Tombé du Ciel~Le Second Avènement
Chapitre 12 : Nul ne peut servir deux maîtres
5505 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 12/03/2024 15:27
NDA : Ce chapitre a fait l’objet d’une collaboration avec la fabuleuse Dani (gomens_ruinedme sur Insta) que je remercie d’avoir visualisé direct ce que j’avais en tête 😅🥰, fanart visible côté forum ou sur mon Insta bucky.1984 😉.
TW : mention de violences physiques
Le silence.
L’obscurité.
Aziraphale fut réveillé par une agréable sensation de chaleur.
Celle du soleil. Celle du soleil contre sa peau !
L’ange n’avait pas envie d’ouvrir les yeux ; il se sentait fatigué, épuisé même… Il ne se souvenait plus pourquoi il était aussi fatigué, mais son corps lui faisait mal, alors que la sensation de chaleur lui faisait du bien ! Maintenant qu’il y pensait, il trouvait étrange de ressentir la chaleur sur sa peau, nue, à plusieurs endroits… Il avait vaguement conscience que les rayons du soleil se heurtaient par endroit à un fin vêtement, mais ses jambes et ses pieds étaient nus, ça il en était sûr ! Et Aziraphale avait la nette impression que ce n’était pas normal. Il lui semblait qu’il était censé porter, en plus de ses vêtements, quelque chose de lourd, mais il ne savait plus de quoi il s’agissait…
Aziraphale n’avait pas envie d’ouvrir les yeux. Son corps endolori reposait sur une surface dure, granuleuse et inconfortable, mais le soleil lui faisait du bien. Le soleil, cette majestueuse boule de feu créée par Kokabiel pour apporter lumière et chaleur à la Terre !
Le soleil… Et un apaisant gazouillis d'oiseaux. En se concentrant, Aziraphale reconnut la mélodie familière du chant d’un rossignol.
Bercé par le pépiement de l’oiseau de bon présage et la chaleur de l’astre, l’ange se mit à sourire dans son demi-sommeil. Il se rappelait avoir dit au démon, sur le toit de sa librairie, qu’il souhaitait entendre les rossignols à nouveau, après que Crowley se soit jeté à ses pieds…
Crowley
Dans un tourbillon d’images, de bruits et de sensations, l’ange se souvint soudain !
Il se souvint de la Bataille, d’Issa, du Léviathan… De Crowley, blessé en le protégeant du monstre, de leur chute sur l’île, du miracle. Du miracle à plusieurs millions de lazarii qu’ils avaient dû produire pour tous les expédier dans le subspace ! Le subspace…
Aziraphale força son corps à lui obéir.
Lentement, il réussit à ouvrir ses yeux. Le soleil était bien là, il ne l’avait pas rêvé ! Luttant contre son atonie, il se redressa avec précaution et parvint à s’asseoir. Crowley était là lui aussi, allongé contre lui. Avec soulagement, l’ange vit que sa poitrine se soulevait à intervalles réguliers, preuve qu’il n’avait pas été décorporé par leur miracle. Il était juste inconscient, tout comme lui, quelques minutes auparavant. Aziraphale constata, avec un intérêt mêlé d’effroi, que le démon portait le même vêtement que sur le Mur d’Éden, la première fois qu’il le vit après sa Chute. Sa tenue de Déchu… Une aube anthracite grossièrement déchirée, recouverte d’une toge noire ! Ses jambes meurtries et ses pieds nus reposaient directement sur le bitume.
L’ange osa un regard sur son corps.
Il portait lui aussi la même tenue que sur le Mur d’Éden, celle des Chérubins, à ceci près que son aube était déchirée et sale… Ses jambes n’étaient toutefois pas aussi meurtries que celles du démon, elles n’étaient qu’égratignées par endroits. Après un rapide regard autour d’eux, l’ange ne vit aucune trace de son épée flamboyante, ni de celles de Crowley !
