Mad Love (Jerome Valeska)

Chapitre 19 : Les pensées noires

8561 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 04/01/2017 18:39

 

Les deux adolescents, qui approchaient dangereusement de l’âge adulte, s’étaient retrouvés dans un coin tranquille du cirque. Il faisait nuit noire, et ils profitaient de la fin de l’été, allongés sur le sol, à regarder les étoiles.

-         Kaysha ? demanda tout doucement Jérôme, hésitant à rompre le silence apaisant.

-         Mmh ? répondit cette dernière, plongée dans ses pensées.

-         Je peux te dire quelque chose ?

Elle leva imperceptiblement les sourcils, sans répondre. Elle attendait la suite.

-         Est-ce que… est-ce que c’est normal, d’avoir des idées… je veux dire de penser… à des choses… étranges ?

Il ne savait pas vraiment comment s’exprimer. Kaysha jeta un dernier coup d’œil aux étoiles au dessus de sa tête.

-         Quelles choses étranges ?

Sa question n’émettait aucune critique. Il prit le temps de réfléchir.

-         Je sais pas vraiment… est-ce que, parfois, tu vois du sang ?

-         Comment ça ? l’encouragea-t-elle.

-         Des fois, lorsque je ferme les yeux, ou que je rêve, j’imagine des… des gens, baignant dans du sang.

Il ne voulait pas citer sa mère directement. Bien qu’elle ne fut pas la seule à apparaitre ainsi dans son imaginaire. Entre autre, Christopher, en faisait partie, lui aussi.

Kaysha ne répondit pas immédiatement.

-         Je sais pas de quoi t’es fait, Jérôme Valeska, mais je sais jamais à quoi m’attendre avec toi. Je sais pas si c’est normal ou pas normal, mais tu sais, y a des choses qu’on explique pas. Et puis, on a tous au moins une fois voulu tuer quelqu’un.

Elle bailla longuement, fatiguée. Il était déjà tard, et aucun des deux n’avait envie de rentrer.

-         Alors je suis… je suis normal ?

Elle se redressa pour le regarder, il leva légèrement la tête pour mieux la voir. Elle lui souriait, les yeux doucement plissés. Elle posa sa tête sur son torse, à quelques centimètres de son menton. Il se cala sous elle en bougeant doucement. Elle ferma les yeux, et il posa sa main sur son dos.

-         Tu sais Valeska, si tu étais normal, tu m’ennuierais…

Elle sentit le cœur du garçon battre plus rapidement quelques secondes, mais ne dit rien. Il se mit à sourire discrètement.

-         Merci, souffla-t-il.

Pour toute réponse, elle enfouit plus sa tête dans son cou, et laissa son corps se détendre. Enrobés dans leur veste, ils finirent par s’endormir, de temps en temps réveillés à demi par un vent frais, qui les faisait se rapprocher.

 

Une main frictionna le dos de Kaysha.

-         Kaysha, appela la voix ensommeillée de Jérôme.

Elle répondit par un gémissement endormit.

-         Il faut qu’on se lève, ma belle.

Il ne savait pas pourquoi il l’avait appelée comme ça. C’était venu naturellement, et il avait dû profiter inconsciemment qu’elle ne l’entende pas tout à fait. Il leva le haut de son corps, en maintenant les épaules de Kaysha pour qu’elle ne glisse pas sur le sol. Elle souffla longuement contre lui.

-         Encore cinq petites minutes… murmura-t-elle en se rendormant.

Il se leva comme il put pour la porter. Il s’arrêta pour réfléchir : l’amener chez elle, ou la garder chez lui. Il discerna le visage sans difficulté de Christopher, et la haine qu’il éprouverait en voyant Kaysha dans ses bras. Et il avait tellement envie de la garder avec lui, au moins une nuit. Au moins cette nuit-là, bien qu’elle n’eut rien d’exceptionnel. Il marchait tranquillement entre les caravanes, sans réussir à détacher ses yeux de son visage paisiblement endormi. Il ouvrit la porte de sa roulotte. Sa mère était de sortie, forcément.

Il posa Kaysha sur son lit, et elle s’enroula dans ses draps en sentant le matelas sous elle. Il la laissa quelques secondes pour se laver les mains et le visage, avant de retirer son surplus de vêtements. Il s’allongea et prit Kaysha contre lui. Elle soupira dans ses bras, il sentit son haleine rouler sur son torse nu, lui arrachant quelques frissons, et les deux purent dormir confortablement.

 

Il s’éveilla avant elle. Il était sur le dos, et tenait Kaysha qui était allongée à moitié sur lui. Il profitait de cette position pour lui passer le bout des doigts sur sa peau. Elle se secoua légèrement, pour le chasser, pensant sûrement qu’une mouche venait la déranger. Il observa ses courbes sous les draps. Il aurait voulu la serrer très fort contre lui, mais il ne le pouvait, naturellement.

Il ressentait encore ce désir qui l’éventrait, et auquel il ne pouvait répondre. Il retint un soupire ardent et déplacé. Kaysha commençait à bouger, dans les mouvements indécis du réveil. Subitement, elle leva la tête pour regarder autour d’elle, les bras entourant Jérôme. Elle ne semblait pas comprendre où elle se trouvait. Elle baissa les yeux sur Jérôme. Il ne souriait pas, et la regardait de ses émeraudes imparfaits. Soulagée, elle laissa tomber sa tête sur lui une nouvelle fois.

