Glass no Kamen Suite et Fin
Suite et fin de Glass no Kamen…
Chapitre 1 : La Première
Elle regardait son reflet dans le grand miroir de sa coiffeuse. Un visage pâle, aux lèvres rouges, pleines, encadré d’une longue chevelure d’un noir d’ébène. De ce portrait, seuls des yeux marron, pétillants et brillants comme le soleil, permettaient de distinguer Kitajima Maya, de la Nymphe Ecarlate. Ce soir, elle ne serait plus humaine. Elle allait devenir l’esprit du prunier… une déesse envoûtante et passionnée, qui charmerai de son regard l’ensemble de tous ceux qui étaient venue la voir. Elle, Kitajima Maya, qui allait atteindre, à l’âge de seulement vingt ans, la consécration dont toutes les plus grandes actrices de ces trente dernières années avaient rêvé. C’était une incroyable aventure qui s’ouvrait à elle, un autre monde, tellement plus…
-Mademoiselle Kitajima ? Mademoiselle ?
La voix de l’assistante agenouillée auprès d’elle la ramena au présent.
-Oui, dit-elle d’une voix basse et légère, tournant le regard vers son interlocutrice.
L’assistante eut une sursaut en la voyant. Comme si ce n’était plus la jeune et talentueuse actrice qui lui faisait face, mais une autre personne…
-Serait-ce…. La Nymphe Ecarlate ?! songea-t-elle, abasourdie. Non ! Non, réalisa-t-elle soudain. Je reconnais ces yeux… Ceux de Kitajima Maya. Quel talent ! Quelle actrice… effrayante. Euhm… dit-elle après s’être reprise, quelqu’un vous a envoyé des fleurs ! l’informa-t-elle en lui tendant un généreux bouquet.
Des roses d’un mauve éclatant.
-Oh, répondit la jeune femme avec un mystérieux sourire.
Elle s’empara du bouquet et le serra contre son cœur, comme une chose précieuse.
-C’est… c’est un fan régulier ? demanda l’assistante, surprise de son comportement.
L’actrice recevait des cadeaux avant et après tous ses spectacles. Une quantité de présents faramineuse, et si elle s’en montrait toujours flattée, c’était bien la première fois qu’elle avait l’air si… heureuse.
-Oui, répondit-elle en plongeant une main délicate au milieu des fleurs, avant d’en ressortir une petite carte blanche, toute simple.
Elle la lut avec un sourire, avant de froncer les sourcils, interloquée. La carte disait : « A Kitajima Maya, pour fêter… ». Mais la jeune femme avait la nette impression que le message n’était pas complet.
-Et bien… poursuivit alors l’assistante, c’est un admirateur assidu que vous avez là, parce que…
Alors qu’elle disait ces mots, cinq personnes entrèrent tour à tour dans la loge. Chacune d’elle avait les bras chargé de fleurs.
-Parc’que… Il vous en a envoyé, vraiment beaucoup ! termina l’assistante en désignant les cinq personnes, qui menaçaient d’étouffer sous les roses.
Les grands yeux de Maya, s’arrondirent sous la surprise, puis, elle éclata de rire. Le son résonna, cristallin, faisant rougir les messieurs portant les fleurs, et s’interroger les dames.
-J’aurais dû m’en douter ! s’écria l’actrice.
Elle déposa le premier bouquet, puis se leva, avec la grasse d’un ange, avant de rejoindre les cinq assistants. Elle s’arrêta devant le premier bouquet, plongea sa main, avant d’en ressortir une autre carte : « Votre consécration… ». Puis, un autre bouquet, une autre carte : « Je suis vraiment heureux ». Puis une autre : « De voir votre Nymphe Ecarlate ». Puis une autre : « Envoûtez-moi ». Et enfin, la dernière : « De votre fan. ». Elle sourit, encore, avant de se saisir de l’une des roses, en la sortant du bouquet.
-Vous pouvez poser ces fleurs ici, dit-elle aux assistants. Merci.
Ils les disposèrent sur la table, encore ébranlés de cette réaction. Elle connaissait donc ce mystérieux individu ? Tant de fleur ! C’était une vraie fixation qu’il avait là ! Cela semblait un peu… effrayant ! Ils sortirent ensuite de la pièce, laissant Maya avec un air songeur… l’amour interdit de la Nymphe Ecarlate pour ce sculpteur et celui, inassouvi de Maya pour cet homme, s’entremêlaient en elle.
