8 ans Drarry

Chapitre 1 : 8 ans

Chapitre final

6807 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 14/05/2020 20:23

Prison d'Azbakan



Je me souviens. Comment pourrais-je oublier ? Je me souviens de tous les détails de ce soir là.


C’était notre dernière année à Poudlard. La dernière année où la grande bataille eu lieu, la dernière année que je passais à te rabaisser dans les couloirs, la dernière année où mes sentiments que j’arrivais de moins en moins à cacher sous ma haine me sont revenus en pleine face.


Ce soir là, dans mon dortoir aux milieux des autres Serpentards, je suffoquai.


En fait, pour être plus exact, j’étouffais. Les entendre déblatérer de la facilité dont Voldemort allait rentrer dans Poudlard, les voir sourire à l’idée de lancer des doloris aux élèves, ça me mettait mal à l’aise. Mais ce qui me dégouttais, c’était de comprendre que si leurs bouches se tordaient, si leurs visages étaient déformés de grimaces, si leurs rires gras enfumait la pièce, c’est parce qu’ils imaginaient la mort d’Harry Potter.

Ils se moquaient, ils n’arrêtaient pas de moquer. Parce que la scène mortelle imaginée était leur fantasme à tous, parce que je ne répondais pas à leurs questions, parce que j’avais le regard dans le vide, parce que je ne semblais pas être dans cette pièce, ils se plaisaient à penser que je m’amusais déjà à vivre la scène.


Alors que le son de leurs rires augmentait inexorablement, ceux-ci prirent forme dans l’air. Des mains apparurent, s’approchèrent de ma gorge et commencèrent à serrer. J’avais le souffle coupé et sans oxygène, incapable de prononcer un mot ou d’accomplir un mouvement, ma vision commençait tout doucement à s’assombrir.


Mes « amis » devenaient flous, les rires trop forts, le vert trop intense, le feu de cheminée trop chaud, le carrelage de la chambre trop glacial, mon rythme cardiaque trop rapide, mes pensées trop mélangées.


Mais alors que j’allais sombrer dans les ténèbres, les souvenirs qui défilaient devant mes s’arrêtèrent, ne laissant non pas place au néant, mais à une image. À toi.


C’est là que j’ai su que je devais sortir de cette pièce. J’ai pris une grande inspiration, une expiration, une inspiration et très vite, je réussisais de nouveau à respirer. Les mains se sont envolés. Mes monstrueux camarades sont redevenus visibles, leurs grognements moins bruyants, le vert fade, le feu et le carrelage à une température ambiante, mon rythme cardiaque acceptable et j’étais à nouveau capable de cacher ce que je ressentais.



J’avais à nouveau un cœur de pierre qui ne laissait rien paraître. Tout allait bien. Tout était revenu à la normale.


Je devais partir de cet endroit. Je me levai et comme je m’y attendais, ces arrogants osèrent me demander une explication. Mais j’étais redevenu un mec froid et insensible qui maîtrisait l’art du mensonge à la perfection. Alors j’eus aucun mal à les satisfaire en leur avouant que j’avais besoin de décompresser et que maltraiter quelques Serdaigles dans les couloirs était la solution idéale. Puis, avec un parfait sourire hypocrite et sous les rires gras, je me suis enfuis de la prison.


Il faisait nuit et j’étais dans le couloir, jouant avec l’interdit. N’importe qui pouvait arriver là maintenant tout de suite. Mais j’en avais plus rien à faire. Je respirais et c’est tout ce qui importait.


Je marchais, fixant le sol sans faire attention au monde autour de moi, sans m’inquiéter de croiser Rusard ou un préfet, je marchais, me laissant guider par mes pas, je marchais, la même image tournant en boucle dans ma tête.

Je ne savais et je ne comprenais encore moins pourquoi c’était à toi et uniquement à toi que ce foutu cerveau était capable de penser. Dès la première année, il m’arrivait de songer à toi, puis de plus en plus au fil du temps, mais ce soir, c’était plus intense que ça ne l’avait jamais été.


C’était peut-être la chaleur qui avait commencé à se diffuser dans mon ventre ou mon cœur qui s’était mis à battre plus vite, mais je m’étais tout à coup rendu compte que depuis que j’avais quitté les cachots, que j’avais laissé mes pensées divaguer en ta direction, je souriais. Un sourire bête et complètement naïf, comme j’ai pu le constater dans un miroir du couloir.

C’est en me voyant dans le miroir que je suis revenu sur Terre et que j’ai réalisé que j’étais hors de mon dortoir à plus de 22 heures passées. Mais surtout, que j’avais marché jusqu’au bas de l’escalier menant à la tour d’astronomie, et puisque j’avais déjà fait tout ce chemin, je me surpris à penser à continuer. J’ai posé mon pied sur la première marche et j’en ai enchaîné quelques-unes sans incident notable.


