Bataille pour les esprits
Chapitre 1 : Bataille pour les esprits
5423 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 24/10/2024 03:37
Cette fanfiction participe au Défi d’écriture du forum Fanfictions.fr Crossover improbable (janvier à février 2022) en seconde chance
Précision concernant les personnages de Ghost Whisperer dans l’univers alternatif historique
Mélinda Gordon devient Milena, surnommée Mila, Tomanovna Cheremetievna, née Gordeeva, infirmière
Jim Clancy devient Iakov, surnommé Iacha, Alekseïevitch Cheremetiev, médecin militaire
Mitch Marino devient Mikhaïl, surnommé Micha, Andreïevitch Moukhine, militaire soviétique, pilote
Andréa Marino devient Aleksandra, surnommée Sacha, Andréïevna Moukhina, tireur d’élite soviétique
Romano devient Rudolf Reimann, militaire nazi, tireur d’élite
L’homme qui rit devient Adolf Heinrich, militaire nazi, tireur d’élite
Bataille pour les esprits
Au milieu de la nuit du 21 juin 1942, Milena Tomanovna, réveillée de son cauchemar, en sueur, agitant ses bras et ses jambes sous les draps blancs, ouvrit grand ses sombres yeux, au bord des larmes, sanglotant doucement. Iakov Alekseïevitch, son mari, encore dans les bras de Morphée, peinait à ouvrir ses yeux.
— Iacha, chuchota-t-elle entre deux pleurs, cessant tout mouvement, je fais encore et encore ce même cauchemar ! Je crains pour la vie de Sacha… Ce rêve est plus détaillé que les précédents ! Sauf si c’est l’habitude d’entendre les détonations ennemies trop souvent… Et de voir les blessés et les défunts…
Le médecin, à demi-redressé, enlaça son épouse contre lui pour la rassurer et lui demanda, d’une voix rauque :
— Peux-tu, Mila, me préciser ton rêve ?
L’interpellée était profondément troublée en son âme du cauchemar, essuya prestement ses larmes et répondit d’une voix tremblante :
— Je rêve qu’un avion tombe… et s’écrase au sol. À bord de l’avion, le pilote est Mikhaïl, le frère de Sacha. Cette dernière est en larmes… Et j’ai l’impression dans mon rêve qu’elle est morte… Un immense trou à la tête, aux tempes… Du sang qui dégouline partout sur son uniforme… Et tu sais que Sacha est ma meilleure amie… Elle me prend au sérieux avec mon don singulier…
Laissant libre cours à sa tristesse qui imprima sur son délicat visage des larges sillons sur ses joues rougies, Milena s’appuyait contre la virile poitrine de son mari en attendant que les premières émotions fortes passèrent. Quelques minutes plus tard, le silence complet était rompu par le jeune homme :
— Il faut que tu informes Aleksandra Andréïevna de ton rêve, lui conseilla-t-il gentiment… Si tu peux lui éviter une triste nouvelle, je serais ravi. Au moins, tu auras accompli ton devoir moral envers elle ! … J’espère que l’information lui parviendra à temps, avant un malheur…
Il soupira, passa une main sur son front, fermant les yeux jusqu’à ne devenir que deux fentes.
— … Nous avons déjà beaucoup de morts et de blessés sans ajouter les enfants d’Andreï Arkadievitch, termina-t-il d’une voix étranglée. … Et saches que je te seconderai toujours ! …
Il déposa un chaste bisou sur la joue droite de la médium.
— … Je sais bien que tu as déjà plusieurs années d’expériences avec les défunts, alors ne doute pas en tes capacités ! conclue-t-il, enlaçant tendrement son épouse.
— Tu sais que t’es génial ? lui demanda-t-elle rhétoriquement avant de l’embrasser, laissant un faible sourire apparaître sur son visage. Mais le rêve ne s’arrête pas là…
Il relâcha la vingtenaire et l’invita d’un geste de la main à développer sa pensée.
— … Une collègue à Sacha est aussi dans le décor… Haït des nazis qu’elle a tués, ils la poursuivent et veulent qu’elle meure… J’ai perçu leur colère et leur tentative de l’influencer…Ils veulent l'assassiner…
Sa voix se brisa.
