Blaireaux : sorciers de l'ombre

Chapitre 13 : Feux et glace

6185 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 15/02/2021 22:12

Le lendemain matin, Pete en était venu à improviser un concert matinal, qui consistait essentiellement à taper sur le cadrant du lit avec tous les objets sonores qui lui tombaient sous la main, afin de parvenir à tirer son acolyte hors du coma. Leur sortie clandestine de la veille s’était éternisée et ils se relevaient d’une bien courte nuit de sommeil. Pourtant, Pete était bien décidé à amener Arthur au match de qualification de Quidditch de ce jour, qui opposerait les Gryffondor à leur propre équipe ; non pour apporter son soutien aux joueurs mais pour observer le comportement des deux professeurs qu’ils jugeaient impliqués dans le « Mystère de Poudlard ».

- Arthur, tu n’es décidément pas sensible à la musique de chambre, déclara Pete qui continuait de marteler le lit à baldaquin à coup de brosses à dents et de livres. On va rater le match, à cause de toi !

- Mné on sn’en fiche, on vient juste…

- Quoi ?

Arthur enfouit encore plus profondément son visage dans son oreiller mais parvint à grommeler de manière intelligible : « On s’en fiche, on vient juste regarder les profs, pas le match ! ».

- Et au petit-déjeuner, on vient juste regarder les assiettes vides, aussi ?

Quatre kilos de tête jaillirent hors du coussin comme un diable à ressort.

- Je me lève.


Une heure plus tard, Pete et Arthur se tenaient à la sortie du château, attendant Ernie, Justin et Julia pour se rendre au stade avec eux.

- Ça va faire drôle de voir le terrain à la lumière du jour pour une fois, plaisanta Arthur.

- Chut, n’en parle pas devant Julia, dit Pete précipitamment. Les voilà.

- Salut les gars ! lança Ernie. Vous connaissez la nouvelle ?

- Laquelle ? demanda Arthur.

- Ils ont enfin retrouvé le cerveau d’Ernie ! s’écria Julia.

Pete et Arthur pouffèrent de rire tandis qu’Ernie la fusillait du regard.

- Dumbledore va assister au match ! annonça-t-il enfin.

- Dumbledore ? s’exclamèrent Pete et Arthur en chœur.

- Lui-même, sa Majesté le Comte Dumbledore, affirma Justin sur un ton haut-perché. Il nous fait l’honneur de sa présence.

- Vous en êtes sûrs ?

- Oui, on vient d’entendre Truman le dire à sa copine.

Gabriel Truman, un élève de troisième année, était le préfet-en-chef des Poufsouffle. Celui-ci devait s’assurer de la bonne tenue des élèves au sein des salles communes ainsi que dans les couloirs, et faisait office d’intermédiaire entre les élèves et les professeurs.

- On peut y aller ? lança Julia. Ça caille.

Le petit groupe se mit lentement en marche vers le terrain d’où provenaient déjà les bruits des joueurs en train de s’échauffer avant le début du match.

- Toute l’école assiste à cette partie si je comprends bien, fit remarquer Julia tandis qu’ils avançaient.

- Franchement, répondit Justin, entre Rogue qui arbitre et Dumbledore qui regarde, je ne serais plus surpris qu’on m’annonce la présence d’Elizabeth II.

Arthur et Pete esquissèrent un éclat de rire qui s’effaça aussitôt qu’Ernie ait demandé : « C’est qui, Elizabeth II ? ».

- Eh, Pete ?

Ayant modéré leur allure pour se retrouver en retrait de leurs trois camarades, Arthur avait agrippé la manche de son ami pour lui chuchoter :

- Ce que Julia vient de dire… Ça m’a donné une idée. A ce match, il y aura Rogue, Quirrell, Dumbledore, McGonagall, et la quasi-totalité des élèves, on est d’accord ? En fait, dans vingt minutes… l’école sera entièrement vide !

