Les Amours de Radimir Vynoque
Le lendemain matin, notre bon Vynoque s’éveilla aux aurores avec la ferme intention de convoquer les deux pimbêches dans son bureau des archives. Mais il eut beau les chercher dans tout le château, remuer ciel et terre, gesticuler ses gros bras dans toutes les directions, faire jouer de sa petite bourse, les deux serdaigles échappaient toujours à ses griffes. « M’enfin, qu’est-ce qu’elles fabriquent ces donzelles ? Toujours à jacasser et à déambuler dans les couloirs, mais quand on a besoin d’elles, il n’y a plus personne ! Il est hors de question que j’approche du MacMolsby, ne serait-ce que pour partager une Cup of tea ! Je suis un veinard tout de même, il semble lui aussi s’être évaporé. MMMM… Mais plus le temps passe, plus je m’éloigne de mon beau Snape. Mbrrrr, quand je vais les retrouver ces deux-là, je vais leur tailler les oreilles en pointe ! »
Vynoque, après deux semaines d’attente commençait à être découragé. Toujours accompagné de son fidèle Eric,- dont il n’entendait presque plus les fausses notes- il n’en pouvait plus d’être éloigné de son bien-aimé. Élaborant rapidement toutes sortes de plans qui échouaient tout aussi vite, il allait bientôt se résigner à aller frapper de lui-même à la porte de l’homme qu’il voulait à tout prix éviter.
Une après-midi cependant, Vynoque était attablé, tout taciturne, à son bureau, contemplant des livres aux images de phoques, éléphants de mer, cachalots, et autres animaux marins tandis que la langue de Eric geignait une chanson parlant d’une poupée qui faisait « nan nannannan », lorsqu’un papillon de papier vint lui chatouiller les narines. Le sang du Vynoque ne fit qu’un tour. Il était connu par tous les habitants du château que les deux serdaigles ricaneuses étaient toujours accompagné d’origamis de papier en forme de papillon qu’elles ensorcellaient et faisaient voler à travers les salles. En effet, les deux jeunes filles venaient de pointer le bout de leurs nez à travers l'entrebâillement de la porte. Malgré le fait que le cher bonhomme avait besoin d’elles, Vynoque qui n’aimait pas être dérangé dans ses lectures ne put ravaler sa rage. Il fallait dire qu’il était d’une humeur de chien depuis un moment :
- AAAAAAH ! Qu’est ce que c’est que ça encore ! Il risquerait de vous arriver des bricoles à déranger d’importants personnages comme moi ! ».
Puis il se souvint tout à coup qu’il fallait ménager les deux jeunes filles :
- Mais bon… Ce n’est pas grave, à vrai dire vous tombez à PIC !
Les deux jeunes filles, devant le spectacle d’un Vynoque rouge de colère, d’un Eric chantant la sérénade depuis l’arrivée de la belle serdaigle à lunettes, et du livre immobilisé sur une page représentant un morse à l’âge adulte, ne purent retenir un de leurs célèbres ricanement de hyènes.
- J’ai une mission à vous confier mes braaaaves ! brailla Vynoque, se levant d’un bond de son rocking-chair »
Il se déplaça tout soufflant vers les nouvelles arrivantes, qui prirent alors des yeux ronds de surprise. Tendant sa large tête le plus près possible des deux jeunes filles, il allait commencer à leur exposer la situation lorsque un courant d’air froid traversait la pièce. C’était le signe qu’un fantôme venait d’arriver.
- Ah non ! Si c’est encore ce bobet au short hawaïen je vais sortir mes fumigènes ! grogna le gros bonhomme à lunettes.
A l’étonnement de Vynoque, il s’agissait d’un fantôme d’une femme habillée à la mode du XVIIIe, avec de beaux seins ronds, et des yeux de biche. Vynoque s’en dégonfla comme un ballon de baudruche que l’on perce avec une aiguille « Pfffiou ». Il n’allait pas pouvoir exposer ses plans devant une tierce personne, il avait déjà été suffisamment sujet aux rumeurs.
- Non mais c’est pas l’auberge espagnole ici ! »
Sur ce, le Eric, plein de bonne volonté enchaîna sur l’air de « Bailla Bailla Bamba », se tapant les cuisses avec plus d’entrain que jamais.
- Excusez-nous, illustre Vynoque… commença la plus grande des deux sachant comment s’y prendre pour amadouer le vieux grincheux.
« Illustre ? Mmmf ma foi elle a le coup d’œil cette petite. » Il prit une chaise à côté des deux serdaigles et écoutait maintenant avec attention, l’oreille tendue.
- Mais nous avions besoin de consulter des livres. Comme vous le savez peut-être nous avons ouvert une association pour les personnes nécessiteuses en manque d’amitié. Il s’agit d’un acte de charité pour les laissés pour compte du château, et nous nous dévouons à aider ces âmes en peine.
- Qu’est ce qu’elles me chantent celles là ?