— … Je crains pour sa vie…
— Connaîs-tu son identité ?
Elle secoua négativement sa tête.
— Non, je l’ignore, mais Sacha saura m’aider.
Le médecin hocha la tête pour toute réponse. Le couple attendait le lever de l’aurore pour sortir de leur chambre et prendre leur petit-déjeuner.
Quelques heures plus tard, la petite et élégante brunette aux grands yeux marron et au visage ovale délicat et son mari arrivèrent dans leur tente mobile pour soigner les blessés. Milena Tomanovna, taraudée par son rêve, se dépêcha de retrouver sa meilleure amie avant de commencer son travail. Dans la foule de soldats et de tireurs d’élite qui se préparaient à combattre les ennemis de la nation, les nazis, la jeune infirmière extraordinaire cherchait du regard le tireur d’élite. Cette dernière était en conversation animée avec Ludmila Mikhaïlovna. Non loin de son amie, son regard rencontra celui d’un esprit errant, elle le détailla. Un militaire aux yeux gris, tête ronde et rasée, vêtu de l’uniforme et du casque vert olive caractéristique. Le grand et élégant défunt était désorienté et murmura :
— Pouvez-vous m’aider ?
Elle approuva d’un signe discret de la tête. Celle-ci détourna rapidement la tête de l’esprit pour ne pas attirer l’attention de la collègue de son amie.
— Sacha, lui affirma, mine inquiète, lueur d’angoisse dans le regard l’infirmière, saluant d’un geste de la tête respectueux Ludmila Mikhaïlovna, puis-je t’informer au sujet de ton frère ? …
La mine joyeuse de son amie s’assombrit, ses yeux bleu-gris se voilèrent. Elle entraîna Milena dans un coin calme de la caserne pour ne pas attirer l’attention des oreilles trop curieuses.
— … Je fais depuis plusieurs nuits le même rêve… Un avion de notre armée tombe et ton frère est à bord…
Les yeux bleu-gris lancèrent des éclairs, le tireur d’élite serra encore plus près son arme et affirma sérieusement, secouant sa blonde crinière :
— Personne ne peut toucher à ma famille, à ma fratrie, tout aussi sacrée que notre Mère Patrie !
Elle s’éloigna d’un bond et se perdit dans la foule.
— Sacha, lui hurla son amie, attend ! Ce n’est pas tout !
Mais son cri se perdit dans la masse, au grand désarroi de Milena. Cette dernière chercha du regard Aleksandra, mais en vain. La femme décida de l’attendre à la sortir, espérant la croiser. Et elle la vit :
— Sacha, l’apostropha-t-elle.
L’interpellée se retourna, reconnaissant sa voix claire et harmonieuse. Regard glacial, mine sévère et hermétique, le tireur d’élite éructa, serrant ses poings, visage rougi de colère :
— Personne ne peut menacer ma famille ! Surtout pas l’ordure nazie ! Sinon, ces nazis auront affaire à moi !
L’infirmière l’attrapa par le bras droit, la forçant à reculer de quelques pas.
— Sache, mon amie, lui murmura-t-elle, pointe de tristesse dans sa voix, hésitante malgré elle, tu dois savoir que ta vie est en danger ! …
Elle se tut pendant quelques secondes avant de reprendre la parole.
— … Dans mon rêve, tu avais les tempes salies de sang ! Et l’une de tes collègues est en danger…
Elle baissa les yeux, horrifiée de ses propres paroles. Saisissant le danger qui planait sur les militaires comme une épée de Damoclès, ses bras tremblèrent et ses jambes flageolaient.
— … Les nazis qu’elle a tués veulent l’éliminer même d’outre-tombe !
Son interlocutrice blêmit, reculant d’un pas. Dans son regard se lisait une lutte, une indécision, une hésitation. Elle secoua énergiquement la tête en signe de négation.
— Milena Tomanovna, lui affirma-t-elle solennellement, regard durci par la colère, traits sévères encore plus accentués par sa détermination qui se lisait dans le regard, sache que je ne changerais pas d’avis ! Au péril de ma vie, jusqu’à mon dernier souffle, je défendrais ma patrie ! … Je ne peux pas la laisser tomber entre les mains de ces nazis !