Reportant alors son attention sur le démon, son cœur se serra en répertoriant le nombre de ses blessures. Si lui-même souffrait de quelques contusions au visage et sur ses bras, Crowley portait de profondes entailles et des hématomes teintaient sa peau sur chaque partie de son corps exposée aux yeux de l’ange. Son visage n’avait pas été épargné ; ses pommettes étaient contusionnées et son arcade sourcilière droite était fendue, maculant de sang son tatouage. Aziraphale passa une main au-dessus des blessures en agitant ses doigts, mais il ne parvint à produire aucun miracle.
Par dépit, il entreprit de nettoyer le petit serpent avec son aube.
Une fois ses gestes appliqués et délicats terminés, il observa distraitement le sang de Crowley, désormais étalé sur son propre vêtement, tout en essayant de comprendre ce qui avait bien pu se passer. Ne parvenant à aucune conclusion satisfaisante, il remarqua subitement que le soleil se cachait derrière d’épais nuages et que le rossignol ne chantait plus.
Un frisson lui parcouru le corps et il s’empressa de secouer le bras du démon :
— Crowley ? Crowley, réveille-toi, je t’en supplie ! CROWLEY !
Le déchu grogna dans son sommeil, mais ne semblait pas disposé à sortir de sa torpeur, aussi l’Archange dut employer les grands moyens :
— Crowley, réveille-toi ou je… Ou je te fais un tour de magie, tu m’entends ?
Le démon fronça les sourcils et finit par ouvrir un œil circonspect :
— Ça va, ça va, pas la peine de me menacer, l’angelot !
Soulagé, Aziraphale soupira avant de se lever. Le démon se redressa péniblement sur ses bras, en observant ses jambes :
— C’est toi qui m’as déshabillé, mon ange ? demanda-t-il, l’air groggy, mais avec un sourire en coin.
— Ne sois pas idiot, je suis dans la même tenue que toi, je te signale !
— C’est plus à la mode depuis 6 000 ans ces fringues… se plaignit le démon.
— Ce n’est pas notre principal problème…
— Qu’est-ce qu’on fout ici ? Et puis c’est où ici, d’ailleurs ? demanda Crowley en regardant autour d’eux.
— Je crois… Je crois que c’est la base aérienne de Tadfield ! Vide…
— Tadfield ? Mais… Ils sont où tout le monde ?
— Je ne sais pas, quelque chose a dû mal tourner… J’ai un mauvais pressentiment… Ne sens-tu rien ?
— À part mes côtes cassées, je t’avouerais que je ne sens pas grand-chose… répondit le déchu en essayant de se lever, le visage tordu par la douleur.
— Attends !
Aziraphale s’empressa de se pencher pour l’aider à se mettre sur ses pieds, puis resta un instant contre lui, les mains autour de la taille fine du démon pour le soutenir, s’expliquant, pour différer le moment où il devrait le lâcher :
— J’ai essayé de soigner tes blessures, mais je n’y arrive pas, je suis désolé…
Crowley tourna brusquement son visage pour dévisager l’Archange :
— T’es pas censé me soigner, je te rappelle ! Tu vas avoir des… Tu vas avoir des…
Le démon devint soudain encore plus pâle, avant de bredouiller, affolé :
— Pas bon ! Pas bon, l’angelot !
Aziraphale allait lui répondre, quand il la perçut lui aussi.
La Colère.
Une colère débordante, rampante, incontenable…
Tout comme le vent des Highlands s'était insinué dans son armure et sous sa tunique pour imposer la morsure du froid contre sa peau ; Sa colère se distillait dans toute sa corporation et jusque dans sa Vraie Forme, s’emparant de son âme pour la soumettre à la Peur.
Une peur écœurante, dévastatrice, indicible…
L’ange eut soudain un bref aperçu de ce que Crowley subissait à Ses mains depuis la nuit des temps.
Sentant le démon s'effondrer en étouffant un cri, il dut le retenir pour accompagner sa chute et les deux se retrouvèrent à genoux l’un en face de l’autre :
— Il arrive, Aziraphale ! Et Il n’est pas seul… articula le déchu, avec peine.
— Je sais… Je suis là, Crowley, je suis avec toi…
— C’est fini cette fois, mon ange…
— Je sais… Je suis là… Pour le meilleur et pour le pire !