C’est là que j’ai entendu les pleurs. Je ne sais pas ce qui m’a poussé à faire l’action suivante et honnêtement, je n’en ai pas encore la moindre idée à ce jour.


Peut-être était-ce cette idée de toi, de tout ces moments que nous aurions pu vivre en tant qu’amis et que j’avais volontairement gâchés, peut-être était-ce mon envie de me racheter, d’avoir un ami sincère comme je ne l’avais pas su être pour toi, peut-être était-ce mon envie de changement, de la peur de ces événements à venir et de n’avoir jamais été une bonne personne. Peut-être était-ce les sanglots, ceux d’une âme qui souffrait.


Je m’attendais à voir apparaître une multitude d’individus, mais pas cet individu là. Jamais, au grand jamais, je n’aurais pu imaginer, même dans mes songes les plus fous, qu’il en arrive là. Mais l’évidence était sous mes yeux et j’étais bien forcé d’y faire face.


L’âme souffrante, recroquevillée dans un coin, le corps secoué de spammes, la respiration entrecoupés de larmes et de reniflements, c’était toi.


Harry Potter.


Si jamais j’avais été accompagné ne serait que d’une seule personne, je me serai moqué. Parce que j’étais habitué à agir de cette façon, parce que les autres se seraient attendus à ce que je me moque de toi, parce que j’étais un petit con arrogant. Mais j’étais seul.


Je pouvais être moi. Pas celui que les autres voulaient que je sois.


Pas celui que à qui son père avait fait rentrer les règles de famille dans le crâne, pas celui à qui on avait enseigné à respecter les codes de société sans faire de faux pas, à qui on avait répété que l’amour rendait faible et qu’il fallait le fuir, à qui on avait appris à rendre imperceptible le moindre sentiment, à qui on avait appris à cacher au plus profond celui qu’il était.


Le traître, le mangemort, Malfoy, tout ça n’existait plus. J’étais Drago.


Je me suis approché et me suis assis à tes côtés. T’as relevé la tête. T’aurais pu me demander ce je faisais, t’aurais pu t’enfuir, t’aurais pu m’insulter. Tu as appuyé ta tête contre mon épaule, puis je t’ai ouvert mes bras et tu t’y es jeté.


On s’était toujours détesté et on s’était fait un nombre incalculable de mauvaises farces, mais pourtant, tu t’es réfugié dans l’étreinte de ton pire ennemi. C’est là que j’ai réalisé. Harry Potter avait craqué. Tu avais beau être l’humain parfait sous les projecteurs, chose dont j’avais été jaloux toute ma scolarité, tu avais aussi des failles.


Des fois, pour toi aussi, tout devenait trop grand, trop bruyant, trop fort, trop vite, trop intense, trop tout et tu craquais.


Tu gardais tout fond de toi, mais au bout d’un moment, ça finissait par exploser. Je connaissais cette sensation et je la connaissais que trop bien. Alors, tandis que tes tremblements devenaient moins intense au fur et à mesure que l’emprise de mes bras devenait plus forte, sans personne pour me juger, sans rien pour me l’interdire, moi aussi, j’ai craqué.


L’un dans les bras de l’autre, on sanglotait, brisant toutes les barrières qu’on s’était nous-mêmes imposées, et ça m’a fait beaucoup de bien.


Un dizaine de minutes plus tard, près de la rambarde de la tour astronomie, toujours aussi proches, on riait. Je me souviens que tu as évoqué cette fameuse entrée au château où tu avais refusé ma main et tu te demandais quel serait ton choix si jamais cela était à refaire. Argumentant que si tu étais devenu ami avec moi dès le départ, tu serais sûrement actuellement un deuxième Malfoy insupportablement arrogant. Mais je t’ai répondu que si tu m’avais serré ma main, ça n’aurait non pas toi qui aurait changé, mais moi. Puis, plus bas, je t’ai avoué que j’aurai voulu qu’on devienne amis, ou peut-être plus.


Tes yeux se sont agrandis sous l’étonnement et tu es resté incapable de prononcer le moindre son. Puis, tu m’as annoncé que tu aimais les garçons, comme ça, de but en blanc.


C’était à mon tour de rester tétanisé. Ma conscience, elle, a cessé de fonctionné, mais pas mon corps, alors lorsque mes lèvres se sont activées, je ne pus rien y faire. Je soufflai un léger « moi aussi ». Timide, invisible, imperceptible, sauf pour toi.


