Golden Sun NP
« Réveille-toi. ».
Un œil s’ouvre devant lui et le fixe. Il flotte au-dessus du vide, entouré des esprits élémentaires endormis.
Des grincements et des claquements terribles résonnent tout autour d’eux tandis que des mécanismes antiques se mettent en marche. Au dehors, une tempête se réveille. Le destin se met en marche.
− Vlad !!! Vlad !!! Réveille-toi !!!
Vlad ouvrit les yeux, pressé par l’urgence de la voix. Dans l’obscurité, il parvint à discerner le visage tendu de sa mère. Il prit soudain conscience d’un terrible vacarme au dehors.
− Le rocher du Mont Alpha risque de tomber ! Lève-toi ! Il faut partir ! ordonna sa mère.
Le garçon se leva d’un bond. Dora esquissa un mouvement rapide de la main et la cape de son fils s’envola d’un porte-manteau. Il l’attrapa au vol et la revêtit en catastrophe alors qu’elle l’entraînait déjà vers l’escalier.
La maison craquait de toute part sous l’assaut du vent et la pluie martelait avec force les fenêtres. Au moment où ils atteignirent la pièce du bas, un flash illumina la pièce et le sol gronda. Pendant un bref instant, Vlad vit l’angoisse se dessiner sur le visage de sa mère.
A cet instant, la porte s’ouvrit avec fracas et une rafale glacée pénétra dans la maison.
− Vlad ! Dora ! cria le père de Vlad, en se précipitant vers eux. Vite ! Le rocher va tomber !
Ils le suivirent au dehors. A l’extérieur, les rafales s’abattaient avec violence sur les maisons tandis que le ciel s’illuminait à chaque seconde. La pluie était telle qu’il ne fallu que quelques secondes à Vlad pour être trempé.
− Kyle, seront-ils capables d’arrêter le rocher ? cria Dora pour couvrir le vacarme.
−Je ne crois pas. Pas longtemps en tout cas. Allez à la grande place. Vous y serez en sécurité.
− Tu ne viens pas ?
− Non, je dois aider les autres.
− Alors je viens avec toi.
Kyle tenta de la raisonner mais sa femme resta ferme.
− Vlad peux y aller seul. Il est assez grand.
Bien sûr que je suis assez grand ! Vlad avait passé l’âge de se faire accompagner. Il avait quatorze ans et connaissait tous les recoins de Val depuis des années. Ce n’était pas un peu de pluie et quelques rafales de vent qui l’arrêteraient.
Devant la détermination de son fils, Kyle céda.
− Fais bien attention à toi, lui dit-il en s’éloignant avec sa femme.
Malgré son assurance, en les voyant partir, Vlad ne put s’empêcher de ressentir un sentiment d’abandon, seul au milieu de cette tempête. Après un instant d’hésitation, il finit par se tourner vers le sud, en direction de la place. Entre deux flashs, il put distinguer la suite de paliers et d’escaliers qui permettaient d’y accéder. Il se mit en marche en maudissant le vent contre lequel il devait lutter pour avancer.
Alors qu’il s’approchait des premières marches, un grondement sourd retentit brusquement. Il bondit en arrière et eu juste le temps d’apercevoir une forme noire à sa gauche. Le temps d’un battement de cils, l’escalier n’existait plus, défoncé par un rocher de la taille d’un cheval.
J’ai failli mourir… Le garçon mit quelques instants à se ressaisir. Il était entier pour le moment, mais s’il restait ici, il n’aurait aucune chance. Le rocher qui venait de détruire l’escalier, n’était rien comparé à celui qui surplombait le Mont Alpha. Et si ce dernier tombait…
Vlad voulut emprunter un autre escalier non loin de là mais il renonça dès qu’il le vit ; trop exposées à la violence de la tempête, certaines marches commençaient déjà à se disloquer. Non, non, non ! Je dois garder mon calme. Il y a encore le pont au nord, après la maison du maire. Il prit immédiatement ce chemin en priant pour que le pont n’ait pas aussi été détruit.
A sa grande surprise, derrière la maison, il aperçut une forme qui s’échinait à tirer un coffre.
− Garet ! Laisse ça, abruti ! cria Vlad en reconnaissant l’individu.
− Mais… ! voulut protester l’intéressé.
− Le rocher va tomber ! Tes affaires ne te serviront à rien quand tu seras mort ! Viens avec moi ! Il faut rejoindre la grande place !
Garet prenait parfois les mauvaises décisions mais ce n’était pas non plus un imbécile. Il acquiesça et suivit Vlad en direction du pont. En le traversant, ils manquèrent de tomber à plusieurs reprises tant les rondins qui le composaient étaient trempés.