Malgré sa détresse, le démon réussit à sourire un bref instant :
— Ça tombe bien, c’est maintenant le pire !
— Jusqu’à ce que la mort nous sépare… répondit l’ange, en souriant à son tour, d’un sourire épuisé.
— Espèce d’idiot… Tu te doutes bien que ce sera pire que la mort, le sort qu’on nous réserve, l’angelot… On n’a plus beaucoup de temps, Ils seront bientôt là !
— Quelle ironie ! On se connait depuis la Création, toi et moi ! On foule cette Terre ensemble depuis plus de 6000 ans et maintenant, on manque de temps…
— C’est toujours trop tard… soupira le déchu.
— Peut-être pas… Échangeons nos corps ! proposa l’ange, d’une voix pressante.
— Quoi ? Pourquoi faire ?
— Quoi qu’Elle puisse me faire, ce sera toujours préférable à ce que Lui te fera !
— Tu crois ça ? Tu crois que parce que tu es Son petit préféré du moment, Elle t’épargnera ? Lucifer était son préféré avant, rappelle-toi…
— On ne sait jamais, je veux tout essayer ! Laisse-moi faire quelque chose pour toi, Crowley…
— Tu… Tu veux prendre ma place en Enfer ? Tu veux être torturé à ma place ?
— Avec un peu de chance, tu seras juste effacé du Livre de la Vie au lieu de moi…
— Tu dis n’importe quoi, c’est de Dieu et de Satan dont on parle putain, Ils ne se feront pas avoir, mon ange !
Le corps secoué par un violent spasme, ce fut au tour d’Aziraphale de s’effondrer en hurlant dans les bras du démon :
— Elle arrive, Crowley ! Laisse-moi… Laisse-moi essayer ! Laisse-moi faire quelque chose pour toi ! insista-t-il, d’une voix étranglée.
— Te fatigue pas…
L’archange se redressa péniblement sur ses genoux pour prendre les mains de Crowley dans les siennes :
— Je suis désolé, je suis tellement désolé ! J’aimerais faire une dernière bonne action et j’aimerais la faire pour toi…
Après une hésitation, le démon rétorqua :
— Alors, dis-le !
— Dire… Dire quoi ? s’étonna l’ange.
— Dis-moi que tu es mon ami ! Ça me suffira… Je me raccrocherai à ça pendant qu’Il… Quand…
— Ne sois pas idiot, tu es plus que mon ami… Je t’aime, Crowley ! J’aurais dû te le dire il y a longtemps… J’aurais dû te le dire quand tu m’as embrassé…
— Mais on n’aurait pas ruiné leur Fin du Monde si tu l’avais fait ! répondit le démon, un sourire en coin.
— Recommence ! S’il te plaît…
Crowley se redressa tout doucement vers l’ange et l’embrassa timidement, savourant ce dernier moment d’intimité. Un dernier instant d’éternité avant la mise à mort d’une amitié qui n’en était plus une... Avec soulagement cette fois, il sentit Aziraphale lui rendre son baiser, faisant fi de toute réserve, mêlant sa langue à la sienne, bien décidé à emporter avec lui plus que le simple fantôme d’un baiser volé !
Un baiser au parfum du sel de leurs larmes. Un baiser au goût d’au revoir.
Il sentit l’ange poser une main tremblante sur sa joue, caressant tendrement la marque de son petit serpent, pendant que son autre main continuait à se cramponner à la sienne, entrelaçant leurs doigts, comme pour les ancrer tous les deux dans l’illusion de ce bonheur voué à l’échec.
La terreur sonna le glas de cet aveu désespéré.
Les deux célestes restèrent un bref instant front contre front, avant de se tourner lentement vers leur destin. Désormais à genoux l’un à côté de l’autre, Aziraphale garda la main de Crowley serrée dans la sienne, se rappelant avec émotion à quel point ils avaient toujours aimé se tenir la main et se maudissant de ne pas l’avoir fait plus souvent…
Un peu plus loin sur la piste d'atterrissage déserte, le bitume se déchira pour permettre au Prince des Ténèbres de quitter Son royaume, tandis qu’un éclair aveuglant transperçait les nuages noirs !
