élèves, mais je suis aussi là pour vous guider à travers Lettockar, et pour répondre à toutes les questions que vous vous posez à son sujet. Alors, dites-moi un peu qui vous êtes ?


Tous les nouveaux élèves de Dragondebronze se présentèrent à lui. En plus de John, Naomi et Stephen Borntobewaïld, il y avait Gudrun Emilsdottir, une islandaise blonde au physique athlétique ; Huffö Gray, un australien de grande taille, également blond ; Giovanna-Paola Martoni, l'italienne avec qui Kelly avait pris le bateau ; Ludmilla Suarlov, une jolie russe aux beaux cheveux roux ; Maria Talbec, une française aux cheveux noirs attachés avec de très grandes dents ; et enfin Milosz Wavarum, un bulgare trapu à l'air patibulaire. Une petite conférence s'engagea alors entre les petits nouveaux et leur préfet.


- Je suis content, cette année, les première année ont des origines assez variées, déclara celui-ci. En général, Lettockar accueille surtout des gens des pays d'Europe de l'Est…


- Ah, pourquoi ? s'étonna John.


- Parce que l'école où ils sont censés aller refuse catégoriquement les Nés-Moldus… donc évidemment, ils sont envoyés ici.


- C'est ignoble… commenta Huffö Gray.


- Et toi, Peter, tu viens d'où ? demanda Kelly.


- Aucune idée, je suis orphelin. J'ai été élevé au Chemin de Traviole, dans un centre d’accueil où on ne m'a jamais dit où j’avais été trouvé...


Les yeux de Kelly s'arrondirent, mais Peter resta serein. Naomi, très sérieuse, demanda :


- Comment se passent les cours, Peter ?


- Pour vos deux premières années, vous aurez sept matières : sortilèges, métamorphose, botanique, potions, astronomie, histoire de la magie et balai volant. Il y a trois heures de cours par semaine pour chacune, sauf pour l'astronomie et le balai, où il n'y a que deux heures. En troisième année, on arrête le balai volant, et on a deux nouvelles matières : divination et Gestion de bestioles. Vous pourrez aussi choisir l’option arithmancie, mais attention, c’est extrêmement difficile.


- Gestion de bestioles ? Qu'est-ce que c'est ? interrogea Milosz Wavarum.


- La matière qui t'apprend tout ce qu'il y a à savoir sur les créatures magiques : qui elles sont, où on en trouve, comment s'en occuper, ou plutôt comment s'en protéger. En première année, vous ne serez qu'entre élèves de votre maison dans votre classe : c'est mieux de débuter sa scolarité en petit groupe. Par contre, dès la deuxième, toutes les maisons sont rassemblées en une seule classe. Les classes de sixième et septième année sont aussi fusionnées, il y a un programme établi sur deux ans. Ils ont moins d'heures de cours, mais plus de travail à côté en contrepartie...


Giovanna-Paola Martoni hochait ostensiblement la tête d'un air assuré, pour souligner qu'elle était déjà au courant de tout ce que Peter expliquait à ses condisciples. Le dîner et la conversation se poursuivirent tranquillement, jusqu'à ce que des cris retentirent à la table bleue ; un être complètement translucide venait de la traverser comme si elle n'existait pas et flottait à présent dans les airs. Il était vêtu d'une djellaba, avait une grosse barbe noire, se bouchait bizarrement les oreilles avec ses index, et ouvrait la bouche en grand en pivotant de droite à gauche, comme s'il essayait de chanter, mais aucun son ne sortait.


- Ah, voilà les fantômes de maison ! s'exclama Peter, intéressé.


- Les quoi ?


- A Lettockar, il y a un spectre assigné à chaque maison. Celui-là, c'est le Muezzin Aphone, le fantôme de PatrickSébastos...


- Muezzin Aphone ? répéta John, sidéré. Ben dis donc, ça doit pas être facile…


- En effet. Le fantôme de Becdeperroquet, c'est Josette la Dyslexique...


Il désigna le spectre qui flottait au-dessus de la table rouge : une jeune fille de dix-sept ou dix-huit ans au visage rubicond, assez corpulente, l'air perdue et timide, portant un foulard sur la tête.


