Attaque au clair de lune

Chapitre 1 : Attaque au clair de lune

Chapitre final

4203 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 29/03/2020 13:47

  Le soleil était déjà haut dans le ciel, tandis que les gens encore à peine réveillés, commençaient à affluer dans la ville, et près du marché. C'était également le moment où moi, Alice, et Setsu, avions décidés de nous rendre en ville, histoire de faire un tour. Cela nous arrivait fréquemment d'aller nous y amuser avec mes deux amies, et bien que ma petite tête de rouquin, généralement couverte d'un ou deux sparadraps à cause de diverses altercations, commençait à devenir connue dans cette ville, je trouvais toujours quelques personnes insouciantes à délester de leur argent en trop. Mais pour le moment, il ne s'agissait pas de cela, mais plutôt de nous amuser un peu.

- Eh Alice, Neil, venez voir !! Ils vendent des vêtements trop cools ici !! Dit Setsu, énergétiquement, en faisant des grands gestes.

- Ouah, t'as raison. Tu as vu la robe de princesse, pleines de froufrous? Je suis sûr qu'elle t'irait trop bien Setsu, dit notre camarade en rigolant.

- De quoi ? N'imagine même pas me voir avec cette parodie d'habit un jour, elle répondit à Alice en faisant une grimace.

- Bwaah, c'est clair, je dis à mon tour. Toi hormis une armurerie il n'y a pas grand chose qui pourrait vendre des vêtements qui correspondent à une ourse mal léchée comme toi. Tu es tellement peu féminine.

- Tu sais ce qu'elle te dit, l'ourse mal léchée ?

Finalement, l'on rentra quand même dans le magasin pour voir ce qu'il vendait, et s'extasier devant la marchandise. L'on n'avait pas d'argent superflu pour acheter quoi que ce soit ailleurs que à la friperie d'occasion, hormis Alice qui avait la chance d'avoir une famille qui pouvait subvenir à ces besoins, contrairement à moi et Setsu qui étions orphelins. Mais ce n'était pas une raison de s’empêcher de s'amuser un peu. L'on alla donc faire le tour des rayons, essayer des vêtements, et se faire un petit défilé de mode. Je trouva finalement une petite veste pas mal, et je me dis que j'aimerai bien la porter. Mais le vieux monsieur qui tenait le magasin nous regardait d'un air tellement gentil, que je n'avais pas le coeur de voler à l'arraché, tandis que je n'avais pas d'argent sur moi. Pas de chance... Setsu qui m'aperçut se pencha vers moi.

- Eh beh alors, c'était un bon gros soupir ça. Tu t’entraînes pour t'inscrire à une compétition, ou c'est juste car tu voulais ce petit bout de tissu ?

- Pff, toi il faut toujours que tu te moques de moi. Ce n'est pas car tu ne fais pas attention à tes fringues, que tout le monde doit en faire autant.

- Eh, c'est méchant cela. C'est juste que moi je suis déjà magnifique au naturel. Et puis voila une façon de parler avec quelqu'un qui pourrait te prêter... disons 2000 yens. Mais à 15% d’intérêt évidemment.

- Vendu !!