Leurs Seigneurs apparurent en même temps, eux aussi côte à côte. Deux êtres aux pleins pouvoirs venus punir deux esprits libres, à leur merci.
Dieu, dans Sa forme féminine, apparut au pied de l’éclair. Grande, les cheveux courts et blonds, le corps drapé dans une robe or et noire, posa brièvement Son regard aux yeux clairs sur eux, avant de reporter Son attention sur le nouvel arrivant, à Sa gauche.
Satan, dans Sa forme masculine, la carrure imposante soulignée par un costume trois pièces blanc immaculé, S’extirpait des profondeurs, Ses pieds nus reposant sur les flammes s’échappant de la brèche. Son visage sévère, aux yeux aussi clairs que ceux de Son vis-à-vis, était incliné, et Ses mains, jointes en prière pour saluer Dieu, La gratifiant de Son sourire le plus ironique :
— Il aura fallu l’intervention des deux pires casse-burnes de la Création pour que Tu descendes de Ton perchoir et me fasses l’honneur d’une petite visite, Mère !
— Tu m’as manqué, Lucifer… répondit-Elle, sans se départir de Son apparente indifférence.
— Satan ! Je n’en doute pas, Tu T’es débarrassée de Tes meilleurs éléments en nous condamnant à l’exil…
— Vous vous êtes condamnés tous seuls…
— On ne va pas refaire le match ! Les dés étaient pipés d’avance, de toute façon ; toutes Tes manigances étant censées converger vers cet instant, la Fin du Monde ! Ce qui nous ramène à… répondit Satan, en se tournant lentement vers Aziraphale et Crowley.
Aziraphale sentit le démon se tasser à ses côtés et serra plus fort sa main dans la sienne tandis que le Diable s’approchait d’un pas nonchalant, un rictus faussement aimable aux lèvres. Il vint se planter devant Crowley et saisit son menton entre Son pouce et Son index pour redresser son visage sans cérémonie, en lui parlant d’une voix mielleuse :
— Salut, rayon de soleil ! Tsss… Je t’ai toujours laissé la bride sur le cou, hormis pour corriger certaines de tes mauvaises habitudes, mais cette fois-ci, tu es allé trop loin…
— M… Maître, je…
Le Diable l’interrompit d’un féroce coup de pied dans ses côtes brisées, et Crowley dut étouffer un hurlement. Son Seigneur n’aimait pas les pleurnicheries !
— NON ! Arrêtez ! Faites quelque chose, je Vous en prie ! supplia Aziraphale, en regardant Dieu.
— Emmène-le-Moi ! Intervint-Elle d’une voix forte, interrompant le Diable, qui S’apprêtait à asséner un nouveau coup à Son serviteur.
Il haussa un sourcil sans Se retourner et continua de parler à Crowley comme S’Il S’adressait à un enfant particulièrement dissipé :
— Tu as entendu La Dame ? Dis au revoir à ton… Ami… rajouta-t-Il, écœuré.
Crowley se tourna vers Aziraphale, qui, ne pouvant pas aggraver son cas davantage, se jeta sur lui pour l'embrasser une dernière fois. Satan arracha Son Duc à cette étreinte contre-nature en le tirant par les cheveux, et lui asséna un violent coup au visage, du revers de sa main :
— Pas comme ça… Tu me fais honte ! gronda-t-Il entre Ses mâchoires crispées, tout en faisant demi-tour, traînant Crowley par les cheveux.
— JE T’AIME ! JE T’AIME, CROWLEY! cria Aziraphale, dans leur dos.
— Ça me donne envie de gerber… Se lamenta le Diable, en les éloignant de l’ange.
Satan charria Son fardeau jusqu’à Elle, puis jeta Crowley sans ménagement à Ses pieds :
— Celui-ci est à moi, je Te rappelle, Mère, je Te prierai de ne pas trop l'abîmer…
Crowley se redressa tant bien que mal sur ses genoux, en tenant ses côtes cassées. Avant de La regarder, il tourna son visage pour apercevoir une dernière fois Aziraphale. L’ange lui articula un je t’aime silencieux, le visage tordu par l’inquiétude.
