Rencontres entre Dieux, esprits et mortels
Chapitre 10 : Révélation et affrontement ultime
3019 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 05/12/2023 01:21
Par une journée ensoleillée de mai 2007.
Jim Clancy, à trente-deux ans, est un heureux père de famille. Sa femme, Sophie Lefort-Clancy, vingt-neuf ans, est une bonne passeuse d'âmes et une bonne femme au foyer. Elle s'occupe avec sérieux de la maisonnée. Ils sont les parents d'une fillette prénommée Maria, âgée d'un mois.
Carl Neely, content de s'être remarié malgré sa réputation de coureur de jupons divins. Il est comblé, après autant d'épreuves. Il serre la main droite de Sam Blair-Neely. Le couple déambule dans le marché. Ils laissent leur fils, Jean, âgé de trois mois, avec sa nourrice, Athéna. La Déesse a accepté de prendre soin du bébé, en se promettant d'en faire un bon guerrier intelligent, supérieur à Achille.
Richard Payne, dans son salon, est penché sur la feuille sur laquelle il a retranscrit la huitième énigme du Cahier d'Octavius Hewitt, le grand-père paternel d'Elizabeth Hewitt... Soudainement illuminé du sens de l'énigme, il en est abasourdi... Il ne peut pas y croire, mais il se rend à l'évidence... En tous cas, tous les récents événements confirment l'allure prophétique de l'énigme. Il court jusqu'à la maison du couple Eastman et frappe doucement à leur porte; Paul Eastman, intrigué de sa présence, lui ouvre la porte et lui demande la raison de sa visite. Le passeur d'âmes remarque que le professeur est accompagné par l'esprit errant qu'est devenue son épouse Kate Payne.
Richard Payne lui répond qu'il a enfin compris le sens de l'énigme d'Octavius Hewitt.
Paul l'invite au salon. Le professeur est assis sur un canapé face au couple, qui écoute avec attention ses propos.
Richard Payne dit : « Je ne veux pas vous inquiéter pour un rien, mais si nous reprenons du début l'énigme de votre grand-père, Madame Hewitt-Eastman, voici le sens que j'ai trouvé... Le premier vers dit qu' «un jour les tièdes tourneront comme des girouettes». Il s'agit clairement de changements importants parmi des gens de notre village... Ensuite, «lorsque les ennemis arriveront, sortant de leurs cachettes», il est question des Titans qui sortent de leurs bunkers et des monstres de leurs laboratoires, c'est-à-dire de l'Hydre, des Gorgones, des Harpies, des Sirènes, de la Chimère, des Oiseaux du lac Stymphale, des champignons hallucinogènes ou mortels de la forêt, des Amazones, des Valkyries, du Minotaure, de la descente aux Enfers... Ça fait onze épreuves... En tous cas, ceci concorde aussi avec les propos de Claúdios-Eratosthénês, le fils astrologue de Carl Neely, qui nous a bien dit il y a quelques années, que nous connaitrons douze épreuves. De sorte qu'il ne manque que la dernière, qui est probablement annoncée par l'énigme... Ensuite, elle se poursuit avec les termes suivants: «La Femme Noire et la Lierre s'envoleront, à la tombée de la nuit, comme des chouettes». Ce vers signifie que Mélinda Irène et Ivy Mary, vos propres filles, ont acquis une sagesse, l'une par la voie de l'occulte (pour la Sombre Mélinda), l'autre par l'alcool (pour la Lierre Ivy, ce qui est très dionysiaque). Elles ont connu une régénération spirituelle, mais dans son sens négatif, en étant possédées par des sombres esprits, ce que vous pouvez me confirmer... »
Paul et Elizabeth Eastman hochent discrètement de la tête.
Le policier commente : – En parlant de changement, il ne faut pas oublier Gabriel Gordon, qui, depuis la mort de sa femme, est devenu un bon passeur d'âmes... Il connait un changement dans son sens positif...
Richard Payne poursuit volubilement son explication : « Merci, j'ai en effet oublié ce détail... Ensuite, «elles seront vaincues par l'Ange et par l'Homme de l'Est»... Où l'Ange désigne clairement Gabriel, quand à l'Homme de l'Est, je pense qu'il s'agit de quelqu'un de la famille Eastman, c'est-à-dire soit vous, Monsieur Paul Eastman, ou encore l'un de vos petits-fils, Aiden Clancy, Francis Clancy, Andrew Grafton, ou encore l'un des demi-dieux de vos filles, Hector-Paul ou André-Samuel... À moins que ce soit une combinaison de tous ces candidats... Seuls les Moires et Dieu le savent ! »
Elizabeth Hewitt-Eastman commente : – Votre explication fait du sens...