Tu me souris et pour la première fois de mon existence, j’ai enfin osé l’avouer à moi-même, j’ai réalisé que ton sourire me plaisait. Mais un voile gris s’est baissé sur tes yeux et ton sourire est devenu triste. Tu m’as répété que tu aimais les garçons et que justement c’était le problème.


Enfin, une partie, c’était plutôt la goutte qui faisait déborder le vase. Tu m’as avoué que tu n’en pouvais plus, que tu n’y arrivais plus. Tout ces foutus rôles que tu avais à jouer en permanence, enfant survivant, adolescent prodigue, amoureux transi, Gryffondor courageux, sorcier puissant, sauveur du monde, c’était trop. À force d’enfiler tous ces masques, tu ne savais plus quel était ton vrai visage.


Tu étais devenu celui qu’on voulait que tu sois. Tu t’y étais habitué, c’était normal désormais. Alors à la moindre de tes actions, tu réfléchissais d’abord à l’impact médiatique que cela pourrait avoir, à ce que Rita Skeeter écrirait dans la Gazette du Sorcier, à ce que penseraient chaque personne. C’était peut-être pas interdit, mais c’était tabou, alors qu’est ce que les sorciers diraient s’ils apprenaient que leur héros national était homosexuel ?

Tu passais chaque foutue seconde de ta vie à te demander ce que les autres pensaient de toi. Seuls Hermione et Ron étaient là pour te soutenir, pour t’écouter, mais ça ne suffisait pas. Tu m’avouais cela d’une telle manière, que lorsque ta tirade prit fin et que tu pu enfin reprendre ton souffle, je te pris dans mes bras.


Les deux heures suivantes, nous les avons passées à discuter. De ces années côte à côte sans avoir su en profiter, de ces insultes balancées pour cacher le fait que l’on osait pas s’approcher, de ces moments où nous aurions tout les deux eu besoin d’un confident. De toutes ces fois où notre seule envie était d’arrêter de faire semblant de se haïr parce que ce n’était pas le cas et ne l’avait jamais été.


Les heures suivantes, nous les avions passées à sourire. Parce que oui, on aurait pu avoir tout cela avant, mais même s’il était tard, nous avions quand même fini par nous rapprocher. Il avait peut-être fallu de nombreuses années pour mûrir, mais au final, on s’était trouvés et c’était tout ce qui importait.


Les heures suivantes, nous les avions passées à rire. La situation qui avait fini par nous réunir n’était pas la plus charmante, tes reniflements dans mes bras non plus, mais elle avait eu lieu et cela nous suffisait amplement.


Et cette nuit, en haut de la tour d’astronomie, sous les étoiles, on a fait que discuter, sourire et rire. Sans se le demander, nous nous étions allongés l’un à côté de l’autre et dès lors, je sus que cette soirée resterai à jamais gravé dans mon esprit. On apprit à se connaître, j’appris à te connaître et j’appris à me connaître moi-même. J’étais enfin moi et personne d’autre, juste, le vrai moi.


Mais le temps de se séparer est venu. Nous ne pouvions pas rester éternellement en haut de cette tour, il y avait toujours le risque de se faire prendre ou qu’un camarade réalise notre absence. On devait aussi dormir, les temps étaient durs à l’approche de la guerre et le sommeil était le seul moment qu’on ne passait pas à angoisser. Je n’avais aucune envie de me lever pour rentrer à mon dortoir et c’est toi qui m’a rappelé à l’ordre, je me souviens que ça m’avait beaucoup amusé.


On s’est retrouvé debout l’un en face de l’autre, sans savoir comment se dire au revoir. Ne rien se dire comme on l’aurait fait avant était impossible, car justement, plus rien n’était comme avant. Un simple salut aurait été étrange après tout ce qu’on avait partagé.

Le câlin me semblait être la meilleure option. J’ouvris grand mes bras et tu t’y réfugiais. Toi, ta tête posé sur mon épaule, tes cheveux chatouillant mon menton, tes bras enserrant ma taille et moi, souriant bêtement. C’est tout ce dont je me souviens avant que tout bascule, avant que nos vies ne changent à jamais.


Tu m’as adressé un dernier sourire, puis tu as fais quelques pas en direction d’un escalier et moi de l’autre. Soudain, le bruit de tes pas s’est tu. Je me suis retourné, curieux de savoir ce que t’empêchait d’avancer.


Il n’y avait aucun obstacle. Juste toi, fixant l’escalier comme si tu venais d’apprendre l’existence de ce dernier, immobile, les yeux grands ouverts. Puis, tu es revenu à la vie. Tu t’es tourné, tu m’as fixé, comme tu avais regardé l’escalier, me redécouvrant à mon tour, me voyant sous un œil nouveau.


