Ghost Whisperers in Canada

Chapitre 13 : L'épée de Damoclès

9065 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 03/09/2023 21:17




Rappel sur les principaux événements survenus à Carl Neely.


Il est sergent du poste de quartier 22 depuis décembre 2005. Sauf qu'il ne vient qu'aux cinq à sept pour bien satisfaire ses collègues... Le travail sérieux est assumé par Dmitri Mikhaïlovitch Dragomirov. En ce qui concerne son ascension dans le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), Carl Neely est sous-chef des renseignements de novembre 2006 à janvier 2009, puis analyste de janvier 2009 à décembre 2012, puis depuis janvier 2013, chef analyste. Il a tué son frère, Pierre Neely, puis sa bonne, Anna White. Il ne reste que lui et le jardinier, avec qui il partage ses repas pour ne pas être complètement seul. Depuis ces deux meurtres, Carl Neely sombre dans une mélancolie sans nom, mais au moins, il se console avec ses inquiétudes pour sa ex-épouse et leurs enfants. En tant qu'analyste puis chef analyste, son travail n'avance pas vraiment, puisque ses collègues préfèrent le garder pour leurs petits jeux... Au moins, ils peuvent dire qu'ils le connaissent à fond jusqu'à la prostate... C'est pourquoi, les âmes errantes de ses ancêtres bisexuels sautent sur l'occasion, en s'alternant entre Elvin Neely, Adrian Neely, Mijo Ratković, Darko Knežević et Nada Bodganović-Knežević, mais aussi Robert Langowski/Hunter Clayton depuis novembre 2009, Rafael Marino et Abigeal Prudent-Marino depuis décembre 2013. Et c'est l'âme de Carl Neely qui est réduite à n'être que le principe d'animation de son corps. Par ailleurs, plus pessimiste que rien d'autre, elle laisse carte blanche aux esprits errants qui possèdent son corps. Elle se moque complètement de ses succès et de ses déboires: elle veut seulement savoir quand elle cessera de l'animer. Au moins, la seule chose qui la motive encore à revenir dans son corps, c'est d'avoir un œil sur sa ex-épouse et leurs enfants. Sinon, en résumé, Carl est devenu Carla. C'est, par ailleurs, son surnom entre collègues... Il est plus possédé que rien d'autre; lorsque son âme regagne son corps, il est très déprimé. Au moins, les possessions de son frère benjamin lui permet de fréquenter occasionnellement des femmes faciles et de se tenir loin de ses « amis » qui apprécient sa passivité...




Décembre 2013, dans le manoir Carl Neely, 90, Summit Circle, Westmount.


Carl Neely, corps et âme, déprimé, se sent comme dans la chanson de Jacques Brel Sans amour :


Sans amour, sans amour,

Sans amour à venir,

Sans amour, sans amour,

Qu'est-ce que vivre veut dire?

J'ai le vide au coeur,

Le vide au corps,

Sans amour, sans amour,

A quoi me sert?

Sans amour, sans amour,

De vivre encore?

Sans amour, sans amour,

Sur les ramblas,

Être fils de roi,

Cueillir des filles,

S'offrir l'enfer?

Mais suis comme toi

Fils de misère,

Et des ramblas,

Y en a guère

Dans La Mancha.


Sans amour, sans amour,

Sans amour à venir,

Sans amour, sans amour,

Qu'est-ce que vivre veut dire?

Je vis sans fleurs,

Je vis sans fleuves,

Sans amour, sans amour,

Les hommes pleurent,

Sans amour, sans amour,

Les femmes pleuvent,

Sans amour, sans amour,

Sans amour, sans amour.



