Fée du logis

Chapitre 1 : Fée du logis

Chapitre final

3836 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 21/11/2024 09:49

Cette fanfiction participe à l’activité d’écriture du forum de fanfictions.fr : "Secret Santa, mettez le paquet !" (novembre-décembre 2024)

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Pourquoi la vie des uns est-elle plus douce que celle des autres ?


L’existence de Crowley était loin d’être un long fleuve tranquille. Sa mère mourut alors qu’il n’avait que trois ans, emportée par la tuberculose. Il n’en gardait comme souvenir que ce que son père Jim pouvait lui raconter, ce qui se révélait fort difficile car il souffrait de troubles récurrents de la mémoire, sans doute liés à l’âge.

D’après ses dires, c’était une jolie jeune femme, optimiste et toujours souriante, confiante en la vie, prompte à s’émerveiller du monde environnant, aimante et attentionnée. Une belle et bonne épouse et mère, en somme. Jim, quant à lui, menait sa vie du mieux qu’il pouvait. Les longues et harassantes journées de travail ne lui laissaient guère le loisir de méditer sur son sort. Dans les champs par tous les temps, malade ou bien portant, il se tuait à la tâche sans jamais se plaindre. Il était métayer du Roi.


Aziraphale habitait à quelques lieues de là. Fils unique, c’était un jeune homme solitaire et peu bavard. Rondelet, la mine avenante, tout en lui respirait la bonté. Quand les cours de ses précepteurs, maîtres d’armes ou de musique, lui autorisaient quelque temps libre, il se réfugiait dans sa bibliothèque bien-aimée, ou déambulait dans les jardins superbement entretenus par les nombreux jardiniers employés par son père. Il aimait flâner dans les allées et admirer les massifs de fleurs, les arbres majestueux et les imposantes statues qui ornaient le parc. Pourtant, il n’était pas rare qu’il s’ennuie, tant ce décor somptueux lui semblait vide et froid. « La vraie vie est ailleurs », songeait-il parfois.


L’absence d’une femme en son foyer n’était pas quelque chose que Jim put supporter bien longtemps. Aussi épousa-t-il peu de temps après la mort de sa première épouse une veuve, qui avait deux enfants. Une fois recasée, elle révéla sa vraie nature : Shax était hautaine, fière et arrogante, et fit preuve au fil des jours d’un mépris croissant envers Crowley.

Elle prenait un malin plaisir à le persécuter en lui assignant les tâches les plus ingrates de la maison (le pauvre aurait cent fois préféré partir aider son père, mais sa santé fragile avait conduit Jim à le lui interdire : il ne voulait pas perdre le fils après la mère). Elle exigeait de lui tout ce que comporte la bonne tenue d’une maison : entretenir le feu, faire la cuisine, la vaisselle, le ménage, chercher l’eau au puits… Quasiment l’esclavage.

Ses deux filles, Asture et Ligure, n’étaient pas en reste - soutenues par leur harpie de mère - et en remettaient une couche avec la lessive et l’entretien de leur linge : elles changeaient de tenue deux fois par jour et exigeaient des robes propres, repassées, amidonnées au besoin, et ravaudées dans l’heure au moindre accroc. Sans parler des draps de leur lit, de la poussière dans leur chambre et des nombreux miroirs devant lesquels elles se pâmaient à la moindre occasion. Et Dieu sait qu’il n’y avait vraiment pas de quoi, car elles étaient fort laides d’origine, et la méchanceté avait fini par leur sculpter de bien vilaines rides au coin des yeux et autour de la bouche. Crowley, quant à lui, était relégué dans une mansarde au grenier, où il dormait sur une méchante paillasse, et n’était vêtu que de haillons de jour comme de nuit. Pourtant, jamais on ne l’entendait se plaindre. Il ne leur ferait pas ce plaisir.

Jim, pour sa part, subissait aussi les foudres de ces trois mégères, mais s’était résigné à son sort, par faiblesse, pour peu que le logis fût propre et les assiettes remplies deux fois par jour.



Le Roi Métatron Ier vivait à quelques lieues de là, en son vaste et luxueux palais, dans le Hampshire. Fier et sévère, imprégné d’une haute idée de sa charge et de ses prérogatives, il exerçait sur sa famille et son domaine une inflexible autorité. Chanceliers et conseillers tremblaient devant lui, régisseurs et métayers n’en menaient pas large non plus.