Elle savait très bien ce que Jérôme ressentait pour elle, jamais elle ne l’avait oublié. Mais elle ne pouvait se refuser la consolation agréable qu’il lui procurait. Jérôme avait ce don de la guérir de ses maux, comme elle lui avait proposé ses bonbons, huit ans plus tôt. Enfin tout à fait réveillée, elle ouvrit les yeux.

-         Bien dormi ? interrogea Jérôme d’une petite voix.

Elle sourit imperceptiblement.

-         Oui, et toi Rouquin ?

Il fit lentement bouger sa main sur son dos.

-         Vraiment très bien.

Ils laissèrent s’écouler le temps à nouveau, chacun perdu dans ses pensées.

-         Kaysha ? Je… je voulais te demander…

Le cœur du rouquin s’enflamma violemment.

-         Est-ce que je… je pourrais t’embrasser à nouveau ?

Il en avait tant de fois rêvé, depuis ce dernier baiser, qui durait d’il y a des mois déjà. Presque un an. Elle se leva subitement, et s’assit en s’appuyant sur ses mains. Jérôme l’imita, en la regardant avec sérieux. Il attendait qu’elle dise quelque chose, qu’elle réponde. Elle se rapprocha de lui et l’embrassa sur la joue, juste au dessus du coin de la bouche. Il fit pivoter son visage pour attraper ses lèvres, mais il n’eut le temps que d’effleurer son nez lorsqu’elle se retira. Leurs visages restèrent proches néanmoins.

-         Je voulais dire, un vrai baiser, souffla-t-il en la regardant de ses yeux suppliants.

Elle l’étudia quelques instants. Et, sans savoir pourquoi, elle se pencha en avant et embrassa Jérôme sur la bouche. Les yeux du jeune homme se fermèrent immédiatement, et il posa sa main sur la nuque de Kaysha. La passion s’empara de tout son corps, et il dut prendre garde à ne pas y répondre avec démence. Le goût de leurs lèvres échangé, Kaysha se retira.

Elle soutint son regard une poignée de secondes.

-         Je suis désolée, je sais pas pourquoi j’ai fait ça.

Sans lui répondre il lui passa une main dans ses cheveux qui avaient bien repoussés depuis qu’elle les avait coupés. Il posa son visage contre sa joue, et l’embrassa avec une tendresse insoupçonnée. Elle sentit à peine les lèvres du garçon sur sa peau brûlante.

-         Je t’aime, souffla-t-il.

-         Non, s’il te plaît…

-         Kaysha, sembla-t-il supplier à mi-voix. Si tu savais… commença-t-il en s’approchant encore d’elle.

Il respirait plus fort, se contrôlant moins au fur et à mesure.

-         Tu es la seule qui arrive à faire de moi ce que je suis.

-         Jérôme, dit simplement Kaysha sans comprendre pourquoi.

Elle se glissa le long du lit et sortit de la chambre, non sans laisser un dernier coup d’œil vers un Jérôme démuni. Celui-ci se leva immédiatement après elle, attrapa un débardeur qu’il utilisait pour trainer chez lui et ouvrit la porte tout en l’enfilant. Malgré ce qu’il aurait pu croire, Kaysha n’était pas partie. Elle était là, dans la salle de bain, et se regardait dans le miroir. Le reflet de Jérôme apparut à coté d’elle. Elle lui sourit, et se retourna vers lui.

-         Ta mère rentre vers quelle heure ?

-         Vers les coups de dix heures, maximum, répondit-il, la tête ailleurs.

Elle jeta un coup d’œil à l’horloge posée dans le minuscule couloir, derrière Jérôme. Sept heures et demie.

-         On va se faire un petit déjeuner, alors !

Avant de se rendre dans la cuisine, elle tourna le dos à Jérôme pour se regarder dans le miroir une nouvelle fois. Jérôme se déplaça silencieusement vers elle. Il entoura sa taille, et posa son menton sur son épaule.

-         Pourquoi tu fais toujours comme s’il ne s’était rien passé ?

Jérôme avait décidément beaucoup de questions ces temps-ci. Kaysha s’immobilisa, en observant leur reflet dans la glace. Elle voulut se séparer du corps de Jérôme, mais il la retint, en forçant sur ses bras. Les cheveux du rouquin étaient en désordre après son réveil, alors qu’habituellement parfaitement coiffés, la raie presque au milieu de son crâne. Elle eut un pâle sourire en s’en apercevant. Pendant un long moment, elle n’arriva pas à répondre, la voix coincée elle ne savait trop où, sûrement quelque part dans son esprit, au milieu de souvenirs qui la suivaient depuis toujours.

-         Tu ne peux pas comprendre, dit-elle en contrôlant sa voix pour qu’elle ne se brise pas dans le vide de son cœur.

-         Je ferai un effort, répondit Jérôme, insistant.

Elle se défit brusquement de ses bras, pour s’éloigner de quelques pas.

-         Tu comprends pas ! s’énerva-t-elle.

Elle avait l’impression que le sol n’était plus stable, et que ses jambes ne la soutenaient plus assez bien pour qu’elle puisse rester droite. Elle posa sa main sur un mur.

