C'est encore loin l'amour ?

Chapitre 1 : C'est encore loin l'amour ?

Chapitre final

3833 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 14/02/2025 09:25

Cette fanfiction participe au défi d’écriture « Saint-Valentin inattendue » (février mars 2018) du forum fanfictions.fr

Catégorie deuxième chance


En ce mois de février glacial, le jeune Warlock s’ennuyait ferme, assis tout seul sur un banc face à la petite église.

Ce qu’il faisait là ? Son père, emmenant toute la famille car c’était les vacances scolaires, avait quitté sa résidence londonienne de Winfield House pour une visite d’une semaine dans la charmante bourgade de Tadfield. En tant qu’ambassadeur américain au Royaume Uni, il devait y rencontrer là plusieurs de ses homologues, plus précisément à l’ancienne base aérienne. Eux seuls savaient pourquoi.


Au troisième jour de son séjour, Warlock, désœuvré, qui avait réussi une fois de plus à fausser compagnie à sa gouvernante, Nanny Astoreth, s’était tout d’abord amusé à observer les passants, une de ses distractions favorites.

Il avait mentalement adressé des grossièretés à un vieux monsieur moustachu à l’air revêche qui promenait son chien, un malheureux teckel dont la hauteur des pattes ne lui permettait guère de suivre la cadence.

Il s’était extasié sur le magnifique manteau bleu à carreaux que portait une scientifique à lunettes qui déambulait avec un pendule dans une main et un gros cahier dans l’autre, se disant qu’il ferait un malheur à l’école avec un accoutrement si original.

Puis son attention s’était dirigée vers un groupe d’enfants, qui semblaient de son âge, passant en vélo en riant aux éclats. Un petit chien noir et blanc les suivait en caracolant.

Se faire des amis n’était pas la meilleure compétence de Warlock, ni même sa plus grande préoccupation. La plupart des élèves de son école huppée de Londres (lui y compris) ne s’intéressaient qu’à leur petite personne, à leurs notes grâce auxquelles ils espéraient écraser les autres. Les garçons ne vivaient que pour le dernier jeu vidéo qu’il fallait absolument ajouter à sa collection, les filles étaient de petites bêcheuses sans intérêt qui poussaient des cris stridents le long des couloirs en se trémoussant.

Lui-même, au moindre caprice, obtenait à peu près tout ce qu’il voulait de ses parents, qui se donnaient l’illusion de compenser leur manque de présence et d’affection par une accumulation de biens matériels et de menus plaisirs, comme parvenir à lui faire goûter trente-neuf parfums de glace en un mois. À bientôt 11 ans, il était parfaitement rentré dans le moule, et rêvait déjà d’une glorieuse carrière diplomatique, comme papa. Il nota d’ailleurs que ces petits rustres chevauchaient des vieux biclous hors d’âge - selon ses critères - sauf peut-être la fille qui semblait posséder un engin plus neuf. Avec un panier. Du haut de son arrogance de jeune citadin privilégié, il les considéra tout de suite comme des bouseux.

Tous quatre repassèrent devant lui peu de temps après et, remarquant sa présence, s’arrêtèrent pour lui parler. Il n’avait pas prévu ce fâcheux contretemps.

- Salut ! T’es tout seul ? T’es nouveau à Tadfield ? demanda celui qui avait l’air du chef de la bande, un garçon aux yeux bleus et au visage avenant.

Warlock prit son air le plus pincé, fit mine de regarder autour de lui, et répondit, un brin dédaigneux :

- Oui. Non.

- Hein ?

- Oui, je suis tout seul, et non, je ne suis pas « nouveau », soupira-t-il, faussement excédé. Je suis là pour la semaine seulement.

- Ah ! Nous, c’est Les Eux. Moi c’est Adam, et voici Pepper, Brian et Wensleydale. Et Le Chien.

- Warlock. Enchanté, répondit-il en tendant la main cérémonieusement.

Un peu étonné de son attitude guindée, Adam lui donna une poignée de main vigoureuse.

- On va jouer dans Hogback Wood. Tu veux venir avec nous ?

- Ouais, Adam invente toujours les jeux les plus cool, ajouta Brian, celui au visage barbouillé de chocolat.

Les deux autres l’observaient avec méfiance. La fille, notamment, lui lançait des regards suspicieux.