Il n’était guère que sa femme, la Reine Ana, qui savait lui tenir tête. C’était une personnalité d’une intelligence remarquable, intuitive, compréhensive, généreuse et profondément empathique. Chaque jour elle menait bataille pour insuffler un peu d’humanité à son époux, vantant les mérites de l’un, atténuant les manquements d’un autre, s’ingéniant sans relâche à éveiller la bienveillance du Roi vis à vis de son prochain. Leur fils, le Prince Aziraphale, ne croisait pour ainsi dire jamais son père, mais bavardait aisément avec sa mère : ils s’entendaient tous deux à merveille.


À l’approche du vingtième anniversaire du Prince, le Roi décréta :

- Il est grand temps que mon fils se marie, nous allons organiser un grand bal et lui trouver une promise.

Il prit soin de demander (pour une fois) l’avis d’Aziraphale, guère emballé, mais qui fit l’effort de répondre :

- Père, vous n’avez qu’à inviter tous les garçons et les filles de mon âge…

En vérité, les filles ne figuraient pas parmi ses centres d’intérêt. Mais sa mère était jusqu’alors la seule personne avec qui il avait réussi à partager cet étouffant secret.


La nouvelle se répandit dans la contrée comme une traînée de poudre. Tout un chacun, des plus beaux manoirs jusqu’aux obscures chaumières, se retrouva emporté par ce tourbillon d’espoirs et de préparatifs.

- Le Roi veut marier son fils ! Il donne un grand bal pour dénicher la future Princesse ! Haaaaaa !!!

Le foyer de Jim et Shax ne fut pas épargné. Asture et Ligure ne tenaient plus en place, et étouffèrent rapidement Crowley sous les ordres les plus divers:

- Il me faut ma robe de velours rouge, et ma chemise en dentelle d’Alençon ! lançait l’une.

- N’oublie pas de cirer mes souliers à boucles d’argent ! ajoutait l’autre.

- Où as-tu rangé mes bottines à lacets ?

- Je mettrai ma robe rose de tulle brodé, avec mon châle en cachemire...

- Il faudra friser mes cheveux la veille au soir, n’est-ce pas Crowley ?

Ça jacassait à qui mieux mieux dans la maison. Chacune se rêvait l’heureuse élue, la bague au doigt et un avenir radieux s’offrant à elle. Mais elles eurent beau faire : malgré les plus beaux atours, elles restaient fades et ordinaires. Jamais elle ne rivaliseraient avec l’élégance innée de Crowley.


Lui était beau, indéniablement. Sous ses hardes, on devinait une silhouette haute et élancée. Sa peau parsemée de taches de rousseur, ses yeux d’or fondu (cachés derrière des lunettes noires pour se protéger des flammes quand il entretenait le feu dans la cheminée), ses cheveux tout emmêlés qu’ils fussent, d’une teinte de roux fascinante, qui se perdaient en vagues difficilement contenues par un vieux ruban, tout en lui dégageait un charme envoûtant qui ne demandait qu’à éclore.

Mais les deux pestes se moquèrent :

- N’iras-tu pas au bal, Crowley ?

- Ah ! On rirait bien si on voyait un tel souillon paraître au Palais !

Elles étaient sans cœur et sans pitié.

Le jour dit, on avait passé la journée à habiller et parer ces demoiselles. On avait rompu plus de douze lacets à force de les serrer pour leur rendre la taille plus menue, et elles étaient toujours devant leur miroir. Le moment venu, elles partirent enfin, gloussant comme des dindes, et Crowley les suivit des yeux, envahi de tristesse et d’amertume. Non pour le bal en lui-même, mais parce qu’il voyait là une occasion inespérée de s’extirper de son quotidien accablant. Il songeait qu’il aurait sans doute aimé danser, il n’en avait jamais eu l’occasion autrement que seul dans sa chambre, parfois, entendant les deux poisons chanter en bas, d’une voix éraillée et discordante il faut bien l’admettre. Mais cette réjouissance n’était malheureusement pas pour lui.


Soudain, il entendit une voix dans son dos. C'était sa marraine, Muriel, qui était aussi une fée, et qui lui demanda :

- Tu voudrais bien aller au bal, n'est-ce pas ?

- Hélas oui, répondit-il en soupirant.

- Alors, tu iras aussi, je te le promets. N'oublies pas que j'ai un pouvoir magique. Va dans le jardin et apporte-moi une citrouille. 