Il pleure sur lui-même, sur ce qu'il est devenu et sur ce qu'il a fait... Des larmes hystériques de repentir mouillent ses joues, des larmes amères pour ses péchés. Il réalise à quel point ce qu'il pense être un paradis n'est qu'une illusion... Et que les drogues qu'il consomme ne l'aident en rien, à part ruiner son portemonnaie et sa santé. Il comprend qu'il a perdu son équilibre spirituel et qu'il est simplement brisé. Il s'en veut d'être si pervers, paranoïaque et fou... Il vide verres après verres sa bouteille de vin. Il se moque des conséquences de ses excès; il se moque de sa propre survie, car il ne trouve plus aucun sens à sa vie. Pierre Neely, en tant qu'esprit errant, s'inquiète beaucoup de cet entourage que sont leurs ancêtres, les psychiatres, les victimes que son frère a tué et les deux Marino dont il ignore l'identité... Il regarde Carl d'un œil triste. L'esprit errant pense : « Là, sérieusement, je ne comprends pas ce qui a fait en sorte que mon frère soit si déprimé... Même dans mon état actuel, je ne comprends toujours pas ce qui lui est arrivé pour devenir bisexuel... Disons que je n'arrive toujours pas à faire l'équation entre le bon mari et père que j'ai connu il y a quelques années, et le pédé qui participe à des orgies... Beurk ! Quelle horreur ! Quelle sodomie ! Qu'est-ce qui t'arrives, Carl, pour être « cul par-dessus tête », avec le cul en l'air, comme une femme qui lève les jambes au premier venu ? Attention pour ne pas t'enrhumer en laissant par mégarde une fenêtre ouverte ! Il y a visiblement quelque chose qui ne tourne pas rond, mais quoi ? »

Après quelques verres de plus, alors qu'il est visiblement ivre, l'âme de Carl est sortie de son corps, laissant la place à l'un des esprits errants. Elle salue son frère.

Carl Neely, en regardant son corps possédé, dit : – Je ne sais pas quoi faire avec lui... euh... avec Carla... Qu'est-ce que tu en penses qu'elle crève d'une surdose de cocaïne ?

Pierre fait la moue et réplique : – Sérieux, frère, pourquoi être si cynique envers toi-même ?

– Ce n'est pas du cynisme, c'est du réalisme.

– Sinon, d'autres façons de mourir ?

– Oui... Après un petit jeu avec ses « amis », ou bien tué par l'un d'eux par jalousie, ou bien par suicide avec une arme à feu ou par pendaison... Ce ne sont pas les moyens qui manquent...

– Je comprends... Mais sérieux, tu m'inquiètes beaucoup...

– Quoi !? Je rêve ! Tu prends en pitié ton meurtrier ? C'est le début du syndrome de Stockholm (qu'il faudrait rebaptiser en « syndrome de Montréal ») ?

Pierre se renfrogne et réplique : – Non ! J'essaie seulement de comprendre pourquoi tu as changé de comportement...

Carl complète sa phrase : – De passer du bon mari et père à un sale pédé ? Je te la donne, la réponse: j'ai toujours été un si malheureux salaud, seulement je n'avais pas les couilles de m'assumer ! J'avais simplement une meilleure opinion de moi-même! Et je peux te dire, comme tu as pu le constater par toi-même, que je ne suis guère meilleur que le reste de notre famille ! Ah!Ah!Ah!Ah! Sauf que je réalise toute la vérité de la sagesse tunisienne qui dit «Abondance d'enfants vaut mieux qu'amoncellement de biens»!

Silence lourd. Les deux âmes regardent en silence ce que le corps de Carl Neely, possédé par Mijo Ratković, fait. C'est la seule chose qu'elles peuvent encore faire. Après quelques jours, un autre esprit errant prend la relève, alors que «Carla» est bien droguée avec ses collègues (chefs analystes comme « elle »)... L'âme de Carl Neely ne revient dans son corps propre qu'en janvier.




En janvier 2014, Carl Neely, dont l'âme est revenue dans son corps propre, est fatigué de ses petits jeux avec ses « amis » du poste de quartier 22 (dont tous peuvent se dire : « Délicieux collègues »). Il donne sa démission. Inutile de dire que cette nouvelle attrista ses collègues et supérieurs, qui ont fêté l'événement avec une dernière orgie homosexuelle pour dire « Au revoir, Carla ! Tu vas nous manquer ! » Et Carl Neely, lorsqu'il se remet un peu des douleurs et des effets des drogues, et qu'il n'est pas possédé, postule pour être policier-patrouilleur dans le poste de quartier 27 (Ahuntsic), situé au 1805, rue Fleury Est. « L'air frais pourrait me remonter le moral », pense-t-il. Pour information, ce quartier est délimité au nord par la rivière des Prairies (près du boulevard Gouin), au sud par le boulevard Crémazie, à l'est par la rue J.-J. Gagnier et à l'ouest par la rue Poincaré. Le policier s'impose un sevrage d'une semaine pour pouvoir faire les tests médicaux et ceux d'aptitude physique; Carl Neely veut être certain d'obtenir le poste. Il ne s'est présenté qu'à l'entrevue et aux tests; comme il obtient le poste, c'est son double, Dmitri Mikhaïlovitch Dragomirov, qui prend la relève au travail. Le Russe s'arrange pour ne pas conduire un véhicule de fonction, car il n'a aucun permis de conduire (et, par ailleurs, il ne sait pas conduire) ; voilà pourquoi il s'arrange pour qu'un autre collègue conduit (sous prétexte d'être trop fatigué), ou bien il patrouille à pied, faisant en sorte que son défaut passe inaperçu. Mais il est inquiet qu'il doit encore endosser son rôle du policier-patrouilleur Carl Neely. Dmitri continue à prier devant l'icône portative de Saint Michel, en espérant qu'elle reviendra un jour à son propriétaire.





