Histoires d'Avant la Fournaise
Une certaine agitation régnait dans le camp de réfugiés Ascalonien.
Après avoir consulté ses officiers, Emma avait donné des ordres. On avait tiré les gens nécessaires de leur lit, et la machine s’était mise en marche.
Le problème était qu’on ne savait pas le nombre de nouveaux réfugiés à accueillir. Figo ne l’avait pas dit, et peut-être que Thom ne lui avait pas demandé…
« Ou bien encore, c’est moi qui ai oublié de demander à Thom… »
Par l’intermédiaire de son aide de camp, le Capitaine Vent-gris, Emma savait qui dans la colonie était en état de travailler, qui était malade, blessé, ou décédé dans la nuit…
Le capitaine avait une idée relativement précise de l’état de leurs réserves de nourriture, de combien de jours de ravitaillement la colonie disposait et savait donc dans combien de temps on serait frappé par la disette…
« Bien sûr, maintenant, toutes les cartes sont rebattues »
Emma se mordit les lèvres. Elle était inquiète. Combien de réfugiés allaient se joindre à eux ? Et dans quel état ?
Elle s’abstient de penser « Pourvu qu’il n’y ait que peu de survivants ». Ce n’était pas bien…
Devant elle, deux jeunes gens, mi-trainants, mi-poussants, se débattaient avec une tente krytienne encore dans son sac.
Évidemment, toute cette agitation n’avait pas manqué de réveiller le reste du camp.
Pendant la traversée des Cimefroides, tout le monde avait pris l’habitude de ne dormir qu’un œil… Ce n’est que progressivement, depuis leur arrivée en Kryte et leur établissement dans ce village abandonné, que les Ascaloniens avaient petit à petit abaissé leur seuil de vigilance. Emma remarqua qu’il lui arrivait même d’ôter son armure pour dormir.
Néanmoins, le sommeil de tout le monde restait perturbé. Emma faisait régulièrement des cauchemars, et elle savait qu’elle n’était pas la seule.
Emma se rapprocha, se saisit de l’autre extrémité du sac et la souleva.
– Allons-y ! Dit-elle aux jeunes.
Cahin-caha, le trio parvint jusqu’à l’endroit choisi pour y dresser la tente.
Emma s’assura que les deux jeunes gens savaient s’y prendre, et rejoignit un officier qui lui faisait de grands signes.
– Alors ?
– On a sorti et dressé cinq tentes, en comptant celle-là. C’est tout ce qui reste. S’ils sont plus nombreux…
– Alors, on se serrera, et c’est tout. Il faudra qu’on avance sur la remise en état des maisons…
– Il faudra…
– Et pour la nourriture ? C’est la nourriture qui me préoccupe…
– Le capitaine Vent-gris estime qu’il faudra encore demander de l’aide à l’Arche du Lion.
– De combien de temps dispose-t-on, dans l’état actuel ?
– Plus ou moins un mois. Après, ce sera compliqué…
Emma remercia son officier. Un mois de nourriture…
Par chance, le village, bien qu’abandonné, était entouré de champs. Notamment de rizières. Disposées en escaliers.
Remettre tout ça en état de fonctionnement n’avait pas été une mince affaire. D’autant que les Ascaloniens n’étaient pas forcément familiers avec ce type de cultures.
Des paysans, venus du village voisin, étaient venus spontanément proposer leur aide, pour le reste, il avait fallu improviser… Il avait fallu trouver des semences, des outils…
En échange de fourrures prélevées sur la faune des Cimefroides, Emma avait réussi à obtenir quelques sacs de semences. Le village était aussi pourvu d’une forge, qu’on avait péniblement remise en marche pour transformer les armes les plus abimées en outils, pelles, pioches, binettes.
Malheureusement, la période n’était pas l’idéale pour faire des plantations, c’était trop tôt, ou trop tard, suivant à qui l’on s’adressait, et il y avait trop d’eau, ou pas assez de soleil…
Mais les Ascaloniens ne s’en étaient pas laissé compter et s’étaient mis au travail…
Il était trop tôt pour juger du résultat… Mais au moins, on avait fait quelque chose, et gagné le respect des villages voisins, même si ce n’était pas suffisant…
Alors, Emma s’était retroussé les manches, et après d’âpres négociations et quelques menaces dont elle n’était pas peu fière, elle était parvenue à récupérer des bijoux, bagues, colliers et autres colifichets, auprès des survivants des familles riches, et à les revendre a l’Arche, en échange de réserves de nourriture, de couvertures et de tentes.
La situation des Ascaloniens s’était un peu améliorée, même si au passage, elle s’était faite quelques ennemis…
« Un mois… peut être moins… Mais chaque chose en son temps… »