- Entièrement, je ne sais pas… Je suppose qu’il y aura toujours Rusard en train de nettoyer les toilettes et Peeves, empêtré dans du chewing-gum sous une table…

- Non mais… Sérieusement ! L’école va être vide ! Il faut en profiter pour aller fouiller chez Quirrell, reprit Arthur avec empressement. Il ne va rien se passer du tout, au match. Quirrell se tiendra à carreaux et Rogue massacrera les Gryffondor au score pendant que Dumbledore fera une tresse avec sa barbe. Personne ne va oser lever le petit doigt en sa présence.

- Mais t’es malade ? Aller fouiller chez Quirrell ! Et si on se fait prendre ?

- Je plaiderai la folie.

- Tu te feras passer pour fou ?

- Je TE ferai passer pour fou, en jurant que j’ai tout fait pour t’empêcher de commettre ce honteux forfait.

- Je ne suis pas ravi de ce plan, mais il a le mérite d’exister. Tu penses vraiment qu’on va trouver quelque chose chez Quirrell ? S’il est vraiment coupable, il a dû prendre des précautions…

- Je n’en sais rien mais c’est la seule manière de le découvrir. Allez viens, on y va ! Ohé, les gars ?

Leurs trois camarades se retournèrent.

- Je vais mourir de froid, habillé comme ça. On repasse à la Maison prendre un pull et on revient.

- Ah, si tu retournes au sous-sol, commença Julia, tu pourrais me rapporter…

- Désolé, l’interrompit Arthur, t’es un peu loin, j’entends pas. A tout de suite !

Et leur tournant le dos, ils repartirent hâtivement vers le château.


- Son bureau doit être fermé, commenta Pete.

- On verra bien. Le bureau est dans la salle de défense contre les forces du mal, ce n’est pas un fort imprenable.

- Justement, s’il cache des choses, il ne doit pas les cacher là-bas.

- Oui, merci Sherlock, mais il faut bien commencer quelque part.

Ils retournèrent à leur dortoir le temps que les derniers élèves et professeurs aient rejoint le parc. Ils dissimulèrent un peu leur visage sous deux casquettes new-yorkaises que son père avait offertes à Arthur pour Noël, puis ressortirent discrètement.

Ils grimpèrent à pas furtifs les escaliers du château, en prenant bien soin d’anticiper l’arrivée de Miss Teigne ou de Rusard, puis s’engouffrèrent hâtivement dans la salle de défense contre les forces du mal. Celle-ci était ouverte, mais la porte qui menait au bureau professoral se montra moins coopérative.

Alohomora, murmura Arthur.

Le loquet émit un cliquetis familier, mais la porte resta bloquée.

- Mince, j’avoue que c’était mon seul recours, soupira Arthur.

- Hein ? Tu te fiches de moi ? s’exclama Pete. C’était ça, ton super plan d’espionnage ?

- Arrête de rouspéter et aide-moi à fouiller la pièce. Il y a peut-être un indice.

Ils inspectèrent le bureau, les étagères à moitié vides ainsi que les tables et les chaises dédiées aux élèves mais n’y trouvèrent aucun élément intéressant leur quête.

- Bon, ce coup-là est complètement tombé à l’eau, soupira Pete. Et cette odeur d’ail qui ne quitte ni Quirrell ni sa salle de cours commence à me monter à la tête.

- Moi elle me donne faim, soupira Arthur qui inspectait à présent le plafond tout en cornant machinalement une liasse de feuillets manuscrits trouvée dans le tiroir du bureau magistral. Et ça me déçoit. Je pensais vraiment qu’on allait trouver quelque chose – un indice, une piste… n’importe quoi.

- Est-ce qu’on retourne au match ? interrogea Pete.

- Qu’est-ce que vous fichez là, tous les deux ?

Le sang glacé, les deux Poufsouffle firent volte-face et se prirent de plein fouet le regard fusillant de Madame Pince, la bibliothécaire de Poudlard. Quoique peu âgée, le visage de la femme se ridait si continuellement de préoccupation pour ses précieux ouvrages qu’on eut pu la prendre pour la doyenne de l’école. Ce ne fut que lorsqu’elle reconnut les deux élèves que les plis de son front s’évanouirent et qu’elle retrouva un aspect agréable. D’une voix à présent enjouée, elle les interpella :

- Ah, c’est vous ! Je ne vous avais pas reconnus avec vos couvre-chefs. Quand vous n’êtes pas fourrés chez moi, vous êtes encore dans votre salle de classe à travailler ?