- Et notre schpectre à nous ? Il rechemble à quoi ? demanda Kelly, la bouche pleine de nourriture.


- YOHOOOOOOOOOOO !


Toute la table de Dragondebronze sursauta, effrayée par ce cri qui venait de retentir. Un autre fantôme était en train de se balancer au bout d'une longue corde qu'il avait suspendu à la grosse boule du plafond. Lorsque la silhouette transparente lâcha le filin, elle fit une série de saltos et atterrit sur ses deux pieds au beau milieu de la table, les poings sur les hanches, toisant l'assemblée avec un enthousiasme condescendant.


C'était une femme d'une quarantaine d'années vêtue comme un pirate, avec un long manteau élimé, un corset noir et un grand chapeau de mousquetaire rapiécé au bord gauche relevé, orné d'une touffe de plumes courbes. Elle possédait un sabre d'abordage dont le fourreau était accroché à une bandoulière de cuir, ainsi que deux mousquets à sa ceinture rayée. Sous son couvre-chef, elle avait de longs cheveux bouclés qui avaient dû être blonds de son vivant. Sur son visage dur et blafard, son œil gauche, pourfendu par une cicatrice recousue qui s'étirait du front à la joue, était tout blanc, dépourvu de pupille.


- Je vous présente le fantôme de Dragondebronze… commença Peter.


- Capitaine Roselyne Bachelefeu, frangine de la côte ! acheva la concernée d'une voix qui résonnait comme en écho.


Elle s'avança alors d'un pas conquérant vers l'endroit où étaient assis les première année. Certaines personnes ôtaient précipitamment leurs assiettes et leurs couverts à son passage, mais c'était inutile : ses pieds bottés traversaient tous les objets devant elle sans les faire bouger.


- Légende de la flibuste, fléau des océans, et terreur des espagnols ! De mon vivant, les matelots de sept mers tremblaient en entendant mon nom, et pissaient de trouille en apercevant mon pavillon ! J'ai pillé et coulé des centaines de galions avec mon sabre et ma baguette. Mes rapines ont permis à Lettockar de vivre sur ses deniers pendant des siècles ! Alors les morveux, qu'est-ce que vous dites de ça ?


Les interpellés se regardèrent entre eux, déconcertés.


- Euh… impressionnant ! répondit Maria Talbec, hésitante.


- Et ouais moussaillonne ! Y'a pas de doute, de tous les fantômes de maison, c'est moi la meilleure. Ceux de PatrickSébastos, Becdeperroquet, Ornithoryx… j’les aime bien, hein, mais ils ont pas ma prestance, c'est certain !


Elle prit une posture orgueilleuse, caressant la poignée de son sabre de son index gauche. Kelly leva un sourcil dubitatif. Gudrun Emilsdottir, qui regardait la pirate d'un air amusé, la questionna :


- Et c'est qui, le fantôme d'Ornithoryx ?


- C'est le ruskov en fourrure, là-bas, Ivan le Chiasseux ! répondit Roselyne avec énergie.


Elle désigna du menton un ectoplasme barbu à la stature imposante qui venait d'arriver, effectivement vêtu d'un énorme manteau de fourrure et d'une chapka, mais qui avait surtout la particularité de ne pas être blanchâtre comme ses congénères, mais complètement marron. Et il n'y avait pas besoin d'être un génie pour deviner la substance dont il était recouvert pour avoir une telle couleur et qui lui avait valu un tel sobriquet...


- Et hum… comment il a fait pour être couvert de merde ? demanda John à Roselyne, embarrassé.


- J'ai jamais osé lui demander, répondit-elle d'un ton joyeux.


Bien que profondément dérangée et dégoûtée, Kelly ne pouvait pas détacher son regard d'Ivan le Chiasseux. Les élèves d'Ornithoryx n'avaient pas l'air particulièrement honorés de l'avoir pour fantôme.