Aussitôt dit, aussitôt fait. Muriel frappa alors la citrouille de sa baguette, dans le but de la changer en un beau carrosse tout doré…

- Mais… Par l’épée de Viviane, quel est donc ce maléfice ?

Devant eux se tenait le plus étonnant véhicule jamais observé sous ces latitudes. D’un noir rutilant, juché sur d’immenses roues, équipé de quatre lanternes à chaque coin qui renvoyaient une douce lumière ambrée, doté d’un avant proéminent qui semblait destiné à transporter les bagages, au lieu de sur le toit (sinon, quoi d’autre ?) et affublé d’une curieuse statuette d’argent représentant une bien jolie sylphide ailée. Un « B » entouré de deux ailes blanches déployées ornait chacune des portières. À sa décharge, il faut préciser que Muriel n’était encore qu’une apprentie-fée de 37ème rang, ce qui laissait présager quelques menues maladresses excusables.

- Hem… Comment tu le trouves? demanda-t-elle à Crowley, hésitante.

- Regarde-toi, tu es magnifique ! souffla-t-il en extase à l’adresse du carrosse.


- Bien. Il nous faut des chevaux. Des petites bêtes dans le coin ?

- J’ai bien des souris, dans la mansarde. Elles sont toutes mignonnes, je les nourris de miettes des repas, elles me mangent dans la main.

Pour tromper l’ennui et la solitude, il avait pour ainsi dire adopté les quatre petites créatures, qu’il appelait « Les Eux ». Les trois souriceaux avaient pour nom Adam, Wensley et Brian, et la souricette Pepper. « Ma vie est un enfer ! » songeait parfois Adam. Leur principale activité, en dehors de venir rendre une visite amicale à Crowley, était d’éviter par tous les moyens de croiser le chemin du chat de la maison, Lucifer, qui n’aimait rien tant que les pourchasser à travers tout le logis dès que l’occasion se présentait. Par bonheur, elles étaient plus malines que lui !

Et la vie de Brian n’était pas plus enviable. De même pour Wensley et Pepper…

Bref, il s’en alla donc chercher ses souris, qu’il trouva endormies sur sa paillasse, roulées en boule sur une vieille couverture. Confiantes, elles se perchèrent sur ses épaules.

Muriel se concentra davantage cette fois. Pas question de louper son coup. Un coup de baguette magique, et voici les petits animaux transformés en quatre magnifiques chevaux alezan cuivré, qui prirent place tout naturellement dans l’attelage.


- Ne manque plus que le petit personnel, fit Muriel en reprenant confiance en elle.

Crowley siffla alors Toutou, le chien de la famille. C’était un petit corniaud noir et blanc, au pelage en bataille, aux yeux curieusement rouges, affectueux et taquin. En un éclair, le voilà devenu un élégant cocher en livrée, vêtu d’une chemise et d’un gilet sur un pantalon rouge, abrité dans un long manteau noir souligné d’or complété par un chapeau des plus raffinés.


- Plus qu’un et le tour est joué, conclut la fée.

Il ne restait plus que Lucifer comme animal proche. Crowley eut toutes les peines du monde à le capturer, le félin en effet s’en méfiait comme de la peste. C’est donc un matou sifflant, crachant et grognant qu’il ramena à Muriel. Il ne cracha guère de temps car transformé illico en laquais, qui tenait ouverte la porte du carrosse, l’allure guindée et les yeux baissés.

- Tadaaaaaam ! s’exclama la marraine. Et voilà le travail !


Le jeune homme, perplexe, laisser errer son regard entre le carrosse, la fée, et les haillons dont il était vêtu.

- Oh ! Mais oui, où avais-je la tête ? fit-elle en se frappant le front. Tu ne peux pas aller au bal comme ça ! Je suis cruche comme un broc parfois, hein ?

Le filleul acquiesça d’un sourire complice.

D’un dernier coup de baguette, Crowley se vit d’un coup vêtu comme un prince. Ses cheveux, miraculeusement démêlés, se répandaient sur ses épaules en vagues rousses qui captaient les rayons du soleil couchant. Il portait une chemise blanche à jabot avec d’amples manches resserrées autour de ses poignets délicats. Une ceinture de cuir noir, large comme deux mains, était lacée autour de sa taille élancée, empiétant sur un pantalon ajusté de velours, couleur corbeau. Une longue cape, faite d’un épais lainage d’un bleu profond doublé de soie écarlate, retenue par une fibule en forme de serpent, le protégeait du froid. À ses pieds, d’élégantes bottines noires en cuir croco et dans sa main, une canne ornée d’une pomme vermeille, venaient compléter l’ensemble.


