Les Amours de Radimir Vynoque
Paris- 2 jours plus tard
Il n’y avait que peu de touristes et de passants dans les rues de Paris en cette soirée d’été orageuse. L’air était chaud et moite et le ciel plus noir que de l’encre de seiche. Les derniers photographes amateurs avaient quittés la rue Saint-Antoine, là où s’élevaient, des siècles plus tôt, une partie des anciens bâtiments d’une célèbre prison parisienne. Un éclair déchira le ciel, faisant fuir un chat miteux auquel il manquait un œil. L’animal alla se terrer tout droit dans un caniveau de la même rue. Il passa à travers les barreaux conduisant aux égouts, et s’y terra le temps que l’averse passe. Soudain, une voix qui n’était alors qu’un murmure se fit entendre au fond du caniveau. Le chat suivit prudemment cet étrange et lugubre son. Il se rendit peu à peu compte que l’endroit où il se terrait n’avait rien d’un égout. En s’enfonçant de plus en plus bas dans les tréfonds de la terre, l’animal galeux pu s’apercevoir que les canalisations menaient à un réseau de cellules. Sans que ce sac à puces ne put comprendre pourquoi, il était toujours irrémédiablement attiré par cette voix qu’il suivait et qui se faisait de plus en plus distincte. Tel le chant d’une sirène, elle le conduisit à ce qui semblait être un cachot. Un petit trou dans le mur lui permit de se faufiler à l’intérieur. Le chat passa une patte, puis l’autre dans ce minuscule interstice. Il s’apprêtait à y glisser sa tête quand quelque chose l’agrippa fermement. Il se débâtit, se hérissa, cracha, mais rien n’y fit. Il était irrémédiablement tiré vers l’avant. Une Créature tout droit venue de l’enfer avait saisi le chat. C’était un Monstre Lugubre, aux effluves putrides, aux yeux rouges lançant des regards abjects et aux griffes acérées. A la vue du pauvre animal qu’elle venait d’attraper, l’Ange de la Mort ne put s’empêcher de laisser dégouliner de la bave visqueuse aux coins de ses lèvres répugnantes. Avec un dernier regard libidineux au chat, qui laissait percevoir sa perversité et sa lubricité, la créature entreprit de frotter son entrejambe gluant contre le corps apeuré du pauvre animal en détresse. Pendant qu’elle gigotait, elle lançait des cris perçants de jouissance et de plaisir impur qui auraient pu figer de terreur n’importe qui. Une fois sa besogne achevée, elle dévora l’objet de son plaisir, le déchiquetant à coups de dents. Il ne restait plus rien du pauvre chat galeux…
Après cet intermède, l’Ange de la mort, rassasié, se remit à son ouvrage. Elle sortit un grand rouleau de parchemin, prit une plume entre ses longues griffes et tâcha de continuer son œuvre. Il s’agissait d’un manuscrit sur lequel on pouvait voir le titre écrit en lettres noires : Les 120 journées de Sodome. En imaginant toutes les tortures sexuelles qu’elle allait bien pouvoir faire vivre à ses personnages fictifs, elle émit un rire retentissent.
« - C’est pas bientôt fini oui ? lança une voix, qui venait du cachot d’en face.
Cette injonction avait été lancée par un vieux monsieur rondouillet. Radimir Strauss-Khan, son voisin de cellule serait une parfaite inspiration pour son personnage principal. Il avait été enfermé là dix ans avant elle et avait déjà réalisé bons nombres d’abus sur les gardiens et nettoyeurs du bâtiment. Elle, elle n’avait débarqué ici que depuis deux jours. C’était une prison pour sorciers et créatures libidineuses ultra sécurisée, fondée dans les restes de la Bastille. Elle n’avait pour l’instant que très peu de chance d’en échapper. Elle repensa à sa confrontation avec le brave Radimir Vynoque et le cuisant échec qui l’avait conduit à redevenir une créature des ténèbres, oubliée de tous, embastillée...
- Le misérable, grogna-t-elle, il ne perd rien pour attendre, je me vengerai… »
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« -MMMMMMMMMMMMMOOOOOOOOOOOOAAAAAAAAAAARRRRRRRRRRFFFFFFFFFFFFFFFF ! »
Dans un grognement plus tonitruant que jamais, Radimir Vynoque ouvrit les yeux. Il lui semblait se réveiller d’un affreux cauchemar. Sans bouger, il cligna plusieurs fois des paupières. Il n’y voyait RIEN. Tout était flou autour de lui. La seule chose qu’il arrivait à percevoir était une grande étendue immaculée de blanc au dessus de sa tête.
