Don't stop me now - gourmandise

Chapitre 1 : Don't stop me now - gourmandise

Chapitre final

1731 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/02/2024 11:14

C



Don't stop me now ('cause I'm having a good time)

Don't stop me now (yes, I'm havin' a good time)

I don't want to stop at all

Queen




Cette fanfiction est une réponse au challenge "7 sins : les sept péchés capitaux" qui se déroule actuellement sur le forum de FFR




"Gourmandise, paresse, luxure : se sont les trois vertus cardinales de la Fête. Le Paradis sur terre."

Jean-Louis Bory




Depuis leur premier rendez-vous incognito au "Resurrectionist", Belzébuth et Gabriel avaient fait de ce pub leur QG. Lors de cette rencontre - prélude de bien d’autres - ils avaient évoqué la déconfiture de l’Apocalypse, et tenté d’en comprendre les raisons.

- Qu’avez-vous décidé pour Crowley? avait questionné Gabriel

- On lui fiche la paix. Je ne sais pas par quel tour de passe-passe il est sorti indemne de ce bain d’eau bénite, mais sûrement Satan le sait, Lui. On va quand même garder un œil sur lui.

- Pareil de notre côté. Nous n’allons pas tarabuster Aziraphale. Dieu seule sait comment il ne s’est pas consumé dans les flammes de l’Enfer. Il lui a fallu j’imagine un miracle d’une intensité exceptionnelle. Il peut se révéler dangereux. Nous lui laissons toute latitude pour mener sa barque sur Terre, en le surveillant aussi, bien évidemment.

- Bien évidemment …


Ce jour-là, ils étaient attablés autour de deux pintes de BrewDog et une coupelle de cacahuètes.

- Qu’est devenu le petit Adam Young ? demanda Belzébuth

- Eh bien il a renié son père, comme tu le sais, alors il a perdu la majeure partie de ses pouvoirs. Il lui reste l’opportunité de réaliser quelques petits miracles dans la sphère familiale, juste de quoi améliorer le quotidien, tu vois … Ni lui ni ses parents ne s’en plaignent, d’après nos agents.


Belzébuth but une longue gorgée de bière. Gabriel la regardait avec une pointe d’envie mêlée de répugnance. D’un côté, son enveloppe terrestre n’avait jamais été profanée par quelque substance liquide ou solide que ce soit. Mais d’un autre côté, son acolyte avait l’air … aux anges, un comble pour le Prince des Enfers ! Les yeux mi-clos, elle savoura son breuvage et reposa son verre. L'expression sur son visage trahissait un bien-être profond. Oh ! Bien sûr, les démons pouvaient pratiquer des tas d’activités qui lui demeuraient prohibées, il le savait fort bien. En gros, tout ce qu’un démon pouvait faire - et un ange non - se nommait péché. Il repoussa de toutes ses forces d’Archange le sentiment furtif qu’il pourrait s’essayer à l’imiter. Parfait. L’idée était repartie aussi vite qu’elle était venue. Son visage s’éclaira d’un sourire victorieux. Le bien avait triomphé.


Le rendez-vous suivant se déroula devant deux verres de Talisker et un paquet de chips aux oignons.

Ils revenaient d’une petite balade au cimetière de Greyfriars, où Gabriel tenait à emmener Belzébuth admirer sa statue qui se dressait au croisement des allées principales.

- Ouais, c’est ressemblant, admit-elle. Mais on sera mieux au chaud … Elle appréciait l’ambiance de ces lieux, sans aucun doute, mais il restait des questions en suspens et ils seraient mieux au milieu des vapeurs d’alcool et des fumées de cigarette pour en discuter.

- Alors, commença-t-elle, t’en es où avec tes anges ?

- Ne m’en parle pas ! Il a fallu des semaines pour qu’ils acceptent de poser leurs armures et de rengainer leurs épées. Ça n’a pas été sans un paquet de jérémiades et de ronchonnements, tu peux me croire.

- Pareil en bas ! Ce grouillement de démons était chaud bouillant pour en découdre, et voilà que tout tombe à l’eau ! Ils étaient furieux, et que je te rouspète et que je te fulmine … Un mauvais moment, tu peux me croire !


Pour retrouver son calme après cette évocation, Belzébuth trempa ses lèvres dans le liquide ambré, puis piocha quelques chips dans le sachet. Le bruit de cette mastication croustillante fit reculer Gabriel au fond de sa chaise. Ça frôlait l’indécence, tant elle semblait y trouver du plaisir ! Elle repiocha dans le paquet. Gabriel était de plus en plus mal à l’aise. Lui aussi aurait bien droit à une petite récompense, après tous ces services rendus, non ? Son regard allait de sa collaboratrice (occasionnelle) à ce maudit sachet. Ce n’était pas une ou deux chips qui allaient vicier son corps céleste, tout de même ! Lentement, très lentement, comme s’il allait s’y brûler, il tendit la main, et porta la « chose » à sa bouche. Sur ses papilles, les petits grains de sel explosèrent en un feu d’artifice de félicité, tandis que le goût de pomme de terre à l’oignon emplit sa bouche d’une douce extase. Au même instant lui revint le souvenir d’Aziraphale devant son assiette de sushis, et là, il comprit. Il comprit l’Ange, et il comprit aussi qu’il était trop tard. Et quand il est trop tard on a tout le temps (1). Il avait goûté, il ne pouvait pas revenir en arrière. Ne pas savoir était moins une privation que savoir et n’y plus toucher. Il avait mis le doigt dans l’engrenage en même temps que dans ce paquet d’innocentes lamelles de légumes aromatisées. Il était perdu. Du coup, pour évacuer le choc, il but une gorgée de whisky. Ce fut cette fois une délicieuse fournaise qui le submergea de la langue à l’estomac. "Seigneur, pardonnez-moi car je ne sais pas ce que je fais !"