T’as recommencé à marcher, en fait, tu as plutôt couru. Tu ne t’es arrêté qu’une fois devant moi.


Tu m’as regardé de haut en bas puis de bas en haut, comme si tu essayais de déterminer si j’étais redevenu Malfoy des couloirs ou si j’étais encore Drago de la tour d’astronomie. Puis, quand tes yeux ont croisé les miens, j’eus une vague idée de ce que tu t’apprêtais à faire tout en ayant pas la moindre.


Tu as pris une grande inspiration.

J’avais arrêté de respirer.

Tu as fermé tes yeux.

J’ai gardé les miens grands ouverts.

Tu t’es approché.

Je suis resté immobile.


Tu as posé tes lèvres sur les miennes.


Ce soir là, en haut de la tour d’astronomie, sous les étoiles, révélant le plus profond de moi au fameux Harry Potter, je m’attendais à beaucoup de choses. Mais pas à ça. Et alors que je fermais les yeux que j’ai gardé ouverts, que je posais une main sur ta nuque, j’ai réalisé que t’embrasser, ça me plaisait plutôt bien. Plus rien n’avait de sens, à par nous deux, ça m’apparaissait maintenant comme une évidence. L’horloge a sonné minuit.


Le temps s’était arrêté, rien que pour nous deux, rien que pour notre amour.


On s’est séparé et je me souviens d’à quel point tes yeux brillaient. J’avais l’impression de pouvoir voir toutes les étoiles du monde à travers eux. Tu t’es mordu la lèvre inférieure et ça m’a fait fondre.


On avait simplement posé nos lèvres l’une sur l’autre, mais ça suffisait amplement à faire battre mon cœur à un rythme anormalement élevé. J’avais la tête qui tournait, les pieds qui se décollaient du sol, les joues rougies et les pensées en vrac.


Tu as voulu t’approcher à nouveau, je t’ai repoussé. C’est moi qui me suis rapproché de toi, enfin, de ton oreille. Je t’ai proposé de continuer cela après la bataille finale, pour avoir une raison supplémentaire de se battre. Si le cadeau d’un véritable baiser nous attendait au bout du chemin, quoi de mieux pour se motiver à sortir victorieux ? Si une chambre pour nous deux, une nuit à s’embrasser et à plus encore, nous était promise, comment ne pas vaincre le seigneur des ténèbres ? Pour moi cette promesse, c’était l’espoir de se retrouver après la guerre, c’était la preuve que tu voulais que ça dure entre nous deux.


Tu m’as promis. Tu sortirai vivant de l’affrontement et nous reprendrons notre baiser là où nous l’avons laissé. Je t’ai promis. Je n’aurai plus honte du regard de mes parents et de tous les autres, après la guerre, nous nous aimerons au grand jour.


On s’est promis.


Je me suis réveillé à Sainte Mangouste, après trois semaines de coma.


Je n’avais pas encore repris mes esprits que déjà, des adultes sont entrés dans ma chambre. Dans le couloir, des doctoresses et des infirmiers courraient dans tous les sens. Toutes les chambres étaient remplies. J’ai reconnu quelques élèves de Poudlard. Mais je suis incapable de te dire qui étaient dans ses lits d’hôpitaux, j’étais complètement shooté. Je ne comprenais pas qui étaient les gens qui m’entraînaient, ni d’où ils m’emmenaient et encore moins pour quelle raison.


Mon corps n’avait pas encore évacué l’anesthésie, alors une fois assis, je me suis endormi sur l’épaule de l’un d’entre eux. La seule phrase que j’ai été capable d’entendre a été : « on devrait pas le traiter comme ça, c’est qu’un gamin ». Ça aurait dû me mettre la puce à l’oreille, mais qu’est ce que j’aurai pu y faire de toute manière ?


Lors de mon second réveil, ce qui m’a le plus marqué, c’était la couleur. Si la chambre d’hôpital m’avait autant éblouit, c’était qu’elle était pleine de lumière et surtout entièrement blanche. Alors que là, tout était sombre et les murs tout gris.

Un adulte tout vêtu de noir est arrivé devant ma cellule, un dossier à la main. Il me demanda mon nom.


Et c’est là que j’ai compris.


« Votre nom »

« Ma..malfoy, Drago Malfoy »


L’Auror a noté quelque chose sur sa feuille, m’a regardé une dernière fois, une lueur de pitié dans les yeux, puis a tourné les talons. Je me suis levé et je l’ai interpellé.