Néanmoins, ce changement de lieu de travail n'améliore point son état, puisque c'est son double qui est plus à l'air frais que lui. Carl Neely est davantage occupé à jouer « Carla » avec ses amis du SCRS, ou bien à planifier les prochains meurtres de gens indésirables ou encore de filtrer les informations que ses inférieurs lui transmettent (ce qu'il fait encore le moins). Il espère que les supérieurs embaucheront des nouveaux chefs analystes, car à chaque fois qu'ils tirent au sort pour savoir qui est « la fille » (qui doit donc porter la jupe à froufrous sans culotte pour faciliter la pénétration), c'est toujours Carl qui a ce rôle...




Inutile d'insister sur l'état d'âme de Carl Neely : il est comme dans les chansons d'Ibrica Jusić Celuloidni pajac et Čovjek bez kafića.


Voici les textes des chansons suivis de leur traduction française.



Celuloidni pajac :


Odigrano sve je i sve krivo ode

Život nudi samo pjenu iznad vode.


Sličan sam pajacu što se prstom drobi

Zlo je što u noge i olovo dobi.


Staviš li pajaca da dubi na glavi

Sam od sebe opet na noge se stavi.


Nesreća je u tom u tome je snaga

Jer inače sve bi otišlo do vraga.



Voici la traduction :


Tout est joué et tout va mal

La vie n'offre que de l'écume au-dessus de l'eau.


Je suis comme une araignée qu'on écrase d'un doigt

Tout le mal est le plomb dans les jambes.


Si tu mets une araignée sur sa tête

Elle se remettra debout toute seule.


C'est le malheur, mais c'est la force

Car sinon tout irait au diable.






Čovjek bez kafića :


Na svakom trećem kućnom broju

Po jedan kafić preko noći

I par kubika modrog dima

Već guši srce, grize oči.


A ja se pitam, sasvim zbunjen

Kako da uđem sam s gitarom

Znam da je džuboks tamo stao

I što bi fliper s mojom parom.


Jer ja sam čovjek bez kafića

Jedan od zadnjih takvog soja

Ja nemam svoju marku pića

Tu ličnu kartu srednjeg sloja.


I dok me vlasnik mrko gleda

Na drugoj strani barikade

Naginjem brzo svoju lozu

Pod urom koja vrijeme krade.


I tad se pitam, sasvim zbunjen

Što mi od starog društva osta

Tek neki znanac koji žuri

Na jednu s nogu i zbogom dosta.


Jer ja sam čovjek bez kafića

Što sanja neka prošla doba

A to je novac bez pokrića

Na ovoj berzi lakih roba.


Tko da mi kaže što me čeka

Nad šoljom gorke, tanke kave

Tko da mi vrati njene oči

Zvijezde u noći, vlati trave.


I tad se pitam sasvim zbunjen

Što vrijedi sjesti I dobro jesti

Pod platnanom koja lista

Poneku lijepu ženu sresti.


Jer sam čovjek bez kafića,

Jedan od zadnjih što se nađe

Dok tražim ruke što mi mašu

ko zadnji putnik s neke lađe.




Voici la traduction française :


À chaque troisième numéro de maison

Un café pendant la nuit

Et quelques cubes de fumée bleue

Qui étouffe le cœur, et qui mord les yeux.


Et je me demande, complètement confus

Comment entrer seul avec une guitare

Je sais que le junke-boxe est là-bas

Et ce qu'aurait fait un flipper avec mon argent.


Parce que je suis un homme sans un café-bar

L'un des derniers de son genre

Parce que je n'ai pas ma propre marque de boisson

Mais seulement cette carte d'identité de la classe moyenne.


Et tandis que le propriétaire me regarde d'un air sombre

De l'autre côté de la clôture

J'incline sa vigne rapidement

Sous le charme qui vole le temps.