Elle secoua sa blonde chevelure abondante, ressemblant à des rayons solaires, avant de déposer à ses côtés l’arme.
— … Sinon, continua-t-elle d’un ton plus inquiet, peux-tu me décrire cette collègue ?
La vingtenaire opina du chef.
— Disons que ta collègue est un peu plus grande que je ne le suis, dirais-je un mètre soixante-dix, élégante. Elle a des cheveux brun foncé et des yeux gris. En bref, c’est la femme avec qui tu parlais lorsque j’étais arrivé.
Les yeux de l’amie de l’infirmière extraordinaire s'écarquillèrent, son air sérieux se mut en une expression figée d’horreur, tel le visage de la Gorgone Méduse. Aleksandra Andréïevna affirma, hésitante :
— Ludmila ? La description y correspond et tout particulièrement ta dernière remarque…
— Son patronyme, l’interrogea poliment, confuse, Mélinda.
— Ludmila Mikhaïlovna… De son nom complet Ludmila Mikhaïlovna Pavlitchenko, notre meilleur tireur d’élite.
— Voudrais-tu l’avertir de faire attention lorsqu’elle sera en mission ? souffla-t-elle, pointe de désespoir dans la voix.
La tireur d’élite confirma d’un hochement de tête, ramassa rapidement son arme qu’elle transporta sur son épaule droite et fit quelques pas à sa droite. L’infirmière extraordinaire soupira et observa son amie s’éloigner. Le défunt militaire à l’uniforme vert olive apparut à ses côtés, l’effrayant. Les yeux de la vivante s’agrandissèrent en notant les multiples trous des balles sur les vêtements du défunt, ses mains tremblèrent.
— Bonjour, je ne suis point habitué que quelqu’un me remarque ! s’excusa-t-il, esquissant un faible sourire triste. Je ne veux surtout pas vous faire peur !
— Exactement le contraire, grommela-t-elle entre ses dents, ne voulant pas confronter le regard de l’entité invisible.
Et le défunt s’en alla aussi mystérieusement qu’il était venu, lueur d’étonnement dans le regard mêlé à un zeste de culpabilité.
Aleksandra, elle, accourut auprès de la base des avions militaires, espérant reconnaître son frère dans la foule, mais en vain. Elle interrogea sérieusement un collègue de son frère, Nikolaï, qu’elle intercepta en ces termes :
— Nikolaï Vladimirovitch, pouvez-vous m’informer où est mon frère, Micha ?
Se retournant, le grand militaire aux yeux bruns et aux cheveux châtains se retourna en direction de la voix, un large sourire fendit son visage en la voyant, mais ses yeux s'assombrirent en entendant la question.
— Malheureusement, il est au travail, ayant décollé son avion il y a quelques minutes.
Les yeux de la grande blonde couvirent une sourde colère envers elle-même, elle serra les poings de rage, de son impuissance à aider son frère.
— Avez-vous une information importante à lui communiquer ? l’interrogea posément le pilote, l’observant avec attention.
Il jetta un coup d’œil à sa montre.
— … Par contre, faites vite, je dois partir dans quelques minutes.
Il salua d’un geste de la main son collègue Grigori, le fiancé de Maria, qui passa près de lui.
— Qu’il soit prudent… Qu’il soit bien vivant ! …
Elle baissa les yeux pour mieux retenir ses larmes.
— … Je ne veux pas qu’il meurt ! s’exclama-t-elle, lâchant une larme.
Étonné de l’information, yeux écarquillés, pâlissant subitement, Nikolaï afficha un faible sourire poli, comprenant l’inquiétude du tireur d’élite pour son frère. D’un geste courtois, il s’éclipsa avec son collègue pour embarquer dans l’avion. Aleksandra, rêveuse, revint à sa position, espérant que Dieu protégera son frère.