Au moment où ils atteignaient l’autre rive, un craquement de fin du monde retentit. Vlad se retourna et parvint à discerner un pan entier de la montagne qui se détachait ; parmi les débris, la forme familière du rocher qui surplombait la montagne… Le sol trembla alors que la roche fracassait le sol dans un bruit d’explosion.
Pendant un instant, Vlad crut qu’ils étaient sauvés. Puis un roulement sourd résonna dans la nuit, de plus en plus fort, couvrant même le vacarme de la tempête. Il y eu un éclair et le garçon vit une énorme masse sphérique fondre sur la ville. Un autre éclair et Vlad put distinguer, les prêtres et les anciens qui attendaient sur sa route, les mains brandies pour tenter de l’arrêter.
Garet le saisit à l’épaule.
− Cours !
Ils s’élancèrent, luttant contre les rafales, glissant sur l’herbe, dévalant les escaliers, contournant les obstacles qui leurs coupaient le chemin. De nombreux chemins n’étaient plus praticables, détruits par les intempéries ou par des éboulements, les obligeant sans cesse à changer de route. A bout de souffle, Vlad crut distinguer à plusieurs reprises des yeux luisants dans le noir. Cours ! Idiot ! Tu n’as pas le temps de te poser des questions !
Leur course les conduisit finalement au bord de la rivière, près de la petite maison où vivait la famille de Lina, une amie de leur âge. Là, un cri perçant les arrêta.
− Pavel !!!
Au milieu de la rivière, sur un ponton instable, une petite troupe s’était rassemblée et s’agitait. En se rapprochant, Vlad reconnut Lina et ses parents. Kyle et Dora étaient aussi présents. Tous appelaient en vain au-dessus de l’eau. Avec un frisson d’horreur, Vlad aperçut Pavel, le frère de Lina, qui s’accrochait désespérément à un vieux poteau en plein milieu de la rivière. A quelques mètres de lui, un dangereux tourbillon s’était formé dans l’eau et entraînait tout sur son passage. Kyle tenta en vain de lancer une corde mais elle était trop courte. Au milieu du chaos sonore, le garçon entendit le juron de son père. Les adultes parurent discuter et, après quelques instants Lina commença à courir vers la grande place tandis que Dora s’élançait vers le nord. Aveuglée par la pluie et les éclairs, elle manqua de passer à côté de son fils sans le voir.
− Vlad ! Qu’est-ce que tu fais ici ? cria-t-elle en le reconnaissant.
− Tout s’est écroulé ! C’était le seul chemin !
Elle poussa un juron.
− Pavel est en danger, et nous n’avons plus de psynergie. Je vais chercher de l’aide au nord. Allez à la grande place et essayez de trouver quelqu’un avant qu’il soit trop tard !
Sans un mot de plus, elle se mit à escalader à toute vitesse les marches derrière eux. Vlad n’attendit pas plus et, suivi de près par Garet, il se précipita en direction de la place. Mais cette fois, il ne courait plus pour sa propre vie.
Quelques instants plus tard, ils atteignirent enfin la grande place. Placée dans une petite cuvette, elle était relativement protégée du vent et de la pluie. Elle était également suffisamment excentrée pour que le rocher du Mont Alpha ne puisse pas l’atteindre en cas de chute. En son centre, une pierre psynergie monumentale, relique magique du Mont Alpha, diffusait une douce lueur tout autour d’elle. Les villageois se pressaient tout autour, comme rassurée par sa lumière.
Les deux garçons appelèrent à l’aide, interpellant tous ceux qu’ils croisaient. Mais chaque personne qu’ils interrogeaient paraissait déjà à bout de force. La psynergie était un grand pouvoir mais elle demandait beaucoup d’énergie et la plupart des habitants avait tout donné pour atteindre la place.
Au cœur de la place les deux garçons retrouvèrent Lina auprès du maire du village.
− Grand-Père ! Lina ! appella Garet.
Le vieil homme et la jeune fille se tournèrent vers eux.
− Vlad ! Garet ! Vous êtes venus m’aider ? demanda Lina visiblement soulagée.
− Pavel est en danger, grand-père ! pressa Garet.
Le vieil homme grimaça.
− Je sais. Malheureusement je viens d’envoyer nos deux derniers hommes valides aider les anciens. Il n’y a plus personne.
− Je vais m’en occuper ! intervint une voix
Une forme se détacha de la pierre qui trônait au centre de la place et les rejoignit d’un bond. C’était un homme d’une quarantaine d’années qui vivait près de la grande place et que Vlad connaissait à peine.
− La pierre psynergie m’a permis de recouvrir mes forces, expliqua-t-il sobrement. Montrez-moi le chemin vite ! Nous n’avons pas de temps à perdre !
Le maire acquiesça et leur souhaita bonne chance tandis que les trois adolescents suivis de l’homme repartaient en courant. Pavel ! Tiens bon ! On arrive ! pensa Vlad.
