MSBY 21

Un matin, alors que Shōyō entrait dans le gymnase peu avant le début de l’entraînement, Meian, capitaine des MSBY Black Jackals de son état, l’attendait de pied ferme. La plupart des autres membres de l’équipe étaient déjà arrivés et les observaient avec au visage un mélange de curiosité et d’anticipation.

— Je crois qu’on a reçu quelque chose pour toi, lui dit Meian avec un grand sourire.

Il lui tendit un sachet en tissu, qui rappela à Shōyō celui dans lequel il rangeait ses chaussures de sport au lycée. Il l’accepta, un brin surpris. Il n’était pas si rare que les fans lui offrent des cadeaux, mais ils les lui donnaient plus volontiers en main propre après un match, ou alors ils l’envoyaient à l’adresse de l’administration du club, indiquée sur Internet. Jamais aucun d’entre eux n’avait fait le chemin jusqu’à gymnase pour l’y déposer directement. En ouvrant cet étrange paquet, il comprit. Ce n’était pas un cadeau de fan.

C’était son nouveau maillot.

Il resta un instant bouche bée, observant le vêtement sous toutes ses coutures pour s’assurer qu’il ne rêvait pas. Non, c’était bien ça. Un maillot des Black Jackals, semblable à celui de ses coéquipiers, semblable à celui qu’il portait déjà lors des matchs mais avec cette minuscule différence qui changeait tout.

Ni une ni deux, il retira son t-shirt et enfila le maillot. Il était par-fait. Il se tourna et se retourna, continuant à l’observer sous tous les angles. Ses coéquipiers en profitèrent pour fondre sur lui ; de toute évidence, ils savaient déjà tous bien avant lui ce qui se trouvait dans le sachet. Chacun y alla de son petit commentaire, lui fit une accolade ou lui ébouriffa les cheveux.

— Eh bien, quel changement !

— Il te va à merveille !

— Mais alors, comment on doit t’appeler maintenant ?

— Shōyō, ce sera très bien ! 

Bokuto, pendant ce temps, ne cessait de le mitrailler dans tous les sens. Il le fit poser de dos, les bras levés et les pouces dirigés vers le bas, un immense sourire aux lèvres et Shōyō devait admettre que la photo était réussie. Il se souvint de la pose similaire qu’il avait prise avec tous les membres de Karasuno en première année de lycée et fut prit d’un sacré vertige quand il se rendit compte que six ans avaient passé depuis cette époque.

— Ça t’embête si je l’envoie à Keiji ? demanda Bokuto, une fois qu’il eut fini de jouer les paparazzis. On sait jamais, ça pourrait lui donner des idées…

Shōyō doutait que cela fasse céder Akaashi, si toutes les photos que Bokuto avaient prises depuis la demande n’avaient pas suffi — et Dieu savait qu’elles étaient nombreuses. Mais il lui assura que non, ça ne le dérangeait absolument pas, et qu’il tenait même à ce que l’image fasse le tour de tous les réseaux sociaux possibles et imaginables. Rarement Shōyō avait été aussi fier qu’à cet instant et il voulait que tout le monde, absolument tout le monde partage ce moment.

— Qu’est-ce que c’est que tout ce bonheur qui flotte dans l’air ? demanda Sakusa quand il arriva.

— La crevette a reçu son nouveau maillot, répondit Atsumu avec sa nonchalance habituelle.

Sakusa soupira, laissant échapper un long « hmmm », qui soulignait tout le peu d’importance qu’il attachait à ce non-événement. Il prit tout de même la peine d’aller féliciter Shōyō, sans grand enthousiasme certes, mais qui ravit tout de même le petit rouquin. 

Sur Facebook, les réactions ne s’étaient pas fait attendre. Dès que Bokuto eut posté sa photo, une avalanche de likes avait déferlé sur la page de l’équipe. Accompagnant le cliché, une simple phrase : « Les MSBY Jackals accueillent un tout nouveau joueur… ou pas ? » et les commentaires de félicitations ne cessaient d’arriver, au point où Shōyō avait du mal à suivre. Au milieu des fans, il aperçut des messages de ses anciens camarades de lycée : Yamaguchi, Daichi, Sugawara ou encore Hitoka lui offraient tous leurs compliments sur ce tout nouveau maillot. Tanaka et Nishinoya avaient laissé exploser leur joie dans de longs pavés à base de « C’EST SI BEAU JE SUIS EN LARMES AU SECOURS » et autres « MES ENFANTS ONT TELLEMENT GRANDI JE SUIS SI FIER ♥♥♥♥♥♥ ». Shōyō songea qu’il devait être aux alentours des trois heures du matin à Rome, où Nishinoya se trouvait actuellement, mais se rappela vite qu’il s’agissait de Nishinoya et que tant ardeur n’était pas si étonnant de sa part, même au milieu de la nuit. Ushijima en personne le gratifia d’un sobre pouce en l’air, ce qui pour lui était déjà beaucoup. Tobio, lui, ne l’avait sans doute pas vu, puisqu’il exécrait les réseaux sociaux et Internet en général, mais peu importe. Shōyō lui enverrait le cliché par SMS ou mieux, il lui montrerait en personne.

Rentré chez lui, dans l’appartement qu’il louait pour les jours où il ne pouvait pas monter vers Tokyo, Shōyō ne parvenait toujours pas à détacher le regard de son nouveau maillot. Il n’était pourtant pas si différent de l’ancien et, vu de face, on aurait pu jurer que c’était le même. Le même tissu noir, la même griffure marron clair au niveau du ventre, la même tête de chacal stylisée, surmontant les initiales B et J des Black Jackals. Il portait toujours le numéro 21, inscrit en blanc sur le fond sombre. Et dans le dos, en travers des omoplates, comme toujours, un nom. Mais pas n’importe lequel. Son nom.

Kageyama.