Jouer dans les bois ? songea Warlock en réprimant une grimace à la pensée de Nanny Astoreth qui, le retrouvant crasseux, ne manquerait pas de lui passer un savon, au sens propre comme au sens figuré. Cependant, il trouvait le temps long sur son banc, et la tentation fut la plus forte :

- OK, fit-il d’un air blasé, repoussant d’un coup de tête nerveux les cheveux qui lui tombaient sur le visage. Allons-y.

L’après-midi, occupée par une partie de cache-cache mémorable, passa trop vite au gré de Warlock,

Ils se reposaient de leurs courses folles, assis autour d’Adam, avec un gobelet de limonade apportée par Brian.

- Alors, t’es là pour les vacances ? l’interrogea Wensleydale, celui qui avait une tête de premier de la classe avec ses lunettes et son air sérieux.

- Si on veut, répondit prudemment Warlock. En fait mon père est en… déplacement professionnel.

- Il fait quoi, ton père ? demanda Pepper, curieuse.

- Il travaille pour le… hum… gouvernement américain.

- Oh ! Les services secrets ? Trop bien ! fit Brian l’œil soudain pétillant. Il est au courant pour les tunnels des Tibétains ?

- Les quoi ? Nan… Il est juste… fonctionnaire, quoi.

- Et les baleines ? reprit Pepper. Vous allez faire quelque chose pour sauver les baleines ? C’est vrai, quoi, elle savent chanter et tout, et on les tue pour les manger ou faire de l’huile, c’est révoltant !

- Écoutez, mon père me raconte pas ce qu’il fait à son boulot, conclut Warlock pour mettre fin à cet interrogatoire.

Cette fille le rendait perplexe. Elle n’était pas comme les pimbêches qu’il connaissait. Elle jouait avec les garçons, n’était pas la dernière à grimper aux arbres, et semblait avoir la langue bien pendue et des idées bien arrêtées. Inhabituel, pour lui. Déroutant, mais assez agréable.

Sur le chemin du retour, il se tenait près d’elle. Elle marchait près de son vélo, laissant le groupe prendre de l’avance.

- Je peux revenir jouer avec vous demain ? questionna-t-il, plein d’espoir.

Il se surprit à apprécier les joies simples que lui avaient procurées la nature et une poignée de copains. Si tant est qu’on puisse parler d’amis à ce stade.

- Oh, je pense que les autres n’y verront pas d’inconvénient. Et moi, j’aimerais bien aussi, ajouta-t-elle avec un sourire énigmatique.

Il en fut plus troublé qu’il n’aurait voulu l’admettre…


Ils se retrouvèrent le lendemain, près du même banc. Le groupe était à pied, cette fois. Après les civilités d’usage (Salut ! Salut ! etc) ils se dirigèrent vers le bois. Comme la veille, Pepper et Warlock marchaient un peu en retrait des autres, qui prirent vite une avance conséquente.

- Tu t’appelles vraiment Pepper ? demanda le garçon.

Après mûre réflexion, elle décida de lui faire confiance :

- Mon vrai nom, c’est Pippin Galadriel Fille de Lune. Rigole pas.

- Mais non ! C’est très joli ! répondit-il en la regardant d’un air extasié.

C’est vrai qu’elle était mignonne aussi. Sa peau de métisse, sur ses joues rebondies, lui donnaient vraiment l’air d’une pomme de reinette. Ses cheveux crépus, retenus en queue de cheval, étaient une invitation à passer sa main dedans « pour voir ce que ça fait ». Au lieu de ça, il prit la sienne. Elle lui retourna illico une baffe bien sentie.

- Le consentement, ça te parle ?

- Le quoi ? bredouilla-t-il, frottant sa joue en réalisant que pepper signifiait aussi poivre.

- Faut être correct, et demander la permission avant.

- Message reçu, souffla-t-il, penaud.

Essuyer une rebuffade n’entrait pas dans ses habitudes, surtout venant d’une fille. Il resta songeur tout le reste du chemin. Il en conclut que celle-là avait vraiment du caractère, ce qui n’était pas pour lui déplaire, tout compte fait.

Adam avait planifié ce jour-là une chasse au trésor. Il partit cacher une petite soucoupe volante en plastique pendant que les autres fermaient les yeux. Celui qui la trouverait devrait la cacher à son tour. Pepper regardait Warlock d’un œil neuf. Bien sûr, les liens qu’elle entretenait avec les garçons du groupe restaient tout ce qu’il y a d’amical. C’était la première fois qu’elle se trouvait confrontée à une relation qui risquait de déborder de ce cadre. Ça la rendait à la fois méfiante et intriguée. C’était des trucs de grands, tout ça, et elle avait à peine 11 ans, comme les autres.