Quelques heures plus tard, en mission, revêtue de branches de camouflage sur la tête et le dos, couchée par terre, observant les environs, parsemés des éclats d’obus des ennemis et des fumées qui s’élèvaient par endroits, obscurcissant la visibilité, l’amie de l’infirmière extraordinaire attendit qu’un ennemi se pointa dans sa ligne de mire. Observant le même paysage verdoyant où aucun souffle d’un doux zéphyr ne venait rafraîchir l’air, elle nota, non loin d’un frêne chétif, une forme humaine, un déplacement imperceptible. Elle visa un nazi, appuyant doucement, mais fermement sur la gâchette, sans la moindre hésitation, sans que sa main ne trembla, le tuant froidement, sous son regard indifférent, devenue résiliente à l’horreur de la guerre. À peine le tua-t-elle qu’elle se sentit soudainement légère. Elle se retourna et constata, à quelques mètres d’elle un tireur d’élite nazi qui riait aux éclats. Son sang se glaça dans ses veines lorsque ses yeux se tournèrent vers son cadavre; son corps mort, qui gît inanimé à quelques pas d’elle. Une sourde colère l'envahissait. Le nazi qu’elle avait assasiné, nul autre que le redoutable et très sombre, Rudolf Reimann, s’avança vers elle et lui murmura à quelques centimètres de son visage crispé :
— Vous avez empêché mon corps de parvenir à conquérir votre pays ! Mais ne me sous-estimez pas, j'y parviendrais en âme ! Est-il exact que vous voulez protéger votre frère et votre amour, non ? Moi, Rudolf Reimann, et mon compagnon d’arme, Adolf Heinrich — celui que vous avez tué — parviendrons à les éliminer !
La tireur d’élite russe blêmit à la menace et, quelques secondes plus tard, son visage s’enflamma sous son ire, ses yeux lancèrent des éclairs, elle éructa, poings serrés, blanchissant ses jointures :
— C’est ce que nous verrons, nazis ! Vous n’êtes pas des hommes !
Elle s’évapora près de Ludmila, cachée non loin de sa position, près d’une tranchée, camouflée par des branches et des feuillages sur son casque et le dos, immobile. La défunte l’influença pour tirer sur le nazi qui riait de sa mort avant de glisser dans la tranchée pour éviter la salve ennemie. Adolf décéda sur le coup, mais son âme s'éleva dans les airs, toujours en riant. Lui et Romano, suivi par Aleksandra Andreïevna, arrivèrent près des avions où Grisha et Mikhaïl Andréïevitch étaient à bord, concentrés à attaquer les ennemis, tout en les évitant.
Rudolf occasionna une perte de contrôle de l’avion soviétique en jouant avec les divers commandes, entraînant l’avion de Grigori à chuter ; Adolf possèda le pilote nazi qui fonça, comme un kamikaze, sur l’avion du frère de la tireur d’élite, celle-ci essaya de posséder son frère pour faire dévier son avion de l’ennemi, mais en vain. Il était trop tard.
Aleksandra Andréïevna, fâchée contre elle-même, particulièrement contre son insuccès de protéger son frère, blessée jusqu’au tréfonds de son âme de son échec, souria tristement à celui-ci. Le pilote, étonné de ne plus être parmi les vivants, lui murmura :
— Sacha, au moins tu es morte en héros !
Il se retourna à droite et à gauche pour constater l’épave de l’avion à ses pieds.
— … Nous sommes des héros ! s’exclama-t-il. Nous pouvons quitter ce monde-ci en paix ! … Nous avons défendu jusqu’à notre dernier souffle notre Mère Patrie ! …
Il se tournait à sa droite, large sourire serein au visage, yeux brillants d’un éclat jamais vu auparavant. Son visage était éclairé d’une lumière surnaturelle où un sourire radieux y apparut.
— … Vois-tu cette lumière oh combien divine ! Viens-tu avec moi ? l’interrogea-t-il, euphorique.
Tournant sa tête à gauche, elle nota les deux nazis qui riaient bruyamment et méchamment.
— Je la perçois bien cette Lumière, qui est très belle, rêvassa-t-elle en tournant sa tête à sa droite… Mais je ne la rejoindrai pas maintenant, mon travail m’appelle, frère ! Nous nous reverrons dans l'au-delà ! Je règle le cas de ces deux nazis et je te rejoins ! Promis ! Je ne pourrais partir sachant qu’ils rôdent, même défunts sur notre terre !
