Jusqu'à la dernière chance

Chapitre 3 : Troisième et dernière chance inespérée

Chapitre final

2557 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 28/09/2024 13:51

Troisième et dernière chance inespérée



En ce sept novembre deux mille huit, dans le salon du chalet où le mariage de son amie Tricia est prévu, Jim s’assoit sur l’un des canapés brun foncé, revenant d’une discussion avec le fiancé de celle-ci, Hunter Clayton, prenant un verre d’eau en attendant son épouse. Il observe la petite table basse en cerisier qui trône devant les canapés et la salle éclairée par la lumière naturelle, ajoutant un air accueillant à l’endroit. Il a la sinistre pensée d’avoir déjà assisté à ce scénario, et que la conclusion lui connue, étant tragique. Il espère qu’il cessera de provoquer le Destin, parce qu’Il n’est pas un régisseur qui se complaît à donner trop de chance. Il a l’impression qu’il joue sa dernière chance. Il se promet d’être vigilant. Il sourit en espérant non seulement que Mélinda, son épouse, ait réglé le cas de l’esprit errant qui suit son amie, mais aussi qu’il s’en sortirait vivant. Celle-ci, une petite brunette aux yeux marron habituellement pétillants, assombris par l’inquiétude qui s’y lit en eux, avance vers lui, croisant ses yeux bleus coruscants étonnés.

— Mél, qu’est-ce qui préoccupe autant ton esprit ? l’interroge-t-il, même s’il connaît déjà la réponse.

L’interpellée tourne sa tête à droite, fixant le vide pendant quelques secondes avant de répondre d’une voix blanche : 

— Tu le sais, c’est le petit garçon, ami d’enfance de Tricia, qui vient nous poser une énigme… Owen Grace… Les indices sont au nombre de quatre, à savoir…

Elle énumère avec ses élégants doigts les indices, tout en tournant la tête vers Tricia qui rejoint la chuchoteuse d’esprits, élégant visage devenu sérieux, yeux agrandis d’angoisse. Son mari l’écoute par politesse, malgré qu’il sache déjà les indices, leur signification et la conclusion, ce qui l’étonne lui-même.

— … Une pomme (apple), une corde (rope), un pic à glace (ice pick), des sangsues (leeches), des fourmis (ants), les lettres Bob écrites sur un miroir, un médaillon où les initiales RL sont gravées et une photographie d’enfance où deux garçons de douze ans, Robert Langowski et Christopher Murray, y sont…

La fiancée qu’est Tricia est une grande et élégante femme aux yeux marron, aux longs cheveux noir comme ébène qui retombe en cascade sur ses épaules et dans le creux de son dos et a un teint naturellement hâlé. Elle agite ses longs et fins doit bien soignés pour prendre un verre d’eau avant de s'asseoir et de promener son regard entre le couple. De l’autre main, elle ajuste sa robe blanche. La femme extraordinaire continue d’une voix tremblante, le souffle court, la main tremblante, ses traits se tendent.

— … Et je ne comprends guère comment trouver une interprétation de ce jeu enfantin… Et Owen Grace ne veut pas nous aider ! J’ai l’impression qu’il est important de trouver la clé du jeu pour aider Tricia et cet esprit errant !

Jim se lève et s’approche de la brunette pour être à ses côtés, lui tenant tendrement sa main en signe de soutien et pour calmer momentanément son angoisse montante.


Un silence assourdissant et lourd s’installe entre eux pendant quelques minutes qui semblent une éternité pour tous. Soudain, le grand homme aux yeux bleus céruléens tousse fort et prend la parole : 

— Mél et Tricia, je viens de discuter avec Hunter Clayton et son ami Christopher Murray et j’ai appris des informations intéressantes et quelque peu intrigantes ! 

Il se gratte le menton, perplexe, lueur de méfiance dans le regard. Les deux interpellées le fixent, intriguées, malgré qu’une lueur dans leur regard laisse croire qu'elles savent.

— Et qu’y a-t-il de si étrange dans leurs propos ? l’interroge Tricia en murmurant de sa douce voix mélodieuse.

— Disons qu’ils tiennent des propos contradictoires… Ton fiancé, lorsque tu nous l’avait présenté en arrivant à la boutique d’antiquités de mon épouse pour les meubles, affirme détenir un diplôme en Économie de la Harvard Business School en 2004… Et aujourd’hui, en discutant un peu avec lui, il affirme qu’il obtient ce même diplôme en 2006… 

Il fixe son amie.

— … Étrange, non ? …

Elle ouvre et referme la bouche d’étonnement pour répliquer, mais un silence n’en sort. Elle demeure coite, les yeux agrandis d’étonnement et d'incrédulité.

— … Peu importe l’année qu’il termine ses études, continue-t-il, ton fiancé ouvre un restaurant avec son ami, Christopher Murray en décembre 2006, l’Axiom Steakhouse

— Oui, réplique Tricia, sourcils froncés, lèvres devenues un mince filet, ne comprenant pas où son ami d’enfance veut en venir.