Et alors je me demande, complètement confus

Ce qui me reste de mes anciens amis

Juste une connaissance pressée

Une boisson debout et c'est assez.


Parce que je suis un homme sans un café-bar

qui rêve d'un siècle passé

C'est de l'argent sans couverture

Sur cette bourse de marchandises.


Qui peut me dire ce qui m'attend

au fond d'une tasse de café fin et amer

Qui me rendra ses yeux

Des étoiles dans la nuit, des brins d'herbe.


Et alors je me demande, complètement confus

ce que vaut de s'asseoir et de bien manger

sous la toile de lin qui part

Où rencontrer parfois des belles femmes.


Parce que je suis un homme sans un café-bar

L'un des derniers qui se trouve

Alors que je cherche des mains qui s'agitent

Comme au dernier passager d'un bateau.






En 2014, lorsque l'âme de Carl Neely regagne son corps, elle poussa son corps à prendre une surdose de cocaïne, sauf qu'elle ne parvient pas à son but; elle essaie plusieurs tentatives, en l'incitant à être plus souvent avec ses collègues chefs analystes, ses supérieurs et avec ses amis les professeurs... Malheureusement, son âme ne parvient pas à trouver la dose fatale, ce qui la déçoit beaucoup... En décembre, très déprimé, Carl fait une tentative de suicide avec ses armes à feu, en tirant sur ses tempes, sauf que les âmes errantes que sont ses ancêtres ont dévié le coup fatal, car elles veulent encore s'amuser avec lui... Ceci enrage encore plus sa pauvre âme, qui est plus démoralisée que jamais, attristée d'être encore rattachée à un corps en décomposition (avec tous les problèmes de santé qu'il a), mais certes, encore vivant.


Son âme dit cyniquement à celle de son frère: « Si jamais mes anciens amis veulent venir à moi, et bien, qu'ils m'oublient! [cf. Michel Sardou, Je ne suis pas mort, je dors : « Si quelque part, sait-on jamais, / J'avais un ami qui m'aimait, / Tant pis. / Qu'il m'oublie. »] »




Depuis décembre 2014, Carl Neely, comme d'habitude lorsqu'il est devenu analyste du SCRS, il ne dort pas, hanté par les âmes de ses victimes et par les remords de son peu de conscience morale qu'il pense avoir disparue. Cependant, le même rêve se répète nuit après nuit : il ouvre une Bible et il lit toujours le même passage, à savoir Ézéchiel 18,24 « Si le juste se détourne de sa justice et commet l'iniquité, s'il imite toutes les abominations du méchant, vivra-t-il? Toute sa justice sera oubliée, parce qu'il s'est livré à l'iniquité et au péché; à cause de cela, il mourra. » Il se réveille, très effrayé et tremblant de peur... Sauf qu'il n'a personne pour le consoler, ou plutôt lui-même, la bouteille de vin ou de tout autre alcool et la cocaïne. Sauf qu'une fois enhardi par l'alcool et la drogue, il crache sur toute forme de piété; son âme, elle, tremble comme une feuille devant le comportement très impie de son corps possédé. Elle voudrait bien payer pour ses fautes, mais elle s'inquiète beaucoup à la pensée que ses enfants auront à payer, eux qui sont innocents... De plus, l'âme de Carl Neely ne sait pas comment savoir si ses enfants sont en sécurité de cette malédiction. Elle est méfiante envers les autres esprits qui suivent son corps, et même envers elle-même, ne sachant pas s'il est vraiment sincère dans ses intentions... Rendue là, l'âme du policier vit une psychose...



Lorsque Carl Neely regarde au loin sa ex-femme, sa chère Daphné, il ne peut pas s'empêcher de penser aux vers de la chanson de Jean-Jacques Goldman Nous ne nous parlerons plus : « Nous ne nous parlerons pas / Nous oublierons nos voix / Nous nous dirons en silence / L'essentiel et l'importance / Utilisons nos regards. » Lorsqu'il revient dans son manoir, il pense à la chanson de Michel Sardou Délire d'amour, qu'il chante en s'accompagnant de verres de vin.




Un jour pluvieux de septembre 2015, le chef analyste du SCRS chante Il pleut sur ma vie de Michel Sardou en s'accompagnant de verres de vin et de whisky. Voici le texte de la chanson :


Il pleut très fort sur ma vie.

Ton souvenir s'enfuit.

Noyé de chagrin,

Pleurant mes lendemains,

Moi je m'en vais,

Moi je mien vais

Trop loin.