Une chance pour moi que Setsu ait dû réussir à voler un peu plus que d'habitude. Je me dirigea donc vers le comptoir, fier comme un paon de ma trouvaille. Setsu et Alice sortirent avec moi, et l'on commença à flâner en ville, quand soudain quelqu'un en panique passa devant nous en courant. "Des ersatz !! Il y a des ersatz près de la Gare !! Vite, fuyez !!". Cela commença à être la panique, et l'on décida de s'enfuir par les petites ruelles, tandis que dans la rue principale tout le monde s'enfuyait sans grand ordre, plusieurs personnes se retrouvant violemment projetées contre des étals, des murs, ou d'autres personnes. Une fois la rue presque vide, l'on vit de là où nous étions des miliciens courir dans l'autre sens pour prêter main-forte à leurs collègues. Difficile de les louper avec leurs uniformes noirs, et leurs masques à gaz qui leur recouvraient le visage quand ils devaient se préparer au combat. Je dus serrer les dents, pour retenir ma rage envers ces salauds. Les miliciens "Ceux qui défendaient l'ordre", "Ceux qui constituaient le rempart contre les ersatz", tss... des conneries. Ce n'était qu'un ramassis de vauriens qui obéissaient aveuglément aux ordres de leurs chefs, aussi cruels soient-ils. Heureusement que depuis notre mésaventure avec eux, nous avions rencontré Alice, ainsi que son groupe "Les lauriers d'or", un groupe pro-ersatz, constitué d'ersatz et d'humains, avec qui l'on s'amusait à mettre quelques bâtons dans les pieds de la milice. Enfin bon, mieux valait ne pas s'en mêler pour aujourd'hui. Je regarda Alice, et je me dis que définitivement elle avait beau avoir été contaminée elle aussi, et être une ersatz mi-femme, mi-végétale, je ne pouvais voir comment certains pouvaient les considérer comme des dangers pour la société qui mériteraient d'être pendus hauts et courts. Enfin bon, la plupart des gens ignorant l'existence des ersatz stables, elle ne risquait pas grand chose tant qu'elle gardait son apparence humaine.



Finalement, l'on rejoignit une autre rue de la ville qui semblait à l'écart de toute cette agitation, et où l'on serait en sécurité. Encore un peu énervé par la vue de ces miliciens en uniformes, j'avais du mal à décolérer, mais bon l'on allait ce soir réaliser avec les lauriers d'or un grand coup d'éclat avec l'attaque de la prison au nez et à la barbe de la milice, il me fallait juste être patient. Je proposa à mes camarades si cela leur disait de comparer un peu notre habilité au vol à la tire. C'était un jeu que l'on appréciait bien Setsu et moi, et auquel on était habitués. Alice, qui nous avait rejoint depuis peu n'était pas encore très à l'aise avec cela, mais après quelques réticences avait finalement décidé de s'y mettre aussi, histoire que l'on puisse s'amuser ensemble. Aujourd'hui encore, je lui fis une démonstration rapide de comment faire de loin, tandis que Setsu lui expliquait en même temps comment en bousculant "par accident" un passant, j'arrivais ensuite à lui dérober une montre, un porte-monnaie, ou autre, qu'il gardait dans son sac. L'on laissa ensuite Alice s'y essayer, et alors qu'elle partait, je lui dis rapidement de revenir.

Je lui enleva sa capuche, et je lui dis qu'ainsi elle aurait moins de chance d'attirer l'attention. Il faut dire qu'elle portait presque toujours en permanence la capuche de son sweat sur la tête afin d'éviter que les gens ne remarquent ses traces de brûlures au visage, et ne soit choqués, voir ne subissent un certain malaise en la regardant. Elle ne l'enlevait habituellement que lorsqu'elle était seule avec nous, qui y étions habitués. Mais comme je le lui fis remarquer, porter une capuche n'était pas très discret, l'on aurait plus vite fait de se méfier d'elle, ou de la prendre pour une voleuse, voir une fugueuse. Finalement, je regarda sa petite frimousse s'éloigner lorsqu'elle courut, et bouscula "par hasard" une femme en train de faire les courses, et j’eus un violent excès de fou rire lorsqu'elle se retrouvèrent toutes deux allongées au sol. Ah oui, ça c'était une bousculade !! Elle aida finalement la femme à reprendre ses affaires éparpillées un peu partout, et s'en alla l'air de rien. Je me demandais de toute façon si elle était vraiment faite pour cela. Après tout, il s'agissait d'une fille plutôt gentille, qui se souciait pas mal des autres, et semblait parfois trop s'inquiéter de responsabilités qui pour Setsu et moi, nous semblaient encore des trucs d'adultes. Elle n'avait pourtant que 1 an de plus que nous. Enfin bref, pour aujourd'hui cela nous avait donné l'occasion d'une franche rigolade.