-         Je hais les hommes, s’impatienta-t-elle avec dédain.

Jérôme ne comprit pas. Le souffle de Kaysha devenait plus rapide, moins contrôlé. Elle perdait pied. Il le voyait bien. Son corps tremblait imperceptiblement, de haine, sûrement. Il la regardait, en essayant de comprendre.

Elle se mit à rire nerveusement. Elle leva ses yeux humides sur lui, pour l’observer, en se retenant de pleurer. Son expression donnait quelque chose d’étrange. Ses larmes muettes et invisibles, et ce sourire forcé et rancunier. Elle se rapprocha de lui, pour passer une main sur sa joue.

-         Je ne veux pas que toi tu sois pareil, expliqua-t-elle. Il faut que toi tu restes Jérôme. Tu comprends ?

Il hocha négativement la tête, perdu. Elle n’arrivait pas à formuler les choses clairement, trop longtemps refoulées, ces années passées à les oublier.

-         Je dois me protéger, essaya-t-elle à nouveau, la voix inhabituellement rauque.

Leurs regards étaient proches, comme si elle essayait de lui faire lire ses pensées à travers la proximité. Voyant que cela ne marchait pas, elle se détacha de Jérôme et attrapa ses propres avants bras en se les collants sous sa poitrine.

-         J’ai peur, souffla-t-elle. Tout le temps.

Elle baissa les yeux de longues secondes. Lorsqu’elle les releva vers Jérôme, elle eut un petit sursaut pressé.

-         Il faut je rentre, lança-t-elle en sortant de la salle de bain.

Elle marchait rapidement vers la porte d’entrée. Jérôme courut derrière elle et la rattrapa.

-         Lâche-moi ! cria-t-elle en secouant vivement son bras.

Surprit, Jérôme obéit. Kaysha était agitée, et il ne savait plus comment lui parler pour ne pas la blesser. Elle n’arrivait pas à garder la même émotion d’une minute à l’autre. La colère, la tristesse, la crainte, l’angoisse.

-         Qu’est-ce qui t’arrives ?! demanda Jérôme en haussant la voix.

Il lui attrapa les avant-bras. Elle recula, pour lui échapper, mais cogna la porte close avec son dos. Elle se mit à pleurer cette fois-ci, abondamment. Elle n’arriva pas à parler, la voix coincée dans les sanglots véhéments qu’elle retenait comme elle pouvait. Jérôme commençait réellement à s’inquiéter, ne reconnaissant pas son amie.

-         Il l’a fait ! hurla-t-elle enfin sous le visage incompréhensif de Jérôme.

Il libéra ses avant-bras, et elle cogna son poing sur son torse, plus fort qu’elle ne l’aurait voulu.

-         J’étais tellement, tellement petite, et faible, je pouvais pas me défendre ! Et j’étais seule, je pouvais rien faire ! Il m’a attrapée, entre deux caravanes, je pensais qu’il jouait… Mais j’ai vite compris qu’il n’y avait que lui qui s’amusait, Jérôme ! Et je voulais faire quelque chose, Jérôme, je te jure !

Elle passa ses mains rapidement dans ses cheveux. Elle se défendait. Elle n’avait pourtant pas besoin de se défendre. Elle n’était pas à un procès. Et pourtant…

-         Il était sur moi, continua-t-elle en larmoyant, et il était si lourd et j’avais tellement peur, j’essayais de crier, mais il avait sa main sur ma bouche !

Elle renifla inélégamment, et essuya avec nervosité ses larmes chaudes qui coulaient le long de ses joues.

-         J’étouffais, je pleurais !

Jérôme l’écoutait attentivement, le regard hagard. Il se demandait s’il entendait vraiment ce que lui racontait la jeune femme, s’il pouvait y croire. Si c’était possible. Elle gémit de colère en frappant une nouvelle fois sur son torse. Jérôme n’avait même pas sentit le coup, tant il était concentré sur le visage anéanti de Kaysha.

-         Et… quand mes parents l’ont découvert… Christopher… il a rien fait… Il a rien fait Jérôme !

Elle cogna sa tête sur son sternum.

-         De vieilles histoires de famille, larmoyait-elle contre lui.  

Au début, Jérôme avait cru que c’était Christopher qui lui avait fait tout ce mal. Mais ce n’était vraisemblablement pas le cas. Il fronça ses sourcils, plein de questionnements. Elle attrapa son visage avec virulence, et s’approcha de lui, en enfonçant ses ongles dans la peau.

-         Il m’a violée, et personne n’a rien fait.

Ses larmes avaient cessées, pour laisser sur son visage une expression horrifiée.

-         Et ma mère voulait voir la police, et quitter mon père, puisqu’il était incapable de me protéger. Elle devait revenir, mais elle n’est pas revenue, Jérôme ! Jamais !

Une nouvelle vague de sanglots et de larmes lui brisèrent la gorge.

-         Il faut que tu comprennes, c’est pas que je veux pas t’aimer, c’est que je ne peux pas ! J’ai besoin de toi… besoin de toi en tant que Jérôme, tu comprends ? je hais les hommes… répéta-t-elle après une courte pause.

Il posa ses mains sur ses épaules, en enfonçant légèrement ses pouces dans ses clavicules. Il monta ses mains sur son cou.