En guise de réponse, les deux élèves toujours pétrifiés de crainte étirèrent la bouche en un ersatz de sourire.

- Vous êtes des élèves sérieux, poursuivit Madame Pince en se rapprochant d’eux, une pile de livres dans les mains. Vous prenez toujours grand soin de ce que je vous prête.

- On venait juste rendre un devoir avant de filer au match, mentit Arthur en agitant les feuillets qu’il n’avait pas encore reposés.

- C’est bien, c’est bien, chantonna Madame Pince. Moi, le Quidditch, il y a longtemps que ça ne m’intéresse plus ! Le niveau de l’école a beaucoup baissé avec les années.

- Vous voulez de l’aide avec ces livres ? proposa poliment Pete, peiné par les kilos de culture qu’elle portait à bout de bras.

- Oh, non, non, vous êtes gentil, répondit-elle. Je vais les laisser ici.

Elle les contourna et posa les manuels dans l’un des tiroirs du bureau.

- Le Professeur Quirrell m’a demandé des bouquins pour son prochain cours. Comme c’est calme et que je les ai enfin tous trouvés, j’en profite pour les lui apporter.

- Il va être touché de cette attention, affirma Arthur avec un sourire cette fois bien sincère.

- Oh, ce n’est rien, répondit Madame Pince qui sourit à son tour. Filez vite au match, maintenant. Moi je dois redescendre faire le ménage ; Argus est déjà occupé.

- Bonne journée ! lancèrent les garçons en chœur.

La documentaliste tourna les talons et sortit de la pièce. Elle eut à peine passé le cadre de la porte que les deux adolescents se jetèrent sur le tiroir, se cognant violemment le front l’un contre l’autre. Les yeux baignés de larme, ils entamèrent une lecture précipitée des livres qui venaient d’être apportés.

- Loups-garou, vampires, épouvantards… commentait Arthur en tournant les pages comme un automate.

- Créatures mythiques, créatures mythologiques… imitait Pete.

Ils feuilletèrent à la chaîne plusieurs livres, jusqu’à ce que Pete manquât de s’étrangler en criant :

- Cerbère !

- A tes souhaits, répondit Arthur sans lever les yeux.

- Non, Arthur, regarde !

Il posa le livre grand ouvert sur la table, révélant le croquis d’un immense canidé aux dents acérées et aux têtes multiples.

- Ça ne te rappelle pas quelqu’un ?

- C’est le chien d’en bas ! s’écria Arthur.

- Ce chien est une créature très ancienne, appelée Cerbère. Regarde, il y a pleins d’infos : où il vit, comment il se nourrit, comment on le capture, co… Comment on l’endort… ajouta Pete avec un bégaiement.

Arthur prit le livre à deux mains et lut rapidement les quelques titres du chapitre.

- Tu crois que c’est ce qu’il cherche ? demanda Pete.

- Le connaissant, il ne va jamais nous faire étudier ça en cours. On n’a toujours pas fini le chapitre sur les insecticides. Je pense que c’est ce qu’il cherchait, oui. Tous les bouquins qu’elle a apportés traitent de créatures ancestrales et monstrueuses !

- Alors, on ne peut pas lui laisser ce livre. Prenons-le et cachons-le à la maison.

Arthur continua de lire le manuel sans répondre. Au bout d’une minute, il finit par articuler :

- Et si…

Il marqua encore un temps de silence puis acheva :

- Et si on allait voir ce que cache ce gros toutou ?

Pete fixa alternativement le livre puis son ami qu’il jaugea pendant quelques secondes. Puis il éclata de rire.

- Non… pouffa Pete. Non. On ne va pas faire ça.

- Mais regarde, c’est écrit juste ici ! Il suffit de lui jouer de la musique pour l’endormir. C’est comme ça que font tous les chasseurs de cerbères.

- Tous les chasseurs encore vivants, tu veux dire.