- Bon allez les jeunes, claironna Roselyne, j’vous souhaite bon courage pour cette année ! Si vous avez b’soin d'aide ou simplement de causer, vous pouvez venir me voir, j'habite dans un recoin de la crique de la Colline du Roc. Je s’rai ravie de vous aider. Et si y'a un chien galeux qui vous embête et vous cherche des crosses, à vous, les élèves de ma maison...


Elle dégaina alors un de ses mousquets d'un geste fulgurant et tira en une fraction de seconde dans la tête de Milosz Wavarum, qui poussa un grand cri de terreur. Mais la balle fantomatique ne fit que lui traverser la tête sans lui laisser aucune trace. Roselyne sourit d'un air goguenard et acheva :


- J'le farcis de plomb !


Et, dans un éclat de rire tonitruant, elle s'envola vers un endroit plus éloigné de la longue table, et s'assit parmi des élèves qui avaient l'air d'être en sixième ou septième année et commença à parler avec eux. Kelly se pencha vers Peter et lui chuchota :


- Elle se la pète un peu, non ?


- Assez, oui, admit Peter en hochant la tête. M'enfin, elle est plutôt cool malgré tout. Et puis, si un jour elle te gonfle, parle-lui de sa mort, ça lui fait tout de suite perdre sa superbe...


- Ah ? Elle est morte comment ?


- Un soir où elle était complètement ivre, elle a voulu voler sur un balai, mais c'était un balai normal. Elle est tombée à l'eau, et elle s'est noyée.


Kelly éclata de rire. D'autre fantômes, qui n'étaient pas liés aux maisons, arrivèrent peu après, au nombre d'une vingtaine. Ils avaient des accoutrements très divers, de tous les pays et de toutes les époques. Certains étaient exubérants, faisaient beaucoup de bruit, d'autres étaient plus discrets mais regardaient les élèves avec de drôles d'airs, comme s'ils préparaient un mauvais coup. Kelly jeta un regard à ses voisins de table. Naomi était livide, avait les lèvres pincées par la nervosité, et n'osait pas regarder les esprits en face. Elle avait l'air beaucoup plus apeurée que les autres première année…


Au bout de deux heures de repas, le professeur Doubledose se leva, frappa dans ses mains et sonna la fin du festin :


- Allez, fini de rire, l'année a débuté maintenant ! Tout le monde au plumard. Et aux nouveaux, je dis : bienvenue à Lettockar !


Un concert de raclement de banc eut lieu, et les centaines d'élèves prirent le chemin de la sortie. Les préfets prirent la tête des groupes de première année pour les guider vers les salles communes des maisons, les endroits où vivaient leurs élèves. Avant de sortir de table, Kelly risqua un dernier regard à la table des enseignants, qui s'étaient levés et quittaient leur estrade. Elle remarqua que le professeur ventripotent au costume rayé (qui discutait avec le type en poncho, le grand moustachu et l'étrange homme à lunettes en manteau noir) boitait et marchait avec une canne en bois luisant qui claquait bruyamment sur le sol dallé, et que le directeur Doubledose fumait un énorme cigare cubain. Et en levant les yeux, elle s'aperçut que sur un immense vitrail circulaire qui surplombait la table, les armoiries de Lettockar étaient gravées, comme sur la pierre d'où étaient sorties les Choixlettes. Et en-dessous, Kelly découvrit avec stupeur la devise de l'école.


Si vous n'êtes pas contents, vous n'avez qu'à aller à Durmstrang.


Peter les ramena dans le grand hall, tâchant de faire s'écarter les autres élèves, pour qu'ils laissent un peu d'air aux novices qui avaient déjà passé une journée éprouvante. Néanmoins, tous ses aînés ne partageaient pas son empathie, et au milieu de la marée d'étudiants, Kelly fut plusieurs fois bousculée par de grands gaillards ou des filles hautaines, tous pressés d'aller retrouver leur salle commune. Du coin de l’œil, elle vit aussi Viagrid, copieusement alcoolisé, sortir du château par l'immense porte d'entrée d'un pas lourd et titubant, en chantant horriblement faux des airs paillards.


