Une rose dans un bouquet d'épines

Chapitre 1 : Chapitre Premier : "Qui est l'hypocrite?"

Catégorie: M

Dernière mise à jour 11/07/2009 21:44

Je m’appelle Rose et je suis une sorcière.
Voilà tout ce que vous avez besoin de savoir sur moi pour l’instant.

Certes, le mot « sorcière » signifie que j’utilise la magie, mais je l’apprends aussi. Mes capacités magiques se sont manifestées très tôt ; à l’âge de quatre ans je pouvais déjà faire exploser en des milliers d’éclats tranchants le service en porcelaine de ma mère. Je pouvais faire léviter mon père à une dizaine de centimètres au-dessus du sol et déplacer de petits objets sans avoir à les toucher.

Mes parents, qui au début furent effrayés, se réjouirent vite de voir que leur fille était quelqu’un de « si exceptionnel ». Mais bizarrement, l’excitation qui venait d’eux ne me touchait pas. J’étais trop jeune pour comprendre que j’étais capable de faire des choses anormales. Des choses qu’une gamine de quatre ans ne fait pas. Une fillette de mon âge aurait sûrement dû passer son temps à jouer à la poupée au lieu de faire tourner sur elle-même la chaise d’ordinateur de son papa par la seule force du regard…

Mais un jour, mes parents reçurent une lettre qui, non seulement les conforta dans leur idée que je n’étais pas comme tout le monde, mais qui en plus leur ouvrit les yeux sur un autre univers, une communauté entière dispersée de par la terre et qui regroupait les personnes comme moi : les sorciers.

A partir de cet instant- là je commençai à comprendre un peu mieux qui j’étais, pourquoi ma mère me chérissait tant et était si fière de moi, pourquoi mon père ne voulait pas trop que je joue avec les enfants de mon âge et pourquoi tout deux m’avaient déscolarisée.

Je me sentais enfin impliquée dans quelque chose, j’avais l’impression d’être une partie infime d’un immense tout. Et j’étais heureuse de pouvoir un jour, peut-être, partager des « trucs étranges » avec des camarades qui seraient comme moi.


Quand j’eus sept ans je remarquai que mes dites capacités s’amoindrissaient, leur puissance était plus faible car j’avais plus de contrôle sur moi-même. A cet âge-là j’étais déjà d’un pessimisme incurable (surtout depuis la mort de ma grand-mère lorsque j’avais six ans). Je n’étais qu’une enfant en âge de raison dont la vie paraissait moins dénuée de sens et d’espoir grâce à la magie qui me présentait un avenir bien plus alléchant que celui de Moldue. Peut-être m’imaginais-je qu’une simple incantation aurait suffie à ressusciter grand-mère Lucie et à vaincre la mort…

 

Aujourd’hui j’ai seize ans. Enfin, « aujourd’hui », façon de parler bien sûr car si c’était mon anniversaire je sens qu’il deviendrait vite l’un des jours les plus douloureux de l’année. Car j’ai beau être une sorcière je suis entrain de vivre un moment vraiment banal (mais tellement douloureux) qu’est le divorce de mes parents. Et j’entends leurs disputes sans fin qui suivent l’évocation du mot « divorce ». Ce qui est bien pire à supporter.

Et voilà que je me retrouve à pleurer dans ma chambre. Seule. Je sens mon monde s’écrouler ainsi que la sécurité factice que je me suis construite dans cette famille.

Je perçois un dernier éclat de voix provenant du rez-de-chaussée puis une porte claque. C’est celle du hall d’entrée.

Mon père est parti.

Oui, ce que je vis est affreusement normal. Rien de magique, rien de merveilleux, rien de génial là-dedans. Et si j’ai pris plaisir quelques fois à vivre sans baguette magique, sans crapaud ni grimoires, je suis sûre de moi lorsque j’affirme haïr ces moments-là.

J’ai si mal et pourtant j’ai la sensation de ne ressentir la peine qu’à moitié. Comme si les sentiments de tristesses, si forts soient-ils, se dirigeaient sur moi et étaient filtrés par la barrière qu’est mon corps avant d’atteindre le cimetière qu’est mon cœur.