« Me voilà au Paradis. Je suis monté au ciel. Elevé au rang de martyr de la nation. J’aurais le droit de présider à la table de mes aïeux ! Ah ! C’est prodigieux ! Je ne me suis jamais senti aussi léger ! Je m’envole vers ma demeure éternelle ! Oh ! Nicolas Poussin ! Mon cher cousin germain ! Nous allons enfin nous rencontrer ! »
Fou de joie, Vynoque esquissa un geste vers l’avant. Mais au lieu de voler vers les cieux, son corps se retrouva fermement maintenu en arrière.
« Mais qu’est-ce… qu’est-ce c’est que ce chausse trappe… »
En effet, non seulement Radimir ne décollait pas du sol, mais il se rendit rapidement compte qu’il était solidement attaché à ce qui lui semblait être un lit.
Tout en se débattant pour essayer de se libérer de ses liens, notre professeur rond tentait d’analyser l’endroit où il se trouvait. Mais sans ses lunettes, il était aussi myope qu’une taupe. Il ne voyait rien d’autre que des formes floues de couleurs pâles.
Soudain, Vynoque se figea, le cœur battant. Snape. Où était Snape ? Si on l’avait attaché lui, qu’en était-il du ténébreux professeur de potion qui avait risqué corps et âme pour sauver son honneur ? L’Ange de la mort avait-elle réussi à se libérer ? Severus était-il séquestré dans cette prison vaporeuse à ses côtés ? Et si, en ce moment même, la Créature Libidineuse était entrain de lui faire subir les pires supplices ? A cette pensée, Radimir sortit de ses gonds. Gesticulant dans tous les sens et tentant de rebondir à tout bout de champ, il s’égosillait comme un âne à l’abattoir :
« -SNAPE ! SNAAAAAAPE ! RENDEZ-MOI MON BON SNAPE ! EH ! OH ! ANGE DE LA MORT ! BRANQUIGNOLE ! JE VOUS PRÉVIENS ! SI VOUS ME DEMONTEZ MON AMANT, JE VOUS DÉSOSSE ! EN COMMENÇANT PAR LE CHIGNON ! JE VAIS VOUS COUPER LA MOUSTACHE À LA TURQUE MOI, VOUS ALLEZ VOIR ! RAPPLIQUEZ VITE ICI, ET VENEZ M'AFFRONTER SI VOUS L’OSEZ ! VERMINE ! RACASSE ! GALAPIAT ! C’EST A VOUS QUE JE CAUSE ! »
C’est alors qu’en poussant un beuglement digne d’un bœuf irlandais, Vynoque se redressa d’un coup sec et brisa les chaînes qui retenaient ses bras. Mais avant qu’il tente de détacher les liens qui entravaient son ventre, une main se posa sur celle de notre bon professeur. Celui-ci se calma immédiatement, les larmes aux yeux alors qu’il caressait doucement les fines phalanges posées contre les siennes. Il plissa ses yeux en trous de pine pour tenter d’apercevoir la personne qui se tenait en face de lui. Il parvint à distinguer un visage, dont il ne pouvait discerner les traits, entouré d’une sombre chevelure noire de jais :
« - Snape ? C’est bien vous ? Ah ! Snape ! Mon amour ! Que j’ai eu peur ! Je pensais vous avoir perdu à jamais ! Quand cette Immonde Bestiole vous a blessé, j’ai cru que le monde s’effondrait sous moi. Et à l’instant, j’ai eu si peur de ne plus vous revoir, que…
La voix de notre Radimir se brisa. En versant de tendres larmes, il attrapa la main chaude de son interlocuteur et la baisa tendrement.
- Ne vous en faites pas Camarade Vynoque ! Je suis en pleine forme et prêt à vaincre une bonne fois pour toute les ennemis de la Grande Nation Socialiste !
Radimir lâcha la main du petit elfe Astruk, qu’il avait pris pour Snape. Il eut un haut de cœur si grand qu’il se détacha d’un coup des derniers liens qui l’emprisonnaient.
-POOOOOUUAH ! cria-t-il en se frottant énergiquement la bouche. ESPECE DE POUILLEUX ! AVEC VOTRE MECHE LÀ ! VOUS N’AURIEZ PAS PU ME DIRE PLUS TÔT QUE C'ÉTAIT VOUS ? À mon époque, on embastillait les usurpateurs d’identité comme vous !