- Vous avez surement entendu parler de l’Amolissante par exemple, qui traverse en ce moment une période de dépression. Par pitié pour elle, nous consacrons quelques heures de nos semaines à écouter ses problèmes.
Vynoque, qui n’était pas le plus fin limier, pu constater néanmoins que les deux filles avaient un air totalement désabusé et exaspéré tandis qu’elles parlaient. Il avait même l’impression qu’elles bouillaient de rage de l’intérieur à l’évocation de la larmoyante Amolissante.
- Depuis quelques semaines nous nous occupons du cas de cette dame, Madame du Barry, reprit la serdaigle à lunettes tandis que son papillon tout brun- qui ressemblait en vérité plus à un cafard qu’à un papillon- vint se poster sur son épaule. Elle se plaint de persécutions et de propos mensongers de nature pornographique à son égard. Nous devons faire des recherches pour savoir d’où vient la rumeur. Probablement du XVIIIe siècle.
- Enfin bref, la coupa l’autre, on prend juste quelques livres et on repart, on ne veut pas vous embêter !
Tout à coup, le regard de Vynoque s’éclaira.
- Du XVIIIe siècle ? Mais je suis un expert de cette période !
Il ricana d’un air coquin en ajoutant :
- Et même un expert des choses OLÉ OLÉ !
Les deux serdaigles auraient désiré en réalité que le lunatique Vynoque ne se soit pas trouvé dans la salle. Elles avaient seulement besoin de consulter quelques livres, et le souffle du Vynoque conjugué aux castagnettes du Eric leur irritaient les oreilles. Pour couronner le tout le Vynoque voulait maintenant les aider…Elles pouvaient apercevoir, un peu à l’écart, la salle où elles avaient pour habitude de venir travailler et se disaient intérieurement que c’était rapé pour cette fois. Elles décidèrent qu’il leur fallait fuir au plus vite cette situation. Les deux serdaigles avaient en effet développé un pouvoir, à l’aide d’un puissant sortilège, qui leur permettait de communiquer par les pensées. Elles se consultaient à présent intérieurement sur la marche à suivre pour se sortir de cet enfer dans lequel elles s’étaient fourrées. Une proposait de lancer les papillons sur le Vynoque, la deuzième de demander l’heure au Eric pour faire diversion pendant que l’autre lançait un sort au gros bonhomme pour faire éclater ses boutons de chemise. « Il va se baisser et on pourra s’enfuir ! » « Non mais je suis OUTRÉE par cette proposition ! ».
Vynoque quant à lui avait trouvé la parade idéale : il allait les aider et en retour elles l’aideraient également. Cela tombait vraiment à pic. Mais il devait tout de même éviter tous témoins dans cette affaire.
- MMMMFFF…Je vais faire des recherches pour vous sur cette demoiselle sans vertue. Personne n’est mieux placé que votre serviteur, lança-t-il en se plaquant les deux paumes de mains sur la bedaine. Ma bonté me perdra, gniarkgniarkgniak !
Radimir leva un doigt en l’air, tout à coup menaçant :
- Vous viendrez à 19h précises dans mes appartements CE SOIR !
Sur ce, il sortit de la salle d’un air triomphant. « L’affaire est dans la poche ! » lança-t-il à son fidèle Eric. Mais lorsque Vynoque tourna la tête, le chanteur n’était pas à ses côtés mais encore dans la salle en train d’offrir un petit bout de papier à la pimbèche à lunettes.
- AU PIEEEEED, hurla le Vynoque »
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Radimir ronflait comme un ours, la tête posée sur son bureau. Soudain, il s’éveilla en poussant un cri de bœuf en rut et consulta sa montre à gousset. Elle indiquait 22h.
« Elles m’ont posées un lapin, les gueuses ! »
Malgré la pénombre dans laquelle était plongé la pièce il crut distinguer une petite tache par terre, devant la porte. Il se leva pour aller voir et constata alors qu’il s’agissait d’un mot :
« Nous sommes tombé malades en mangeant du houmous, acceptez nos plates excuses »
- Qu’est-ce que c’est encore que ces sornettes ! Ecoutez moi bien Eric, quand j’étais EN Sorbonne, oui on disait « en Sorbonne » à cette époque où il n’y avait pas encore tant d’ignaaares comme vous tous ! Eh bien, à cette époque nous devions nous plier aux exigences des professeurs, malades ou pas !
- Mais vous n’êtes pas professeur, Monsieur Vynoque, dit timidement l’homme à la tête cubique.
Heureusement pour lui ces paroles n’atteignirent pas les oreilles en forme de choux de Radimir.
- J’espère qu’elles rôtiront aux enfers ces deux charognes ! Ah non ! Elles ne vont pas s’en tirer aussi facilement ! Je ne me ferai pas entuber dans les grandes largeurs et je vais aller les chercher par la peaux des fesses. Elles vont voir !
