Une rose dans un bouquet d'épines
Chapitre 3 : Chapitre Troisième : "Tandis que les crapauds font connaissance..."
Catégorie: M
Dernière mise à jour 10/11/2016 02:55
Voilà dix minutes que je fixe la banquette en face de moi. Ma grosse valise gît à mes pieds, témoin de mon manque de force pour la hisser dans les hauts filets à bagages.
Le compartiment dans lequel je suis installée reste vide, ce qui ne me dérange pas le moins du monde. Moi, éternelle solitaire, repliée sur moi-même. On m’a souvent fait des reproches à ce sujet, sur le fait que je me cachais, que je ne cherchais pas à m’ouvrir aux autres. Ce à quoi je répondais que je ne m’ouvrais qu’à ceux qui en valaient la peine. Peut-être n’est-ce pas très juste envers les autres mais la plupart du temps les gens m’épuisent. Alors, au lieu de me fatiguer à entretenir des conversations débiles et à hocher la tête à la moindre connerie je préfère conserver mon énergie pour les personnes qui vaillent vraiment la peine qu’on discute avec elle. Seulement je n’en ai pas vraiment trouvé depuis Sarah…
Ma moue disparaît car cette pensée-là me fait davantage prendre conscience de mon statut de « nouvelle ». Je n’ai pas le temps, cette-fois, de me perdre dans ma tête car ma théorie sur « le-pourquoi-du-comment-mon-compartiment-reste-vide » se confirme lorsque j’entends la porte coulisser doucement. Levant la tête, j’aperçois un garçon au visage rond et aux cheveux noirs. Ma première impression, qui est toujours négative en général, je dois l’avouer, fut qu’il paraissait trop naïf et trop gentil pour survivre dans un monde de cloportes haineux où la loi du plus vil règne toujours.
« -Je peux m’installer ? Me demande t-il d’une voix timide. Presque tous les autres compartiments sont pris et je n’ai pas tellement envie de devoir passer le trajet coincé entre deux Serpentards. » Il me fait un petit sourire d’excuse.
Comme quoi je ne m’étais pas trompée sur son compte : beaucoup trop de gentillesse dans ce garçon timide et presque apeuré de me demander de s’asseoir avec moi. Mais, à ma grande surprise, ce garçon dont je ne connais même pas le nom et qui me parle de « serpentards » ne me dérange absolument pas, ne me donne pas l’impression d’être « agressée ». Il me paraît même plutôt sympathique et un sourire, mince mais sincère et aussi incontrôlable, s’empare de mon visage. Phénomène qui m’abasourdit quelque peu je dois dire. Il est rare que je me sente bien et en confiance avec un inconnu tout en aillant une si bonne impression de lui.
Le visage parsemé de plaques rouges et le souffle court après tant d’effort, il reprend l’amphibien d’une main et s’essuie l’autre sur son jean pour la nettoyer de toute sueur et me la tend. Tandis que je la lui sers, il se présente :
« -Je suis Rose Vic et je suis nouvelle ici. Je suis aussi en sixième année. »
Il s’assied en face de moi ce qui me met mal à l’aise, comme toujours lorsqu’une personne inconnue se trouve trop proche de moi. Il prend un air étonné, puis semblant réfléchir :
« -Je me disais bien que je ne t’avais jamais vue même si il est impossible de connaître tous les élèves de Poudlard, bien sûr ! Mais j’y étudie depuis six ans alors tu comprends… »
« -Grifondor ? Dis-je, intriguée. »
Il commençe donc à partir dans un long monologue très intéressant sur les quatre maisons de Poudlard qui sont, si ma mémoire est bonne, Gryffondor, Serpentard, Poufsouffle et Serdaigle. Puis son crapaud attire mon attention. Suivant mon regard, il lève un peu la main, rapprochant l’animal de moi.
« -Le mien s’appelle Merlin et il n’est ni mou ni vieux. Dis-je avec un léger rire. » Je sors alors le fameux Merlin de la poche de mon blouson. Il ma parait bien minuscule par rapport à Trévor… Surpris, Neville affiche un sourire en coin et m’affirme qu’ils s’entendront très bien. Sur ceci, nous les posons l’un à côté de l’autre sur la banquette à côté de moi pour qu’ils fassent connaissance. Je rigole intérieurement et sarcastiquement à la pensée que des crapauds puissent faire connaissance… cela me semble un peu bizarre et enfantin. Cependant, je ne dis rien et arrive, juste à temps, à entendre la question que Neville vient de me poser.
« -A Beauxbâtons. »
« -Tu es donc française ! s’exclame t-il l’air complètement ahuri. »
Je ne peux m’empêcher d’éclater de rire. Un rire qui reste froid cependant.
« -Tu ne l’avais toujours remarqué à mon accent ?! »
« -Et bien non, pas vraiment. Tu as plutôt un bon accent et une bonne prononciation, alors je… »
Je ris de nouveau mais sincèrement et franchement cette fois devant la tête qu’il tire.
Je me demande quand même, pendant ce temps là, comment une présence amicale peut me faire baisser ma garde, ne serait-ce que légèrement. Mon esprit me rappelle alors à l’ordre et je me ferme de nouveau faisant attention de garder un visage avenant, soucieuse tout de même de ne pas blesser Neville. Nous passons donc l’heure suivante à discuter. Enfin, je devrais plutôt dire que je m’évertue à détourner la conversation dès que l’on parle de moi et à lui en faire dire le plus possible sur lui-même. Il ne remarque rien mais je m’aperçois qu’une certaine gêne s’empare de lui lorsque j’aborde le sujet de ses parents. Evasif, il me dit simplement qu’il habite chez sa grand-mère.