Astruk, médusé par le visage de poupon moustachu du Vynoque sans lunettes, resta sourd à ces injonctions. Il tendit à Radimir ses bésicles posées sur sa table de chevet. Notre professeur rond les chaussa et put enfin découvrir clairement son environnement. Il était à l’infirmerie. On l’avait installé sur un lit à l’écart des autres, dans le fond de la salle, pile en dessous d’un tableau d’où on pouvait voir dépasser le regard de fouine de l’Amolissante, attirée par le bruit. Au loin, il aperçut Madame Pomfresh qui portait un énorme cache-oreilles.
- Mais enfin ! s’exclama Radimir, On n’a jamais imaginé un tel trafic ! Qu’est-ce que je faisais attaché sur mon lit ? Et puis depuis combien de temps je suis ici d’abord ? Et l’autre couenne de Pomfresh qu’est-ce qu’elle fait avec une chapka sur la tête ?
- Vous êtes ici depuis plus d’une semaine Camarade, lui répondit Astruk. C’est Dumbledore lui-même qui vous a ramené ici lorsqu’on vous a découvert ce soir là. Vous étiez alors endormi et vous ne vous êtes pas réveillé avant aujourd’hui. Enfin… Pas vraiment. Vous avez beaucoup grogné pendant votre sommeil. On a du jeter des sorts d’insonorité sur toutes les salles du château pour pouvoir travailler et dormir en paix. Sans parler de toutes ces crises de somnambulisme que vous nous avez faites ! Les deux premières nuits, vous vous êtes levé en tout six fois de votre lit. A chaque fois on a lancé des recherches dans tout Poudlard. C’est pour ça qu’on a fini par vous attacher. Une nuit, on vous a même retrouvé au beau milieu du lac ! Ahah ! Vous vouliez surement laver votre corps du putride parfum de l’individualisme !
Astruk partit alors d’un rire gras, le petit doigt posé contre sa joue. Mais Radimir n’était pas tout à fait satisfait par cette explication.
- BON. Ça explique pourquoi l’autre garde-malade à un casque de parachutiste sur la tête. Mais Snape ? Il était avec moi ce soir là. Il est où maintenant ? Pourquoi c’est vous qui êtes éploré à mon chevet et pas lui ?
- Snape a été admis ici en même temps que vous, mais il s’est vite réveillé. Une fois debout, il a refusé de rester à l’infirmerie et il est allé se terrer dans ses appartements. Il n’en sort pas beaucoup. Mais il vient souvent vous voir la nuit. Il s’assoit à côté de vous et il vous regarde. C’est une étrange attitude si vous voulez mon avis. Alors que moi, qui ai aussi été soigné ici… »
Vynoque n’écoutait déjà plus. Il s’imaginait en frémissant Snape le regardant dormir tous les soirs depuis une semaine. À cette simple idée, il se sentit raidir d’envie. Voulant éviter de devenir plus dur que marbre devant l’elfe mécheux, il détourna le regard en quête de distraction. Il en trouva une rapidement. Sur sa table de chevet étaient disposés des petits cadeaux de tailles différentes ainsi que plusieurs lettres. S’il y a bien une chose que Radimir adorait par-dessus tout, c’était quand on lui offrait des cadeaux. D’autant plus si dans le lot, il lui était possible d’en recevoir un de Snape. Il se précipita vers la table pour examiner ses présents.
Dumbledore lui avait écrit une longue missive, qu’il ne prit pas la peine de parcourir, et lui avait offert un bouquet de roses. Cet ostrogoth de MacMolsby, une boite de chocolat. La MacGonagall avait déposé un manuel de potion tout neuf à son chevet. Il avait même reçu un papillon en papier de ces deux drôles de Serdaigles, qui voletait à présent tout autour de lui.
« - Le Professeur Snape, ce chien égoïste, ne vous a rien offert, constata Astruk posté au dessus de l’épaule du professeur.
- MMMMMBBBBBBBRRRRRR. Vous non plus à c’que je sache !