« S’il vous plaît, pourquoi je suis ici ? »

« Tu as des antécédents de mangemort et même si tu as participé à la bataille finale du bon côté, la situation de tes parents ne plaide pas en ta faveur. Mais ton cas est actuellement étudié par le ministère de la magie. Il a des chances que tu sortes, tu n’es pas majeur, ton emprisonnement n’est que temporaire, un mois maximum. »

« S’il vous plaît, j’aimerai encore savoir quelque chose… comment va Harry Potter ? Il va bien ? Est-ce qu’il pourrait venir me voir ? Est-ce que vous me laisseriez lui écrire une lettre ?»


L’Auror m’a regardé de la tête aux pieds, se demandant certainement comment un prisonnier pouvait s’inquiéter d’une autre situation que la sienne. Il a fixé le sol, puis m’a regardé à nouveau. Je devais vraiment faire une sale tête. Il a hésité avant de répondre, je me suis demandé s’il n’avait pas le droit de communiquer de telles informations ou s’il avait peur de me révéler quoi ce soit.

Alors j’ai tenté le tout pour le tout, en espérant que tu ne m’en voudras pas, je lui ai raconté la nuit passée en haut de la tour d’astronomie, de tout ce qu’on avait partagé, des sentiments qu’on avait enfin osé s’avouer après tant d’années et même de notre baiser, la promesse de redécouvrir tes lèvres une fois la bataille finale passée. Quand je suis arrivé à la fin de ma tirade, la respiration erratique après avoir déballé tout ce que j’avais sur le cœur d’une seule et unique traite, l’Auror faisait à son tour une sale tête.


Il avait les yeux grands ouverts et était bouche bée, ce qui était certainement normal après qu’on vous ai annoncé que le sauveur du monde sorcier était amoureux d’un ancien mangemort. Il resté statique jusqu’à ce qu’un collège vienne à lui, à qui il expliqua rapidement la situation. Il me regarda lui aussi comme si j’étais un objet de foire. Ils pensaient que j’étais incapable de les entendre, mais une partie de leur conversation est parvenue à mes oreilles.

Je n’y ai compris rien de rien. Le deuxième a murmuré au premier un truc comme : « on m’avait pas dit qu’ils s’étaient rapprochés, mais pas autant. Tu penses qu’on doit le dire ? » « Certainement pas, tu as vu dans quel état il est déjà ? Si on le lui dit, il va devenir un fantôme. »


Le premier s’est tourné vers moi, la même lueur de pitié dans les yeux, elle s’était même accentuée, on l’aurait dit aux bords des larmes. Il a cherché ses mots, mais il était incapable d’articuler quoi ce soit. C’est le deuxième qui a prit la parole, un faux sourire comme j’en avais tant vu et j’en avais tant fait, plaqué sur le visage. Mais j’ai oublié cela quand il m’a annoncé la bonne nouvelle.


« Petit, tu n’as pas à t’en faire. Harry Potter est vivant et il va bien. Écris lui des lettres quand tu veux, on les lui transmettra . »


Alors voilà. Aujourd’hui, ça fait exactement six mois, jour pour jour, qu’on m’a dit que tu étais vivant et 6 mois que je suis à Azkaban.


6 mois qu’on me promet ma libération, mais que j’ai très bien compris que le ministre de la magie avait préféré laisser tous les mangemorts en prison plutôt que s’embarrasser avec des dossier inutiles. Pourquoi s’embêter à les faire sortir, les surveiller, leur permettre de reprendre une vie ? Ils avaient fait du mal et c’est bien connu que si on fait des erreurs, on ne doit laisser aucune seconde chance.


6 mois que j’ai appris que ma mère a été placée dans une prison de faible sécurité. Elle regrette ses actions passées, elle a des remords de jamais avoir su se rebeller face à sa famille qui l’a entraîné là dedans, elle s’est fait des amies parmi les détenues, elle dort bien, elle mange bien, elle va aux ateliers couture, elle profite de la cours pour se promener, elle a une belle vie et elle m’embrasse très fort. J’ai relis sa lettre et j’en reçois beaucoup d’autres. Je suis heureuse pour elle. Mais étrangement, nous n’abordons jamais le sujet Harry Potter.


6 mois que je sais que mon père a été exécuté. Bien fait pour lui. Je l’ai jamais aimé de toute manière, lui non plus ne m’a jamais aimé. En fait, c’est ce qui dit au premier Auror, qui vient souvent prendre de mes nouvelles. Parce qu’en vérité, une fois seul, je me suis écroulé et j’ai pleuré sans pouvoir m’arrêter. Peut-être que mon gardien m’a vu, mais j’en avais rien à faire, je faisais que pleurer, priant pour quelqu’un vienne me réconforter, pour que tu viennes me réconforter.