Le professeur poursuit : « Ensuite, le texte de votre grand-père dit «Car l'Homme viril prêtera sa force, malgré le Grand Test.» L'Homme viril, c'est notre Carl Neely, qui a connu le Grand Test d'être coureur de jupons immortels, pour citer les rumeurs. Ensuite, «il sera le protégé du Dieu du Sud-Ouest», ce qui signifie que Carl Neely est le protégé d'Apollon, depuis qu'il a des visions à distance. Du Sud-Ouest, car notre village est au Sud-Ouest de Delphes. Je détiens cette information de Lachésis... Au vers suivant, il est dit que «l'Ange étonnera beaucoup la Femme Noire et la Lierre,» autrement dit, Gabriel a étonné Mélinda Irène et Ivy Mary lorsqu'il a changé de camp... Ensuite, la Femme Noire et la Lierre «chercheront par tous les moyens, au milieu de la Guerre,» c'est-à-dire une nouvelle Titanomachie (qui aurait pu éclater, mais qui n'est pas encore arrivée)... Ces femmes chercheront à faire disparaître l'Homme viril, ce qui est vrai, car Carl Neely a failli plusieurs fois mourir en raison des coups bas de vos filles et des autres traîtres... Voilà pour l'énigme ! Donc, je déduis qu'il ne reste qu'un affrontement ultime entre vos filles, Carl Neely et Gabriel Gordon... C'est sans doute la dernière et douzième épreuve de notre champion... Je peux simplement conclure avec l'expression. Fortuna humana fingit artatque ut lubet (Le destin tourne et retourne selon son caprice les affaires des mortels). Que pensez-vous de ma conclusion ? »
Paul et Elizabeth s'entr'observent pendant quelques minutes puis disent à l'unisson : « Nous sommes d'accord avec votre conclusion ! »
Le policier ajoute ensuite : – Et il faudrait en avertir Carl et Gabriel... Ça sent un duel épique...
Richard Payne hoche de la tête. Il remercie le couple de l'avoir écouté puis sort de leur maison.
Le professeur court pour avertir Carl Neely. Ce dernier a congé et profite de sa journée avec sa chère Sam Blair-Neely. Le policier comprend que sa dernière épreuve est un duel avec Mélinda Irène Eastman et Ivy Mary Eastman-Grafton. Il soupire, mais il sait qu'il n'a pas le choix. Il doit jusqu'au bout prouver sa virilité et combattre le Mal.
Carl Neely embrasse Sam Blair pour s'encourager. Elle lui rend ses bisous en signe d'encouragement. Il est bien décidé à se préparer à ce duel. Duel contre des anciennes amies devenus ses ennemis... Mais le policier s'assure de faire des exercices.
Gabriel Gordon est aussi informé du prochain duel et se prépare en conséquence. Carl Neely lui a même appris quelques techniques policières de maîtrise d'homme armé. C'est toujours utile dans un duel. Les sœurs Eastman, possédées par de sombres esprits, révisent leurs tactiques de combat qu'elles ont appris lors de leur entraînement militaire il y a quelques années...
C'est Richard Payne qui propose de faire le duel épique, comme les duels du Moyen Âge, dans l'enclos des chevaux des Clancy. Les autres villageois seront les spectateurs. Tous se réjouissent de voir un duel... Enfin un événement après plusieurs mois tranquilles !
Évidemment, c'est le demi-dieu astrologue, Claúdios-Eratosthénês, le fils d'Uranie, qui fixe la journée du duel: une journée neutre pour tous les quatre chevaliers. La rumeur circule rapidement dans le village et les environs.
À la journée du duel, une journée ensoleillée de juin 2007.