Je marche dans les rues

Et je suis seul sans toi.

Sans toi, que suis-je devenu ?

Quelqu'un oublié

Qu'a rien perdu

Car je ne sais pas

Espérer sans toi.


Et je m'en vais,

Te cherchant.

J'ignore où vont mes pas.

L'espoir me conduit

Car je veux te revoir.

Je te poursuis,

Je te poursuis

Très loin.


La porte s'est fermée

Sur nos amours passés.

Comment espérer,

Maintenant

Que mon cœur se meurt

Que tu n'es plus ?

Car je ne peux pas

Vivre un jour sans toi.


Il a fait froid,

Cette nuit.

Qu'elle fut longue la nuit,

Frissonnant de froid,

Je reste en pleurant là.


Moi je me meurs,

Moi je me meurs de toi.




Il enchaîne avec Je marche seul de Jean-Jacques Goldman:


Comme un bateau dérive,

Sans but et sans mobile.

Je marche dans la ville.

Tout seul et anonyme.



La ville et ses pièges.

Ce sont mes privilèges.

Je suis riche de ça,

Mais ça s'achète pas.


Et j'm'en fous, j'm'en fous de tout,

De ces chaînes qui pendent à nos cours.

J'm'enfuis, j'oublie

Je m'offre une parenthèse, un sursis.


Je marche seul

Dans les rues qui se donnent

Et la nuit me pardonne, je marche seul

En oubliant les heures

Je marche seul

Sans témoin, sans personne

Que mes pas qui résonnent, je marche seul

Acteur et voyeur.


Se rencontrer, séduire

Quand la nuit fait des siennes

Promettre sans le dire

Juste des yeux qui traînent

Oh, quand la vie s'obstine

En ces heures assassines

Je suis riche de ça

Mais ça ne s'achète pas.


Et j'm'en fous...


Je marche seul

Quand ma vie déraisonne

Quand l'envie m'abandonne

Je marche seul

Pour me noyer d'ailleurs

Je marche seul.






Parfois, très déprimé et suicidaire, Carl Neely chante Kada umrem d'Ibrica Jusić :


Kad umrem bar sam siguran

Niko se neće dovući da mi pljune u lice.


Svi ćete mi odjednom biti prijatelji

I ko zna kakvo izmisliti priznanje.


Potpuno vas razumem

Mrtvi ljudi nisu zločinci,

Nisu gadovi

Nisu ubice.


Smrt je – pomilovanje.


Smrt je najpristojniji način da se ode

Bez pozdrava bez obećanja na miru.


Smrt je invalidnina herojima

Za amputirane lobanje

I nesanica pepela u kojoj duše trava vetrove ištu.


Odlaskom se znatno dobija

Plakatiraju čovekovo ime i prezime po uglovima

Na malo finijem papiru

I svako vas čita, čita

Kao da ste odjednom postali vrlo važna izložba

Ili premijera u pozorištu.



La traduction française :


Quand je mourrai, je suis certain

Que personne ne viendra me cracher au visage.


Tout d'un coup, tous seront mes amis

Et qui sait quelle reconnaissance l'on inventera.


Je vous comprends

Les défunts ne sont pas des criminels,

ils ne sont pas des salauds,

ils ne sont pas des meurtriers.


La mort est un pardon.


La mort est la manière le plus polie de quitter ce monde

Sans salutations, sans promesses de paix.


La mort fait des handicapés des héros

Sur des crânes amputés

Et les cendres sans sommeil où les âmes dans l'herbe sont emportées par les vents.


On gagne beaucoup en partant

Les nom et prénoms de l'homme sont affichés dans les coins

Sur du papier un peu plus fin

Et tout le monde vous lit, lit

Comme si vous devenez une exposition importante,

Ou comme une première au théâtre.