- Eh bien figurez vous que si Camarade Vynoque ! s’exclama joyeusement le mécheux en sautant sur ses pieds. J’ai une grande nouvelle à vous annoncer. J’ai demandé à Dumbledore de me permettre de devenir votre efle de maison personnel ! Il a accepté bien sûr, il ne pouvait pas me le refuser. Il était hors de question que je continue d’obéir aux ordres de ces raclures de sorciers tsaristes. Je préfère passer mes jours auprès de vous Camarade ! Je sais que vous n’abuserez pas de moi et de ma condition ! Nous sommes égaux dans la lutte pour l’égalité de toute façon ! J’ai hâte de commencer ma nouvelle vie avec vous. D’ailleurs, j’ai fait ma valise et je vous conseille vivement d’aller boucler la votre. Le Poudlard Express doit partir dans deux heures ! Il faut nous dépêcher ! »
Radimir fut pris d’un vertige soudain face à toutes ces informations qui lui sautaient au visage. Il tomba en syncope, et resta inconscient durant l’heure qui suivit. Quand il se réveilla, c’était déjà presque l’heure du départ.
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Le ventre de Radimir Vynoque rebondissait en tous sens tandis qu’il se précipitait sur le quai de la gare. Le petit elfe de maison traînait derrière lui, ralenti par une cage à oiseaux et les valises imposantes du professeur rond.
« - Une chance que j’ai pensé à récupérer le Camarade Jacques ! dit Astruk en agitant un petit doigt en direction de l’énorme hiboux qui trônait sur un perchoir à l’intérieur de sa cage. Petit, petit, je vais te dresser à la manière soviétique et tu vas nous aider à répandre la parole du peuple !
- Arrêtez vos simagrées l’affreux, et remuez-vous l’arrière train !
Les deux compères se dépêchèrent tant et si bien qu’ils arrivèrent en avance sur le quai. Le train n’était même pas encore arrivé. « Parfait, j’aurai tout le temps de faire mes adieux à Snape » pensa Radimir. Les élèves commençaient tout juste à se rassembler dans la gare. Un petit individu se détacha du lot et vint en direction de Vynoque, qui était en train de se recoiffer en reluquant son portrait dans un petit miroir de poche frappé aux armes de ses glorieux ancêtres.
- Monsieur Vynoque ! cria le Eric. Monsieur Vynoque !
- Mmmmmh ?
- Je venais vous embrasser avant notre départ. Vous allez drôlement me manquer, ah ça oui !
Eric en était ému aux larmes.
- MOOORRRFFF, mon brave gugusse, ne vous affolez pas comme une fillette ! Ce ne sont que des au revoir. Ah non, retenez donc vos larmes mon compère, mon illustre personne sera de retour l’année prochaine, proclama Vynoque en bombant le torse.
Ah, il fallait dire qu’il s’était attaché à son fidèle petit compagnon chanteur. La loyauté il savait l’apprécier et la reconnaître !
- J’avais justement une dernière chose à vous offrir, Monsieur, continua Eric, le menton tremblant d’émotions.
- Ah, je me disais aussi ! Ce gredin d’Astruk a été complètement incompétent pour lever des fonds pour le First Folio de Shakespeare, mais je savais que vous ne m’oublierez pas, vous ! Il aura quand même fallu attendre la fin de l’année, ronchonna-t-il en agitant l’index d’un air réprobateur.
Le Astruk lança un regard méchant au Eric tandis que ce dernier contredisait Vynoque :
- Oh non Monsieur, c’est bien mieux que ça ! lança-t-il avec un clin d’œil.
Vynoque n’eut pas le temps d’exprimer son mécontentement qu’Eric s’était déjà approché de lui et lui avait collé un gros baiser humide sur la joue, ce qui provoqua l’hilarité du Astruk. Bouche-bée le gros bonhomme ne sut que répondre. Immédiatement après cette embrassade, Eric entama sa plus belle interprétation :
« - Everybody screamed when I kissed the teacher
And they must have thought they dreamed when I kissed the teacher
All my friends at school
They had never seen the teacher blush, he looked like a fool
Nearly petrified 'cause he was taken by surprise
When I kissed the teacher
Couldn't quite believe his eyes, when I kissed the teacher
My whole class went wild
As I held my breath, the world stood still, but then he just smiled
I was in the seventh heaven when I kissed the teacher
Autour de notre chanteur s’était rassemblée progressivement une foule de spectateurs. Le petit homme à la tête carré avait un air si innocent et si touchant que notre bon vieux Vynoque en fut presque ému lui-même. Dans le public il put reconnaître deux serdaigles à l’air rieur au premier rang. Elles le regardaient en souriant. Il n’y avait plus traces de rancœur entre eux. Vynoque ne put s’empêcher de repenser avec amusement aux tracas, bien mérité, qu’il leur avait fait subir. « Ah ces nunuches m’ont été bien pratiques tout de même ».