Elle se surprit à lui sourire lorsqu’ils se croisaient à la recherche de la soucoupe volante. Comme elle passait plus de temps à tenter de croiser son chemin plutôt qu’à chercher l’objet, elle n’avait pas mis la main dessus depuis le début de la partie. La moutarde commençait à lui monter au nez.

À un moment, alors que Warlock avait trouvé la soucoupe volante, il la lui glissa discrètement dans la main. Elle eut l’impression que son cœur battait un peu plus vite, et s’en effraya. Pressentant les ennuis à venir, elle décida de mettre le holà à ces carabistouilles, de classer l’affaire et d’oublier ces sornettes, pour sa sécurité.

Warlock cependant, encouragé par son attitude, s’enhardit à lui demander timidement, sur le chemin du retour :

- On se voit demain alors ?

Il élaborait déjà à un stratagème pour échapper à la surveillance de Nanny Astoreth.

- Ouais, bien sûr. Rendez-vous au banc, comme d’hab’.

Il lui planta un bisou sur la joue avant de s’enfuir en courant, la laissant plus perplexe que jamais.

- Il t’aime bien, hein ? fit Adam, moqueur.

- Rhô ! La ferme, répondit-elle piquée au vif.


Évidemment, il s’était fait sermonner par sa gouvernante, qui lui reprochait de ne jamais prévenir quand il partait ni dire où il allait. Évidemment, il l’amadoua de son sourire le plus enjôleur, promettant pour l’avenir tout ce qu’elle voulait. Il ne croisa même pas ses parents. À croire qu’ils n’habitaient pas la même maison.

Le lendemain, il était sur le banc sitôt le dessert terminé. Pepper (était-ce un hasard ?) fut la première du groupe à arriver. Elle s’assit près de lui.

- Dis, est-ce que t’es amoureux de moi ? lui demanda-t-elle tout à trac.

Il hésita un long moment. Qu’allait-il récolter ? Une baffe ou un sourire ?

- Oui, je crois bien, souffla-t-il en rentrant la tête dans les épaules.

- Mauvaise réponse, rétorqua-t-elle.

- Quoi ?

- Je dis pas que t’es pas amoureux, mais il faut que tu dises que tu l’es pas. Ce jeu n’a plus aucun intérêt si tu avoues être amoureux à la seconde où on te pose la question. Alors, dis « non ».

- Mais pourquoi ?

- Ben pour le suspense, idiot ! C’est comme ça que ça marche, chez les grands. Il faut que chacun fasse semblant qu’il l’est pas. Comme ça l’autre invente des tas de trucs gentils pour attirer l’attention.

- Comme quoi ?

- Oh ! Débrouille-toi, t’es assez grand, hein. Demande à tes parents par exemple.

- Mes parents, je les vois pour ainsi dire jamais, soupira le garçon.

- Alors qui c’est qui te surveille ?

- Nanny Astoreth.

- T’as encore une nounou, à ton âge ?

- C’est une gouvernante, rétorqua-t-il, sur la défensive. Mes parents l’emmènent partout en déplacement. Mais la plupart du temps, j’arrive à la semer, ajouta-t-il avec un clin d’œil.

- Et tu crois que tu pourrais lui demander des conseils ?

- Bah, je sais pas trop. Elle a pas l’air très calée en « trucs de l’amour ». Quand j’étais petit, elle me chantait des berceuses terrifiantes, j’en ai encore la chair de poule quand j’y repense. C’était chouette…

- Tu l’aimes bien ?

- Oh oui ! Elle est un peu grincheuse, mais ça va. Sauf qu’en ce moment, elle est pas à prendre avec des pincettes, je sais pas ce qu’elle a. L’air de la campagne lui convient pas, sûrement.

- Et vous avez d’autres... employés ?

- Oui, Mr Francis, le jardinier. Lui, c’est un ange ! Mais il est resté à Londres.

- Et là, elle est où ta nounou ?

- Elle me cherche, sans doute. Elle m’a emmené à la bibliothèque municipale, où il y avait une expo « L’aviation à travers les âges », mais je me suis enfui, c’était barbant.

- Ah oui, c’est à cause de la base aérienne. Il y a eu beaucoup d’avions dans le temps, à décoller ou à atterrir. Ça sert plus maintenant.

