Killer Queen - orgueil

Chapitre 1 : Killer Queen - orgueil

Chapitre final

1642 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 22/02/2024 13:48

Cette fanfiction est une réponse au challenge "7 sins : les sept péchés capitaux" qui se déroule actuellement sur le forum de FFR



Ce jour-là, sur la base aérienne de Tadfield, était à marquer d’une pierre noire pour les quatre Cavaliers de l’Apocalypse. Ils avaient échoué à mettre fin au monde, et ce qui n’aurait dû être qu’une tâche basique, l’essence même de leur existence, ce pourquoi ils avaient été créés, avait tourné au plus risible des fiascos parce que quatre gamins (dont l’Antéchrist, tout de même, qui s’était dégonflé au dernier moment) étaient venus s’interposer comme un cheveu sur la soupe. Quatre humains étaient là aussi : deux zozos qui se prenaient pour un ange et un démon, un semi-vieillard regardant son doigt comme s’il allait en sortir des étincelles, ainsi qu’une dame entre deux âges dans un manteau ahurissant. Ah ! Et aussi un corniaud aux yeux rouges, remuant bêtement la queue, qu’il aurait fallu conduire chez le vétérinaire pour cause de conjonctivite.

Leur fierté en avait pris un sale coup. Certes, Mort ne s’était pas décorporé, comme ses trois comparses, et avait juste pris son envol de quelques amples battements d’ailes vers les immensités noires où il était né. Famine, Guerre et Pollution avaient quant à eux été proprement désincarnés par les gosses.


L’épouvantable quatuor s’était rematérialisé quelque temps plus tard.

- Bon les gars, cette fois-ci c’est la bonne. On ne va tout de même pas y passer l’éternité, annonça Mort. J’ai des fourmis dans la faux.

- Moi, je demande pas mieux ! déclara Guerre.

Les deux autres approuvèrent d’un signe de tête.

- J’ai jamais arrêté l’entraînement. Je culmine pour l’instant à 25000 victimes par jour, ajouta Famine avec arrogance.

- Hé là ! rétorqua Guerre. Tu sembles oublier que mes activités sont à l’origine de la moitié des crises alimentaires de la planète ! Merci qui, hein ?

- Je vous rappelle que je tue 3 fois plus que le Sida, la tuberculose et le paludisme réunis, se rengorgea Pollution. Et d’après mes statistiques, ces excellents chiffres vont progresser rapidement …


Ils étaient tous imbus de leur personne et très satisfaits de leur bilan. Ils auraient apprécié l’approbation de leur chef, un sourire de connivence, une remarque encourageante, ou quelques mots gratifiants. Mais ce n’était pas une nécessité, chacun d’eux restant persuadé d’effectuer le meilleur travail. Cependant, Mort savait qu’il restait le Patron, et que ces trois-là n’étaient que des maillons de son pouvoir. Lui seul avait la faux, l’instrument fatal dont il aiguisait consciencieusement la lame de soixante centimètres plusieurs fois par jour afin qu’elle soit toujours prête à remplir son office. Il en cirait et polissait également toutes les semaines le manche en bois de frêne, dont la chaleur et la douceur contrastaient étonnamment avec l’éclat chirurgical de l’acier pourvoyeur de jours derniers. Il était très fier de sa faux, presque autant que Dieu des baleines …


- Comment on s’y prend ? demanda Famine.

- Je suis d’avis d’y aller franco, répondit Pollution. On n’a pas besoin d’Antéchrist. Je peux vous ensanglanter la mer très facilement, c’est largement dans mes cordes. Je suis le roi pour rendre dégueulasse tout ce que je touche. D’ailleurs c’est moi qui ai la couronne, je vous rappelle.

Cet attribut rendait Pollution un brin prétentieux, ce qui irritait ses acolytes au plus haut point. En privé, ils plaisantaient volontiers en prétendant qu’il l’avait gagnée lors d’une lointaine épiphanie … Cette couronne était somptueuse, il faut bien l’admettre. Finement ciselée, elle était recouverte d’une mince couche d’or qui noircissait à vue d’œil dès que son propriétaire la plaçait sur sa tête. C’était de toute beauté. Pollution en était raide dingue.

- Et moi je peux répandre la peste sur le bétail, ajouta Guerre. Déjà que les humains se battent pour trois vaches, qu’est-ce que ça va devenir si les troupeaux sont décimés, je m’en réjouis d’avance. Que de beaux combats en perspective ! Des batailles épiques ! Des invasions sanglantes ! Des …

Il était lancé. La tête pleine des hostilités promises, des larmes de sang se mirent à perler de ses yeux rouges, qui devenaient incandescents à mesure que son esprit s’échauffait. Ses yeux magnifiques servaient de combustible à son amour-propre. Pour rien au monde il ne les aurait échangés. Ajoutés à son efficacité remarquable pour réduire drastiquement le nombre d’humains sur terre, et l’on aura une vision du personnage pédant et sûr de soi qu’il incarnait.