6 mois, c’est long si 6 mois. Mais bon à force, je m’y suis fait. Les détraqueurs ne gardent plus la prison, ce ne sont plus que des aurors, alors la prison a perdu toute la frayeur qui faisait sa réputation. Il n’y a plus que quelques détenus attachés, les plus dangereux, dans une aile séparée. Mais pour la plupart, on peut sortir de la cellule, aller dans des salles communes et manger au réfectoire.


6 mois et aujourd’hui encore, je t’écris une lettre.


Je suis dans ma cellule, la lumière de l’extérieur est plutôt jolie. La fenêtre et le bureau, tout ça c’est de la magie, pour améliorer les conditions de vie de détenus et ça permet d’aller mieux. Si je ferme les yeux, je peux presque me croire dans ma chambre.


Je suis assis à mon bureau, fabriqué en un beau bois brun clair et j’écris. 7 pages de papiers à lettres sont déjà entièrement noircies et d’autres attendent encore. Ma lettre du jour n’est pas encore finie. Une lettre de 7 pages, c’est déjà long, je suis d’accord. Toi qui n’aimais pas spécialement pas les devoirs, tu m’aurais sûrement sermonné là-dessus. Mais j’ai tellement de choses à te dire.


Si je t’ai raconté entièrement cette nuit que nous avons tous les deux vécus, c’est pour te montrer à quel point ce n’était pas des mots dans le vent, à quel point ça m’a fait du bien d’être dans tes bras, à quel point j’ai envie de tenir ma promesse.


À quel point, Harry, je t’aime.


Enfin, voilà, c’est dit. Waouh, je te l’ai enfin dit. Punaise. J’ai pas osé te l’avouer en haut de cette tour, mais maintenant, c’est fait.


J’attends juste la réponse. Je t’attends depuis si 6 longs mois. Peut-être que tu ne veux plus jamais me voir, que tu regrettes cette nuit. Peut-être que tu hésites à venir me voir, que tu te poses des questions, tu demandes si c’est le bon choix. Peut-être que tu demandes comment je réagirais si tu venais après 6 mois, que tu doutes de ma réaction. Peut-être que t’organises déjà pour me faire sortir et que tu réalises que même si tu es Harry Potter, tout ne t’es pas permis.


Je comprends. Je comprends chacun de ses motifs et même si tu dois encore attendre deux mois avant de venir, je te pardonnerai, après tout, nous avons toute la vie devant nous. Cette vie, sache-le, c’est avec toi que je veux la passer.

Mais si tu ne viens pas me voir, peux-tu m’écrire une lettre ? Une réponse à toutes les miennes ?


J’attends ta lettre et je l’attendrais aussi longtemps qu’il le faudra. Parce que je tiens à toi, parce que tu es la personne la plus importante dans ma vie et je l’espère l’être dans la tienne.


Tu te souviens de cette nuit ? Quand tu m’avais avoué que tu n’en pouvais plus de tous ces rôles que tu devais jouer ? Quand tu m'as déballé tout ce que tu avais sur le cœur ?


Je suis resté tétanisé. Et encore aujourd’hui, je me demande comment tu as pu garder tout ça caché au fond de toi. Comment tu as pu rester aussi fort en souffrant autant ? Comment tu as pu continuer à être aux milieux de tous ces élèves qui ne voyaient en toi qu’un héros, des ces journalistes stupides affamés du moindre scoop, de ce petit con arrogant blond qui t’insultait dans les couloirs sans rien savoir ? Comment tu as pu continuer à sourire et à rire sans que personne ne réalise quoi ce soit ?


Moi, j'aurai jamais réussi à faire ça, tu es fort, tu es incroyable fort.


Ce qui m'a fait le plus mal, c'est qu'on tu m'as avoué que tu avais l'impression, que même si tu étais présent physiquement, tout le monde autour de toi t’ignorait, qu’aux milieux de tout ceux qui te voyaient comme ils voulaient bien te voir, ta vraie personnalité n’était rien. Tu te sentais rien.


Tu n'es pas rien, tu es une personne incroyable et cette certitude a encore grandi au fil des 6 mois passés ici. Mais surtout, avant tout ça, tu es Harry. Non pas Le Harry Potter, ni le survivant, ni le sauveur, ni le Gryffondor, ni l’ado parfait. Tu es Harry, celui que j’ai découvert en haut de la tour, celui qui m’a confié ses secrets, celui qui m’a embrassé. Tu es Harry, celui que j’aime.