- On lui joue un peu de musique, on voit rapidement ce que renferme ce fichu étage, et on aura enfin une idée de ce que cherche Quirrell. Et si c’est lié à magique Hitler, on préviendra Dumbledore.

- Pourquoi on ne le prévient pas tout de suite ? On peut lui dire qu’avec ces livres, on a un doute raisonnable sur ses intentions. Lui, il le sait, ce que garde le chien !

- Oui mais…

Arthur s’arrêta une nouvelle fois, puis acheva sa phrase dans un sourire malicieux :

Nous, on ne le sait pas. Et j’ai très, très envie de savoir, maintenant ! Et puis je suis sûr que Dumbledore ne nous croira pas, ou fera tout comme. Il nous a juré corps et âme que personne ne s’en était pris à Harry au dernier match, et là, comme par hasard, il se pointe. Moi, ça m’énerve. J’ai envie de savoir.

- Arthur, ça m’a l’air dangereux. Fouiller un bureau, d’accord ; au pire, on se fait renvoyer. Là, au mieux, on perd une jambe.

- Pete, tu as quel âge ?

- Douze ans, pourquoi ?

- Voilà. Douze ans. La vie est courte. Demain, on sera tous les deux morts, et on n’aura même pas affronté de chien à trois têtes. Si on y va maintenant, on n’aura peut-être plus de jambes ce soir, mais au moins, notre histoire aura de la gueule !

- Arthur, explique-moi : tu es un manipulateur narcissique ou juste un gourou suicidaire ?

- Allez ! Pete, s’il te plaît !

- Il y a un mois, tu voulais fuir le château de peur qu’il t’arrive quelque chose, et maintenant tu rêves de te jeter dans les trois gueules du loup ?

- J’avais peur qu’on me fasse quelque chose ! Tant que c’est moi qui décide, ça ne me dérange pas.

Pete hésita longuement. Il souhaitait lui aussi savoir pourquoi le cerbère était là et ce que Dumbledore ne leur avait pas dit. Il finit donc par acquiescer en soupirant : « D’accord. Au point où on en est. ».


Avec mille précautions, et après être allés soigneusement cacher le livre de Mme Pince dans leur dortoir, ils empruntèrent le couloir menant à l’aile droite du château, puis filèrent au deuxième étage. Ils se tenaient à présent devant la porte derrière laquelle grognait le gardien polycéphale.

- Prêt ? demanda Arthur.

- Prêt ! répondit Pete.

Arthur sortit sa Game Boy de la poche de son jean, poussa lentement la porte, et découvrit les six yeux menaçants du canidé, tandis que la musique de Tetris résonnait de toutes les forces du jouet électronique depuis le couloir. Après un court instant d’étonnement, les multiples paupières du chien tombèrent peu à peu sur ses yeux, et il s’affaissa sur ses pattes de devant. Ce n’est qu’une fois la créature totalement endormie que les garçons pénétrèrent la pièce à la recherche de l’objet protégé. Mais l’endroit s’avéra étonnamment vide.

Fixant les pattes du monstre, Arthur s’aperçut alors que celles-ci dissimulaient une trappe qui s’ouvrait sur un puits sans fond.

- Je suppose qu’il y a quelque chose pour amortir la chute, déclara Pete, la gorge sèche.

- On va quand même s’en assurer d’abord, prévint Arthur.

Il sortit deux billes de sa poche et les jeta dans le gouffre. De longues secondes plus tard, un bruit d’écrasement ramolli parvint à leurs oreilles.

- Ça va. Vu la hauteur, on les aurait entendues s’exploser sur le béton s’il n’y avait aucun amortisseur. C’est parti !

Sans plus de détail, Arthur se jeta lui-même sous la trappe.

- C’est bon, tu peux venir ! cria Arthur du fond des ténèbres.

Rassuré, Pete s’élança à son tour.


Il atterrit sur une surface extrêmement molle et confortable mais qui grouillait tout autour de lui dans un bruit peu avenant.

Lumos ! s’écria Arthur.

Les deux garçons regardèrent autour d’eux et tentèrent d’analyser ce sur quoi ils avaient atterri.

