Rouge Velours (7 Sins Challenge)

Chapitre 1 : Rouge Velours

Chapitre final

1523 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 30/05/2024 17:31

Fanfic publiée dans le cadre du « 7 sins Challenge » sur le forum.

Sur une assiette à motifs floraux trônait une part d’un gâteau à couches superposées, rouges et blanches. La surface sur laquelle il siégeait avait été dégagée pour l’occasion et aucun couvert n’était en vue - étrange, si l’on comptait le manger - mais Crowley ne s’attarda pas sur cette bizarrerie et se concentra plutôt sur la pâtisserie.

— Ouais, c’est un gâteau, déclara-t-il, après une observation minutieuse.

Aziraphale fit mine d’être exaspéré.

— Je vois ça. Autre chose ?

Crowley fixa l’ange et dit :

— Il a l’air un peu…

— Oui ?

— …Divin ?

C’était stupide, bien sûr, mais la pâtisserie sentait… la bénédiction.

— Ah ! Exact. Vois-tu, depuis qu’il est ici, il a… béni les alentours.

— Oh ?

— N’as-tu rien remarqué ? Le calme ? Les rues dégagées ? L’absence de conflits, de la moindre… incivilité ?

Une sacrée tragédie, pour sûr, pensa Crowley.

— Et ? demanda-t-il, au lieu du million de questions plus à-propos, du genre : d’où sort ce gâteau ? Comment une pâtisserie se retrouve bénie ? Comment une pâtisserie bénit ce qui l’entoure ? Est-ce qu’Aziraphale n’a vraiment aucune intention de la manger ? Qu’est-ce qui rend l’ange nerveux ?

Quelqu’un va finir par le remarquer !

— Ah. Hm ouais, dit le démon, ce serait bête d’avoir des problèmes avec En-Haut, tout ça pour une part de gâteau. Où est-ce que tu l’as trouvé déjà ?

— Oh, dans une pâtisserie quelque part à Brickcastle street, je doute que tu connaisses. Ils ont fermé, d’ailleurs, c’est bien dommage.

Hm. Crowley se promit de revenir sur la provenance exacte du gâteau plus tard.

— Une idée de comment il s’est retrouvé béni ? demanda Crowley, même s’il présentait qu’il n’aurait pas plus de réponses sur ce point.

— Aucune.

— Vraiment aucune ? pressa-t-il.

— Est-ce si important ? se défendit l’ange.

— Nah, se résigna Crowley, mais qu’est-ce que je suis censé y faire, moi ?

— J’aimerais que tu le détruises.

— Le détruire ? s’étonna le démon, comme si l'on venait de lui demander de faire sauter un livre - pas bien gros, en plus - à la dynamite.

— Oui. S’il te plaît.

Crowley se pencha sur la pâtisserie. Elle n’avait rien de dangereuse en elle-même, non ?

— Tu ne comptes pas… la manger ?

— C’est ce que j’ai fait. Plusieurs fois. À chaque fois, le lendemain, la part est de nouveau là, sur son assiette, expliqua Aziraphale, un doigt pointé en direction de la pâtisserie.

Crowley haussa un sourcil.

« Le même phénomène se produit toutes les 24 heures environ, continua l’ange, même si elle est détruite autrement qu’en la consommant. Si elle est laissée intacte, une deuxième part apparaît.

— Une deuxième ?

— Oui, puis une troisième le surlendemain, et ainsi de suite.

Crowley ricana. Attendez assez longtemps et toute la librairie croulera sous les parts de gâteau. Puis le quartier, le pays… la planète !

Aziraphale ne voyait pas ce que son ami trouvait si drôle.

— S’il n’y avait que ça - une part de gâteau qui vous attend tous les jours c’est charmant - mais la bénédiction…

Crowley tenta de reprendre son sérieux et répondit :

— Ouais, ouais, on veut éviter de trop se faire remarquer. Tu as déjà essayé de le... dé-bénir ?

— Je ne sais pas comment ! Alors je me suis dit…

… qu’un démon aurait peut-être plus de chance avec l’aspect destruction. Oui. Bon. On pouvait toujours essayer.

C’est ainsi qu’un ange et un démon se retrouvèrent en plein milieu de la nuit en plein milieu de nulle part. Peu importait l’endroit et l’heure, en fait, du moment qu’ils étaient éloignés de toute civilisation humaine et de la librairie de l'ange.

Crowley posa l’assiette et son béni contenu sur la terre meuble du champ paumé dans lequel ils se trouvaient, puis, d’un mouvement ascendant de la main, mit le feu à la part de gâteau. Celle-ci se réduisit en cendres, dans une superbe gerbe de flammes.