Tu n’es pas rien, tu es Harry, tu es comme une partie de moi et savoir que tu as tant souffert et que tu souffres certainement encore aujourd’hui, ça me fait souffrir. Des fois, je fais des cauchemars horribles où l’Auror qui vient me voir tous les jours m’annonce que tu es mort, et j’en pleure, toute la nuit. Mais je sais que tu es vivant et tu lis chacune de mes lettres. Je le sais.


Même si tu ne m’as encore répondu, je continue à t’écrire, parce que je ne veux pas t’oublier. Parce que je commence à oublier des choses. Il y a des morceaux de souvenirs qui se brisent et je n’arrive pas à les recoller. Alors, je t’écris, pour ne pas oublier.


Parce que j’ai peur de te perdre, parce que tu es bien trop important dans ma vie pour que je te perde. À Poudlard et encore aujourd’hui, il n'existe pas de personne qui te ressemble dans mon quotidien, il n'existe sûrement pas de personne qui te ressemble dans l'univers.

Et même si tout n’est pas de mon côté, je remercie chaque jour le destin de t’avoir mis sur mon chemin. Je suis heureux de t'avoir rencontré, d’avoir tant de points communs, mais en même temps d'être si différents.


Cette Terre n’a pas connu pires ennemis que nous, mais elle n’a pas connu plus amoureux que nous. Dès le départ, tout nous opposaient et déjà pourtant, tout nous unissaient. C’était inscrit dans les étoiles que Gryffondor et Serpentard finiraient par s’aimer à nouveau, que le rouge et le vert se mélangeaient si bien. Toi, tu es l’héritier légitime de Godric et de Salazar et moi, après tout ce temps, j’ai réalisé que finalement, le rouge est une assez jolie couleur. Si complémentaires, mais si contraires. C’est cela qui rend notre relation si spéciale, si extraordinaire.


Si j’ai fait semblant de te détester toutes ces années, c’est parce que dès ma plus tendre enfance, mon père m’a répété que tu étais un ennemi, que tu avais résisté à notre maître et que pour cela, il fallait te haïr. Je lui obéissais, bêtement, pas parce que je te haïssais, mais parce j’étais jaloux. Tellement de personnes t’aimaient, tu réussisais tout ce que tu entreprenais, tu étais beau, intelligent, courageux, enfin, j’étais jaloux du sorcier parfait.

J’ai grandi, ça m’a pris du temps, mais j’ai grandi. J’ai appris à réfléchir par moi-même, à me faire mon propre avis et ce soir là, sous les étoiles, dans tes bras, ça a été la dernière étape pour que je devienne enfin le vrai moi.


Merci de m’avoir fait devenir celui que je suis réellement. Merci d’avoir passé cette nuit en haut de la tour d’astronomie avec moi. Merci de m’avoir réconforté. Merci d’exister. Merci de m’aimer. Merci pour tout.


Je te souhaite de garder Hermione et Ron auprès de toi, parce qu’ils sont des amis comme j’en aurai toujours souhaité. Je te souhaite de te remettre à ton rythme de la guerre. Je te souhaite de continuer à vivre. Je te souhaite d’être heureux.


Si jamais tu regrettes, je comprendrais. Si jamais tu ne réponds pas à cette lettre, je comprendrais. Si jamais tu attends encore avant de venir me voir, je comprendrais. Mais parce que tu es la personne qui compte le plus dans ma vie, je ne peux pas laisser le temps filer sans essayer de me faire pardonner.


Il n’y a plus de détraqueurs, mais le malheureux semble gravé dans les murs d’Azkaban. C’est comme si la prison continuait d’aspirer le bonheur. Moi, on ne m’arrache pas mon bonheur, j’ai plutôt l’impression qu’on m’arrache des souvenirs. J’oublie peu à peu des moments du passé et plus j’essaie de les rattraper, plus ils s’éloignent de moi.


J’oublie notre rencontre, j’oublie nos années, j’oublie notre nuit, j’oublie notre baiser, j’oublie nos folies.


J’oublie tes yeux verts, j’oublie tes lunettes rondes, j’oublie tes cheveux désordonnés, j’oublie ta peau blanche, j’oublie ta robe Gryffondor, j’oublie tes mots, j’oublie tes sourires, j’oublie tes rires, j’oublie tes lèvres et j’ai peur qu’un jour, c’est toi que j’oublie.


Mais toi, je ne veux pas t’oublier, je veux pas te perdre.


Alors, s’il te plaît Harry, pourrais-tu me donner le moindre signe de vie ? Harry, pourrais tu…


Peux tu me laisser une chance ?



Drago Malfoy






Je marche dans les couloirs, salue des détenus en chemin vers la salle commune. Tout est beaucoup lumineux, joyeux, humain, depuis que le ministère de la magie a décidé de se débarrasser des détraqueurs. Mais il n’a pas pris que des bonnes décisions. Enfermer tous les mangemorts sans s’intéresser à leur dossier en était une, enfermer Drago Malfoy la pire.