- Oh, un filet-du-diable, s’écria Pete avec un sourire. C’est Chourave qui serait contente !

- Qu’est-ce qu’elle me bassine quand elle part en monologue sur les filets-du-diable, grommela Arthur.

- Oui, enfin sans elle, on ne saurait pas comment se sortir de là.

Et d’une seule voix, les deux sorciers s’écrièrent « Incendio », un sortilège qui lançait du feu et qui effraya la plante noire et carnivore qui commençait à s’enrouler autour de leurs chevilles avec appétit.

Ils s’extirpèrent de la plante et avancèrent doucement vers une porte en bois dans le fond de la pièce.

- J’espère qu’il n’y a pas un chien à quatre têtes derrière, commenta Pete avec inquiétude.

- J’avoue que je ne pensais pas m’élancer dans les douze travaux d’Hercule, ajouta Arthur.


Pete ouvrit prudemment la porte, puis la poussa complètement et, à cause du bruit qui en émergeait, cria à son ami :

- Arthur, tu ne vas pas être déçu de celui-ci !

La pièce qui les attendait grouillait de petites clés ailées qui virevoltaient dans tous les sens. Au centre, deux balais en lévitation attendaient leur cavalier. Rapidement, ils comprirent que pour déverrouiller la porte suivante, il leur fallait enfourcher les balais et partir à la recherche de la clé du verrou qui les bloquait, au milieu de l’essaim menaçant.

Mettant à profit leurs fraiches nuits d’entraînement au vol et au Quidditch avec Cédric Diggory, ils s’élancèrent joyeusement à la poursuite d’une clé qu’ils identifièrent rapidement comme plus grosse et plus ancienne que les autres, tandis que la nuée de rossignols métalliques s’était mise à leur poursuite comme un seul trousseau.

Sans prendre peur, Arthur avait dévié la trajectoire de nombreuses clés d’un mouvement de batte imaginaire magistral, permettant à son ami de se frayer un chemin jusqu’à l’objet convoité qu’il saisit d’un geste triomphal. A nouveau bloqué par les oiseaux endiablés, Pete lança l’objet à Arthur, qui se tenait à présent debout, devant la porte de sortie, avec une vitesse et une précision que seule sa nouvelle expertise de Poursuiveur avait rendu possible.


Passant dans la salle suivante, non sans quelques griffures de clé, et les cheveux complètement ébouriffés, ils découvrirent avec amusement que la nouvelle épreuve n’était autre qu’une partie d’échec.

- Ok, commenta Pete, j’ai l’impression qu’on doit prendre la place de quelqu’un sur le plateau et battre les blancs.

Une armée de pions blancs bloquait en effet l’accès à une nouvelle porte, au fond de la pièce.

- Bon, ben, on va prendre la place du roi et de la reine. Si c’est un jeu d’échec sorcier où les pièces se bousillent à coup de massues, autant pendre celles qui bougent généralement le plus tard dans la partie.

Aussitôt, le roi et la reine noires se retirèrent du plateau, laissant deux cases vides pour les deux baroudeurs.

- Il n’y a plus qu’à espérer que les blancs ne soient pas trop forts…

Il eut à peine fini sa phrase que ceux-ci commencèrent à jouer, déplaçant un pion en case F4.

- Heu… Non, ils n’ont pas l’air spécialement forts, s’amusa Pete.

- Eh, le pion, apostropha Arthur. Va en D5, pour voir ?

Lorsque les blancs bougèrent un second pion en G4, les deux garçons soupirèrent presqu’en chœur : « Ok, ils sont vraiment nuls ». Quelques coups plus tard, la partie était finie et les garçons victorieux.


- Weeee are the chaaaampioon, my frieeeends… s’époumona Arthur en chantant.

- Je suis presque déçu, déclara Pete en réponse à sa sérénade. Qu’est-ce que… WHOOOO !

Ayant franchi le seuil de la porte, Pete s’était tout à coup sentit voler dans les airs. Un gigantesque troll, de la taille d’au moins trois hommes, l’avait saisi par la cheville et l’observait à présent avec une curiosité prononcée.