Haussant les épaules, le pilote soviétique répliqua en riant doucement :
— Incorrigible Sacha ! Dans tous les cas, je pars ! À la prochaine, ma sœur !
Il donna une accolade fraternelle à la jeune tireur d’élite, rayonnant de joie à la vue de cette pure lumière blanche, divine. Il disparut progressivement de la vue de sa sœur engouffré par la Lumière.
Lâchant une larme de joie, Aleksandra Andréïevna murmura, frappée d’une soudaine réalisation, livide :
— Finalement, mon travail est des plus inutiles ! …
Elle s’emporta contre elle-même, lueur sombre dans ses yeux clairs, sourcils froncés, mains ramassées en poing.
— … Cette canaille nazie est plus redoutable morte que vivante ! Je dois faire réaliser cette constatation à ma collègue Ludmila Mikhaïlovna avant qu’il soit trop tard !
Le défunt tireur d’élite disparut de l’endroit de la chute des avions. Grigori, lui, rejoignit sa fiancée, très attristé qu’il ne puisse la marier.
Le lendemain matin, la petite infirmière élégante aux cheveux brun clair et aux yeux marron se rendit près d’un soldat blessé. Arrivée dans l'embrasure de la porte de la chambre, elle discerna une forme familière. Elle s’approcha de celle-ci, incertaine de son identité, et reconnut Aleksandra Andréïevna, son amie le tireur d’élite aux yeux bleu-gris. Elle retint un cri de frayeur, ses mains tremblèrent, ses yeux devinrent aussi grands que ceux de la chouette et demeura coite, la fixant.
Après quelques minutes d’un silence oppressant, la jeune femme extraordinaire chuchota d’une voix chevrotante et faible, entrecoupée de sanglots :
— Sacha… Mon rêve s’est… malheureusement… réalisé… Snif…. Et ton frère, est-il encore… parmi les vivants… ou non ? …
Elle essuya des larmes et leva ses yeux rougis vers sa défunte amie.
— Qu’en est-il… de Ludmila Mikhaïlovna ?
— Macha est défunt, de même que le co-pilote et l’autre avion en mission. Au moins notre tireur d’élite est vivante… Je l’ai possédée pour qu’elle tue mon meurtrier qui ne fait que rire ! Par contre, les deux salauds nazis sont encore des esprits errants ! Je dois veiller au grain ! L’ennemi guette ! Je ne peux encore partir tant qu’ils rôdent dans les parages !
Sur ces paroles, elle s’estompa de la salle, laissant son amie très angoissée. S’occupant du blessé, elle ne percut pas que les deux nazis l'observaient de dos. Dès qu’elle termina avec ce patient, elle continua son travail d’infirmière, tout en aidant quelques esprits errants des militaires à accomplir leur dernière volonté lorsque possible.
Quelques heures plus tard, le tireur aux yeux gris, Ludmila Mikhaïlovna, camouflée derrière un arbre, visea froidement un nazi à quelques mètres d’elle. Au moment de tirer, Rudolf Reimann et Adolf Heinrich se manifestèrent près de la militaire soviétique, l’influençant pour qu’elle rata son tir de peu. Aleksandra Andréïevna, à la droite de sa collègue, essayea de l’influencer pour qu’elle se cacha avant que le nazi ne la repèra, mais elle n’était pas suffisamment rapide et était grièvement blessée. Grimaçant sous la douleur, elle se traîna avec difficulté derrière l’arbre. Les deux esprits errants nazis, matérialisés à la gauche de la militaire soviétique depuis peu, riaient aux éclats, certains qu’elle mourra sous peu. La défunte collègue, en un clin d’œil, informa son amie de la localisation de la blessée. Milena, angoissée, suivie de son mari, accoururent jusqu’à Ludmila Mikhaïlovna. Cette dernière, entre-temps retirée du champ de bataille par un collègue, était prise en charge par des médecins. Parcourant rapidement le couloir, ne laissant pas les nombreuses chambres aux murs blancs accrocher leur regard, le couple arriva jusqu’au tireur d’élite, angoissé pour sa survie.