Le petit groupe poursuivit son ascension dans l'école. Depuis les escaliers, ils aperçurent au loin les salles de classe du premier étage qui, comme le rez-de-chaussée, fourmillait d'éléments décoratifs : portraits vivants, statues, tapisseries, armures en tout genre, etc. Au deuxième étage, du reste assez similaire au précédent, un carrefour menait vers les deux grandes tours carrées de chaque côté du château, que Kelly avait vu de l'extérieur. Celle de gauche abritait les appartements des Dragondebronze, et celle de droite les appartements des Ornithoryx. En gravissant les marches, Peter leur expliqua que chaque salle commune était gardée par un tableau vivant auquel il fallait donner un mot de passe, connu – officiellement – seulement des élèves de la maison correspondante. L'escalier s'arrêtait devant une première grande porte en bois, qui donnait sur un vaste vestibule… où de nombreux élèves piétinaient devant l'entrée.


Le portrait-gardien représentait cinq vieillards les uns à côté des autres, tous pourvus de longues barbes et de longs cheveux, et portant chacun un grand bâton. Le magicien au centre, l'air sévère et autoritaire, portait une majestueuse robe immaculée et s'appuyait sur un bâton noir ; sur la droite, il y avait un homme vêtu de gris, avec un chapeau pointu aux larges bords, a l'air débonnaire, et un autre avec une robe brune, plus petit et tassé, arborant une expression légèrement ahurie. Sur la gauche, un peu en retrait, il y avait deux mages encapuchonnés vêtus de robes bleues. Ils étaient en pleine discussion apparemment houleuse. Kelly entendit le magicien habillé en blanc tonner d'une voix grave et suave, mais où perçait la colère, à l'intention de son collègue aux vêtements marrons.


- Je n’ai pas de leçons à recevoir d'un crypto-zoophile qui préfère parler avec des piafs que de faire son boulot !


- Laisse donc Radagast tranquille, vendu ! gronda le magicien vêtu de gris.


- Je parle peut-être aux oiseaux, mais je n'ai pas trahi la Terre du Milieu toute entière, MOI ! renchérit le magicien habillé en brun.


- Je n'ai pas trahi ! protesta l'accusé. J'ai pris les devants pour assurer l'intérêt général des peuples de l'Ouest. Leurs gouvernants étaient tous des incapables, des prétentieux ou des faibles. Si j'ai voulu prendre le pouvoir, c'est pour proposer un chef digne de ce nom, qui aurait mis de l'ordre dans tout ça et su faire entrer la Terre du Milieu dans le Quatrième Âge...


- Dites, vous pourriez nous ouvrir ? intervint une élève, exaspérée. On a donné le mot de passe, c'est Hypertrichose !


- On la connaît, ta rengaine, railla le magicien gris, ne prêtant aucune attention à la jeune fille. Tu n'as trompé personne ! L'histoire m'a donné raison, et tu as tout perdu après ça, y compris le droit de l'ouvrir !


- Vous pouvez pas vous calmer un peu ? soupira l'un des mages vêtus de bleu.


- Alatar a raison, il y a des jeunes qui attendent, là ! l'appuya son semblable.


La foule d'élèves essayant de rentrer dans la salle commune était en effet de plus en plus dense, mais l'invraisemblable dispute des sorciers peints les empêchait irrémédiablement d'y pénétrer.


- Vous, les planqués, on vous a pas sonné ! répliqua alors le magicien gris.


- Planqués ? s'étrangla le dénommé Alatar.


- Parfaitement, les planqués ! Vous avez strictement rien foutu pendant deux mille ans ! A peine vous étiez arrivés que vous êtes partis dans les régions de l'Est, et on vous a jamais revus ! Soi-disant pour aider les péquins locaux, n'empêche qu'on a jamais vu de résultats ! Même Saroumane a fait mieux que vous ! cria-t-il en désignant du pouce le sorcier habillé en blanc.


- Foi de Pallando, ça ne se passera pas comme ça ! rugit le deuxième sorcier bleu en brandissant son bâton. Retire ça immédiatement, sinon...


- Sinon quoi ? Tu vas me jeter du couscous à la figure ?


- Euh… s'il vous plaît ? Hypertrichose ? tenta timidement une autre élève.