-         Oui. Oui, je comprends Kaysha.

Il ramena la jeune femme contre lui, et la serra dans ses bras tentant de lui offrir par là un peu de sécurité.

-         Qui c’était ? demanda Jérôme en serrant les dents.

Il étouffa Kaysha un peu plus. Elle ne répondit pas.

-         Dis-moi, ordonna-t-il. Qui t’as fait du mal ? qui a osé te toucher ?

Elle fit revenir ses yeux dans les siens.

-         Le père de Cole, avoua-t-elle.

Le visage de Jérôme devint blême, exprimant de la douleur mais aussi une haine extrême. Il comprenait alors, cette allure garçonne, ce goût pour la bagarre, la protection qu’elle lui offrait, ces larmes qu’elle retenait, la colère qu’elle avait contre son père. Celle qu’elle avait contre Cole. Il lui avait retiré le droit d’être une femme, d’être Kaysha de tout son être. Il comprenait le refus qu’elle avait face à ses sentiments. Il avait tant de questions à lui poser encore. Elle s’agrippait à lui, comme si elle allait tomber, comme si plus rien ne la soutenait.

-         Jérôme, appela-t-elle, désemparée.

-         Je suis avec toi Kaysha, rassura-t-il.

-         Je suis tellement désolée, gémit-elle.

Il lui souleva le menton, pour la voir, lui effacer ses pleurs.

-         Je vais lui faire payer, articula-t-il. Je vais lui faire payer.

Kaysha lui appartenait. Kaysha était à lui. Il le savait. Ils s’étaient rencontrés, pour que l’un soit à l’autre. Et même s’ils ne devaient pas s’aimer tout de suite, rien ne pourrait les séparer. Il le savait désormais.

Kaysha se laissa glisser sur le sol, entre le mur et Jérôme, vidée de ses forces mentales, et, étrangement, physiques. Elle hoquetait en essayant de reprendre son souffle. Jérôme s’accroupit juste après elle, posa son dos sur le mur, pour prendre Kaysha sur lui.

Ils restèrent ainsi, sur le sol de la cuisine, l’un retenant sa fureur et l’autre à vider son corps des traces laissées par un homme.

 

Elle ne se calma qu’un long moment après, sa tête posée sur les jambes de Jérôme. Elle attrapa la main du jeune homme qu’il avait posé sur sa taille, et la serra entre les siennes. Elle s’accrochait à lui, en essayant d’oublier sa détresse.

-         Tu sais, dit-elle d’une voix fatiguée et rocailleuse, j’ai hésité avant de venir te voir, ce jour-là.

Il comprit qu’elle parlait du jour ou ils s’étaient parlé pour la première fois.

-         Mais tu avais l’air vraiment triste et seul. Je parlais à personne. Le père de Cole avait ça l’année d’avant.

Elle avait huit ans, compta-t-il rapidement.

-         Et je devais avoir besoin de parler avec quelqu’un.

Il l’écoutait sans rien dire, jouant négligemment avec ses mèches souples.

-         Sans le savoir, tu m’as vraiment aidée, Valeska.

Elle bailla.

-         On peur aller se rallonger, si tu veux, proposa Jérôme.

Elle se souleva en acquiesçant. Ils s’étalèrent côte à côté sur le matelas.

-         Pourquoi ton père n’as rien fait ? interrogea Jérôme en posant sa tête sur sa main, soutenue par son coude.

-         Il était déjà recherché par la police. Pour trafic de drogue, avant ma naissance. Il était soupçonné d’un meurtre qu’il n’a pas commis S’il parlait sans preuve, le père de Cole a menacé de le dénoncer. Il a pas voulu s’y risquer. Maman lui a crié dessus, mais il ne pouvait rien faire. Je l’ai détesté, et ma mère encore plus. On sait pas ce qui lui est arrivé, on l’a jamais revue.

Elle marqua une courte pause, réfléchissant à dire une autre chose.

-         Est-ce que tu me trouve… sale, ou repoussante, ou…

-         Ow ow ow, la coupa-t-il en levant le buste pour la regarder. Jamais, tu m’entends, jamais tu dois te sentir sale pour ce que ce connard t’as fait. Il mériterait de mourir, et c’est lui qui devrait avoir honte. Il n’avait pas le droit, tu comprends Kaysha ?

Elle hocha la tête en silence.

-         Maintenant, je te jure que personne ne te fera du mal. Plus personne. Tu es belle, vraiment très belle, dit-il en se perdant dans ses pensées profondes, ses propres sentiments qui le dévoraient. Tu es incroyable. Je t’interdis de penser ce genre de chose, d’accord ?

Il semblait que plus rien ne pouvait la consoler, après ces aveux lancinants, excepté ce garçon aux cheveux roux. Et elle se tenait à lui, pour maintenir son âme debout.


 

Les deux adolescents, qui approchaient dangereusement de l’âge adulte, s’étaient retrouvés dans un coin tranquille du cirque. Il faisait nuit noire, et ils profitaient de la fin de l’été, allongés sur le sol, à regarder les étoiles.

-         Kaysha ? demanda tout doucement Jérôme, hésitant à rompre le silence apaisant.

-         Mmh ? répondit cette dernière, plongée dans ses pensées.

-         Je peux te dire quelque chose ?