Carl Neely s'accompagne de verres de vin, de šljivovica ou de whisky, selon son humeur (ou plutôt, selon l'envie des esprits qui l'influencent et qui attendent avec impatience leur tour pour le posséder). Il préfère, en un sens, être possédé, car la possession le rend moins mélancolique. Son âme, à côté de son corps, le regarde tristement, très déprimée. Pierre la salue; les deux âmes s'encouragent mutuellement. Pierre essaie de remonter le moral à son frère, mais il ne parvient même pas à lui arracher un sourire aux coins des lèvres... Cette froideur, ce détachement, cette indifférence et ce désintérêt envers son corps propre surprend son frère benjamin. Il se décide à profiter de son tour de possession pour l'influencer un peu à regretter ses ébats avec ses « amis », auprès desquels il prend le rôle de Carla... Au moins, il se reprend un peu (très peu) en main... Pierre ne peut pas faire des miracles avec un corps si usé, mais il essaie dans la mesure du possible, bien sûr. Perdu entre ses collègues et des femmes faciles, le chef analyste a l'impression d'être un bateau à la dérive, un bateau qui fait naufrage... Il a l'impression qu'il ne lui reste pas beaucoup à vivre, mais ce n'est qu'une vague impression de son inconscient qu'il préfère ignorer.




Dans ses rares moments de lucidité (lorsque, corps et âme, il n'est pas dépressif et qu'il a récemment filé son ex-épouse), il arrivait à Carl Neely de se sentir comme dans la chanson de Jacques Brel, Il nous faut regarder :


Derrière la saleté

S'étalant devant nous

Derrière les yeux plissés

Et les visages mous

Au delà de ces mains

Ouvertes ou fermées

Qui se tendent en vain

Ou qui sont poing levé

Plus loin que les frontières

Qui sont de barbelés

Plus loin que la misère

Il nous faut regarder.


Il nous faut regarder

Ce qu'il y a de beau

Le ciel gris ou bleuté

Les filles au bord de l'eau

L'ami qu'on sait fidèle

Le soleil de demain

Le vol d'une hirondelle

Le bateau qui revient

L'ami qu'on sait fidèle

Le soleil de demain

Le vol d'une hirondelle

Le bateau qui revient.


Par delà le concert

Des sanglots et des pleurs

Et des cris de colère

Des hommes qui ont peur

Par delà le vacarme

Des rues et des chantiers

Des sirènes d'alarme

Des jurons de charretier

Plus fort que les enfants

Qui racontent les guerres

Et plus fort que les grands

Qui nous les ont fait faire.


Il nous faut écouter

L'oiseau au fond des bois

Le murmure de l'été

Le sang qui monte en soi

Les berceuses des mères

Les prières des enfants

Et le bruit de la terre

Qui s'endort doucement

Les berceuses des mères

Les prières des enfants

Et le bruit de la terre

Qui s'endort doucement.



Cette chanson décrit son état d'âme lorsqu'il file au loin sa ex-épouse et ses enfants ou encore lorsqu'il les espionne en tant qu'âme ou dans une vision à distance (ce qui est plutôt rare depuis qu'il est devenu analyste; c'est plutôt lorsqu'il est possédé par son frère qu'il lui arrive d'en avoir). Il se sent misérable lorsqu'il les voit. « Mes anges ont grandi. Que Dieu les protège ! » Il soupire, réalisant à quel point tout n'est rien et rien est tout... Son âme, à leur vue, se réjouit. Elle commence à réciter la prière du père de famille (en grec, que sa femme lui a appris) pour s'encourager: « Seigneur, je Te demande: aide-moi à mieux ressentir de jour en jour combien est grand l'honneur que tu m'as fait. Accorde-moi, Seigneur, d'être un bon père de famille. Un père qui soutiendra son épouse et protègera tendrement ses enfants. » L'âme de Carl Neely s'interrompt elle-même, émue, se sentant indigne de terminer la prière. Cette prière la motive à pousser son corps, lorsqu'elle le regagne, de surveiller de loin Daphné Papachristopoulos et leurs enfants.



En décembre 2015, ses chers collègues du SCRS planifient de tuer leur « Carla », puisqu'« elle » n'est pas efficace au travail. Ils pensaient « la » tuer au cours d'un cinq à sept dans un restaurant luxueux. Carl Neely est alors possédé par Adrian, son âme regarde ce qui se passe. C'est ainsi qu'elle sait que le serveur à ajouter du mercure dans son plat; elle pense : « Enfin, merci les amis de me délivrer d'un fardeau ! » Sauf que son frère n'est pas du tout d'accord et possède le serveur pour qu'il apporte le plat à un autre chef analyste. L'âme de Carl dit à son frère « Mais pourquoi tu ne le laisses pas faire ! Je me débarrasserais enfin de cette carcasse en décomposition ! »

Pierre lui réplique : – Il me semble qu'en temps normal, tu serais offusqué d'un tel traitement...

– Oui, mais je suis fatigué d'elle ! Et par ailleurs, n'oublie pas. frérot, que les salauds ont plus d'un tour dans leur poche pour la faire mourir... Tu sais que je n'attends que ça !