Alors que j’arrive devant sa cellule, il ferme l’enveloppe.


La porte est ouverte, j’entre. Il relève la tête, souris, et ça me rend d’autant plus triste. Je m’assois, il pose la lettre devant moi. Je vois qu’elle fait 9 pages, il a beaucoup écrit aujourd’hui. Ça lui permet de se vider la tête, de penser à autre chose… d’oublier.


Tous les docteurs qui sont venus le voir disent que c’est peine perdue. Que même si on lui parle encore et encore de sa vie d’avant, qu’on le confronte à la réalité encore et encore, ça ne marchera pas, mais on peut tout de même essayer. Alors, chaque jour, moi ou n’importe quel auror, on discute avec lui, de Poudlard, de Serpentard, des cours. Mais il s’en fiche de tout ça, c’est toujours la même question qui revient.


- Comment va Harry Potter ?


Alors, à chaque fois, on ignore la question et ensuite, on évoque de la bataille finale. Puis, même si ça lui fait mal à chaque fois et ça me fait encore plus mal à chaque fois, on met le sujet Potter sur la table : les médicomages sont clairs, si jamais il y a une infime chance qu’il revienne à lui, c’est en lui parlant de lui. Toujours, alors que je lui parle de leur relation et que des souvenirs lui reviennent, la même question revient.


- Ça fait 6 mois que je suis enfermé, vous savez pourquoi Harry n’est toujours pas venu me voir ?


- Drago, ça fait pas 6 mois que tu es enfermé ici, ça fait 8 ans.


Alors, à chaque fois, il reste impassible. Il me fixe, le regard vidé de toute émotion. Parfois, il y a une ou deux larmes qui coulent, mais jamais plus, comme s’il n’avait pas le droit de pleurer, comme s’il voulait tout garder à l’intérieur. Mais il n’arrive pas à cacher qu’il souffre. En ces instants, je sais que le ministère a définitivement plus que jamais tort. La place de Drago Malfoy n’est pas à la prison d’Azkaban, mais à Sainte Mangouste ou dans la nouvelle prison de faible sécurité, dans les bras de sa mère.


Drago Malfoy n’est pas dangereux, il est malade.

Drago Malfoy n’est pas un criminel, il est un adolescent brisé par la vie.


Et ça, tout le monde le sait, sauf le principal intéressé.


Alors, à chaque fois, la même question revient, encore et encore.


- Comment va Harry Potter ?


- Drago, il est mort.


Il sanglote. Il pleure. Il ne s’arrête pas, ça devient plus intense.


Il n’énerve. Il insulte. Il crie. Il hurle.


Il prend sa tête entre ses mains. Il se balance d’avant en arrière. Il tremble.


Puis, enfin, il se calme. Il ne hurle plus, il ne tremble plus. Juste, la tête entre les mains, le souffle entrecoupé de sanglots. Il a peut-être passé 8 ans ici, c’est peut-être un adulte désormais, mais il est resté un adolescent brisé. C’est toujours là que je me lève, m’assois à côté de lui, le prend dans mes bras.


Il se relève, se remet droit sur sa chaise, m’adresse un sourire. Je me lève, prend la lettre qu’il me tend, m’approche de la sortie. Il sourit, on pourrait presque croire qu’il est heureux. Il m’indique la lettre d’un signe d’un main et je lui promet de ne pas oublier de la poster aujourd’hui.


Il a déjà oublié.


Alors que je m’apprête à aller à mon bureau, rajoutant cette lettre à toutes celles qui attendent dans un coin depuis 8 ans, je regarde une dernière fois Drago Malfoy.


Ce soir encore, il commence une nouvelle lettre pour se battre contre sa perte de mémoire. Ce soir encore, il espère même si tout est fini. Ce soir encore, il lui répète qu’il l’aime alors que son cœur a cessé de battre. Ce soir encore, il va être incapable de dormir, ses fantômes du passé hantant son esprit. Ce soir encore, il pleure, sans comprendre pourquoi. Ce soir encore, alors qu’il ne souvient déjà plus qu’il est enfermé ici depuis 8 ans et qu’il sera persuadé demain de l’être depuis 6 mois, il va se rappeler, encore et encore, de leur promesse.


Ce soir encore, avant que je ne sorte de sa cellule, il va m’interpeller et me poser l’exact même question qu’à l’habitude, que je connais par cœur désormais.


- Vous savez quand Harry Potter viendra me voir ?


Ce soir encore, Drago Malfoy oublie qu’il l’a perdu, à tout jamais.








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