What a crazy day, when I kissed the teacher
All my sense had flown away when I kissed the teacher
My whole class went wild
As I held my breath, the world stood still, but then he just smiled
I was in the seventh heaven when I kissed the teacher
I want to hug, hug, hug him
When I kissed the teacher
I want to hug, hug him
A présent, il semblait au Vynoque que tout le château s’était réuni sur le quai. Certaines personnes accompagnaient même la prestation du chanteur en claquant des doigts. Radimir pouvait entendre la voix aigue de la vilaine Granine corriger l’accent anglais du Eric en disant à toute personne se trouvant à ses côtés :
- TEAcher, l’accent sur le EA, tEAcher enfin ! Il a dû avoir des problèmes dans son enfance ce jeune homme pour oublier ces cours élémentaires d’anglais…
Un peu plus en recul, se trouvait le fantôme Karl. Il trainait derrière lui un vieux tapis accroché à une corde. « Mmmmf, je croyais que les peaux d’ours étaient interdites de nos jours. Il aurait pu me dire où il se fournit en fourrure ce scélérat » marmona le Vynoque. Quelle ne fut pas son horreur lorsqu’il constata qu’il ne s’agissait pas d’une peau d’animal caverneuse mais bien de la Fèche, cette bête farouche, tenue et promenée en laisse. Le fantôme lui caressait la croupe d’un air coquin. Il faillit partir en syncope mais le chant du Eric le ramena à ses esprits. Qu’est-ce que ce petit homme pouvait chanter faux !
When I kissed the teacher
I want to hug, hug, hug him
When I kissed the teacher
I want to hug, hug him
When I kissed the teacher
I want to hug, hug, hug him »
Le MacMolsby était là lui aussi, en train de converser joyeusement avec Dumbledore et pendant quelques secondes, Vynoque regretta d’avoir été si dur avec cet anglo-saxon. Toutes ces personnes avaient si bien rempli sa vie pendant cette première année à Poudlard qu’il se surprenait à devenir émotif. « Non mais et puis quoi encore, ressaisis toi mon pépère ».
Mais au fond, il ne cherchait des yeux qu’une seule personne. Un seul être lui manquait vraiment à ce moment là. Snape. Cependant, il avait beau chercher, Snape n’était pas là. Eric achevait son chant, le train allait maintenant bientôt partir et son âme sœur, l’amour de sa vie, était absent.
******************
En ce premier samedi de juillet, l’effervescence était à son comble au 4 rue des Poissons. Les Lucard recevaient leurs amis pour leur tout premier barbecue de l’année. Un événement qu’ils comptaient fêter en grande pompe. Madame Lucard avait mis les petits plats dans les grands. Elle avait préparé depuis la veille moult sauces et mets divers qui viendraient accompagner des délicieuses brochettes, des merguez, des saucisses et même des steaks au soja pour sa soeur végétarienne, Eglantine. D’ailleurs c’était elle qui venait de descendre de sa voiture et qui s’avançait à présent, entourée de son mari et de ses deux enfants, vers la coquette maison de leurs hôtes.
Fier comme un coq en pâte et vêtu de sa plus belle toilette, Rosarel Lucard attendait paisiblement ses invités sur le perron. Il fit la bise à Églantine, qu’il n’appréciait guère, du bout des lèvres. Puis il laissa entrer la petite famille dans sa demeure, auprès de Madame Lucard qui gratifia immédiatement les nouveaux arrivants d’un accueil des plus chaleureux.
Alors que sa femme était déjà en train de gaver ses petits neveux de biscuits apéritifs, Monsieur Lucard s’attarda à la porte. Il huma avec bonheur l’air parfumé de l’été. Son regard se dirigea une nouvelle fois vers la pancarte accrochée à la palissade de la maison d’à côté sur laquelle était écrit en énormes caractères : « A VENDRE ». Notre cher monsieur poussa alors un nouveau soupir de satisfaction.