Après une profonde inspiration, le démon leva son visage meurtri vers Elle. L’ombre d’un sourire éclaircit un bref instant le visage de Dieu lorsqu’Elle S’adressa à lui :
— Quelle joie de te revoir Kokabiel, mon Étoile !
— Crowley ! Il s’appelle Crowley ! C’est le nom qu’il s’est choisi pour se donner l’illusion de son indépendance… Le reprit Satan, en terminant Sa phrase par un petit rire goguenard.
— Oui, un peu comme toi… J’aime bien “Crowley”, ça te va bien ! rajouta-T-Elle, à l’adresse de l’intéressé.
Le démon sentit le Diable se tendre à ses côtés, mais la présence de Dieu semblait l’envelopper dans un cocon imperméable aux émotions bouillonnantes de son Maître. L’inquiétude ne faisait que croître, cependant, pour le démon qui ne s’était pas retrouvé en Sa présence depuis la Rébellion, et Son apparente bienveillance n’était pas pour le rassurer…
Lorsqu’Elle s’adressa à lui de nouveau, il sursauta violemment :
— Et dire que tu parlais tellement avant… N’as-tu donc plus rien à dire ? Une suggestion, peut-être ?
— Oui… C’est moi qui ai suggéré ce plan foireux à Votre Prince, il est innocent ! Laissez… Laissez Aziraphale tranquille… S’il Vous plaît…
— Un démon qui se soucie d’un ange, c’est… commença-t-Elle.
— Déplorable, pervers, punissable ? Le coupa Satan.
— Touchant… termina-t-Elle.
Alors qu’Elle tendit une main vers Crowley, Aziraphale se mit à crier :
— NON ! Pitié Seigneur, j’implore Votre clémence !
Ignorant les supplications de son archange, Elle posa Sa main sur la joue de Crowley, sur sa pommette fendue par le coup reçu de Satan. Le démon ferma ses yeux et les crispa, anticipant la douleur, mais Sa main était douce et lorsqu’elle rencontra sa peau, toutes ses douleurs disparurent par miracle ! Ses côtes n’étaient plus cassées, ses entailles s’étaient refermées et plus aucune contusion ne marquait son visage.
Elle s’écarta ensuite et Satan prit sa place juste devant le démon, le désignant d’une main :
— C’est pas une mauviette ! J’attends de lui avoir brisé les trois quarts des os avant de le guérir pour pouvoir recommencer. Tu le sous-estimes, comme Tu l’as toujours fait… gronda-t-Il.
— Oh non, détrompe-toi… Je n’ai jamais douté de lui… répondit-Elle, évasivement.
— Bon, c’est pas tout ça, mais j’ai un démon à discipliner, moi ! Qu’est-ce que Tu fais du blondinet ? Tu veux que je Te débarrasse de lui ? Comme ça je pourrais torturer l’un devant l’autre, ça marche toujours bien ça ! s’enthousiasma le Diable, en se frottant les mains.
— Approche, Aziraphale ! ordonna-t-Elle.
L’archange se releva pour parcourir les quelques mètres le séparant de Dieu et s’agenouilla à côté de Crowley, entrelaçant à nouveau les doigts de sa main droite aux siens.
— Qu'as-tu à dire pour ta défense, Mon Archange Suprême ?
Aziraphale jeta un pan d'œil à Crowley avant de balbutier, tête baissée :
— À… À quel propos, Seigneur ?
— Tu fais bien de demander, il est vrai que la liste est longue depuis la première fois où tu t’es débarrassé de l’Épée Flamboyante que Je t’avais donnée, mais Je parle de tes derniers exploits…
— J’aime la Terre et j’aime les Humains ! Et je l'aime, Seigneur ! J’aime Crowley ! De tout mon coeur et de toute mon âme et je… Je n’en suis pas désolé ! Crowley est la meilleure chose qui me soit arrivée et si je dois être damné pour ça, alors… Qu’il en soit ainsi !