Tous les quatre chevaliers, revêtus de leurs armures, leurs armes à la main, attendent le signal du début du duel. Ils attendent que Richard Payne les nomme. Le professeur prend le rôle de présentateur (comme si c'est une émission de télévision, mais moins les caméras) pour introduire les opposants : d'un côté, nous avons Mélinda Irène Eastman Eastman et Ivy Mary Eastman-Grafton, de l'autre, Carl Neely et Gabriel Gordon. Mélinda a une arbalète, une épée et un poignard; sa sœur, une arbalète et son thyrse; Carl, une épée et une lance; Gabriel, son livre-catapulte, l'arc de sa défunte épouse et un sabre. Les roulements de tambours sont assurés par Arès et Athéna, qui sont aussi venus voir le duel. Les Dieux regardent d'un œil amusé la scène. Le présentateur termine en disant : « Mesdames et Messieurs, vous assistez à un duel épique... Du jamais vu pour Eleonas ! C'est une première ! C'est un duel à mort, ou tous les coups sont permis... Mais aucune aide supplémentaire n'est permise... Bon spectacle ! »
Puis le professeur de théologie se retire, laissant la place à nos quatre individus armés jusqu'aux dents en armure. Les sœurs Eastman manient leurs arbalètes pour forcer Gabriel et Carl à garder leurs distances. Leur demi-frère riposte avec son livre-catapulte. Le bibliothécaire trouve tellement bizarre de voir les âmes de Mélinda et d'Ivy à côté de leur corps respectif. Pendant quelques minutes, ils visent ainsi de loin, en tournant en rond dans l'enclos. Chacun se protège des attaques avec son bouclier. Un tir d'arbalète, un tir du livre-catapulte, un tir d'arbalète, parfois deux tirs d'arbalète. Après quelques minutes ainsi, Mélinda et Ivy déposent leurs arbalètes par terre. Gabriel continue à viser avec son livre-catapulte. Mais ces tirs répétés n'empêchent pas les âmes de Mélinda et d'Ivy de s'approcher de lui. Elles le narguent en disant à l'unisson : « Gabriel, tu penses vraiment nous vaincre ? N'oublie pas que nous savons que tu as retourné ta veste par opportunisme, car tu penses gagner ainsi la confiance des villageois... »
Élie James, qui a entendu leurs propos, pense : « Sérieusement, Mélinda Eastman et Ivy Eastman-Grafton, arrêtez de faire de la projection sur votre demi-frère... »
Mélinda dit : – De quoi le psy se mêle-t-il ? Personne n'a demandé son avis !
Gabriel Gordon réplique : – Mélinda ! Peux-tu ne pas me déconcentrer, pour faire changement ?
L'âme de Mélinda, un sourire aux lèvres : – Pourtant, tous les coups sont permis...
Les âmes des sœurs Eastman essaient d'agir sur Gabriel Gordon et Carl Neely. Le policier s'avance devant Mélinda, le bibliothécaire devant Ivy; un corps-à-corps serré s'engage. Les deux femmes en profitent pour tenter d'affaiblir psychologiquement leurs opposants, sauf qu'elles doivent s'avouer vite vaincues. Ils sont trop certains pour se laisser ébranler par leurs pernicieuses suggestions psychologiques. Cependant, elles parviennent à leur infliger quelques blessures avec leurs armes. Après, il ne leur reste qu'à minauder pour les amadouer. Sauf que les deux hommes ne se laissent pas faire; ils ne sont pas dupes pour les croire sincères alors qu'elles sont des traîtres... Les opposants se roulent un certain temps dans la poussière. Le temps du combat semble s'éterniser. Mais tous les spectateurs suivent les mouvements des protagonistes d'un air intéressé. Carl se relève à moitié, en s'assurant de maîtriser Mélinda au sol pour se lever complètement, en lui passant des menottes aux mains et aux pieds. De même pour Gabriel, qui veut lui montrer qu'il n'a pas oublié ses leçons de techniques policières improvisées. Les deux femmes sont vraiment furieuses et leur jettent des sorts aux pieds, qui apparaissent comme des nuages noirs. Mais leurs coups bas se retournent contre elles (il ne faut pas oublier que les armures de Carl Neely et de Gabriel Gordon les protègent de tous les coups possibles). Chacun des hommes retourne son opposante, de manière à l'avoir face à lui. Les deux sœurs les foudroient du regard. Leurs âmes aussi. La tension monte. Tout le public retient sa respiration. Le policier et le bibliothécaire hésitent : vont-ils tuer les deux femmes ou non ?
Les Génies s'entr'observent; même eux se sont battus. Leur Génie respectif sait qu'il doit tuer son opposante, pour clore un aspect épique de leur vie. Pour éviter une nouvelle Tentation. Les deux hommes se rendent à l'évidence : il faut tuer le Mal avant qu'il ne fasse plus de ravages. D'un geste sûr, sans trembler, ils achèvent leurs adversaires d'un coup d'épée et de sabre dans la poitrine. Et Gabriel Gordon demande aux deux âmes si elles voient la Lumière et les enjoint à y aller. Pour toute réponse, elles éclatent d'un rire mauvais et disparaissent, aspirées par le souterrain. Elles ont compris qu'elles ne peuvent rien contre eux.
Tout le public applaudit. Enfin débarrassé de deux traîtres !