Cette année, qui avait été la plus tranquille qu’il avait vécue depuis des lustres, s’achevait en beauté. En effet, son encombrant voisin n’avait pas pointé le bout de son nez depuis son départ pour l’étranger en septembre dernier. Il n’était pas revenu pour les vacances de la Toussaint, ni à Noël, encore moins au printemps. Il en avait alors conclu que le bonhomme rond avait décidé de s’installer ailleurs et avait fait pression sur le maire de la ville pour vendre sa propriété au plus vite. C’était à présent chose faite et Rosarel était convaincu d’être complètement débarrassé de l’hurluberlu qui vivait à côté de chez lui.
Le sourire aux lèvres, il fit quelques pas le long de son allée, la démarche presque dansante. Il pouvait entendre les rires de ses invités provenir de son jardin et se félicitait pour sa vie sociale enfin retrouvée. Quand soudain, retentit un bruit pour le moins inhabituel dans ce quartier tranquille de banlieue.
Clac cloc, clac cloc, clac cloc, clac cloc, clac cloc….
Intrigué, Monsieur Lucard s’avança prudemment au bout du chemin, se demandant si ce bruit n’annonçait pas l’arrivée de son dernier invité.
C’est alors qu’une calèche, tirée par quatre chevaux, fit son apparition au bout de la rue à la grande stupeur de notre pauvre bonhomme. La calèche s’avança et s’arrêta devant le portail de la maison voisine. Rosarel, pris d’un mauvais pressentiment, courut se cacher derrière sa boîte aux lettres pour observer la scène sans être vu.
Une seconde plus tard, le cochet de la calèche sauta à terre. M. Lucard n’avait jamais vu une créature pareille. C’était une sorte de nain, aux grandes oreilles et à la carrure fluette qui possédait une imposante mèche de cheveux noirs s’élevant en pic au dessus de son crâne. L’étrange individu sautilla vers la porte de ce bolide incongru et l’ouvrit tout en agitant son index dans tous les sens.
A ce moment précis, un ventre monstrueux sortit de la calèche. Cette bedaine fut bientôt suivie d’une paire de jambes, de bras et, à la plus grande horreur de Monsieur Lucard, de la tête ronde de Radimir Vynoque. Celui-ci était visiblement d’une humeur massacrante. Furibond, il s’avança de son pas couinant vers la pancarte affichée sur la palissade de sa maison. A la vue de ce panneau, Vynoque en trépigna de colère sur place. Avec un grognement qui glaça le sang de tout le quartier, il se jeta alors sur le sol et vint rebondir avec force directement sur la pancarte qui se brisa en mille morceaux. Satisfait, mais bouillant toujours d’une rage profonde, Radimir se dirigea d’un pas ravageur vers la porte de sa maison. Ne trouvant pas ses clés après les avoir longtemps cherchées dans sa poche, il arracha la porte d’entrée d’un coup de mâchoire bien placé et l’envoya valdinguer en l’air.
Rosarel Lucard observa la porte retomber en pic vers le petit être mécheux qui s’était alors saisi d’une grande cage contenant un hibou marronâtre. Le nain à la mèche proéminente arriva de justesse à éviter le bout de bois, mais la cage fut touchée de plein fouet, libérant ainsi l’oiseau qui s’envola à tire d’ailes.
Vynoque entra chez lui, suivit de son mécheux, au moment même où le rapace lâcha une chiure directement sur le steak de soja d’Eglantine, qui poussa un cri retentissant. De son côté, Rosarel Lucard, totalement impuissant, s’effondra à genoux sur le sol, anéanti.
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Cela faisait plusieurs heures que Radimir était rentré dans sa demeure, rue des Poissons, et qu’il s’était enfermé à double tour dans sa bibliothèque. Il y pleurait toutes les larmes de son corps. L’elfe Astruk avait bien essayé plusieurs fois de le requinquer en lui chantant des airs révolutionnaires ou en lui proposant plusieurs verres de vodka, mais rien n’y faisait. Radimir était inconsolable.
Snape n’était pas venu lui faire ses adieux sur le quai de la gare. Il était parti, sans un aurevoir, sans même s’inquiéter du sort de notre pauvre professeur rond. Vynoque n’avait même aucune idée de l’adresse à laquelle lui envoyer ses lettres pendant les vacances estivales !
Le cœur de Radimir était brisé. Il ne parvenait pas à croire que son beau Severus, son ténébreux professeur de potion, ait pu lui filer entre les doigts après lui avoir déclaré son amour d’une manière aussi passionnée. Il maudissait son ancien amant de toute son âme, regrettant de l’avoir jamais rencontré et d’avoir risqué sa vie pour lui face au Démon Libidineux.