La petite brunette extraordinaire remarqua le sourire narquois du nazi et le rire bruyant de son accolyte dans un coin de la petite pièce, glaçant son sang dans ses veines, ne lui augurant rien de bon. Se penchant au-dessus de la blessée, yeux agrandis de terreur, traits figés, elle vérifia rapidement l’état de santé de Ludmila Mikhaïlovna qui l’inquiétait, son cœur battait faiblement, sa respiration était saccadée. Milena décida de rester à son chevet pour veiller sur elle et surtout pour avoir à l’œil les deux nazis.
Au milieu de la nuit, l’infirmière extraordinaire se réveilla, attendu par son amie qui l’observait, larmes aux yeux, voix tremblante :
— Milena, tu avais raison… malheureusement, raison…
Intriguée, encore endormie, elle tourna la tête vers l'illustre collègue de sa défunte amie pour constater qu’à la droite du tireur d’élite était son âme, désorientée, observant son entourage. Lorsque les regards se croisèrent, Ludmila Mikhaïlovna interrogea Milena Tomanovna, voix blanche, lueur d’incertitude dans le regard malgré elle :
— Vous me voyez ? …
Son interlocutrice approuva simplement d’un geste de la tête.
— … Pourquoi… vois-je ces deux nazis là-bas ? …
Tournant sa tête à droite et à gauche, elle constata les esprits errants des nazis qu’elle avait tués.
— … Et tous les autres dans l’ombre !
Elle désigna d’un geste de la main les deux nazis tapis dans l’ombre et la multitude d’esprits errants des tireurs d’élite et militaires ennemis défunts.
— Vous n’êtes plus parmi les vivants, l'informa, larmes aux yeux, l’infirmière. Raison pour laquelle vous les voyez !
Aleksandra Andréïevna, non loin de Ludmila Mikhailovna, affirma d’une voix forte :
— Collègue, vous pouvez encore revenir dans votre corps, non ?
— La petite tireuse d’élite, les narguait Rudolf Reimann, bras croisés en-dessous de la poitrine, sourire triomphant au visage, sortant des ténèbres, vous pouvez nous tuer et empêcher nos corps d’arriver sur vos terres, mais nos âmes sont invincibles ! Vous ne pouvez pas tuer des esprits ! Ha ! Ha ! Drang nach Osten !
Son comparse approuva d’un geste de la tête, sourire narquois imprimé au visage.
— C’est ce que nous verrons ! s’emporta Aleksandra Andréïevna, fulminant de rage, poings serrés, visage rouge de sa colère qui bouillait en ses veines. …
Elle avança vers le nazi, lueur de détermination dans le regard, prête à en découdre avec lui.
— … N’oubliez que je suis défunte et que je ne cède aucun millimètre de ma Patrie à vous, sales nazis ! Je ne partirais pas tant que vous êtes sur mes terres ! Et il y a plusieurs valeureux militaires qui se joindront à moi !
L’âme de Ludmila revint rapidement dans son corps, guère intéressée à engager un corps à corps avec les défunts nazis. Ouvrant les yeux, elle murmura :
— Les morts sont toujours là ! Mes ennemis sont encore plus dangereux ! Et mon travail est vain ! se lamenta-t-elle.
— Ludmila Mikhaïlovna, lui ordonna sévèrement Milena Tomanovna, reposez-vous ! Dormez-bien ! Ne vous épuisez pas, il faut ménager vos forces ! Vous réfléchirez à tout cela demain !
Elle obéit et s’endormit rapidement. Milena observa, terrorisée et tétanisée, la guerre des esprits qui se livrait sous ses yeux. D’un côté, les défunts nazis et de l’autre côté, les soviétiques décédés. Les nazis, essayant de semer un souffle de désespoir parmi les Soviétiques, par des coups d’images horribles des morts de la guerre, ne parvenaient qu’à l’effet contraire. Augmentant la froide colère des Alliés, ceux-ci , unis par leur idéal de défendre la Patrie, attaquèrent les nazis en corps à corps, ne se laissant pas décourager par les attaques perfides de l’ennemi.