- Ouais, reprit Famine. Moi pendant ce temps-là j’assèche les fleuves et les rivières. C’est pas compliqué : plus d’eau, plus de poissons dedans. Et plus de culture ou d’élevage non plus, par la même occasion. On sait tous que sans eau y’a pas de vie possible. Je suis décidément le plus efficace pour éliminer l’humanité toute entière, lâcha-t-il en se rengorgeant avec un sourire carnassier qui laissait entrevoir ses dents blanches et acérées. Il était ébloui par sa propre dentition, au sens propre comme au figuré, qu’il trouvait tout simplement sublime. Il avait sous sa coupe un dentiste humain qui, à intervalles réguliers, effectuait un blanchiment et un limage soigneux qui faisait ressembler chaque quenotte à un diamant coupant. Cela lui octroyait un cachet indéniable et le rendait méprisant et bêcheur auprès de ses associés.

- Mes amis, voilà de bien alléchantes propositions ! rétorqua Mort. Je vous propose de terminer le job en apothéose en occasionnant un peu partout quelques tremblements de terre bien sentis dont j’ai le secret. Les quelques (rares) survivants qui seraient passés entre les mailles de vos filets n’auront plus aucune chance ! Il partit d’un éclat de rire lugubre à faire frémir les âmes les mieux trempées.

- On prévoit ça pour quand ? questionna Pollution. J’ai deux / trois trucs à planifier.

- Bien évidemment, répondit Mort. Chacun de nous a forcément des détails à mettre au point. Qu’on se mette tous à l’ouvrage illico, on se revoit dans une semaine.


- Attendez un peu, bredouilla Guerre d’une voix timide quand les rires furent calmés. On est pas censés se faire invoquer ?

Un grand silence accueillit cette déclaration. Tous les quatre y avaient pensé à un moment dans un coin de leur tête, mais avaient éloigné cette considération d’une poigne de fer, pensant être au-dessus de ces considérations bassement matérielles. Bien sûr qu’ils devaient être invoqués, par un quelconque sous-traitant du Ciel ou de l’Enfer. Mais ils pouvaient s’en passer, non ? Ils étaient capables d’accomplir cette Apocalypse par leurs propres moyens, si personne ne leur mettait des bâtons dans les roues comme la dernière fois ... Et même, chacun d’eux était convaincu de pouvoir faire « cavalier seul », s’estimant des compétences supérieures au trois autres.


Mort se redressa de toute sa silhouette menaçante.

- Regardez-nous ! tonna-t-il. Quel besoin avons-nous d’un Démon ou d’un Dieu pour mener à bien notre mission ? Ne sommes-nous pas suffisamment puissants pour en finir avec ce monde ? N’est-ce pas la tâche qui nous a été assignée ? (enfin, surtout à moi, pensait-il avec suffisance). Sa voix grondait, sa cape se gonflait d’orgueil en prenant des reflets moirés, ses orbites creuses lançaient des langues de fumées ténébreuses.


La nuit touchait à sa fin lorsqu’un éclair jaillit du ciel, portant Dieu sur sa cime. Elle avait le calme de la mer avant la tempête.

- Je crois qu’on ne s’est pas bien compris, dit-elle. Sa voix était glaciale. Les quatre en eurent le frisson. Vous me devez adoration, amour, obéissance, car vous êtes, vous aussi, mes créatures. Moi seule décide du moment où vous devez intervenir. N’avez-vous appris l’humilité ? La modestie ? La simplicité ? Ces mots-là réveillent-ils votre conscience ?

Un silence à couper au couteau vint ponctuer Sa Parole.

- SATAN ! appela-t-elle. Viens et prends-les, car ils sont indignes de moi.

Satan surgit des profondeurs en grognant car on le réveillait trop tôt.

- Je m’en occupe, ronchonna-t-il. Tous les quatre ?

- Non. Laisse-moi Mort. J’ai encore deux mots à lui dire.

Et pendant que Satan emportait Famine, Guerre et Pollution dans les tréfonds obscurs de l’Enfer, Mort restait paralysée sous le regard perçant de Dieu. Il tremblait de tous les os de son squelette. Il recula prudemment d’un pas, mais se prit les pieds dans le bas de sa cape, tomba lourdement sur sa faux et …

- Les orgueilleux ne laissent pas de gloire derrière eux*, soupira Dieu avec lassitude.


Et c’est ainsi qu’à l’aurore, Mort a trépassé**.



*William Shakespeare

** en ref à la chanson d'Angelo Branduardi "Bal en fa dièse mineur" de 1977, si ça parle à quelqu'un ...


note : par facilité et s'agissant des quatre cavaliers, je les ai tous mis au masculin. Pas de raison que les calamités soient des filles en plus !



Laisser un commentaire ?