Elle leva imperceptiblement les sourcils, sans répondre. Elle attendait la suite.

-         Est-ce que… est-ce que c’est normal, d’avoir des idées… je veux dire de penser… à des choses… étranges ?

Il ne savait pas vraiment comment s’exprimer. Kaysha jeta un dernier coup d’œil aux étoiles au dessus de sa tête.

-         Quelles choses étranges ?

Sa question n’émettait aucune critique. Il prit le temps de réfléchir.

-         Je sais pas vraiment… est-ce que, parfois, tu vois du sang ?

-         Comment ça ? l’encouragea-t-elle.

-         Des fois, lorsque je ferme les yeux, ou que je rêve, j’imagine des… des gens, baignant dans du sang.

Il ne voulait pas citer sa mère directement. Bien qu’elle ne fut pas la seule à apparaitre ainsi dans son imaginaire. Entre autre, Christopher, en faisait partie, lui aussi.

Kaysha ne répondit pas immédiatement.

-         Je sais pas de quoi t’es fait, Jérôme Valeska, mais je sais jamais à quoi m’attendre avec toi. Je sais pas si c’est normal ou pas normal, mais tu sais, y a des choses qu’on explique pas. Et puis, on a tous au moins une fois voulu tuer quelqu’un.

Elle bailla longuement, fatiguée. Il était déjà tard, et aucun des deux n’avait envie de rentrer.

-         Alors je suis… je suis normal ?

Elle se redressa pour le regarder, il leva légèrement la tête pour mieux la voir. Elle lui souriait, les yeux doucement plissés. Elle posa sa tête sur son torse, à quelques centimètres de son menton. Il se cala sous elle en bougeant doucement. Elle ferma les yeux, et il posa sa main sur son dos.

-         Tu sais Valeska, si tu étais normal, tu m’ennuierais…

Elle sentit le cœur du garçon battre plus rapidement quelques secondes, mais ne dit rien. Il se mit à sourire discrètement.

-         Merci, souffla-t-il.

Pour toute réponse, elle enfouit plus sa tête dans son cou, et laissa son corps se détendre. Enrobés dans leur veste, ils finirent par s’endormir, de temps en temps réveillés à demi par un vent frais, qui les faisait se rapprocher.

 

Une main frictionna le dos de Kaysha.

-         Kaysha, appela la voix ensommeillée de Jérôme.

Elle répondit par un gémissement endormit.

-         Il faut qu’on se lève, ma belle.

Il ne savait pas pourquoi il l’avait appelée comme ça. C’était venu naturellement, et il avait dû profiter inconsciemment qu’elle ne l’entende pas tout à fait. Il leva le haut de son corps, en maintenant les épaules de Kaysha pour qu’elle ne glisse pas sur le sol. Elle souffla longuement contre lui.

-         Encore cinq petites minutes… murmura-t-elle en se rendormant.

Il se leva comme il put pour la porter. Il s’arrêta pour réfléchir : l’amener chez elle, ou la garder chez lui. Il discerna le visage sans difficulté de Christopher, et la haine qu’il éprouverait en voyant Kaysha dans ses bras. Et il avait tellement envie de la garder avec lui, au moins une nuit. Au moins cette nuit-là, bien qu’elle n’eut rien d’exceptionnel. Il marchait tranquillement entre les caravanes, sans réussir à détacher ses yeux de son visage paisiblement endormi. Il ouvrit la porte de sa roulotte. Sa mère était de sortie, forcément.

Il posa Kaysha sur son lit, et elle s’enroula dans ses draps en sentant le matelas sous elle. Il la laissa quelques secondes pour se laver les mains et le visage, avant de retirer son surplus de vêtements. Il s’allongea et prit Kaysha contre lui. Elle soupira dans ses bras, il sentit son haleine rouler sur son torse nu, lui arrachant quelques frissons, et les deux purent dormir confortablement.

 

Il s’éveilla avant elle. Il était sur le dos, et tenait Kaysha qui était allongée à moitié sur lui. Il profitait de cette position pour lui passer le bout des doigts sur sa peau. Elle se secoua légèrement, pour le chasser, pensant sûrement qu’une mouche venait la déranger. Il observa ses courbes sous les draps. Il aurait voulu la serrer très fort contre lui, mais il ne le pouvait, naturellement.

Il ressentait encore ce désir qui l’éventrait, et auquel il ne pouvait répondre. Il retint un soupire ardent et déplacé. Kaysha commençait à bouger, dans les mouvements indécis du réveil. Subitement, elle leva la tête pour regarder autour d’elle, les bras entourant Jérôme. Elle ne semblait pas comprendre où elle se trouvait. Elle baissa les yeux sur Jérôme. Il ne souriait pas, et la regardait de ses émeraudes imparfaits. Soulagée, elle laissa tomber sa tête sur lui une nouvelle fois.

Elle savait très bien ce que Jérôme ressentait pour elle, jamais elle ne l’avait oublié. Mais elle ne pouvait se refuser la consolation agréable qu’il lui procurait. Jérôme avait ce don de la guérir de ses maux, comme elle lui avait proposé ses bonbons, huit ans plus tôt. Enfin tout à fait réveillée, elle ouvrit les yeux.

-         Bien dormi ? interrogea Jérôme d’une petite voix.

Elle sourit imperceptiblement.