Alors que la lutte des esprits devint plus âpre, Nikolaï Vladimirovitch se manifesta à la droite de la défunte militaire soviétique et amie de l’infirmière extraordinaire, l’aidant à battre le défunt nazi responsable de sa mort, lui glaçant son rire dans la gorge lorsqu’il l’empoignit par le collet pour le jeter loin de sa compatriote comme il l’aurait fait avec un sac de pommes de terre. Le défunt pilote murmura froidement à l’oreille d’Adolf Heinrich avant de l’éloigner du défunt tireur d’élite :
— Nazi, éloignez-vous, même esprit, de nos terres ! Tenez-vous très loin de notre Patrie ! Que le Diable vous emporte ! Si vous ne voulez pas que j’appelle du renfort !
Ses yeux n’étaient plus moqueurs, mais une frayeur innommable se lisait en eux, battant des mains pour se défendre, mais en vain, le visage du nazi perdit de ses couleurs en rencontrant le regard sévère du Russe. Aleksandra Andréïevna, épuisée, se battait depuis quelques minutes avec Rudolf Reimann, mais elle continua inlassablement à vouloir le terrasser à terre.
Le nazi, à quelques milimètres du visage de l’amie de Milena Tomanovna, lui cria, triomphant, lueur de fierté dans ses sombres yeux :
— Seriez-vous si arrogante lorsque je vous mettrais à bas dans quelques secondes ? Reconnaissez que je vous ai battu à plate couture… De même mes compatriotes vous vaincront !
Reprenant son souffle, lueur d’angoisse dans ses yeux clairs qui lancèrent des éclairs, elle rétorqua amèrement :
— Peut-être que la victoire de courte durée est la vôtre, mais elle ne saurait être éternelle ! Je ne le permettrais pas ! Ni mes compatriotes, ni moi !
— Où est la grande militaire, terreur de nos rangs ? Vous avez perdu, reconnaissez-le ! termina le nazi avec une pointe d’ironie dans la voix, large sourire au visage.
— Ne criez pas trop tôt votre victoire ! affirma une voix masculine harmonieuse derrière le dos du nazi, l’immobilisant d’un geste.
Le tireur d’élite tourna sa tête en direction de la voix et reconnut le grand et élégant militaire aux yeux gris et aux traits sévères, son collègue Anatoli Arkadievitch Gromov. Un large sourire illumina le visage d’Aleksandra Andréïevna et cette dernière s’exclama :
— Anatoli Arkadievitch, mon collègue ! Vous êtes encore parmi nous !
L’interpellé lui souria, terrassant aisément le défunt ennemi.
— Oui, je ne peux pas quitter mon poste alors que notre terre est en danger. Maintenant, Aleksandra Andréïevna, avec nos compatriotes présents, il faut chasser nos ennemis ! …
Il se tourna à droite et à gauche.
— … Venez mes frères et camarades ! s’exclama-t-il d’une voix de stentor. Maintenant, nous avons même moins à craindre nos ennemis ! Nous sommes les plus forts, puisque unis par-delà la mort pour défendre notre Mère Patrie du nazisme ! Nous n’avons rien à perdre !
Plusieurs esprits errants soviétiques se manifestèrent dans la petite salle. Milena Tomanovna, effrayée des combats entre esprits, soupira, yeux écarquillés de frayeur, veillant sur Ludmila Mikhaïlovna.