Après avoir agit sur le serveur, les âmes des frères Neely regardent la suite des événements en silence. Une semaine plus tard, le collègue qui a ingéré le plat destiné à Carl meurt dans de cruelles souffrances. Les autres chefs analystes sont étonnés que « Carla » soit encore vivante. Ils se réunissent alors pour essayer différents attentats contre « elle ». Sauf que la victime voit certaines de leurs réunions dans des visions à distance, alors que son corps est possédé par l'âme errante qu'est Pierre Neely (qui le prend en pitié). Ceci lui permet d'éviter quelques coups bien planifiés. Ceci enrage l'âme de Carl, puisque ceci repousse la fin d'une vie qui ne vaut pas de vivre.



Ainsi, l'âme de Carl Neely remarque, par un jour de janvier 2016 que des tueurs à gages rôdent autour de sa ex-épouse; elle décide de regagner au plus vite son corps, sauf que son hôte, l'un de ses ancêtres, fait l'oreille sourde. L'âme panique, car elle a compris que son corps possédé veut tuer sa femme... « PERSONNE N'A LE DROIT DE PORTER ATTEINTE À MA STATUE GRECQUE ! Elle ne doit aucunement être mutilée comme la Vénus de Milo ! » pense l'âme de Carl Neely.

Elle s'adresse à son frère : – Pierre, est-ce qu'on peut faire quelque chose pour que le salaud... euh... la salope masculine... ne tue pas MA FEMME ? Tu sais que je préfèrerais mourir plutôt que de blesser MA chère épouse...

Pierre : – Je ne le sais pas... Mais on peut essayer de bloquer les balles des armes à feu... et tu peux essayer d'agir sur ta femme pour qu'elle évite la balle fatale.

– Tu es génial ! Occupe-toi des armes, je veille sur mon épouse.

L'âme de Carl Neely ne peut pas s'empêcher de lancer un regard jaloux à son frère; elle n'a quand même pas oublier qu'il était de son vivant amoureux de SA Daphné. Son frère le rassure en lui faisant comprendre que ce désir est passé, mais Carl demeure néanmoins méfiant envers sa sincérité.

Les tueurs à gages et le corps possédé de Carl Neely se promènent dans les rues de Montréal, en se dirigeant de plus en plus vers la maison où vit Daphné. Ils s'attendaient à la trouver en train d'arroser les fleurs dans les petits jardins devant la maison ; sauf que la Grecque, avertie les nuits précédentes par des rêves répétitifs, ne sort pas de chez elle depuis quelques jours, sauf pour accompagner les enfants à l'école. L'âme de Carl Neely regarde son épouse. Heureusement, Daphné n'est pas proche d'une fenêtre. Pour être certain, Carl la possède, tandis que son frère fait divergence auprès des tueurs à gages et tout particulièrement du corps possédé de Carl. Les deux frères savent très bien que les ex-époux ne doivent point se voir, même pas furtivement, sinon la Grecque meure froidement tuée. Et ils savent qu'un tel événement briserait définitivement l'aîné... Heureusement, la divergence et la possession de l'âme de Carl Neely du corps de son épouse font leurs effets : Daphné se trouve dans le jardin (une cour arrière), tandis que le corps possédé de Carl rôde autour de la maison, hésitant à forcer la porte d'entrée. Il renonce, fait un signe aux tueurs à gages qui l'accompagnaient et il les tua froidement dans un cul-de-sac quelques rues plus loin. Puis il revient sur ses pas, furieux de ne pas avoir tué Daphné. Sauf qu'il ne l'aperçoit point, et il revient chez lui, déçu de ne pas avoir fait sa mission. Carl Neely, dont son âme est revenue dans son corps, réalise qu'il était à deux doigts d'être le meurtrier de son ex-épouse. Ce constat le démoralise et il se console dans son manoir avec des verres de vin et de whisky.


Carl Neely, en tant qu'âme, n'est que touché par la piété de sa chère épouse, ce qui le fait sourire malgré lui. Il se surprend alors à avoir aux lèvres la prière de Tierce à la Très Sainte Trinité : « Maître, Dieu tout puissant, Seigneur Fils unique Jésus-Christ, et Esprit Saint, unique Divinité, unique Puissance, aie pitié de moi le pécheur et dans les jugements que Tu connais, sauve-moi ton serviteur indigne. Car Tu es béni dans les siècles des siècles. Amin. »



Après une visite en tant qu'âme chez son épouse (alors que son corps est possédé et s'amuse avec ses collègues), Carl Neely se trouve dans un état semblable à la chanson Priča o Vasi Ladačkom de Đorđe Balašević. Voici le texte :


Znate l' priču o Vasi Ladačkom? I ja sam je tek onomad čuo.