Alors que Radimir, vêtu d’un simple peignoir, terminait son dixième pot de crème glacée de la soirée, Jacques le hibou vint violemment s’écraser le bec contre la fenêtre de la bibliothèque qu’il avait crue ouverte.
« -Mais qu’est-ce qui m’a pris d’investir dans cette volaille ! » s’écria notre professeur rond.
Le volatile était effondré au sol, à l’article de la mort. Il tenait une enveloppe au papier vert foncé dans son bec. Astruk, qui avait accouru immédiatement à son chevet, pris la lettre entre ses mains pour tenter de réanimer le hibou.
« RENDEZ-MOI CA, ESCOGRIFFE DE MALHEUR ! » lui hurla Vynoque, penché à sa fenêtre, en s’emparant du papier sans un regard pour son fidèle postier prêt à rendre l’âme.
Radimir avait en effet remarqué que la couleur du papier était celle de la maison Serpentard que dirigeait d’une main de fer son Snape adoré. Accoudé au rebord de la fenêtre en dessous de laquelle Astruk pratiquait le bouche-à-bouche pour tenter de réanimer Jacques, Vynoque ouvrit l’enveloppe fébrilement et sortit la lettre qu’elle contenait :
Cher Radimir,
Voilà une heure que le Poudlard Express a quitté la gare.
J’ai cru pouvoir vous laisser partir sans aucun état d’âme, mais mon cœur ne peut s’empêcher de vous rappeler à mon souvenir.
Mon passé me condamne à ne pouvoir vous promettre mon amour éternel. Néanmoins, en gage de ma profonde affection, veuillez accepter ce modeste présent qui, je l’espère, vous rappellera le lien qui nous unit à jamais.
Vous avez réveillé mon âme.
Tendrement,
Severus
Le cœur de Radimir battait la chamade alors qu’il relisait une seconde fois l’écriture fine de l’amour de sa vie, le corps rempli de palpitations. Sous le regard d’Astruk et du hibou dans les vapes, notre professeur rond plongea sa main dodue dans l’enveloppe. Il en sortit une cravate verte marbrée. Tenant le bout de tissu avec émotion entre ses doigts, Vynoque y découvrit la pince en forme de serpent, celle que lui avait offert Snape à Noël et qu’il avait perdu dans son combat contre l’Ange de la Mort. Les larmes aux yeux, Radimir contemplait le cadeau de son amant, le cœur débordant d’amour.
Soudain, Astruk se jeta sur la cravate.
Bien qu’il était entré au service du bon professeur-Lune, il ne perdait pas de vue son ambition de devenir un être libre. Il avait saisi l’opportunité de se voir agiter un bout de vêtement en face du nez pour revendiquer son libre-arbitre. Mais pour cela, encore fallait-il se saisir de l’étoffe.
Le combat fut acharné. L’elfe se débattait tant qu’il parvint à faire dégringoler Radimir par sa fenêtre jusque sur le sol où était toujours allongé Jacques. Puis les deux luttèrent au corps à corps pour récupérer le tissu. Dans la bataille, l’homme rond en perdit son peignoir et se retrouva cul nul au beau milieu de son jardin.
« - RETIREZ VOTRE SALE CRINIÈRE DE MON LINGE, FLIBUSTIER ! » hurla Radimir tout en tirant la cravate hors de portée du petit elfe.
Lorsque le petit Astruk entendit l’ordre du Vynoque, il fut bien obligé de cesser l’escarmouche. Il se laisse choir sur le sol, vaincu.
Fou de joie, Radimir passa sa cravate autour du cou et mis la pince en forme de serpent dans ses cheveux. Puis il se mit à danser en hurlant en rythme :
« - SEVERUS SNAPE ! JE VOUS AIME ET JE VOUS ÉPOUSERAI L'ANNÉE PROCHAINE ! JE LE JURE SUR MES AÏEUX ! »
Alors que Vynoque, sa cravate et son membre ramolli par la joie tournoyaient en rond dans leur jardin, Monsieur Lucard, raccompagnant Eglantine jusqu’à sa voiture, les regardait, abattu.
« -C’est un beau spécimen que vous avez là, constata la jeune femme avec mépris avant de quitter son hôte.
-Ah oui, répondit gravement Rosarel Lucard. Il faut bien avouer que c’est un sacré personnage, ce Radimir Vynoque ! »