L'on n'oublia cependant pas l'essentiel, et en rentrant, Setsu et moi en profitâmes pour fouiller quelques poches. Puis l'on se mit à l'écart pour comparer nos butins. Setsu, avait deux bourses et une montre, tandis que je totalisais un porte-monnaie, un collier, et une dague finement ciselée. Joli butin, aujourd'hui c'est moi qui gagnais !! Alors que l'on se dirigeait vers une des sorties de la ville, l'on vit soudain un homme en uniforme rouge et blanc, décoré du signe de la guilde des fleurs écarlates qui nous barra le chemin. Sentant un danger éventuel, l'on fit mine de partir dans la direction opposée, quand soudain il cria "Toi, le petit voyou !! C'est toi qui m'a volé ma dague. Reviens ici tout de suite, ou je t'attrape par la peau du cul. Et tu verras si le chef sera aussi clément que moi !!".

Oh... il faut croire qu'il était temps de courir. Dans la panique, l'on se sépara tous les trois dans des ruelles différentes, mais après quelques minutes de course, je tomba sur un de ses amis qui m'attrapa. Son camarade me maintient fermement, et alors que je m'attendais à être emmené au poste, je reçus quelques coups au visage de la part du mercenaire. Je commençais à avoir la tête qui tournait à la suite des coups, et je m'attendais à en recevoir d'autres, quand soudain les deux mercenaires devinrent livides, en regardant ce qui venait d’apparaître de l'autre côté de la ruelle. Je vis alors une créature mi-humaine, mi-végétale, ressemblant en partie à une humaine. L'écorce et les feuilles qui grimpaient le long de son corps, ainsi que les crocs qui se reflétaient dans son sourire ne laissaient guère de place au doute. Une nouvelle ersatz avait donc pénétrée en ville. La créature ouvrit alors la bouche, et un hurlement lugubre en sortie, qui fit s'enfuir mes poursuivants, tandis que je restais lamentablement allongé au sol. L'ersatz s’avança ensuite vers moi, et tandis que j'essayais de me rappeler s'il s'agissait d'une ersatz des lauriers d'or que je pourrai connaître, elle s'agenouilla devant moi, nullement menaçante et parla.

- Alors, tu as toujours envie de devenir un ersatz après m'avoir vu comme cela?

- Oui. Je répondis en essayant d'avoir l'air aussi rassuré que possible, après avoir pris conscience qu'il s’agissait l'Alice, que je voyais pour la première fois sous sa forme d'ersatz.

- Eh bien, la plupart d'entre nous n'avons pas choisi de devenir ainsi. Et si tu devenais l'un des nôtres, je pense que tu comprendrais pourquoi.

Alice repris alors son apparence humaine. Nous étions ainsi maintenant en sécurité par rapport à la milice, la plupart des gens ignorant que certains ersatz dit stables, pouvaient se transformer en humains. Et bien que certaines personnes dans la milice soit au courant, elles ne se risqueraient pas à attaquer des "humains" en ville. Setsu, toujours en panique après nous avoir perdu durant la course poursuite, nous retrouva finalement à ce moment-là. Setsu et moi avons ensuite ramené Alice chez son grand frère Garett, tandis que l'on rentra également chez nous, avant de se revoir ce soir pour l'attaque de la prison.



***



La nuit froide et lugubre se rappelait à notre bon souvenir via de violentes bourrasques, tandis que l'on passait nos derniers instants de marche avec le reste du groupe des lauriers d'or, avant de se séparer. Notre groupe avait pu infiltrer la prison du désert sans être repéré. La mission du jour consistait donc à libérer des ersatz stables emprisonnés ici par la milice, afin qu'ils puissent selon leurs souhaits intégrer notre groupe, ou bien faire cavalier seul. Nous n'ignorions bien sur pas que certains de ces ersatz étaient vraiment dangereux, mais ceux jugés les plus incontrôlables étaient directement tués par la milice. Tandis que Ace, le chef des lauriers d'or, avait sa propre façon de calmer ceux incapables de contrôler leurs instincts. Il faut dire qu'il était lui-même un ersatz stable, ainsi que la plupart des membres du groupe qu'il avait fondé afin d'aider les ersatz, que ce soit pour les aider à se stabiliser, à leur donner une fausse identité, à les aider à rejoindre des communautés autonomes à la bordure... Une plus petite part des membres étant des ersatz instables, incapable de reprendre forme humaine donc, ou comme Setsu et moi, quelques rares humains.