— … Et ce restaurant est introuvable ! Je l’ai cherché dans l’annuaire du téléphone, mais en vain ! Et même mon ami de la police, l’inspecteur Carl Neely, m’a confirmé, après enquête, sur le cas de Hunter Clayton et de Christopher Murray… Mais avant analysons les indices laissés par Owen Grace.

Les deux femmes le fixent, intriguées de son assurance et de ses paroles, clignant des yeux. L’ambulancier est lui-même étonné de savoir ces informations. 

— La photographie d’enfance est l’indice ultime, en plus du surnom écrit sur le miroir, Bob, et le médaillon aux initiales, RL. Ces deux indices réfèrent à Robert Langowski. 

— Jim, tu as raison… commente son amie, Mais quel rapport avec les autres indices et mon mariage ? …

Elle soupire, baisse ses sombres yeux sur ses mains.

— … Le point commun est Christopher Murray, continue-t-elle, malgré que Jim l’écoute distraitement, ayant un sentiment de déjà-entendu… Ami d’enfance de Robert Langowski et associé de mon fiancé, en plus d’être son garçon d’honneur… Mais quel rapport avec Hunter ?

— Simple ! lui réplique l'homme aux yeux bleus. Hunter Clayton est un pseudonyme de Robert Langowski. Ni Christopher Murray, ni Robert Langowski n’ont étudié à la Harvard Business School et le restaurant est fictif ! Tout comme l’identité de Hunter Clayton ! Sans oublier qu’ils sont des escrocs poursuivis pour détournement, connus pour se marier avec des femmes riches pour s’accaparer de leur biens et argent. Robert Langowski n’est-il pas ce méchant garçon de ton enfance ?

Tricia et Mélinda s’entr’observent, déconcertées par la rapidité de la conclusion de Jim. Elles demeurent silencieuses pendant quelques minutes le temps de saisir adéquatement les informations et leurs conséquences. Tricia observe attentivement la photographie, réfléchissant à la conclusion, approuvant d’un geste de la tête les propos de son ami.


L’antiquaire extraordinaire se lève, fixant le vide, yeux agrandis d’étonnement, et murmure : 

— D’accord Owen Grace, j’arrive ! …

Se tournant vers Tricia et vers Jim en affichant un faible sourire. L’ambulancier pense : « Encore une fois, l’esprit errant d’Owen Grace qui montrera sans doute à ma femme dans une vision sa triste fin… Pauvre Mélinda ! »

— … Je m’excuse de ne pas m'être concentrée sur vos paroles, mais l’esprit errant veut que je vienne près de la rivière… Il veut m’expliquer la cause de son décès ! Je vous laisse !

Elle s’approche du grand homme pour se hisser sur la pointe des pieds et l’embrasse chastement sur les joues et s’éclipse du salon. Celui-ci l’observe jusqu’à ce que son élégante silhouette disparaisse de sa vue.


— Tricia, ne trouves-tu pas que le petit Robert Langowski ressemble à ton fiancé, non ?

— Mais, c’est impossible ! murmure-t-elle, secouant sa tête, niant l’évidence. Mais c’est vrai qu’il y a une ressemblance !

— Il est normal, puisque nous sommes en présence du même individu ! Mais revenons aux indices de l’esprit errant !

Il fixe la fiancée et lui affirme sérieusement, donnant un frisson dans son dos.

— Une corde (rope), un pic à glace (ice pick), des sangsues (leeches) et des fourmis (ants) permettent de former le mot menteur (liar)... Ton fiancé est un menteur depuis le début de ta relation, ne voulant te marier que pour ton argent !

La fiancée blêmit, atterrée par la conclusion, puis, quelques secondes plus tard, ses yeux couvent une sourde colère, colère envers elle-même et son aveuglement. Son visage s’enflamme de la soudaine réalisation. Elle explose : 

— Et ainsi, mon fiancé, hurle-t-elle, serrant les poings dans sa rage, retenant néanmoins des larmes, est le pire des menteurs ! Il aurait volé tout mon argent le lendemain du mariage ! 

Elle se lève de son siège et fait les cent pas dans le salon. Soudain entre en trombe Mélinda, souffle court, épuisée de sa course, regard alarmé, traits tendus, clairement angoissée. Son mari l’invite à s'installer et à prendre une gorgée d’eau avant de dire quoique ce soit. Tricia calme un peu sa colère et revient à sa place, intriguée de l’attitude de l’épouse de son ami.

— Jim, Owen Grace est mort en voulant traverser la rivière, parce que Christopher et Robert, alors enfants, ont coupé la corde… affirme-t-elle dans un souffle. Et ce même Robert est le fiancé de Tricia sous un pseudonyme… Autrement dit, Hunter Clayton est Robert Langowski.

— Mél, nous sommes exactement arrivés à cette conclusion il y a quelques secondes ! s’exclame-t-il.