-Alors tu seras là ce soir… Masumi, dit-elle en portant la fleur à ses lèvres.
Depuis des années, à chaque première, elle recevait le même bouquet, mais sans le moindre mot. Elle avait perdu contact avec M. Hijiri, du jour où Masumi Hayami avait rompu ses fiançailles, avant d’émigrer aux Etats Unis. Chacun de ces bouquets lui avaient néanmoins procuré la chaleur et les encouragements nécessaires. Elle savait que Masumi était tout à fait en mesure de se procurer les enregistrements de ses représentations. Ainsi, n’avait-il sûrement plus jamais fait le déplacement jusqu’à l’une de ses pièces. Mais ce soir c’était différent. Elle le savait parce qu’il lui avait écrit toutes ces lignes, en la couvrant de roses. Mais elle le savait surtout, parce qu’il était inconcevable qu’il ne veuille pas voir sa Nymphe Ecarlate en directe.
Ce qui voulait dire qu’il serait là ce soir… elle avait peut-être une chance de le revoir. Elle la saisirait.
Elle reposa lentement la rose sur sa coiffeuse. Elle ne pouvait pas l’emmener avec elle. Elle allait devenir un prunier. Elle sortit de sa loge, referma la porte, et prit une grande inspiration. Ça y est ! Elle allait le faire !
-Professeur, Mme Tsukikage ! Maman… Regardez-moi ! pensa-t-elle.
Elle était en chemin vers la scène.
Les acteurs s’encourageaient entres eux, l’acclamaient elle, un long discours plein d’émotion sur son triomphe dans la course qu’elle avait gagné pour ce rôle, se faisait sur scène, en prémisse à la pièce, mais Maya ne les entendaient pas. Maya n’était plus là. Ses yeux étaient fermés, elle plongeait au plus profond d’elle-même…
-J’ai un millier de masques… ce soir, pour la première fois, je porterais celui de … la Nymphe Ecarlate. Je suis la Nymphe Ecarlate !
Lorsqu’elle rouvrit les yeux, il n’y avait plus de Maya, il n’y avait plus d’actrice, il n’y avait même jamais eut d’humain. Elle était une déesse, l’incarnation de l’esprit millénaire d’un prunier écarlate.
-« Qui ? Qui essaie de me réveiller ? »
Quelque part dans les premiers rangs d’une salle silencieuse, dans la noirceur du milieu des rangées, Hayami Masumi, était subjugué. Contrairement au reste du publique, admirant la grâce et la force de la Nymphe Ecarlate, oubliant presque la jeune et impétueuse actrice qui se cachait derrière, lui n’avait d’yeux que pour elle. Celle qu’il avait aimé dès sa première pièce, emporté par sa passion dans le rôle de la jeune Bethe, des Quatre Filles du Docteur March.
Un amour qu’il s’était ensuite efforcé de nier des jours durant, alors qu’il ne faisait que se renforcer. Un amour si fort, si profond, si puissant qu’il avait dû en rompre ses fiançailles avec une femme qui aurait pourtant pu lui apporter le bonheur. Mais il n’aurai plus pu alors conserver cette fixation, qu’il jugeait d’ailleurs malsaine, sur Maya. Maya, le nom murmuré par les battements de son cœur depuis si longtemps maintenant.
Il avait compris qu’il ne pourrait jamais se défaire d’elle, après ce songe éveillé, qu’il avait cru partager avec Maya. Ce moment merveilleux où elle lui était apparue, Déesse Eclatante de splendeur, où elle l’avait accepté, où elle avait couru vers lui. C’était ce rêve qui lui avait fait rompre ses fiançailles. Maintenant, il hantait chacune de ses nuits.
Depuis, il vivait plus seul que jamais, condamné à aimer une femme qui le haïssait de toute son âme. Il avait quitté le Japon pour elle. Rejoindre les Etats Unis, lui avait semblé être un bon moyen de la laisser en paix. Il avait peur de ce qu’il pourrait faire, s’il restait sur le même continent que cette femme.
De là-bas, il avait continué à suivre sa carrière, tout en veillant à ce qu’elle ne manque de rien. Il ne passait plus par l’intermédiaire de Mr Hijiri, celui-ci étant devenu trop impliqué dans sa relation avec la jeune femme. Il craignait qu’il ne tente de saper ses bonnes résolutions… De même, il ne gardait de rapport que très lointain, avec Mademoiselle Mizuki, la première à avoir compris ses sentiments pour Maya. Avant même que lui les comprenne.