— Eh ben voilà, Amen ! Tu vas voir, c’est pas si mal une fois qu’on s’y est habitué, hein mon rayon de soleil ? sourit le Diable.
— Pas si vite… objecta-t-Elle, en levant une main.
— Comment ça, pas si vite ? Ils ont expédié nos effectifs dans le subspace créé par l’autre emmerdeur, Ton marmot n’est pas mort, il est en train de jouer à la belote avec des putes, le mien fait du bénévolat à la soupe populaire et ils ont évaporé le Léviathan ! Ton archange est un empêcheur d’Apocalypser en rond ! s’emporta Satan, en pointant l’ange.
— Poursuis, Aziraphale… continua Dieu.
— J… Je… Hum… Nous avons envoyé les… Les combattants là-bas pour épargner les humains parce que… Parce que nous les aimons et… Nous avons ressuscité Issa parce que… Eh bien, parce que nous l’aimons lui aussi et… Et enfin pour le Léviathan, nous euh… N’avions pas prévu de, euh… Le tuer, mais… Ce n’est pas plus mal parce que… Nous ne l’aimons pas ! bégaya l’ange.
Le Diable applaudit en trépignant d’impatience :
— Ça Te va comme confession, Mère ? C’est bon, je prends le lot ?
— Je ne crois pas, non… Je crois que tu vas repartir tout seul aujourd’hui, Lucifer !
— Satan ! Et pourquoi donc ? Et ne me sers pas que c’est ineffable, par pitié…
— Je pense sincèrement que leur place n’est pas en Enfer… Crowley n’y est resté que trop longtemps, quant à Aziraphale… Il n’aimerait pas ça ! Crowley n’est pas le Mal incarné, tout comme Aziraphale est loin d’être le Bien incarné, non… Ils sont l’Amour incarné !
— Oh, je T’en supplie arrête, je sens que je vais être malade… Tu comptes donc les ramener au Paradis ? Tous les deux ? Tu ne peux pas réhabiliter un démon ! protesta Satan.
— NON ! s’exclama Aziraphale malgré lui.
— Par mes cornes, t’es complètement abruti toi… s’étonna le Diable.
— Non ? Pourquoi ? demanda Dieu, avec un haussement de sourcil divin.
L’archange se tourna vers le démon :
— Crowley n’aimerait pas ça ! Je pensais… C’était ce que je voulais moi, mais je me trompais… Il n’a plus sa place au Paradis, Mère ! Pas plus que moi…
— Abruti, c’est bien ce que je disais ! On fait quoi alors ? On les efface du Livre de la Vie ?
— Non… J’ai une meilleure idée ! Votre amour pour l’Humanité M’a fait reconsidérer Ma volonté de la détruire, après tout, ce n’est peut-être pas Mon plus grand échec… Vous allez rester sur Terre tous les deux, vous serez leurs Gardiens Célestes ! Observateurs neutres, vous veillerez à ce que l’équilibre entre le Bien et le Mal soit maintenu et si vous rencontrez un problème ou si vous avez une idée… Vous pourrez toujours l’envoyer dans la Boîte à Suggestions que Je viens de matérialiser sur Mon bureau !
Crowley se crispa aux côtés de l’ange et ne put s’empêcher de lever ses yeux serpentins ébahis vers Elle.
— La boîte a la forme d’une Bentley, mon Étoile ! rajouta-t-Elle, en lui souriant.
— Merci… Mère, murmura le démon.
— Holà, holà, pas si vite, baisse-la tête toi ! intervint le Diable.
Il tendit une main pour mettre une tape vigoureuse à l’arrière du crâne de Crowley, avant de s’adresser à Dieu :
— Tu ne crois quand même pas que je vais laisser filer un Prince du Paradis et un Séraphin sans contrepartie, Mère ? Je ne repartirai pas les mains vides ! Si Tu refuses de les damner, alors j’exige Ton fils !