- Arthur, hurla Pete qui pendait la tête en bas, aux secours !

Serrant les dents, Arthur courut à toutes jambes jusqu’aux pieds de la créature en criant :

- T’inquiète pas mon pote, j’ai la méthode Weasley. Wingardium Leviosa !

Pointant sa baguette en direction d’un bloc de pierres blanches qui avait dû être un banc dans une autre vie, Arthur capta l’objet de sa magie et le projeta de toutes ses forces dans la direction du monstre. Mais celui-ci avait plié les genoux et voûté son dos au même moment, esquivant ainsi involontairement l’attaque.

Wingardium Leviosa ! répéta précipitamment Arthur.

Récupérant les morceaux de pierres qui étaient partis à l’autre bout de la pièce, il fit faire le même mouvement en sens inverse à son projectile improvisé, et dans un furieux mouvement de gifle, il renvoya le caillou en plein visage de son adversaire. Dans sa douleur, celui-ci relâcha Pete et tomba en arrière, complètement inconscient.

- PETE !

Le Poufsouffle avait été relâché de plusieurs mètres de haut, et le sol était en pierre. Arthur brandit sa baguette, mais alors qu’il s’apprêtait à lancer un ultime sortilège de lévitation pour tenter de sauver son ami, une chose surprenante vint couper court à son incantation.


La course newtonienne de Pete s’était interrompue d’elle-même, à une vingtaine de centimètres du sol, défiant toutes les lois de la gravité. Il lévitait à présent sans bouger, bras et jambes en suspens, attendant toujours son écrasement promis.

- Pe…Pete ! Pete, ça va ? s’écria Arthur d’une voix étranglée.

- Hein ?

Pete rouvrit les yeux avec surprise et s’écroula aussitôt des vingt centimètres qui le séparaient du sol. Le postérieur endolori, il se releva difficilement tandis qu’Arthur s’approchait prudemment de lui.

- Comment tu as fait ça ? s’interrogèrent-ils en même temps.

- Comment j’ai fait quoi ? répondit Arthur.

- Comment tu as arrêté ma chute ? insista Pete. Je me serais fracassé le crâne sur le sol, sans toi.

- Je… J’ai rien fait. Tu t’es arrêté tout seul.

Pete fixa son ami.

- Quoi ?

- Bon, écoute, c’était complètement idiot, cette idée de venir ici… Prenons les balais de la salle des clés et rentrons en vitesse.

- Non ! rétorqua Pete avec un aplomb qui l’étonna lui-même. On vient de combattre un troll. On ne va pas s’arrêter maintenant. Continuons.

N’osant rien répondre, Arthur le suivit dans la pièce suivante.


Celle-ci renfermait une table sur laquelle une dizaine de flacons étaient disposés. Quand ils s’en approchèrent, ils furent soudain emprisonnés entre deux murs de flamme, devant et derrière eux.

- D’accord, confessa Pete tandis qu’Arthur haletait soudainement de claustrophobie, on aurait peut-être, en effet, dû s’arrêter après le troll…

- Qu’est-ce qu’on va faire ? Qu’est-ce qu’on fait ? s’écria Arthur, pris de panique.

- On va faire l’épreuve.

Sur la table reposait un parchemin où on pouvait lire l’énigme suivante :

               Devant est le danger, le salut est derrière.

               Deux sauront parmi nous conduire à la lumière,

               L'une d'entre les sept en avant te protège

               Et une autre en arrière abolira le piège,

               Deux ne pourront t'offrir que simple vin d'ortie

               Trois sont mortels poisons, promesse d'agonie,

               Choisis, si tu veux fuir un éternel supplice,

               Pour t'aider dans ce choix, tu auras quatre indices.

               Le premier : si rusée que soit leur perfidie,

               Les poisons sont à gauche des deux vins d'ortie.

               Le second : différente à chaque extrémité,

               Si tu vas de l'avant, nulle n'est ton alliée.

               Le troisième : elles sont de tailles inégales,

               Ni naine ni géante en son sein n'est fatale.