Notre petite escouade d'une douzaine de personnes avançait lentement le long des remparts en veillant à ne pas faire de bruit, et l'on retrouvait de temps à autre des soldats assommés que les éclaireurs avaient également ligotés par sécurité. Ace leva alors la main pour signifier l’arrêt devant une tour, et parla à voix basse.

- Setsu, Neil. Vous allez rester ici afin de faire le guet comme convenu. Faites attention aux chemins de ronde plus bas, et n'hésitez pas à tuer les intrus de façon silencieuse. Prévenez-nous par portable si vous voyez un groupe trop important pour être tué discrètement. Vous avez bien vos arbalètes ?

- Bien sur Chef, vous pouvez nous faire confiance. Répliqua Setsu, fière comme un paon, en faisant un salut militaire.

- Je sais bien que je peux vous faire confiance, après tout c'est moi qui vous ai acceptés dans le groupe, répondit simplement Ace en faisant un sourire.

- Et tu as intérêt à rester en vie Setsu, n'oublie pas que tu me dois encore 5000 yens que tu m'as empruntés pour tes bouteilles d'alcools, ajouta Alice avec un petit clin d'oeil.

- Hein quoi? Attends, je crois que j'ai un peu oublié. Tu es sûre que tu n’essaies pas de profiter du fait que j'ai trop bu, pour inventer n'importe quoi?

- ...

- Désolé de vous interrompre dans vos chamailleries, mais le timing est serré. L'on vous dit à tout à l'heure. Ajouta Ace d'un ton signifiant qu'il ne s'attendait pas à ce que l'on réponde quelque chose.

Alice, Ace, et le reste de la bande s'engouffra donc dans la tour, tandis que Setsu et moi restions pour faire le guet. L'on s'accroupit tout deux, de façon à voir plusieurs des chemins de rondes présents en contrebas, tout en camouflant un peu notre présence dans l'obscurité. Il nous fallait juste rester loin des lanternes, et l'on était logiquement presque invisibles pour quelqu'un situé en bas.

Le temps passait lentement, tandis que le vent s'infiltrait dans les tenus de camouflage de Setsu et moi. En voyant Setsu tourner la tête brusquement, je lui demanda si elle avait repéré quelque chose, et elle me montra alors un chemin qui se trouvait au-dessus de nous. Une silhouette portant un des uniformes de la milice, et un masque à gaz, était en train de courir vigoureusement. Normalement des éclaireurs avaient étés envoyés pour sécuriser les niveaux 5 et 6, raison pour laquelle il n'était pas nécessaire de surveiller ces niveaux, mais on dirait qu'il y avait des problèmes. Setsu pris sa radio rapidement et dit "Ici Setsu. Ennemi repéré au niveau 5, il courait et a donc sûrement repéré une partie du groupe. Il vaudrait mieux stopper l'opération" "Ici Ace. L'ennemie est dans votre ligne de tir ?" "Négatif, il est parti". Après un instant de silence interminable, l'on reçu enfin une réponse. "Rejoignez-nous à l'étage 2 de la tour, on a fait le ménage sur les deux premiers niveaux. On va finir de libérer 2-3 prisonniers, puis partir à l'aide des grappins à partir de 3 points différents en même temps. Vous nous rejoignez, on se partage le matériel, et on se sépare. Avec de la chance, ils ne nous verront même pas partir. C'est compris ? ".

Après une réponse positive, l'on s'engouffra donc dans la tour obscure pour rejoindre les autres. Tandis que l'on descendait lentement les marches en pierre, je repensa à pourquoi l'on détestait autant la milice Setsu et moi. Je me rappela d'abord l'odeur de brûlée, les planches qui tombaient devant nos yeux lorsque l'on avait cherché à aller récupérer les dernières affaires qui nous restaient de nos parents morts depuis longtemps. Ainsi que des miliciens qui nous avaient emmenés à l'écart des ruines. Beaucoup de personnes se trouvaient avec nous, emmenés de force par les soldats, avant qu'ils ne brûlent toutes les habitations. Plusieurs personnes étaient malgré tout mortes lors de l'opération. L'on n'avait appris le sens de cette opération qu'il y a quelques années, avant de rencontrer Alice, et de rejoindre son groupe, un peu par respect pour leurs buts, un peu par esprit de vengeance contre la milice. Des ersatz s'étaient ce jour-là enfuis près de la basse ville, et pour éviter qu'ils ne puissent se cacher dans nos abris de fortune, tout avait été brûlé.