À peine remis de sa stupéfaction, il entendit comme dans un rêve Muriel lui délivrer un dernier conseil :

- Allez, va ! Amuse-toi, danse, ris, mais reviens avant minuit ! Car au douzième coup, l’enchantement cessera et tout redeviendra comme avant...

Crowley ne se le fit pas dire deux fois, grimpa dans le carrosse, et fouette cocher !


Son arrivée dans la cour du palais ne passa pas inaperçue, par plus que son entrée dans la fastueuse salle de bal. Tous les regards s’étaient tournés vers lui, les conversations se firent chuchotements sur son passage, les garçons le dévisageaient avec méfiance, et les demoiselles lui firent les yeux doux, à demi cachées derrière leurs éventails, ce dont il n’avait cure car fréquenter les jeunes filles n’entrait pas dans ses préoccupations (et quand bien même ç’eût été le cas, les deux exemplaires sous ses yeux quotidiennement auraient suffi à l’en dissuader, merci bien…)

Il les remarqua d’ailleurs dans un coin, à tenter d’attirer l’attention du Prince. Et que je minaude… et que je renvoie mes cheveux en arrière d’un coup de tête inélégant, qui n’avait pour effet que d’agiter dans leur boite crânienne le petit pois congelé leur tenant lieu de cervelle… et que je ricasse sottement dès qu’on leur adressait la parole… D’un pathétique achevé.

Cependant, lui aussi dévorait le Prince des yeux…


Aziraphale, jusqu’alors imperturbable dans son costume crème en soie des Indes, quitta d’un coup le sourire factice qu’il s’imposait depuis le début de ce bal. Ses yeux pétillèrent, son visage s’illumina sous le halo de ses bouclettes platine, et il s’avança la mine radieuse vers Crowley, qu’il invita à danser sans plus attendre, sous les regards médusés de l’assistance.

Ils dansèrent ensemble toute la soirée. Ils s’accordaient si bien l’un à l’autre, à croire qu’ils se connaissaient depuis l’aube des temps. Ils échangeaient parfois quelques mots murmurés qui les faisaient sourire et leur allumaient des étoiles dans les yeux. On apercevait parfois le sourcil de l’un se hausser, les joues de l’autre rosir.

Le Roi Métatron Ier cachait tant bien que mal sa colère et sa frustration. « Qu’est-ce à dire ? N’y a-t-il pas parmi l’assemblée assez de jeunes filles de haut lignage et d’allure raffinée pour satisfaire au goût de mon fils ? », songeait-il en fulminant.

La Reine Ana pour sa part semblait désorientée. Elle possédait quelques dons dans le domaine de l’occultisme, et maîtrisait entre autres la perception des auras. Il régnait néanmoins dans la pièce une telle énergie qu’elle avait du mal à se concentrer. Il lui fallut de longues minutes pour démêler toutes les attractions et les répulsions qui louvoyaient parmi les participants. Quand elle eut éliminé les rayonnements les plus faibles, il n’en resta qu’un, qui la laissa interdite. C’était comme si la lumière du soleil et l’éclat des étoiles tanguaient ensemble en une danse qui paraissait ne jamais devoir s’arrêter. Aziraphale et Crowley.


File le temps, s’égrènent les minutes, voilà que retentissent soudain les premiers coups de minuit. Au premier, Crowley tend l’oreille. Au deuxième, il se fige. Au troisième, il bégaie :

- Désolé. Je dois… Il faut que…

Au quatrième, il s’écarte vivement du Prince. Au cinquième il s’enfuit en courant. Il est dans l’escalier déjà, haletant, puis s’engouffre dans le carrosse dont les chevaux s’élancent au galop.

Aziraphale l’a poursuivi, en vain - l’autre est trop rapide - et ne retrouve au bas des marches qu’une bottine noire, perdue dans la course.