Sur ce, Vynoque sorti en furie de ses appartements, le ventre en avant et rouge de colère. Eric trottinait derrière lui. Après quelques minutes, le personnage se rendit compte qu’il ne connaissait pas l’emplacement de la salle commune des serdaigles. A vrai dire, il venait de se perdre dans le château. Une fois de plus, il se retrouvait à errer dans un couloir inconnu en pleine nuit. Cela aurait pu encore éveiller des rumeurs s’il venait à rencontrer quelqu’un. Le Eric n’était pas sans poser problème : avec ses chants aiguës il allait rameuter tout le quartier. “Ca commence à sentir le roussi” rouspéta-t-il.
Soudain, un glapissement retentit dans le couloir.
- Eric ! Allez voir ce que c’est !
Eric courut en avant tel un éclaireur et s’exclama fou de joie :
- Je crois que c’est une des jeunes filles de tout à l’heure !
- M’enfin ! Vous êtes sûre de vos dires jeune homme ?
« Elle est surement sortie pour rendre tripes et boyaux. Quel veinard je fais. »
- Oui, mais elle s’est enfuie.
- RATTRAPONS LA, IL EN VA DE NOTRE SALUT !
S’ensuivit une folle course poursuite, rythmée par des ricanements tonitruants, des tremblements de terre et des chansons cauchemardesques, qui s’acheva dans le hall d’entrée de Poudlard. Vynoque eu tout juste le temps de voir une robe de sorcière s’échapper par la grande porte.
- La gueuse, elle s’est échappé dans le parc de l’école !
- Vous n’entendez pas cette musique Monsieur Vynoque ? demanda le Eric, intrigué. Je crois qu’il y a une fête dehors.
- Une fête ? M’enfin qu’est-ce c’est encore que cette histoire ?
Les deux compères sortirent le plus discrètement possible du château. Ils devaient à tout prix passer inaperçus. En effet, au fond du parc, à la lisière de la fôret interdite se tenait un petit rassemblement clandestin d’une quinzaine d’élèves qui semblait s’adonner à une beuverie. Le tout était encadré de quelques guirlandes lumineuses suspendues dans les airs grâce à la magie.
- Mes aïeux n’en croiraient pas leur yeux bégaya le Vynoque abasourdi, ces élèves sont en perdition !
- Je vois les filles, murmura Eric, elle rejoignent la fête. Mais attendez, j’entends de la guitare, on dirait un groupe gypsie.
- Gypsie ? Arrêtez tout net votre charabia et concentrez-vous ! Il faut qu’on coince ces deux délinquantes.
Pas à pas, nos deux personnages se mirent à raser les murs, puis les arbres pour s’approcher le plus discrètement possible du lieu de la fête. Mais même le plus gros tronc du plus gros chêne ne parvenait à cacher la bedaine du Vynoque. Heureusement pour lui, il faisait nuit, et tout ce petit monde avait l’air trop plein d’hydromel pour s’en soucier.
- Elles ont filé vers la fôret interdite ! chuchota Eric
- MMMMBBBBFFF grogna Vynoque tout en suivant leur piste vers la forêt.
C’est alors qu’il aperçut la jeune serdaigle à lunettes qui se tenait droit devant lui. Lorsqu’elle constata la présence du Directeur des Archives, un cri qui ressemblait à une alarme de pompier s’échappa de sa baguette :
« PAPILLONNNN PAPILLONNNN PAPILLONNNN PAPILLONNNN PAPILONNN PAPILONNN »
Radimir n’osa plus bouger, figé de terreur. La deuxième fille arriva en trombe :
- Enfin Gâte-bois, j’espère que tu as une bonne raison de sonner l’alarme, j’ai fait pipi sur mes chaussures !
« Gâte-bois ? Un nom de code ? Décidément, ces donzelles-là trempent dans des affaires pas nettes.»
Vynoque jaillit de sa broussaille et se jeta sur les deux jeunes femmes.
- Prise la MAIN DANS L’SAC !
Il brandit sa baguette en lançant :
- Je constate que vous êtes aussi malades que je suis idiot, c’est à dire AUCUNEMENT ! Lâchez vos armes ! Eric ligotez les !
Eric abasourdi ne savait comment ligoter ces deux personnes et trouvait que le Vynoque en faisait beaucoup trop. Et puis il n’allait tout de même pas faire du mal à sa bien-aimée serdaigle à lunettes.
- Monsieur Vynoque, je vous en prie, nous n’avons rien fait de mal, nous avons beaucoup de travail et voulions simplement nous détendre un peu… commença maladroitement l’une des deux.
Mais le Vynoque tenait sa revanche !
- Je suis prête à faire l’impasse sur ce que je viens de voir à une condition ! J’ai besoin de vous pour une mission. Vous devrez aller mijoter Monsieur MacMolsby à la cocotte minute pour qu’il vous livre un secret.
Au nom de MacMolsby, les deux jeunes femmes se regardèrent avec un sourire complice aux lèvres, leurs yeux lançant des éclairs intriguant.
- Il fallait le dire tout de suite.