- Mon père dit que c’est devenu un… ajouta Warlock avant de se rendre compte qu’il était sur le point de dévoiler une information tout à fait confidentielle, l’existence d’un QG top secret de l’armée américaine au sein de Tadfield.

- Un... ?

- Un… hem… un « lieu de mémoire et d’hommage aux héros du ciel », bafouilla-t-il, pris de court.

- De toute façon, ça servirait à rien.

- A rien quoi ?

- Tes manigances. Je marcherai pas dans tes combines. Je deviendrai pas une énième victime du patriarcat.

- Du quoi ?

- Dis, tu sais dire autre chose que « quoi » ? Du patriarcat. C’est quand les hommes ont tous les pouvoirs. Qu’ils commandent tout, si tu veux. Ma mère dit que c’est pas demain la veille qu’on la verra adhérer à ce postulat.

- À ce q…

- Tais-toi, conclut-elle, péremptoire.

- Elle en connaît un rayon, ta mère, dis donc !

- Oui. Elle a une devise : La réponse à toutes les questions que vous vous posez est soit le patriarcat, soit le vinaigre blanc. *

Warlock resta sans voix, essayant de méditer sur ce bien mystérieux adage. Cette fille avait décidément le don de souffler le chaud et le froid.

Quand tout le monde fut arrivé, ils prirent le chemin d’Hogback Wood.

Ce jour-là, Brian avait apporté un énorme sachet de chamallows, Wenslaydale du jus de fruit bio, subtilisé dans le frigo familial, et Pepper avait préparé des sandwichs au beurre de cacahuète. Adam s’était chargé de la torche électrique.

- C’est pour quoi faire ? demanda Warlock, surpris.

Adam le regarda d’un air entendu :

- C’est pour le goûter traditionnel du clan. On le fait une fois par mois, t’as de la chance que ce soit aujourd’hui. Dans le tronc creux de ce gros arbre, là-bas, fit-il en montrant du doigt le chêne le plus énorme que Warlock ait jamais vu.

En effet, l’intérieur du tronc était creusé d’une cavité de plus d’un mètre de diamètre. En se serrant un peu, ils s’y installèrent à peu près confortablement et déballèrent leurs victuailles. La torche, qu’Adam avait réussi à accrocher sur la paroi, n’était pas de trop pour éclairer cette dînette insolite. Warlock et Pepper, assis l’un en face de l’autre, se regardaient à la dérobée entre deux bouchées de guimauve.

- C’était d’enfer ! conclut Warlock, enchanté. Le meilleur goûter au monde !

Ils jouèrent encore un peu au « loup glacé » avant de prendre le chemin du retour.

Le sentier était humide et glissant, couvert d’aiguilles de pin. Aussi avançaient-ils avec précaution. Tout à coup, le pied de Pepper se déroba, l’entraînant les quatre fers en l’air dans le ruisseau qui coulait en contrebas.

- Mer...credi ! pesta-t-elle en se redressant, trempée jusqu’aux os et frigorifiée.

Warlock fut le premier à réagir en lui tendant une main secourable, qu’elle saisit pour ce sortir de là.

- Mais tu vas attraper une pneumonie, ou je ne sais quoi ! Qu’est-ce qu’on peut faire ? demanda-t-il à la cantonade avec inquiétude.

- T’inquiète, Pepper, la maison d’Anathème est tout près. Tu vas pouvoir te sécher, la rassura Adam.

- Qui c’est ? questionna Warlock.

- Une amie, une… occultiste.

- Une quoi ?

Mais personne ne prit la peine de lui répondre.

Ils n’eurent pas le temps de sonner que la jeune femme ouvrit la porte, un drap de bain à la main. À croire qu’elle les attendait… Warlock remarqua avec surprise l’ahurissant manteau bleu à carreaux aperçu dans la rue deux jours auparavant, pendu à une patère de l’entrée. Cette dame était donc la scientifique sérieuse qu’il avait observée. Il en fut complètement rassuré.

- Viens Pepper. Tu vas prendre un bon bain chaud, j’ai déjà commencé à faire couler l’eau. Pendant ce temps, je passe tes vêtements au sèche-linge. Ne vas pas attraper la mort !

Laissant là les garçons, elle accompagna la fillette à la salle de bains, où la baignoire était déjà à moitié pleine. Pepper confia ses habits dégoulinants à Anathème et se glissa avec bonheur dans la mousse chaude et onctueuse. Elle avisa, sur le rebord, un flacon d’huile de bain « Gingembre Céleste », qu’elle huma avec précaution avant d’en verser une bonne rasade dans la baignoire. Ravie, elle ferma les paupières et s’abandonna au cocon douillet de la mousse parfumée.