-         Oui, et toi Rouquin ?

Il fit lentement bouger sa main sur son dos.

-         Vraiment très bien.

Ils laissèrent s’écouler le temps à nouveau, chacun perdu dans ses pensées.

-         Kaysha ? Je… je voulais te demander…

Le cœur du rouquin s’enflamma violemment.

-         Est-ce que je… je pourrais t’embrasser à nouveau ?

Il en avait tant de fois rêvé, depuis ce dernier baiser, qui durait d’il y a des mois déjà. Presque un an. Elle se leva subitement, et s’assit en s’appuyant sur ses mains. Jérôme l’imita, en la regardant avec sérieux. Il attendait qu’elle dise quelque chose, qu’elle réponde. Elle se rapprocha de lui et l’embrassa sur la joue, juste au dessus du coin de la bouche. Il fit pivoter son visage pour attraper ses lèvres, mais il n’eut le temps que d’effleurer son nez lorsqu’elle se retira. Leurs visages restèrent proches néanmoins.

-         Je voulais dire, un vrai baiser, souffla-t-il en la regardant de ses yeux suppliants.

Elle l’étudia quelques instants. Et, sans savoir pourquoi, elle se pencha en avant et embrassa Jérôme sur la bouche. Les yeux du jeune homme se fermèrent immédiatement, et il posa sa main sur la nuque de Kaysha. La passion s’empara de tout son corps, et il dut prendre garde à ne pas y répondre avec démence. Le goût de leurs lèvres échangé, Kaysha se retira.

Elle soutint son regard une poignée de secondes.

-         Je suis désolée, je sais pas pourquoi j’ai fait ça.

Sans lui répondre il lui passa une main dans ses cheveux qui avaient bien repoussés depuis qu’elle les avait coupés. Il posa son visage contre sa joue, et l’embrassa avec une tendresse insoupçonnée. Elle sentit à peine les lèvres du garçon sur sa peau brûlante.

-         Je t’aime, souffla-t-il.

-         Non, s’il te plaît…

-         Kaysha, sembla-t-il supplier à mi-voix. Si tu savais… commença-t-il en s’approchant encore d’elle.

Il respirait plus fort, se contrôlant moins au fur et à mesure.

-         Tu es la seule qui arrive à faire de moi ce que je suis.

-         Jérôme, dit simplement Kaysha sans comprendre pourquoi.

Elle se glissa le long du lit et sortit de la chambre, non sans laisser un dernier coup d’œil vers un Jérôme démuni. Celui-ci se leva immédiatement après elle, attrapa un débardeur qu’il utilisait pour trainer chez lui et ouvrit la porte tout en l’enfilant. Malgré ce qu’il aurait pu croire, Kaysha n’était pas partie. Elle était là, dans la salle de bain, et se regardait dans le miroir. Le reflet de Jérôme apparut à coté d’elle. Elle lui sourit, et se retourna vers lui.

-         Ta mère rentre vers quelle heure ?

-         Vers les coups de dix heures, maximum, répondit-il, la tête ailleurs.

Elle jeta un coup d’œil à l’horloge posée dans le minuscule couloir, derrière Jérôme. Sept heures et demie.

-         On va se faire un petit déjeuner, alors !

Avant de se rendre dans la cuisine, elle tourna le dos à Jérôme pour se regarder dans le miroir une nouvelle fois. Jérôme se déplaça silencieusement vers elle. Il entoura sa taille, et posa son menton sur son épaule.

-         Pourquoi tu fais toujours comme s’il ne s’était rien passé ?

Jérôme avait décidément beaucoup de questions ces temps-ci. Kaysha s’immobilisa, en observant leur reflet dans la glace. Elle voulut se séparer du corps de Jérôme, mais il la retint, en forçant sur ses bras. Les cheveux du rouquin étaient en désordre après son réveil, alors qu’habituellement parfaitement coiffés, la raie presque au milieu de son crâne. Elle eut un pâle sourire en s’en apercevant. Pendant un long moment, elle n’arriva pas à répondre, la voix coincée elle ne savait trop où, sûrement quelque part dans son esprit, au milieu de souvenirs qui la suivaient depuis toujours.

-         Tu ne peux pas comprendre, dit-elle en contrôlant sa voix pour qu’elle ne se brise pas dans le vide de son cœur.

-         Je ferai un effort, répondit Jérôme, insistant.

Elle se défit brusquement de ses bras, pour s’éloigner de quelques pas.

-         Tu comprends pas ! s’énerva-t-elle.

Elle avait l’impression que le sol n’était plus stable, et que ses jambes ne la soutenaient plus assez bien pour qu’elle puisse rester droite. Elle posa sa main sur un mur.

-         Je hais les hommes, s’impatienta-t-elle avec dédain.

Jérôme ne comprit pas. Le souffle de Kaysha devenait plus rapide, moins contrôlé. Elle perdait pied. Il le voyait bien. Son corps tremblait imperceptiblement, de haine, sûrement. Il la regardait, en essayant de comprendre.

Elle se mit à rire nerveusement. Elle leva ses yeux humides sur lui, pour l’observer, en se retenant de pleurer. Son expression donnait quelque chose d’étrange. Ses larmes muettes et invisibles, et ce sourire forcé et rancunier. Elle se rapprocha de lui, pour passer une main sur sa joue.