Au désespoir, il regagna sa chambre sans même passer par la salle de réception. Perplexe, il compara son trophée avec les nombreuses chaussures rangées dans sa garde-robe. Il en possédait pas loin de 200 paires. C’était son péché mignon, avec les jabots et les lavallières (notamment une à motif tartan qu’il affectionnait beaucoup). Bref, cette bottine était différente. La forme évoquait un pied grec, assez rare selon ses connaissances en la matière. De bonne facture et façonnée dans un cuir luxueux, elle révélait le bon goût et l’aisance de son possesseur. La cheville devait être des plus fines au vu de la circonférence de la tige. Il se promit d’en retrouver coûte que coûte le propriétaire, dût-il la faire essayer à tous les jeunes gens du royaume.


Il manda un majordome pour ce faire, qui fit passer le test aux ducs, puis aux marquis, aux comtes, aux barons et aux chevaliers. Ce fut peine perdue. Il se résigna alors à faire le tour des foyers plus modestes, jusqu’au jour où il frappa chez Jim et Shax. Les deux sœurs poussèrent des cris à vous percer les tympans, et exigèrent de procéder à l’essayage. De guerre lasse, le majordome accepta - quand bien même les demoiselles n’étaient pas incluses dans le panel - certain à l’avance que ça ne collerait pas, manifestement. Et en effet, cela leur allait comme un tutu à un canard.

Crowley qui les regardait faire, installé près de l’âtre comme à son habitude à surveiller le feu reconnut aussitôt sa bottine et dit en riant :

- Que je voie si elle ne me serait pas bonne ! 

Asture et Ligure se mirent à glousser et à se gausser :

- Ben voyons, dans tes rêves ! fit l’une.

- Non mais regardez-moi ce loquedu qui joue les princesses ! rétorqua l’autre.

Mais leurs sarcasmes leur restèrent en travers de la gorge lorsqu’il enfila sans peine la chaussure, qui épousa parfaitement son pied.

Là-dessus arriva Muriel, dans un tonitruant :

- Me revoilà !

D’un coup de sa baguette, accompagné de la formule magique ancestrale « Banane, poisson, gorille, vieux lacet et une pincée de noix de muscade », elle lui rendit la même apparence que le soir du fameux bal.

Alors les deux sœurs le reconnurent, se jetèrent à ses pieds et implorèrent miséricorde pour tous les mauvais traitements qu'elles lui avaient fait subir. Crowley réfléchit longuement.

- Ngk. Je ne suis pas gentil, gronda-t-il.

Cependant, noyé d’endorphines, il se laissa attendrir par leur repentir, les releva, et leur dit finalement :

- Je vous pardonne.


Lors, le majordome le conduisit au palais. Le soleil au zénith faisait figure de pâle veilleuse auprès de la lumière qui éclaira soudain le hall d’entrée lorsque ces deux-là se retrouvèrent. La Reine Ana les couvait d’un regard bienveillant. Le Roi Métatron Ier par contre, avait du mal à masquer son irritation. Aziraphale, s’avançant vers lui, déclara résolument :

- Père, je veux épouser ce jeune homme. Si lui-même y consent, bien évidemment.

Crowley lui renvoya un sourire propre à faire naître une nouvelle Voie Lactée.

- Mais mon fils, vous n’y pensez pas ! C’est tout à fait contraire aux lois en usage !

- Grumblcottagerffsouthdownsmrzz… grommela le Prince.

- Je vous demande pardon ?

- En ce cas, je vous conjure de nous laisser vivre en paix, ensemble. Je ne vous causerai point de tracas. Nous partirons habiter un cottage, dans les South Downs, loin du palais et de ses fastes.

La Reine se mit à l’écart, avec le Roi, en grand conciliabule pour juger ce qu’il convenait de décider. Elle finit par le convaincre qu’il serait inutile de lutter contre pareille volonté d’airain.

- Qu’il en soit fait ainsi, déclara-t-il enfin, à bout d’arguments.


Et c’est ainsi qu’Aziraphale et Crowley coulèrent des jours heureux dans leur douillet cottage. Être deux suffisait à leur assurer l’existence la plus calme, douce et romantique qui soit. Et aucune journée ne se terminait sans qu’ils eussent porté (d’un sherry pour l’un, d’un whisky pour l’autre) un toast « À ce monde »



Il se murmure par ailleurs, aux quatre coins du royaume, que depuis ce jour, le Roi Métatron Ier est devenu un peu plus indulgent avec ses sujets. La tolérance est une vertu qui se cultive, sans doute...




FIN




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