Mais j’ai pris l’habitude d’avoir ce vide en moi et d’être une coquille vide depuis bientôt quatre ans. Comme une boîte fragile et sans âme. Une boîte non pas faite de cristal mais de carton humide et pourri.

Oui, j’ai pris l’habitude de vivre avec depuis ce jour maudit…

Je dois avouer que, bien que le divorce ne m’aide pas à me sentir mieux, je suis surtout effrayée par l’inconnu qui s’ouvrira bientôt à moi.

En effet, je quitte ma petite maison du Sud de la France pour l’Angleterre où ma mère s’est faite mutée. Et ça, ça ne passe vraiment pas.

Je n’ai pas peur de changer d’école ou d’amies mais juste de me sentir encore plus à l’écart que je ne le suis généralement. Un nouveau pays, une nouvelle langue, de nouvelles nuisances. Ce qui me réconforte un peu c’est de changer d’environnement scolaire et de penser que ma nouvelle école (Potlard ? non, Poudlard, je crois que c’est ça…) sera bien mieux que Beauxbâtons.

Beauxbâtons n’accueille que des filles. C’est un endroit chaleureux mais la bonne humeur a quelque peu disparu depuis que Sarh s’est suicidée.

Sarah était ma meilleure amie, ma sœur. C’est même trop peu pour décrire le lien qui nous unissait. Elle et moi partagions un même secret. Un secret bien plus pesant que celui d’être sorcières. Un secret qui nous avait rapprochées malgré tout et qui faisait que nous nous soutenions l’une l’autre malgré les nombreuses épreuves qui barraient nos chemins.

Le secret nous écrasait, nous donnait le sentiment d’être sales et seules au monde, immondes et indignes de vivre. Nous étions embourbées dans la détresse et l’on s’y noyait lentement… et sûrement.

Sarah n’avait pu en supporter d’avantage  et avait sauté du sixième étage de notre internat, de la fenêtre de notre dortoir. Elle s’était noyée la première.

Elle avait à peine quinze ans. Moi aussi.

Après son suicide je me souviens de m’être renfermée sur moi-même, refusant toute aide psychologique, tout soutien. Mon chagrin intense du début a fait place à la colère, la colère à une profonde dépression et la dépression à un comportement désinvolte, léthargique et agressif à la fois. Comportement qui persiste encore aujourd’hui d’ailleurs et qui m’a valu d’être renvoyée chez moi au cours de cette même année pour rébellion, insolence et état d’ébriété en cours de métamorphose. Bien sûr professeurs, directeurs et parents mettaient mes dérives sur le compte de la peine que procure la perte d’un être cher. D’après eux, chacun réagissait à sa façon à l’annonce d’un décès.

Mais moi, je savais très bien que mon autodestruction, qui avait commencé lorsque j’avais douze ans, atteignait un nouveau chapitre qui était sur le point de durer et d’être riche en péripéties…

Je me demande parfois, pourquoi j’ai la force de continuer, moi. Pourquoi Sarah ne l’a-t-elle pas eut ? Puis je me dis que ce n’est sûrement pas de la force qu’il y a en moi mais plutôt un goût poussé pour la folie ou le masochisme, quelque chose qui me fait vivre tandis que je souffre.

Depuis mes douze ans j’ai tout fait pour me détruire tout en, gardant une apparence saine et sauve. Au fil des années j’ai appris à me construire un personnage qui n’a peur de rien, qui n’a aucune gêne aux yeux des autres, dont l’assurance est étonnante et les réparties acides. Ce personnage un peu rock ‘n’ roll sur les bords n’est qu’une carapace, il n’est pas réel.


Qui dit que je suis hypocrite ?

Cette carapace n’est là que pour cacher la vraie fille que je suis.

La fille qui boit, fume et se mutile.

La fille qui un jour s’est faite violée par son meilleur ami. 


Alors, suis-je toujours une hypocrite ?

 

 

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