               Quatre enfin : les deuxièmes, à gauche comme à droite,

               Sont jumelles de goût, mais d'aspect disparates


- Oh, oh, ça c’est du Rogue tout craché, s’esclaffa Pete. Arthur, du nerf. C’est pour toi, celle-là.

- D’accord… D’accord… articula Arthur en reprenant son souffle. Alors, il y a trois poisons, deux vins, et deux potions. Les poisons sont à gauche des deux vins… Aux extrémités… pas ton alliée…

- La petite et la grande, c’est soit du vin, soit des potions, ajouta Pete.

- Ces deux-là, du coup, c’est du vin…

- Celle-là, c’est forcément un poison…

- Celle-là aussi…

- Donc pour aller en avant…

- C’est elle ! Et en arrière…

- C’est celle-là !

- Yes ! Prêt ?

- Prêt !

Ils avalèrent l’un puis l’autre une gorgée de la petite potion, puis traversèrent le mur de feu qui les séparait de la nouvelle porte.


Ils entrèrent cette fois-ci dans une pièce d’aspect somptueux, mais entièrement vide, à l’exception d’un grand miroir en pied qui trônait au beau milieu de la salle ronde et bordée d’arcades en pierre.

- C’est encore une épreuve ? gémit Pete. Je commence à être fatigué…

- Non, j’ai l’impression qu’on y est, répondit Arthur. Je ne vois plus d’autre porte.

- Bon… Pas de terroriste nazi, pas de troll mutant qui cherche à dévorer des première année… On s’en sort plutôt bien, je trouve.

- D’accord, mais on a quoi, Pete ? interrogea Arthur avec une pointe d’agacement. Tu ne vas pas me dire que toutes ces épreuves ont été conçues pour garder ce pauvre miroir ?

Tout en parlant, ils s’étaient l’un et l’autre approché de la psyché.

- Je veux dire… Qu’est-ce qu’il a de si particulier pour… ?

Il s’interrompit devant ce que Pete crut être son reflet.

- Tu te trouves beau à ce point ? commenta Pete en pouffant de rire.

- Alors déjà, oui, petit un, répondit Arthur, et petit deux, je ne vois pas vraiment mon reflet… Enfin, je me vois mais… C’est bizarre. Je suis sur la scène d’un concert. Il y a un monde fou dans le public ! Et… On dirait que je suis une véritable star du rock’n’roll ! J’ai une guitare, une veste en cuir… Tout l’attirail !

Sans répondre, Pete s’approcha à son tour et sursauta :

- Maman ?

- Hein ? Comment ça « maman » ? demanda Arthur d’un air hagard.

- Mais…

Pete contourna rapidement le meuble pour vérifier que sa mère ne se cachait pas derrière. Il revint face à la glace dans laquelle s’affichait l’image de la femme souriante et heureuse. Peu à peu, il vit derrière elle son frère, sa sœur et son père, s’approchant de la femme qui souriait de plus belle.

- Tu vois ta mère ? répéta Arthur. Je préfère clairement mon concert de rock !

- Ben… C’est pas vraiment ma mère, là. Jamais je ne l’ai vu un tel état de... Quiétude. J’aimerais la voir comme ça plus souvent…

- Tu crois que des gens se taperaient un cerbère, un troll et un « Trouvez Charlie ou buvez du poison », juste pour un miroir qui montre des choses inhabituellement positives ?

- Je ne sais pas, répondit Pete, sans quitter le miroir des yeux. Mais j’aimerais tellement le savoir ! Qu’est-ce que peut bien nous cacher Dumbledore, depuis tout ce temps ? Le pire, c’est que si je le savais, je suis sûr que je n’en aurais moi-même aucune utilité, mais je suis juste tellement curieux de cette chose qui rend tout le monde fou depuis six mois… Eh !

- Quoi ?

- Tu vois ce que je vois ?

- Non, quoi ?

- Maintenant je vois Dumbledore dans le miroir !

Ils firent volte-face mécaniquement, inquiets de se retrouver nez-à-nez avec leur directeur, mais la pièce était toujours vide.