− Maman ! Papa ! On a trouvé de l’aide ! cria Lina quand ils atteignirent enfin le cours d’eau.
Dora apparut sur l’autre rive, essoufflée et visiblement seule.
− Dieu soit loué ! lança-t-elle avec soulagement. Venez vite !
En quelques secondes, le groupe la rejoignit en empruntant un pont branlant.
Tout se passa alors très vite. Ils n’étaient plus qu’à quelques mètres du ponton, quand un terrible grondement fit trembler le sol. Vlad leva la tête et aperçu une ombre gigantesque qui se rapprochait, détruisant tout sur son passage. Il vit son père et les parents de Lina tenter de quitter le ponton en catastrophe...
Déjà, le rocher était sur eux.
Un éclair l’aveugla et une vague le renversa.
Quand il parvint à se relever, la moitié de la maison avait été emportée. Des débris de pierre jonchaient le sol de toute part. Pavel n’était nulle part en vue.
Le ponton n’était plus là.
Non ! NON ! NON ! NON !
− KYLE !!!
Des hurlements déchirèrent la nuit couvrant le vacarme de la tempête. Dora appelait en vain. Lina pleurait. Garet était en état de choc.
Vlad n’arrivait plus à penser. Il ne parvenait plus à réfléchir.
Le ponton n’était plus là.
C’est un cauchemar. Rien qu’un cauchemar. Je vais me réveiller. Oui, je vais me réveiller. Tout ira bien. Tout le monde ira bien. Le rocher sera à sa place.
Mais le ponton n’était plus là.
Il ferma les yeux. Je veux me réveiller… s’il-vous-plaît… Réveillez-moi !!!
− Il faut y aller ! Ils vont se noyer !
Vlad rouvrit les yeux pour apercevoir une forme plonger dans la rivière. L’homme qui les avait accompagnés….
A quoi il pense ? Personne ne peut survivre à ça. Personne…
Mais avant même de s’en rendre compte, il se mit à courir vers la grande place. La pluie lui giflait le visage. Il s’en moquait. Espérait-il vraiment trouver de l’aide ou fuyait-il ? Il ne le savait pas lui-même.
Quelques maisons plus loin, il trébucha dans les ténèbres et s’écroula dans la boue. Il ne tenta même pas de se relever.
Si seulement… Si seulement, j’avais pu utiliser la psynergie… Pavel… Les parents de Lina… Papa… Papa… Papa… Des larmes commencèrent à rouler sur ses joues.
Il y avait des voix dans les ténèbres. Il voulut d’abord les chasser de son esprit. Puis son attention se mit à dériver vers elle. Ecouter, l’empêchait de penser à ce qui venait de se passer.
− Nous sommes les seuls survivants, dit une voix masculine.
− Pourquoi… ? Comment imaginer que le temple de Sol soit si en colère ? demanda une voix accablée.
− C’est un miracle que nous ayons survécus, confirma la première voix.
Il lui vint soudain à l’esprit que ces gens avaient un accent très étrange et qu’ils ne devaient pas venir du coin… Sauf qu’aucun étranger n’était venu depuis des mois… Son attention s’accentua.
− Cet interrupteur. C’était un piège ! reprit la deuxième voix, que Vlad identifia comme celle d’une femme. J’aurais du m’en douter.
− On ne pouvait pas savoir que ça déclencherait une tempête de cette puissance, répondit la première voix.
Quoi !?! Cette fois, Vlad retrouva complètement ces esprits. Cette tempête, c’est à cause d’eux !?!
− Nous n’échouerons pas la prochaine fois. Sois en sûr, promit la première voix.
− Oui… Oui, la prochaine fois, nous…
− VLAD ! Attends-moi !
Un bruit de pas précipités se fit entendre. En se retournant, Vlad reconnut la silhouette familière de Garet. Il le maudit silencieusement.
Au détour du chemin, deux silhouettes surgirent de l’obscurité, un homme et une femme. Difficile de distinguer exactement leur visage à la lueur des éclairs mais Vlad remarqua qu’ils étaient particulièrement pâles, que leurs visages arboraient des peintures et que leurs oreilles… leurs oreilles étaient… Non ! C’est impossible !
− Vous nous écoutiez ? demanda l’homme.
Tétanisé, Vlad ne répondit pas.
− Qui êtes-vous ? demanda agressivement Garet en se rapprochant.
Les deux étrangers échangèrent un regard.
− Vous devez oublier ce que vous avez entendu, lâcha la femme.
− Ne vous inquiétez pas, on va vous aider, dit l’homme en se rapprochant, un sourire mauvais sur le visage.
La femme fit soudain un mouvement des mains. De la psynergie ! comprit trop tard Vlad.
Il y eut une violente explosion et tout devint noir.