Evitant de paraître indiscrète, je détourne une fois de plus la conversation pour lui faire remarquer que Trévor et Merlin semblent s’entendre à merveille.
Il parait soulagé bien qu’un éclat de tristesse persiste quelques secondes dans ses yeux.
Je vois alors Harry Potter pour la première fois.
Malgré ce que vous pourriez penser, cette première rencontre n’est pas restée gravée dans ma mémoire à cause de la vague popularité qui lui est assimilée en France mais plutôt à cause du contraste entre l’impression que j’eus de lui à ce moment précis et l’opinion que je garde de lui encore aujourd’hui, quatre ans après.
Tout trois entrèrent dans le compartiment. Le roux ouvrit les bras et étreignit Neville :
« -J’ai entendu parlé de toi à Beauxbâtons, je crois. Dis-je à ce dernier. »
« -Ici tout le monde connaît Harry ! Lança Neville. »
« -Sa légende n’est pas beaucoup connue en France, ajoutai-je. »
« -La France ! S’étonna Hermione. »
Une question banale. Cependant le ton de sa voix me mettait mal à l’aise sans que je pu expliquer pourquoi. Une voix posée, un peu hésitante à défaut d’être timide. Un regard scrutateur comme si ma réponse était susceptible de devenir une information précieuse.
A mesure que le Poudlard Express continuait sa route, le soleil déclinait de plus en plus et le ciel s’assombrissait. J’ai toujours détesté le moment où le soleil se couche, j’ai l’impression d’être oppressée et enfermée dans une cage qui se ferme de plus en plus, jusqu’à engloutir le dernier rayon de lumière. J’aime seulement la nuit et l’aube. Le jour, lui, me déprime.
A présent Neville lisait un livre de botanique avancée et Hermione jouait avec son chat (une espèce d’horrible boule de poils orange). Ron dormait, la bouche légèrement ouverte, sa tête penchant de plus en plus vers l’épaule de Neville.
Harry était le seul à être assis sur ma banquette. Trévor et Merlin nous séparaient et leurs faibles coassements étaient le seul bruit venant perturber le silence qui régnait. Un silence ni tendu, ni gênant mais qui montrait juste la lassitude d’un voyage beaucoup trop long…
Je tournai la tête vers Harry. Sentant un regard posé sur lui, il me regarda à son tour. Il me sourit discrètement et me demanda en chuchotant :
« -Sûre de pas vouloir tenter une Dragée de Bertie Crochue ? »
A présent, son sourire était plus moqueur et je me rendis compte de ce qui me troublait chez lui. C’était comme si son mal-être, et sa carapace cohabitaient ensemble au lieu de s’éclipser l’un l’autre. Comme si ces deux facettes de sa personnalité construisaient un être étrange et intriguant, bizarre mais équilibré de par le fait qu’il semblait maitriser sa souffrance. Une idée peut-être fausse de ma part mais qui me sembla tellement juste à ce moment-là. Je repris mes esprits tout en me disant qu’il ne serait jamais trop tard pour découvrir entièrement ce phénomène inconnu jusqu’alors.
« -Non, merci, répondis-je avec le même air. Je connais très bien les dragées de Bertie Crochue et je ne tiens pas à renouveler l’expérience. »
« -Mauvais souvenir ? S’enquit-il rieur. »
« -Oh non… Juste que le goût de sang de rat au petit déjeuner, c’est pas très fun. »
« -Au p’tit déj’ ?! Insista t-il, mi-dégoûté mi-amusé. »
« -Une mauvaise habitude que Bertie Crochue m’a faite perdre. Sans doute une bonne chose, dis-je en étouffant un rire. »
Mais non loin de mon cerveau grondait l’orage douloureux que la mention de simples dragées avait fait apparaître. Je savais que je ne pouvais y échapper, je fis donc semblant de m’intéresser au paysage derrière la vitre bien que je fus incapable de distinguer quoi que ce soit dans la nuit, à présent, d’un noir d’encre.
Ces stupides Dragées Surprise de Bertie Crochue faisaient ressurgir en moi les mêmes souvenirs pénibles que j’avais temporairement oubliés durant ces dernières heures.
J’avais déjà goûté une dragée au sang de rat par le passé. La dernière fois que j’avais dû en manger remontait à mes douze ans mais ce n’était pas le goût infect du bonbon qui m’avait dégoûtée. Mais un évènement bien plus grave qui lui avait succédé, évènement qui m’avait dégoûtée de tout d’ailleurs. De la vie, de l’amour, de moi-même, de la nourriture…
La jeune fille, gourmande et heureuse, était devenue une pâle imitation d’elle-même, maigrissait continuellement et s’était construit un personnage dont elle endossait le rôle aujourd’hui, âgée de seize ans et non toujours sans peine. Ce personnage n’avait réglé aucun de ses problèmes mais avait au moins servit à les cacher.
Je décidai d’arrêter de ma prendre la tête comme à chaque fois que je n’ai pas de réponse à une question (c’est un de mes défauts les plus frappants, la prise de tête avec moi-même…) mais lorsque je tournai la tête et croisai ses yeux, je ne pus m’empêcher de me dire que quelque chose clochait au fond de ces iris trop vertes. Quoiqu’il en soit, je me forçais à penser à autre chose.
Soudain une voix dans le train annonça l’arrivée prévue dans trente minutes.
En enfilant ma robe de sorcier je remarquai les yeux soupçonneux de Harry posés sur le bandage de ma main gauche que ma manche, accidentellement relevée, avait révélé.