- Non, je ne vois pas Dumbledore, moi, ajouta Arthur. Pete, on va avoir une conversation sur ce qui te fait rêver, si tu veux bien…

- Mais non, attends, il me montre quelque chose ! Dans sa main, là, on dirait… une pierre !

- Une pierre ?

- Oui ! Une petite pierre rouge, reluisante…

- Une pierre rouge ? Mais… Mais bien sûr, la pierre philosophale ! s’écria Arthur. Rappelle-toi, dans le train ! Hannah nous a expliqué qu’elle existait vraiment dans le monde des sorciers. Elle change les métaux non précieux en or. Tu m’étonnes que Quirrell veuille la voler, vu sa garde-robe.

- Et elle procure un élixir de vie, aussi, non ? ajouta Pete.

- Tout à fait. D’ailleurs, il faudra m’expliquer comment tu es censé boire une pierre…

- Je ne sais pas, mais alors en fait, tout ça c’était…

- …Pour un simple cambriolage ? acheva Arthur, paraphrasant une réplique de Piège de cristal.

- Je suis sacrément déçu, acheva Pete. Mais on fera des citations de cinéma plus tard. Imagine qu’Hagrid revienne pour nourrir le chien et s’aperçoive qu’il dort !

Arthur déglutit.

- T’as raison, filons d’ici. On a trouvé ce qu’on cherchait de toute manière.

- Tout ça pour une pauvre pierre d’immortalité et de fortune incommensurable. Les grandes personnes ont décidément des centres d’intérêt bien limités.


Se détournant du grand miroir, ils quittèrent la pièce par la porte d’où ils étaient entrés, retrouvant la table sur laquelle étaient posées les différentes fioles de l’énigme.

- La potion pour aller vers la salle du troll, c’est bien celle-ci ?

- Oui, confirma Arthur. En revanche…

Il marqua une pause et ajouta d’un air grave :

- Il ne restera plus de potion après notre passage. Si quelqu’un arrive ici, il se retrouvera prisonnier des deux murs de feu…

Le visage de Pete blanchit en une seconde.

- Qu’est-ce qu’on va faire ?

- Il n’y a qu’une chose à faire, conclut Arthur. On va devoir refaire ces potions nous-même et redescendre les poser ici.

- Redescendre ? soupira Pete qui ajouta après une pause : c’est vrai que les épreuves n’étaient pas si dures, après tout.

- Oui, heureusement qu’il y a ce miroir. Quoi qu’il fasse, ça n’a pas l’air évident de lui récupérer la pierre. Les autres obstacles peuvent être déjoués par n’importe quel élève de première année… C’est un scandale.

- Allez, buvons la potion et repartons avant que le troll se réveille.

S’exécutant, les deux élèves traversèrent en courant le second mur de feu puis la nauséabonde salle du troll où celui-ci gisait toujours, jusqu’à la salle de l’échiquier dont les pièces laissèrent cette fois le champ libre. Soucieux de remettre la pièce dans l’état où ils l’avaient trouvée, ils lancèrent plusieurs « Reparo », le sortilège de reconstruction d’objets cassés, afin que les pièces détruites au cours de la partie reprennent leur figure initiale.

Couvrant la tête de leurs bras, ils traversèrent également la salle aux clés ailées puis récupérèrent les balais pour remonter au-dessus du filet-du-diable, retrouver le tunnel qui remontait jusqu’à la trappe du cerbère. Celui-ci, bien réveillé depuis que la mélodie s’était tue, fut rendormi de la même manière, et les balais retournèrent à leur poste initial sans demander leur reste.

De retour dans la salle commune, épuisés mais complètement ragaillardis par leurs dernières aventures, les deux élèves apprirent que leur équipe s’était faite laminer par l’équipe de Gryffondor durant un match de Quidditch d’une rapidité inédite, mais qu’aucun événement particulier ne s’y était produit.

Ne voyant dans cette défaite qu’une nouvelle occasion de s’amuser pour se consoler, les élèves de la maison, toutes années confondues, firent la fête jusqu’au petit matin, et Pete eut à nouveau toutes les peines du monde à tirer son ami hors du lit le lendemain.

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