-         Je ne veux pas que toi tu sois pareil, expliqua-t-elle. Il faut que toi tu restes Jérôme. Tu comprends ?

Il hocha négativement la tête, perdu. Elle n’arrivait pas à formuler les choses clairement, trop longtemps refoulées, ces années passées à les oublier.

-         Je dois me protéger, essaya-t-elle à nouveau, la voix inhabituellement rauque.

Leurs regards étaient proches, comme si elle essayait de lui faire lire ses pensées à travers la proximité. Voyant que cela ne marchait pas, elle se détacha de Jérôme et attrapa ses propres avants bras en se les collants sous sa poitrine.

-         J’ai peur, souffla-t-elle. Tout le temps.

Elle baissa les yeux de longues secondes. Lorsqu’elle les releva vers Jérôme, elle eut un petit sursaut pressé.

-         Il faut je rentre, lança-t-elle en sortant de la salle de bain.

Elle marchait rapidement vers la porte d’entrée. Jérôme courut derrière elle et la rattrapa.

-         Lâche-moi ! cria-t-elle en secouant vivement son bras.

Surprit, Jérôme obéit. Kaysha était agitée, et il ne savait plus comment lui parler pour ne pas la blesser. Elle n’arrivait pas à garder la même émotion d’une minute à l’autre. La colère, la tristesse, la crainte, l’angoisse.

-         Qu’est-ce qui t’arrives ?! demanda Jérôme en haussant la voix.

Il lui attrapa les avant-bras. Elle recula, pour lui échapper, mais cogna la porte close avec son dos. Elle se mit à pleurer cette fois-ci, abondamment. Elle n’arriva pas à parler, la voix coincée dans les sanglots véhéments qu’elle retenait comme elle pouvait. Jérôme commençait réellement à s’inquiéter, ne reconnaissant pas son amie.

-         Il l’a fait ! hurla-t-elle enfin sous le visage incompréhensif de Jérôme.

Il libéra ses avant-bras, et elle cogna son poing sur son torse, plus fort qu’elle ne l’aurait voulu.

-         J’étais tellement, tellement petite, et faible, je pouvais pas me défendre ! Et j’étais seule, je pouvais rien faire ! Il m’a attrapée, entre deux caravanes, je pensais qu’il jouait… Mais j’ai vite compris qu’il n’y avait que lui qui s’amusait, Jérôme ! Et je voulais faire quelque chose, Jérôme, je te jure !

Elle passa ses mains rapidement dans ses cheveux. Elle se défendait. Elle n’avait pourtant pas besoin de se défendre. Elle n’était pas à un procès. Et pourtant…

-         Il était sur moi, continua-t-elle en larmoyant, et il était si lourd et j’avais tellement peur, j’essayais de crier, mais il avait sa main sur ma bouche !

Elle renifla inélégamment, et essuya avec nervosité ses larmes chaudes qui coulaient le long de ses joues.

-         J’étouffais, je pleurais !

Jérôme l’écoutait attentivement, le regard hagard. Il se demandait s’il entendait vraiment ce que lui racontait la jeune femme, s’il pouvait y croire. Si c’était possible. Elle gémit de colère en frappant une nouvelle fois sur son torse. Jérôme n’avait même pas sentit le coup, tant il était concentré sur le visage anéanti de Kaysha.

-         Et… quand mes parents l’ont découvert… Christopher… il a rien fait… Il a rien fait Jérôme !

Elle cogna sa tête sur son sternum.

-         De vieilles histoires de famille, larmoyait-elle contre lui.  

Au début, Jérôme avait cru que c’était Christopher qui lui avait fait tout ce mal. Mais ce n’était vraisemblablement pas le cas. Il fronça ses sourcils, plein de questionnements. Elle attrapa son visage avec virulence, et s’approcha de lui, en enfonçant ses ongles dans la peau.

-         Il m’a violée, et personne n’a rien fait.

Ses larmes avaient cessées, pour laisser sur son visage une expression horrifiée.

-         Et ma mère voulait voir la police, et quitter mon père, puisqu’il était incapable de me protéger. Elle devait revenir, mais elle n’est pas revenue, Jérôme ! Jamais !

Une nouvelle vague de sanglots et de larmes lui brisèrent la gorge.

-         Il faut que tu comprennes, c’est pas que je veux pas t’aimer, c’est que je ne peux pas ! J’ai besoin de toi… besoin de toi en tant que Jérôme, tu comprends ? je hais les hommes… répéta-t-elle après une courte pause.

Il posa ses mains sur ses épaules, en enfonçant légèrement ses pouces dans ses clavicules. Il monta ses mains sur son cou.

-         Oui. Oui, je comprends Kaysha.

Il ramena la jeune femme contre lui, et la serra dans ses bras tentant de lui offrir par là un peu de sécurité.

-         Qui c’était ? demanda Jérôme en serrant les dents.

Il étouffa Kaysha un peu plus. Elle ne répondit pas.

-         Dis-moi, ordonna-t-il. Qui t’as fait du mal ? qui a osé te toucher ?

Elle fit revenir ses yeux dans les siens.

-         Le père de Cole, avoua-t-elle.