Alors que l'on continuait de descendre le long escalier, Setsu s'arrêta net devant moi et s'immobilisa quelque seconde. Elle me dit de ne pas regarder, et repris son chemin. En tournant le visage, je vis le clair de lune se réfléchir sur le cadavre d'une femme, dont le crane avait été à demi-arraché, en même temps que son masque à gaz, et qui avait sans doute cessé de vivre depuis peu. Je dus me retenir de vomir après avoir vu cela. J'avais toujours été le plus impressionnable de nous deux. Finalement le reste de la tour était quasiment vide, ne contenant qu'un autre cadavre et l'on atteint le niveau deux sans encombre. Le portable de Setsu vibra, c'était le chef. "Ici, Ace. Cela tourne mal, un des prisonniers évadés est devenu fou, et s'est mit à attaquer à l'aveuglette, tout en faisant des dégâts au bâtiment. Le vacarme a alerté les gardes qui commencent à venir. On ne peut plus s'enfuir en escalade, ou ils vont nous tirer dessus comme des lapins. Rendez-vous, ils auront peut-être plus de clémence avec des humains. Nous on se bat jusqu’à la fin." "Pas question !! Ou êtes-vous ? Où est Alice ?" je répondis à la place de Setsu, en disant la première chose qui me passait par la tête. Pas de réponse. Et merde, ils pensaient que des simples humains étaient impuissants ? Que l'on ne pouvait rien faire? Comme toujours, l'on nous considérait comme inutiles, malgré nos années d’entraînements à l'arbalète, ou à la dague. Ils ne voulaient même pas nous donner leurs positions, pour que l'on puisse leur venir en aide. Tandis que la main agrippée à mon arbalète tremblait légèrement, et que quelques larmes de dépit se laissaient aller à couler, j'entendis soudain un vacarme tonitruant. Le cri d'une dizaine d'ersatz en train de se transformer, et essayant d'effrayer les miliciens les plus impressionnables, pendant qu'ils sautaient sur eux.

Ayant découvert leur position, je dis à Setsu que j'allais les rejoindre, et de faire ce que bon lui semblait. Bien évidemment, elle choisit de venir aussi, bien qu'il s'agissait sans doute d'une mission suicide. Il aurait été mieux pour éviter les balles, d'attaquer dans le dos la milice pendant qu'ils étaient occupés avec les autres, mais la configuration du terrain ne nous laissant pas le choix, l'on du donc choisir d'aller se mêler aux autres pour se battre. Soudain, alors que l'on arrivait proche de la milice, et encore plus proche d'un ersatz allié qui semblait tenir à lui seul le flanc droit, je fus pris d'un éclair de douleur. Immobilisé, souffrant le martyr, je pus juste me rendre compte que je venais d'être pris dans un vaste réseau de fils noirs quasiment invisibles, tantôt par endroit semblable à du fil d'araignée, tantôt semblable à des ronces dont les épines s’enfonçaient dans la chair. Tandis que j'essayais de me dégager, et que Setsu essayait de m'aider, tout ce que l'on réussissait à faire était de réduire encore plus en charpie mes bras, et le haut de mon torse, qui avaient été ligotés. Je regarda alors l'ersatz présent au centre de cette forêt de fil, et je la reconnus tout de suite. Créature mi-humaine, mi-végétale, dont l'écorce recouvrait en partie ses bras, son visage, et fleurissait par endroit, à l'exception de ses longs cheveux bruns, et de son visage en train de pleurer pendant qu'elle me regardait... C'était donc Alice. Si j'avais mieux connu ses pouvoirs l'on n'en serait sûrement pas la. En attendant, un milicien qui avait profité du chaos pour s'approcher, s'attaqua à Setsu. Et tandis que celle-ci esquiva facilement son coup de crosse, pour lui rendre un coup de dague qui traversa son uniforme, mais ne le blessa que superficiellement, elle finit finalement assommée par le soldat. Mon tour vient également, et ce furent mes derniers souvenir de la bataille.