— Ah oui… Jésus… Le fait est que J’ai décidé d’arrêter de Le sacrifier à la moindre occasion… Et puisque ces deux-là l’aiment, tout comme ils aiment l’Humanité, alors ils veilleront sur Lui également ! Je n’ai pas le temps de M’occuper d’un enfant de toute façon… Le Paradis a besoin d’être réorganisé à la lumière des derniers évènements.
— Hum, hum… Je m’en carre le cul de Tes préoccupations parentales à la manque et même si j’approuve l’abandon d’enfants innocents d’une manière générale, ça ne résout pas le problème de ma compensation ! insista le Diable.
Dieu secoua négligemment Sa main, en fronçant les sourcils :
— Tu n’as qu’à prendre le Metatron pendant 1000 ans, on refera le point après !
— Tu… Tu me donnes Ta Voix ? s’étrangla Satan.
— Il n’est plus Ma Voix, c’est Saraqael qui le sera dorénavant !
— Je prends, parfait ! s’enthousiasma le Diable, incrédule.
Il s'avança pour caresser les cheveux de Crowley, qui ferma les yeux et frissonna tandis que Satan S’adressait à lui :
— Ça va me manquer nos petites sessions dans mon Cercle, mon rayon de soleil ! J'espère que le Metatron, ou peu importe comment il va s’appeler très bientôt, sera un esclave aussi divertissant que toi…
— Ngk…
— Tu me l’envoies par ChronoPlume ou Tu me fais un convoi reliquaire ? demanda-t-Il, en s’écartant de Crowley.
— Je te le mettrai dans l'ascenseur… Toutefois, il n’y a plus personne, ni chez toi, ni chez Moi, Luci…
— Satan ! Vous deux, sales traîtres ! Rendez-vous utiles pour une fois et ramenez tout le monde à la maison… répondit le Diable, en claquant des doigts vers Aziraphale et Crowley.
— Si vous pouviez miraculer ensemble encore une fois, ce serait bien… poursuivit-Elle.
— Putain, c’est dégueulasse quand Tu dis ça… se plaint le Diable, en grimaçant.
— Ils s’aiment Lucifer, leur amour a créé une constellation lorsqu’ils ont tué le Léviathan, ce sont des Créateurs, pas des destructeurs ! En revanche, la moitié des anges ont balancé leurs auréoles et Shax est en train de se tataner avec Michael qui lui a jeté du sable dans les yeux…
— Satan ! Eh ben Tu peux pas les séparer Toi, Dieu Tout Puissant ?
— Je refuse d’intervenir, ça ne fait pas partie du Plan Ineffable ! Ce sont eux, la clé du Plan Ineffable…
— Putain, j’en étais sûre que T’allais nous le resservir celui-là ! Les deux cons ! Magnez-vous, j’ai mon urticaire qui me reprend ! ajouta le Diable, en fixant Aziraphale et Crowley.
L’ange regarda Crowley. Ils se tenaient toujours par une main ; timidement, Aziraphale agita les doigts de sa main libre de haut en bas en même temps que le démon claquait ses doigts de bas en haut.
Satan ferma brièvement Ses yeux, avant de cracher :
— Ça n’a pas marché, les nazes ! Et Ton Uriel est en train de faire des trucs pas très angéliques avec Hastur, je dis ça, je dis rien, Mère…
— J… Je ne comprends pas Seigneur, nous avons fait comme tout à l’heure… expliqua l’archange, contrit, en regardant Dieu.
— Oui, c’est pour ça que ça n’a pas marché ! Crowley… ajouta-t-Elle, en lui faisant un clin d'œil.
Dans un réflexe antédiluvien, l’ancien Séraphin se redressa sur ses genoux, serra plus fort la main d’Aziraphale dans la sienne, puis recommença. En claquant ses doigts de haut en bas cette fois.
— C’est pas trop tôt… Mère, ce fut un réel déplaisir de Te revoir ! Si Tu veux bien m’excuser, j’ai un remaniement de personnel à faire moi aussi et je vais préparer sa piaule au Métatrouduc ! se réjouit le Diable, en disparaissant sous le bitume, englouti par les flammes infernales.