Le visage de Jérôme devint blême, exprimant de la douleur mais aussi une haine extrême. Il comprenait alors, cette allure garçonne, ce goût pour la bagarre, la protection qu’elle lui offrait, ces larmes qu’elle retenait, la colère qu’elle avait contre son père. Celle qu’elle avait contre Cole. Il lui avait retiré le droit d’être une femme, d’être Kaysha de tout son être. Il comprenait le refus qu’elle avait face à ses sentiments. Il avait tant de questions à lui poser encore. Elle s’agrippait à lui, comme si elle allait tomber, comme si plus rien ne la soutenait.

-         Jérôme, appela-t-elle, désemparée.

-         Je suis avec toi Kaysha, rassura-t-il.

-         Je suis tellement désolée, gémit-elle.

Il lui souleva le menton, pour la voir, lui effacer ses pleurs.

-         Je vais lui faire payer, articula-t-il. Je vais lui faire payer.

Kaysha lui appartenait. Kaysha était à lui. Il le savait. Ils s’étaient rencontrés, pour que l’un soit à l’autre. Et même s’ils ne devaient pas s’aimer tout de suite, rien ne pourrait les séparer. Il le savait désormais.

Kaysha se laissa glisser sur le sol, entre le mur et Jérôme, vidée de ses forces mentales, et, étrangement, physiques. Elle hoquetait en essayant de reprendre son souffle. Jérôme s’accroupit juste après elle, posa son dos sur le mur, pour prendre Kaysha sur lui.

Ils restèrent ainsi, sur le sol de la cuisine, l’un retenant sa fureur et l’autre à vider son corps des traces laissées par un homme.

 

Elle ne se calma qu’un long moment après, sa tête posée sur les jambes de Jérôme. Elle attrapa la main du jeune homme qu’il avait posé sur sa taille, et la serra entre les siennes. Elle s’accrochait à lui, en essayant d’oublier sa détresse.

-         Tu sais, dit-elle d’une voix fatiguée et rocailleuse, j’ai hésité avant de venir te voir, ce jour-là.

Il comprit qu’elle parlait du jour ou ils s’étaient parlé pour la première fois.

-         Mais tu avais l’air vraiment triste et seul. Je parlais à personne. Le père de Cole avait ça l’année d’avant.

Elle avait huit ans, compta-t-il rapidement.

-         Et je devais avoir besoin de parler avec quelqu’un.

Il l’écoutait sans rien dire, jouant négligemment avec ses mèches souples.

-         Sans le savoir, tu m’as vraiment aidée, Valeska.

Elle bailla.

-         On peur aller se rallonger, si tu veux, proposa Jérôme.

Elle se souleva en acquiesçant. Ils s’étalèrent côte à côté sur le matelas.

-         Pourquoi ton père n’as rien fait ? interrogea Jérôme en posant sa tête sur sa main, soutenue par son coude.

-         Il était déjà recherché par la police. Pour trafic de drogue, avant ma naissance. Il était soupçonné d’un meurtre qu’il n’a pas commis S’il parlait sans preuve, le père de Cole a menacé de le dénoncer. Il a pas voulu s’y risquer. Maman lui a crié dessus, mais il ne pouvait rien faire. Je l’ai détesté, et ma mère encore plus. On sait pas ce qui lui est arrivé, on l’a jamais revue.

Elle marqua une courte pause, réfléchissant à dire une autre chose.

-         Est-ce que tu me trouve… sale, ou repoussante, ou…

-         Ow ow ow, la coupa-t-il en levant le buste pour la regarder. Jamais, tu m’entends, jamais tu dois te sentir sale pour ce que ce connard t’as fait. Il mériterait de mourir, et c’est lui qui devrait avoir honte. Il n’avait pas le droit, tu comprends Kaysha ?

Elle hocha la tête en silence.

-         Maintenant, je te jure que personne ne te fera du mal. Plus personne. Tu es belle, vraiment très belle, dit-il en se perdant dans ses pensées profondes, ses propres sentiments qui le dévoraient. Tu es incroyable. Je t’interdis de penser ce genre de chose, d’accord ?

Il semblait que plus rien ne pouvait la consoler, après ces aveux lancinants, excepté ce garçon aux cheveux roux. Et elle se tenait à lui, pour maintenir son âme debout.



Alors voilà tout le monde ! Tout d'abord, j'espère que le chapitre vous aura plu. Alors, sincèrement j'étais ultra choquée de ce qui est arrivé à Kaysha, je m'y attendait pas du tout, mais alors vraiment pas. Je sens que c'est maintenant que le personnage commence à m'échapper x) Y a toujours ce moment assez étrange où les personnages commencent à faire un peu ce qu'ils veulent, quand j'écris. Et je suis plutôt fière, parce que j'ai maintenu Kaysha assez longtemps dans ce que je voulais qu'elle fasse x) Il est peut-être temps que le personnage trouve une petite indépendance :')

Enfin voilà, c'est un chapitre un peu plus long, et qui méritait selon moi d'être plus long. Je ne voulais pas traiter le sujet du viol en mode "balec" parce que c'est un sujet assez important, et je ne voulais pas le traiter à la légère, comme étant juste un prétexte facile pour que Jérôme puisse se rapprocher de Kaysha. Je voulais vraiment que cette histoire de viol soit prise au sérieux, et qu'elle fasse entièrement partie du personnage. Je trouvais ça important.

N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé !

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