***



Cela faisait déjà quatre ans que Garett nous avait recueilli, Setsu et moi, à la prison, et que notre vie avait connu un tournant. Dans la bataille, trois ersatz et cinq miliciens étaient morts, de nombreuses personnes gravement blessées, et tout le groupe avait été arrêté. Notre culpabilité ayant facilement été démontrée, l'on resta longtemps en prison, ayant au moins l'avantage de ne pas être traité comme les membres ersatz du groupe, tel que Alice qui fut transférée dans la tristement célèbre prison du désert, alors qu'elle était encore largement blessée. De plus, nous avons eu l'avantage d'être considérés comme des sous-fifres à cause de notre rôle de guet dans le groupe. Aussi également grâce au coup de chance que le milicien touché superficiellement lors du combat à la dague contre Setsu avait "totalement par hasard", oublié de déclarer cette tentative d'agression, ainsi que les blessures reçues. Comme nous avons pu le voir lors de l'interrogatoire qu'il nous a fait passer, il s'agissait assez étonnamment de quelqu'un de plutôt gentil, et chef de section de surcroît, ce qui avait arrangé un peu les choses.

Finalement, Garett, le grand frère d'Alice, qui avait vainement essayé de la voir ou d'avoir des informations sur elle, nous avait reconnus dans les cellules de la prison, car on l'avait déjà croisé en allant chercher Alice. Il avait alors décidé de nous prendre sous son aile, et s'était porté garant pour nous faire sortir de prison. Alors que en tant qu'orphelins avec Setsu nous n'avions plus connu de famille depuis longtemps, et devions vivre de menus larcins pour survivre, il avait décidé de nous prendre sous son aile, nous avait nourris, éduqués, et offert l'occasion de prendre un nouveau départ. Même s'il était difficile de savoir pourquoi il nous avait recueilli précisément, Setsu et moi supposions que nous devions lui rappeler sa petite soeur. On lui avait entre autre raconté pas mal d’anecdotes sur Alice, sur les moments que nous avions passés avec elle, et il semblait alors toujours un peu nostalgique, même s'il réussissait la plupart du temps à garder ses larmes pour quand il était seul. Sa soeur quant à elle était toujours introuvable, et se trouvait sûrement dans une des prisons de la milice, ou avait peut-être pu s'en échapper avec de la chance. L'on espérait tous pouvoir la revoir un jour, mais maintenant que le temps avait bien passé, l'espoir faiblissait de plus en plus.

Actuellement, Setsu et moi avons décidés de mettre de côté notre ancienne haine de la milice, pour nous consacrer plutôt au bien commun, et de créer un groupe que l'on venait juste de baptiser "les renforts" dont le but serait de venir en aide aux habitants de la cité, et rendre des menus services à ceux qui le demandaient. Pour l'instant, l'on avait surtout eu quelques recherches de personnes et d'animaux disparus, un peu de tri d'ordures, l'on avait réussi à aider quelques personnes blessées avec des blessures superficielles également. Cela semblait assez ridicule comparé à notre ancien groupe, les tristement célèbres "lauriers d'or". Mais avec le temps, l'on s'était rendu compte que ce genre de groupe borderline, qui défiait l'autorité au point de parfois provoquer des morts, n'était peut-être pas si bien que ça... Sans compter que l'on avait fait la promesse à Garett lorsqu'il nous avait sorti de prison, de ne plus nous mettre en danger, et de ne plus se confronter, ni aux ersatz, ni à la milice.

Maintenant, avec le passage récent à l'âge adulte de Setsu et moi, et nos nouveaux projets, un nouveau changement de vie s'offrait bientôt à nous. Sans doute moins spectaculaire que le précédent, mais l'on pouvait malgré tout espérer un futur qui ne serait pas trop mal. Le seul regret qui me restait étant de ne toujours pas avoir de nouvelles de Alice, qui avait tant partagé avec nous dans notre jeunesse. Mais qui sait ce que nous réservait encore le futur...



FIN


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