En rang, d’un côté, en face du lit sur lequel reposa Ludmila Mikhaïlovna, les nazis étaient prêts à en découdre avec les défunts Soviétiques. Ces derniers, en rang devant le lit de leur compatriote, réchauffaient leurs bras et jambes pour en venir au corps à corps avec leur ennemi, poussant un cri de ralliement. Rapide comme la lumière, les deux armées des défunts s’affrontèrent férocement, chacun désireux de terrasser leur ennemi, lueur de folie pour les nazis et lueur de détermination féroce pour les autres. Le tumulte des combats parvenaient aux oreilles de la femme extraordinaire qui ne comprenait plus la bataille des esprits, tellement les uns et les autres se mêlèrent, l’empêchant de suivre la progression des corps à corps entre esprits, tous en uniforme militaire. Lorsqu’un Soviétique était terrassé par l’ennemi, un compatriote battait à plate couture le nazi et vice-versa. Le combat, de courte durée, se solda par la victoire des compatriotes de la tireur d’élite alitée. Les Soviétiques réduisirent à néant les soldats nazis dans la salle. Ceux-ci disparaissaient sous la terre lorsqu’ils remarquèrent leur impossibilité à vaincre leurs ennemis plus nombreux et déterminés qu’eux. Lorsque tous les esprits errants quittèrent la chambre, l’infirmière extraordinaire put enfin fermer les yeux de la nuit, savourant un sommeil réparateur qu’elle recherchait depuis le début de la nuit.
Le lendemain matin, Milena s’occupa de la blessée sous le regard attentif de sa défunte amie et de Nikolaï Vladimirovitch qui étaient en garde-à-vous dans un coin de la salle. Une heure après le petit-déjeuner, Ludmila Mikhaïlovna ouvrit les yeux et affirma sérieusement, traits tendus, yeux plissés :
— Ainsi, je tue ces nazis pour rien ! Les 309 ennemis bien morts et enterrés, qui ont laissé leur corps sur nos terres, continuent à vivre en tant qu ' esprits ! Ils sont toujours vivants ! Suis-je devenue folle ?
Elle tourna sa tête vers l’infirmière, lueur d’angoisse dans son regard.
— Non, lui répondit fermement Milena Tomanovna, vous n’êtes pas folle. Vous avez quitté votre corps pour un petit laps de temps, vous n’étiez qu’esprit sans attache au corps. Ce qui vous a permis de percevoir ces défunts. Je le sais, j’ai veillé sur vous et je vois les esprits errants !
Confuse, la tireur d’élite se retourna et l’observa longuement, lueur de méfiance dans le regard, visage de marbre, avant de reprendre son monologue.
— Au moins, affirma-t-elle lueur de fierté dans le regard, poitrine soulevée de joie, ils n’entreront pas physiquement ! …
Sa mine s’assombrit.
— … Mais ce ne peut être la solution ! Je suis trop connue et redoutée de mes ennemis ! …
Mine pensive, réfléchissant, un petit sourire s’afficha sur son austère visage.
— … Je vais me retirer du champ de bataille ! … Bien sûr, je ne serais pas inactive ! J’apprendrais le métier de tireur d’élite aux autres ! Il faut défendre sa patrie à tout prix ! Il faut éliminer les nazis, ces monstres !
Un petit sourire se dessina sur le visage des deux esprits errants, toujours en garde-à-vous à l’entrée.
— Félicitation collègue, commenta l’amie de l’infirmière, de votre bon choix ! Bien qu’incorrigible patriote et soldat ! Je pourrais enfin partir en paix, n’est-ce pas Nikolaï Vladimirovitch ?
L’interpellé opina du chef, tournant sa tête à droite, sourire radieux et illuminé d’une joie que Milena Tomanovna ne lui avait jamais vue. L’épouse de Iakov Alekseïevitch lâcha une larme de joie, malgré elle. Les deux esprits errants, ravis, remercièrent d’un geste de la main l’infirmière extraordinaire et exécutèrent quelques pas de danse pour exprimer leur joie. Leurs yeux brillaient, leur visage avait un éclat particulier, un air rasséréné.
— Aleksandra Andréivna, entendez-vous le doux son de la balalaïka dans cette Lumière ?
— Oui, je l’entends, répondit-elle, émue. Faisons quelques autres pas de danse ! Acceptez-vous ?
Et les deux esprits errants exécutèrent quelques pas de danse traditionnelle dans la petite salle, sous le regard éberlué de la jeune médium. Ils quittèrent le monde des vivants heureux, se dirigeant vers la douce lumière d’une blancheur virginale, main dans la main, jusqu’à être enveloppés par elle. La jeune infirmière extraordinaire lâcha une larme de joie malgré elle et continua son travail auprès des vivants et des défunts, rassurée que Ludmila Mikhaïlovna soit en vie et en sécurité.