Plus troublé que jamais, il engloutit le reste des chips avant que Belzébuth ait le temps de dire ouf

- Ça va ? demanda-t-elle en se tournant vers lui. Tu as l’air bizarre …

- Non … oui … c’est juste que …

- Allez, à ta santé !

Leurs verres s’entrechoquèrent. Les foudres divines ne l’avaient pas frappé . Chacun d’eux avait les yeux dans le vague et un vague sourire aux lèvres, Dieu seule savait pourquoi.


Gabriel arriva à leur réunion suivante avec une portion de fish and chips enroulée dans du papier journal, qu’il était en train de déguster avec gourmandise. Il s’essuya les doigts avant de s’asseoir, prêt à se justifier. Il n’en eut pas le loisir : Belzébuth l’accueillit avec un sourire complice et un « Je sais » nonchalant. Il rengaina ses arguments et prit place tranquillement.

- On partage ? demanda-t-il

- Si tu veux. Et les voilà tous deux à piocher des bouchées de poisson et des frites, les tremper dans la brown sauce et déguster leur déjeuner de concert.

- C’est bon non ? Interrogea Belzébuth

- Ma chère, c’est tout simplement divin. Je ne comprends pas comment j’ai pu passer à côté de ces délices jusqu’à maintenant. Mais soyons sérieux. Que fait-on maintenant ?

- Tu parles de quoi ?

- L’apocalypse a été un fiasco, tu te souviens ?

- Mouais, à qui le dis-tu …

- Alors, pour la suite ? On réitère ?

- Ben moi, tu sais, je suis d’avis de laisser tomber. Mes légions sont calmées, l’Enfer poursuit son petit train-train pépère, quelques tentations par-ci par-là, une bonne vieille pandémie de temps en temps, une catastrophe climatique sur le long terme, ça me va impec.

- Je penses que tu as raison, bien que ce soit plus calme chez nous …

- Alors trinquons !

Ils éclusèrent leur Guiness et vidèrent la coupelle de cacahuètes en un clin d’œil, se promettant de se revoir bientôt pour s’assurer mutuellement que la situation restait sous contrôle dans leur entreprise respective. Pourquoi pas se retrouver au restaurant d’ailleurs ? Sans le dire ouvertement, chacun appréciait la compagnie de l’autre. Et puis ils partageaient autre chose maintenant, d’un peu plus matériel …


Dans la rue, il se produisit un évènement inattendu. Avant même qu’il réalise, Gabriel fut téléporté au Paradis.

- GABRIEL ! tonna la voix de Dieu

- Oui Sei ... Seigneur ? bafouilla-t-il. Il avait bien une vague idée du motif de la convocation …

- J’aurais pu pardonner quelques cacahuètes, et encore. Mais tu as dénaturé ton corps céleste, tu t’es livré à une débauche de produits comestibles, solides comme liquides, réservés aux humains ! Ta bouche, réservée à Ma Parole, est à jamais souillée par les plaisirs de la chère !!!

- Mais Aziraph…

- Aziraphale est à moitié humain maintenant ! Je te rappelle qu’il est sur Terre depuis 6000 ans ! Et tu n'as pas à discuter mes choix ! Tu as affreusement péché, tu m’as outrageusement offensée ! Toi, mon émissaire, l’Archange Suprême, toi qui plus que tout autre doit avoir un comportement exemplaire ! Tu m’as profondément déçue.

Gabriel baissait la tête, envahi de honte et de regret.

- Voici ton châtiment : tu seras rétrogradé à l’échelon de scribe enregistreur de 39ème rang. Il n’existait pas, je viens de le créer. Tu y seras seul, les autres ont gravi les échelons il y a beau temps (sauf Muriel, qui peine à dépasser le 37ème, pauvre pitchoune, songea-t-elle). Tu conserveras ta mémoire. Ainsi tu auras tout le temps de méditer sur ton péché, ta trahison, et mon courroux. Et tu pourras te souvenir tout à loisir du goût qu’avaient tes impardonnables transgressions.

- Mais Seigneur, c’est pire que l’Enfer !

- Je sais. C’est à la hauteur de mon amertume. De nous deux, ce n’est pas moi qui souffrirai le plus.





(1) Christiane Rochefort "Printemps au parking"



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