- Gandalf, arrête immédiatement, c'est un ordre ! tonna Saroumane, ignorant toujours le mot de passe.


- Un ordre, mes fesses ! C'est plus toi le chef, d'abord !


- Va laver ta robe, et ensuite, tu pourras contester mon autorité !


Gandalf, Saroumane, Radagast, Alatar et Pallando : Naomi expliqua plus tard à Kelly que ces personnages étaient les Cinq Magiciens de l'univers de J.R.R Tolkien. Mais comment diable avaient-ils atterri dans ce tableau ? Et qu'est-ce qui leur prenait, à se disputer ainsi au point d'ignorer les personnes qui voulaient passer ? Excédé, Peter mit ses mains devant sa bouche en porte-voix, et cria de toutes ses forces :


- Youhou, les gars ! Hypertrichose !


- Oui, oui, c'est bon, on vous ouvre ! répondit Saroumane en levant la main.


- Hé, c'est pas toi qui décide quand on ouvre ! intervint Radagast.


Le tableau pivota enfin, découvrant la fameuse salle commune des Dragondebronze, dans laquelle les élèves se ruèrent littéralement, de peur que le portrait se referme et qu'ils aient à subir plus longuement la dispute des magiciens. Le rez-de-chaussée consistait en un grand salon au sol couvert de moquette. Il y avait une vaste cheminée en pierre où un bon feu ronronnait, et plein de fauteuils, de canapés et de tables basses partout. Au sujet du portrait, Peter déclara d'un ton désabusé :


- Il faudra vous habituer aux Istari. Ils passent leur temps à s'engueuler. Du coup, on est souvent obligés d'attendre qu'ils se calment avant de pouvoir entrer...


Les première année étaient tout bonnement consternés.


- Dans mon souvenir, ils parlaient plus poliment que ça… dit d'une petite voix Naomi, qui avait probablement d'ores et déjà dévoré les livres de Tolkien.


- Ah ben, ils ont été un peu personnalisés par celui qui les a mis là… soupira Peter.


- Et qui les a mis là, au juste ? lança Kelly d'un ton âcre.


- Le portrait-gardien de chaque salle commune et les mots de passe sont choisis par le directeur de maison, selon ses goûts. C'est-à-dire le professeur qui est chargé de suivre le parcours des élèves de sa maison, ajouta-t-il en voyant les regards interrogateurs de ses interlocuteurs.


- Et euh… le nôtre, comment il invente les mots de passe ? demanda Ludmilla. Parce qu'il est un peu bizarre, celui-là…


- Le professeur McGonnadie donne des noms de maladie qu'il trouve rigolotes.


Souriant faiblement devant l'air ahuris de ses cadets, le préfet leur souhaita la bonne nuit et se rendit au dortoir des garçons, qui se tenait au premier étage de la tour ; celui des filles était au second, et au rez-de-chaussée, il y avait des salles de bain et des toilettes en plus du salon. Fatiguées, Kelly et les cinq autres filles de sa promotion grimpèrent vers leur chambrée, et consultèrent une fiche placardée à l'entrée du dortoir qui indiquait quel lit leur avait été attribué à chacune. Par un heureux hasard, Kelly elle était à côté de Naomi, au numéro 14.


Il y avait de grands lits à baldaquin, pas tous en excellent état, à côté desquels chaque élève avait droit à une commode et une minuscule table de chevet. Les filles y vidèrent leurs valises qui avaient d'ores et déjà été amenées par les domestiques du château. Plus tard, une fois ses dents brossées, Kelly se rendit compte en se déshabillant qu'en prenant ses quartiers dans la tour de Dragondebronze, tout le liseré de sa robe d'écolière avait pris une teinte bronze, couleur de sa maison.


C'était fait, se dit-elle en se couchant. Elle était élève en sorcellerie à l'Institut Lettockar. Pourtant, elle n'aurait pas pu affirmer qu'elle était fière, ou même simplement contente. Il y avait encore tellement de questions, tellement de doutes, de craintes… qui lui rongèrent longtemps l'esprit avant qu'elle ne parvienne à s'endormir.


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