- Vous voulez une citronnade, les enfants ? proposa la jeune femme pour faire patienter les garçons.

Ils acceptèrent avec plaisir, et sirotèrent leur boisson nerveusement.

- Ne vous inquiétez pas. Votre copine va vite se réchauffer et retrouver des vêtements secs.

- Vous êtes sûre qu’elle va bien ? demanda Warlock, préoccupé.

- Demande-lui, fit-elle avec un sourire complice.

Il s’avança jusqu’à la porte de la salle de bains et lui cria :

- Pepper ? Ça va ?

- Mmmmmmh fut toute la réponse qu’il obtint.

- J’imagine que oui, dit-il en revenant au salon.

Un moment plus tard, une Pepper requinquée, séchée, parfumée, rhabillée, les rejoignit :

- Merci Anathème.

- De rien. Vous êtes toujours les bienvenus, les enfants.


Le jour suivant, un dimanche, fut l’occasion d’une grande fête pour le village de Tadfield. Les ambassadeurs se félicitaient de leurs négociations et des accords signés. Ils avaient décidé, conjointement avec le maire, de commémorer (avec un peu d’avance) le centenaire de la signature du Traité de Versailles, à la fin de la première guerre mondiale, et de rendre hommage à Edward Mannock et James McCudden, deux as de l’aviation britannique de cette même guerre.

Sur le vaste espace de la base aérienne prenaient place quelques stands de fête foraine, et des baptêmes de l’air en montgolfière. Warlock et les Eux piaffaient d’impatience. Après quelques tours en auto-tamponneuses, ils s’étaient régalés de glaces chez « Amorino », où le plus difficile consistait à en choisir le parfum. Les cornets doubles sont la solution parfaite pour qui hésite entre deux… Ils s’essayèrent ensuite au tir à la carabine.

- Tu vas tirer, toi aussi, Pepper ? demanda Warlock.

- Oui, pourquoi ?

- Ben, t’es une fille…

Elle lui lança un regard courroucé :

- C’est sexiste, ce que tu dis là.

D’ailleurs, c’est elle qui réalisa le meilleur score, et elle repartit avec un énorme chimpanzé en peluche, qu’elle confia à sa mère pour ne pas s’encombrer.

Nanny Asthoreth était là aussi, dans la foule, qui gardait un œil discret sur Warlock.

Quand vint leur tour de grimper dans la nacelle, ils ne tenaient plus en place. Une fois dans les airs, ils purent profiter d’une aventure unique au gré des vents. Tout les émerveillait, des douces courbes des collines où flânaient quelques moutons qui semblaient minuscules, aux tours majestueuses du château de Bodiam. Frôlant les cimes des arbres, ils vivaient là un moment unique, ponctué de leurs exclamations enthousiastes.

L’heure passa bien trop vite. Quand la nacelle toucha terre avec quelques rebonds dans le pré voisin et que le ballon s'immobilisa, ils avaient encore des étoiles au fond des yeux, la tête pleine de rêve, et un sourire béat aux lèvres.

Le pilote leur remit à chacun un certificat de vol, qu’ils encadreraient précieusement au mur de leur chambre.

- Bon, c’est l’heure du goûter, décréta Brian prosaïquement.

Une bonne gaufre au chocolat leur remit rapidement les pieds sur terre. L’après-midi touchait à sa fin.

Le lendemain, lundi 15 février, Warlock devait rentrer à Londres, il sécherait une journée de cours. Pepper et les Eux retourneraient sagement à l’école.

- Bon, ben, c’est l’heure de se dire au revoir, alors…

Les garçons échangèrent une vigoureuse poignée de main.

- Je peux… te faire la bise ? demanda Warlock à Pepper, qui se tortillait bêtement les mains en regardant par terre.

- Si tu veux, souffla-t-elle.

Rougissant, il attarda ses lèvres un peu plus longtemps que nécessaire sur ses joues douces et rebondies. Elle sembla vouloir faire durer ce moment.

Ils avaient échangé leur adresse, se promettant de s’écrire.


Laissez-les rêver.

Bercez-les d’illusions.

Les amours d’enfants brodent de bien jolis souvenirs.



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Notes :

* Citation à retrouver sur lindeprimeuse.com

J’ai emprunté le titre à Agnès Bihl, dans l’album Rêve Général en 2010

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