La fiancée a l’impression que le ciel lui tombe sur la tête à la suite d’autant de révélations sur celui qu’elle mariera dans cinq heures. Mais elle doit reconnaître la vérité tellement évidente. Plus elle réfléchit à la conclusion, plus elle se rend à l’évidence des mauvaises intentions de son fiancé. Ses yeux lançant des éclairs de colère elle affirme d’une voix puissante : 

— Jim et Mélinda Clancy, j’annule mon mariage ! Je cours de ce pas avertir ce menteur de quitter le chalet familial !

Elle sort en trombe du salon pour aller à l’extérieur où Hunter et Christopher discutent et rient avec des invités, insouciants du jeu de l’esprit, ni de la vérité dévoilée. La fiancée est rapidement suivie par le couple. 

S’arrêtant devant l’escroc, elle lui hurle : 

— Hunter Clayton, ou plutôt Robert Langowski, j’annule notre mariage !

L’interpellé blêmit, ses traits s’affaissent, une lueur de panique brille dans ses sombres yeux avant de lancer des éclairs en direction du couple derrière Tricia. Le regard du fiancé est rempli de plus de haine qu’auparavant, n’étonnant nullement Jim.

— Mais Tricia, ma chère, susurre-t-il dans un ultime effort de la faire changer d’avis, quelle mouche t’a piquée ? 

Aucune ! Et partez immédiatement !

Il serre les poings de rage et une moue se dessine sur son visage.

— Pourquoi ce coup de tête soudain ?

— Mes amis et connaissances m’ont aidé à te démasquer, escroc ! Voleur et menteur !

L’ancien fiancé darde son regard, dans lequel une sombre haine couve à peine dissimulée, sur le couple. Il dépasse Tricia et murmure, en passant près de la femme extraordinaire, sur un ton menaçant, d’une voix rauque : 

— Mélinda, vous paierez cher pour gâcher le plus jour de ma vie !

L’interpellée pâlit considérablement, ses yeux s'agrandissent à la menace sous entendue 

— Robert Langowski, réplique amèrement Jim, couroucé, n’osez pas menacer ma femme ! Quittez ce lieu immédiatement, si vous ne voulez pas que j’appelle la police.

Étonné, les yeux sombres de l'escroc deviennent plus grands. Il s’éclipse d’un pas rapide, accélérant le pas jusqu’à ne plus être visible. Jim, inquiet, serre son épouse contre lui.



Quelques heures plus tard, le couple a rangé les meubles prévus pour la cérémonie annulée. Une fois que Jim a déposé les tables dans la voiture, il range les chaises pliantes non loin d’une petite cabane en bois. L’édifice, adjacent à la demeure principale semble vide de toute vie, hormis une lumière qui attire le regard de l’ambulancier. Curieux, se souvenant de la présence du fiancé ivre et armé d’un fusil de chasse et de la blessure involontaire de l’inspecteur et du fiancé, il se ravise et cherche son cellulaire dans l'automobile. Voyant le numéro de la boutique de son épouse sur l’afficheur, il répond, mine inquiète, voix tremblante : 

— Qu’y-a-t-il Mél ? Un danger ?

— Owen Grace, panique son épouse d’un ton alarmé, m'avertit d’un danger… Le fiancé est armé !

— Je le sais, Mél. Tu n’as pas à te faire de souci, j’appelle immédiatement Carl Neely et je ne souhaite pas confronter le fiancé ! 

Il raccroche et appelle Carl Neely. Ce dernier répond à l’appareil.

— Carl Neely, viens immédiatement au lac Merton.

— Une situation dangereuse ? l’interroge, intrigué, l’agent de l’ordre.

— Oui, l’ancien fiancé de mon amie d’enfance est dans une cabine, ivre et armé ! Il a la ferme intention de tirer sur moi de dépit ! Alors dépêches-toi !

— J'arrive, maintenant !

Le policier, en quelques heures, est sur place, mobilisant une escouade de collègues. Les agents de l’ordre procèdent à l’arrestation de l’ancien fiancé et Jim, après l’interrogatoire d’une heure,  revient dans la voiture avec les chaises, en direction de la boutique de son épouse, rangeant les derniers meubles.


Arrivé dans la boutique d’antiquités, Jim, large sourire au visage, rayonnant de joie, lueur d’espoir dans le regard, n’a aucun mot pour décrire l’euphorie d’être encore parmi les vivants. Il loue le Ciel, Dieu et Ses Anges pour ces chances inespérées. Définitivement, lui, Jim Clancy, est comme un chat, il a sept vies, avec plusieurs cartes de joker en réserve. Il n’a pas oublié cette sensation de ne plus être vivant, d’être un esprit. Belle sensation de délivrance, mais il préfère encore être sur Terre auprès de son épouse pour de nombreuses années. Mélinda, ravie, l’enlace, lâchant une larme de joie.


Aux cieux, l’Archange Michel secoue sa chevelure dorée, ravi que le mortel n’ait pas répété pour une troisième fois la même erreur, sinon, il ne pourrait plus lui faire répéter cette même boucle temporelle. Il y a une limite à provoquer le Destin et à intervenir dans les affaires des hommes, surtout lorsqu’il faut se préparer à l’imminence du combat contre le Dragon*.




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*Allusion à Bible, Ap. 12,5.

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