Constatant que Dieu n’avait pas disparu, Crowley Lui demanda :
— Qu’est-ce que… Qu’est-ce que je suis maintenant ?
— Mon cher petit… Tu es Crowley, celui que tu as toujours voulu être ! Tu ne seras plus soumis à l’Enfer, ni à Satan, mais tu ne Me seras pas soumis pour autant… Ton allégeance va vers la Terre et les Humains à présent. Avec Aziraphale, vous allez garder vos pouvoirs, mais Aziraphale n’aura plus d’auréole et merci Moi, plus d'Épée Flamboyante ! Vous pourrez aller et venir en Enfer, comme au Paradis avec un statut diplomatique et enfin, le plus important pour toi… Aucun quota de questions, même si je n’y répondrai pas toujours…
Crowley resta silencieux le temps d’assimiler toutes les informations, mais Aziraphale, lui, s’empressa de poser la question qui lui brûlait les lèvres :
— Et… Et pour Issa, Seigneur ?
— Vous vous êtes bien occupés de Lui ! Il est Mon fils et restera un ange pour Sa part. Et même si vous serez davantage Ses parents que Moi, J’ose espérer que vous ne Lui parlerez pas de Sa mère céleste en mauvais termes… J’ai entendu ton Acte de Contrition, Crowley, et sache que Je te pardonne ! J’aimerais cependant savoir si toi, tu Me pardonnes ? Me pardonnes-tu mon absence, ma sévérité, mes silences ?
— J… Je… Ngk… Je vous pardonne, Seigneur !
Le silence.
L’obscurité.
Crowley fut réveillé par une agréable sensation de chaleur.
Celle du soleil. Celle du soleil contre sa peau !
Le Gardien de la Terre n’avait pas envie d’ouvrir les yeux ; il se sentait bien, très bien même… Il reconnaissait l’odeur de papier, de chocolat chaud et d’eau de Cologne qui l’enveloppait.
Crowley n’avait pas envie d’ouvrir ses yeux. Son corps reposait sur un tapis moelleux et était réchauffé par les rayons du soleil, depuis la fenêtre ouverte de la librairie. Il mentirait s’il disait qu’il ne trouvait pas agréable la sensation de ne plus avoir mal, ni dans son corps, ni dans son cœur. Mais il n’était pas un démon, il ne mentait plus ! Tandis qu’il sentait les bouclettes d’Aziraphale lui chatouiller le nez et son bras se resserrer autour de son torse, un sourire se dessina sur ses lèvres cependant qu’il s'endormait, bercé par les gazouillis d’un couple de rossignols.
✨✨✨
NDA
Et voilà… J’ai tout donné 😅 ! Plusieurs choses à signaler :
- Pour l’incarnation de Dieu, j’ai évidemment choisi l’actrice Frances McDormand (qui a prêté sa voix à Dieu en VO). Quant à sa tenue, elle est inspirée de la robe qu’elle portait aux Oscars en 2018, je peux mettre une photo côté forum si ça vous intéresse 😉.
- Pour Satan, en écrivant, j’avais clairement l’image du Satan du film Constantine, interprété par Peter Stormare que j’adore ! J’avais peur d’être à fond sur celui de la série Lucifer et en fait pas du tout !
- Ça n’a pas été facile de rendre leurs dialogues / rapports et interactions, à la fois entre Eux, et avec Aziraphale et Crowley, fidèles à l’idée que je m’en fais ! Sans parler de ces saloperies de majuscules 🤪. Au passage, c’est volontaire que Dieu parle d’Elle en mettant des majuscules partout et pas Lui !
- Si vous avez des questions, gardez-les, car je vais faire un petit épilogue comme je le fais toujours sur mes fics à chapitres (c’est moins violent pour moi 🥹) et il est probable qu’il réponde au moins à certaines d’entre elles !
- Enfin, excusez-moi d’avoir mis aussi longtemps à écrire cette fic (qui n’est pas très longue en soi), mais je souhaitais m’appliquer le plus possible afin d’y mettre tout mon amour pour l’univers de Good Omens et tenter de rendre un peu de tout ce qu’il m’a apporté 💖…