Richard Payne intervient et dit : « Mesdames et Messieurs, les vainqueurs de ce tournoi sont... » Roulements de tambour... « Carl Neely et Gabriel Gordon ! Félicitations ! Il faudrait ensuite qu'ils se purifient de cet homicide et enterrer les deux corps, sans oublier de clouer leur cercueil, pour être certain que leurs âmes ne viennent pas hanter notre village... »
Quelques heures après la fin du combat, les fossoyeurs enterrent les corps de Mélinda Irène Eastman et d'Ivy Mary Eastman-Grafton à l'extérieur du village, sans oublier de clouer leurs cercueils comme pour les vampires, pour éviter qu'elles reviennent. Paul et Elizabeth Eastman, malgré qu'ils ont compris la nécessité et l'importance de ce combat, respectent la période de deuil, car elles demeurent leurs filles malgré tout... C'est en tant que parents qu'ils les pleurent ; en tant que villageois, ils sont, que Dieu les pardonne, contents de l'issue du duel, car c'est une question d'équilibre, pour éviter de sombrer dans une plus grande noirceur. En bref, une question d'équilibre entre le Bien et le Mal, c'est évident. Au moins, Mélinda et Ivy ne sont pas des âmes errantes. C'est l'époux d'Ivy qui est le plus fâché de la tournure des événements : le voilà veuf, après six ans de mariage... Sauf qu'il sait qu'il ne peut rien contre le meurtrier de sa femme, à savoir Gabriel Gordon.
Apollon, sous l'aspect d'un docteur d'âge mûr, soigne les deux hommes et les félicite de leur victoire. Ensuite, il leur dicte le rituel de purification, à respecter pour les quarante prochains jours. Il les salue une dernière fois et le Dieu regagne les cieux sous l'apparence d'un cygne blanc. Carl Neely et Gabriel Gordon respectent scrupuleusement le rituel prescrit. Le policier en parle à son épouse, qui est vraiment contente de la fin de toute cette histoire. Quarante-et-un jours plus tard, ils réintègrent leurs activités habituelles. Sam Blair-Neely ne manque pas alors de taquiner son époux : « Tu as enfin terminé tes Douze Travaux ? Il ne manque plus qu'un barde qui chantera tes exploits ! » Carl Neely l'embrasse pour toute réponse.
Deux demi-dieux s'occupent du programme de littérature : François-Emmanuel (le barde fils de Clio) et Philip-Emmanuel (le comédien fils de Polhymnie). Ils décident, sur le conseil de Richard Payne, d'intégrer les poèmes du barde Daniel Clancy pour honorer sa mémoire. Ils retrouvent les papiers originaux du barde défunt (grâce à l'aide d'Apollon, de Faith O'Carroll-Clancy, de Jim Clancy et de Bruna Fileni-Clancy); certains poèmes sont reconstruits à partir de la mémoire des villageois. Ce recueil de poèmes est ensuite publié dans une maison d'édition à Delphes, où il connaît un succès national. C'est Jim Clancy et Faith Clancy qui sont émus que leur frère et leur fils connaît une belle renommée posthume, comme tout grand poète et écrivain... « Encore une bénédiction des Dieux ! » pensent-ils.
La préface est la suivante : « O Muse, conte-moi les aventures du barde, poète et protégé d'Apollon Daniel Clancy (1972-2003), qui était une âme poétique même au cœur de la bataille ! Il a célébré la mémoire des valeureux guerriers d'Eleonas. Daniel Clancy est un barde hors pair, né du couple Ayden Clancy (1950-2003) et de Faith O'Carroll-Clancy (née en 1952). Il est le frère aîné de Jim Clancy (né en 1975). Il a été élevé et nourri par la Muse Calliope elle-même, qui lui a fait don d'une belle voix masculine qui ne s'enroue point avec l'âge. Daniel Clancy est mort en luttant bravement contre l'Hydre qui attaqua le petit village paisible d'Eleonas, village qui l'a vu naître et grandir. Il composa de son vivant des poèmes, et en chanta une centaine. En tant qu'éditeurs, nous nous sommes obligés à interroger les villageois d'Eleonas pour retracer les poèmes. Nous voulons par là le rendre immortel, comme le très célèbre Orphée. Pour terminer cette courte préface, nous remercions tous les individus qui nous ont permis de recueillir les authentiques poèmes de Daniel Clancy, à savoir les villageois d'Eleonas (les quelques cinq cents âmes qui ont entendu les poèmes en temps réel), sa mère (Madame Faith O'Carroll-Clancy), son frère (Jim Clancy) et sa femme (Bruna Fileni-Clancy). Et un merci tout particulier au Professeur Richard Payne (Université de Delphes), pour l'initiative de ce recueil de poèmes destiné à faire connaître le barde Daniel Clancy d'Eleonas à tout lecteur avide de vraie poésie.
Bonne lecture !
François-Emmanuel Neely et Philip-Emmanuel Neely, les éditeurs, fils du très célèbre policier Carl Neely. »
Le professeur Richard Payne est très content d'avoir tenu sa promesse d'intégrer les poèmes de Daniel Clancy au programme de littérature de l'Université de Delphes. Il est très fier des éditeurs et les remercie de leur travail.