— Ah ! fit Crowley, satisfait.

À ses côtés, Aziraphale se montrait moins enthousiaste.

— Il faudra attendre demain pour découvrir si ça a fonctionné.

Le lendemain, en début d’après-midi, un ange et un démon se trouvaient en face à face avec une part de gâteau.

— On pourrait l’envoyer dans l’espace ? suggéra Crowley.

— Dans l’espace ? demanda Aziraphale, septique.

— Il y a beaucoup d’espace dans l’espace, mon ange. Il pourra se démultiplier à volonté, et s’il bénit de la poussière d’étoiles, bon…

— Oui, mais l’espace finira par être comblé un jour !

— Pas avant une éternité ! Ou plusieurs !

— Le problème sera devenu ingérable, à ce moment-là !

Ils restèrent silencieux un moment.

Crowley imagina un instant l’espace rempli de part de gâteau red velvet. Il grimaça à l’idée.

— Bon, j’ai peut-être une autre solution, mais elle ne va sans doute pas te plaire.

En plein milieu d’un désert aride, au fond d’un immense cratère, un feu infernal brûlait depuis maintenant des décennies. D’après une légende locale, le puits descendait jusqu’aux limbes.

— C’est quelqu’un d’En-Bas qui a eu l’idée, expliquait Crowley, penché sur l’abîme, les mains dans les poches. « Ça les faisait marrer. Les humains pensent que le feu brûle à cause d’une réserve de gaz naturel ou quelque chose du style.

Il se tourna vers Aziraphale. « Ils ont appelé ça la Porte de l’Enfer et maintenant, c’est un site touristique, ricana le démon.

L’ange, qui avait bien du mal à s’amuser depuis le début de toute cette - stupide - histoire de gâteau, fronça les sourcils.

— Je ne vois pas bien…

— Bah, c’est simple, interrompit Crowley, on va l’y jeter !

— L’y jeter ?

— Ouais, le feu vient direct d’En-Bas, il brûlera sans jamais s’arrêter - au moins tant que cette planète existera.

Après un instant d’hésitation, Aziraphale acquiesça. Crowley se saisit de l’assiette et - avant que l’ange n’ait eu le temps de protester - lança la pièce de vaisselle et son béni contenu au fond de l’abysse, à travers la Porte de l’Enfer.

— Eh ben, c’était marrant, sourit Crowley. Oh, pendant que j’y pense, mon ange, j’ai entendu dire qu’ils font de superbes baklava par ici.

Aziraphale se retint de maugréer. Ses traits s’adoucir et il répondit :

— Merveilleux.

Le restaurant était moderne et éclairé aux néons, jaune et bleu. Le long des murs, tout un tas de babioles occupait de nombreuses étagères à géométrie variable. Les tables étaient séparées par des panneaux en bambous et Crowley aurait juré avoir vu un drapeau britannique accroché à l’un d’entre eux.

Quoique, le plus étrange avait été de tomber sur un vin décent, dans un pays où l’on ne servait que du thé vert ou noir, un truc bizarre à base de lait et divers alcools russes.

En face de lui, l’ange finissait son assiette. Maintenant qu’il était dans de meilleures dispositions, Crowley lança :

— Au fait, Aziraphale.

— Hum ?

— D’où tu as dit qu’elle venait, cette pâtisserie ?

— De Brickcastle street.

— Ah. Et ils vendent des pâtisseries bénies sur Brickcastle street, d’habitude ?

Aziraphale eut l’air embêté.

— En réalité…

— Hm ?

— Si tu veux vraiment tout savoir…

Il s’interrompit. Crowley patienta.

« …peut-être effectué un petit miracle. Mais ils allaient fermer et ce sont les seuls qui savent quel goût est censé avoir un red velvet !

— Petit ?

Le démon se demandait quel genre de petit miracle créait des gâteaux auto-répliquant à répandre des bénédictions dans les alentours.

— J’ai dû avoir la main un peu lourde… s’excusa Aziraphale.

— Mmh.

— Merci de ton aide. Et du repas.

Crowley lui sourit.


*


Nota :

1| Les bêtises ci-dessus sont librement inspirées du SCP-871 et du Veston ensorcelé de Dino Buzzati.

2| Brickcastle street n’est pas une rue à Londres (en tout cas, pas dans la réalité dans laquelle je me situe actuellement).

3| Le red velvet est un gâteau d’origine américaine composé de babeurre, beurre, cacao, vinaigre et farine.

Le baklava est un dessert courant dans les coins du Moyen-Orient, fait à base de pâte phyllo et suivant l’endroit : pistache, noix, amande, fruits secs broyés et sirop de sucre ou miel.

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