Jednom devet dana nije izlazio iz birtije,

kažu da je bio čudna sorta...


Otac mu je bio sitni paor, 'ranio je sedam gladnih usti'.

Mati mu je bila plava, tiha, nežna, jektičava,

umrla je s trideset i nešto...


Imali su par jutara zemlje, malu kuću na kraju sokaka.

Na astalu navek hleba, taman tol'ko kol'ko treba,

al' je Vasa hteo mnogo više...


Želeo je konje vrane, po livadi razigrane,

sat sa zlatnim lancem i salaše...

Želeo je njive plodne, vinograde blagorodne,

u karuce pregnute čilase, ali nije mog'o da ih ima.


Voleo je lepu al' sirotu, uz'o bi je, samo da je znao:

voleš jednom u životu, sad bogatu il' sirotu,

to ne bira pamet nego srce...


Sve se nad'o da će ljubav proći. Zanavek je otiš'o iz sela.

Nikad nije pis'o nikom, venč'o se sa mirazdžikom,

jedinicom ćerkom nekog gazde...


Dobio je konje vrane, po livadi razigrane,

sat sa zlatnim lancem i salaše...

Dobio je njive plodne, vinograde blagorodne,

u karuce pregnute čilaše, sve je im'o ništa im'o nije.


Propio se, nije prošlo mnogo, dušu svoju đavolu je prod'o.

Znali su ga svi birtaši, tražio je spas u čaši,

ali nije mog'o da ga nađe...


Mlad je kažu bio i kad je umro, sred birtije, od srčane kapi.

Klonula mu samo glava, k'o da drema, k'o da spava

i još pamte šta je zadnje rek'o...


Džaba bilo konja vranih, po livadi razigranih,

džaba bilo sata i salaša...

Džaba bilo njiva plodnih, vinograda blagorodnih,

džaba bilo karuca, čilasa...


Kada nisam s onom koju volem,

kada nisam s onom koju volem.


Kad ja nisam s onom koju volem,

E, kad nisam s onom koju volem.


Znate l' priču o Vasi Ladačkom? I ja sam je tek onomad čuo.

Čak i oni slični njemu, kada razmisle o svemu,

kažu da je bio čudna sorta...



Voici la traduction :


Connaissez-vous l'histoire de Vasa Ladački ? Je viens de l'entendre l'autre jour.

Une fois, pendant neuf jours, il n'est pas sorti de la salle de bain,

ils disent qu'il était d'une race étrange...


Son père était un petit pauvre, qui nourrissait sept bouches affamées.

Sa mère était une blonde, calme, douce et exigeante,

qui est morte à trente ans...


Ils avaient quelques arpents de terre, une petite maison au bout d'une ruelle.

Il y avait toujours du pain sur la table, juste ce qu'il faut,

mais Vasa voulait bien plus...


Il voulait des chevaux qui jouent dans les prés,

une montre avec une chaîne en or et une maison de ferme...

Il voulait des champs fertiles, des vignobles abondants,

ses chaussures étaient pliées dans un chariot, mais il ne pouvait pas les avoir.


Il aimait une belle femme mais pauvre, il l'aurait prise, s'il l'avait su:

tu aimes une fois dans ta vie, qu'elle soit maintenant riche ou pauvre,

ce n'est pas la raison qui décide, mais le cœur...


Il espérait que l'amour passerait. Il a quitté le village pour toujours.

Il n'a jamais écrit à personne, il a épousé une entremetteuse,

la seule fille d'un patron...


Il a des chevaux, qui jouent dans les prés,

Une montre avec une chaîne d'or et une maison de ferme...

Il a des champs fertiles, des vignes fertiles,

les vêtements pliés dans le chariot, tout y est, rien n'y est.


Il s'est saoulé, peu de temps après, il a vendu son âme au Diable,

Tous les buveurs de bières le connaissaient, il cherchait le salut dans le verre,

mais il ne peut le trouver...


On dit qu'il était encore jeune lorsqu'il est décédé, au milieu de son anniversaire, d'une crise cardiaque,

seule sa tête tomba, comme s'il somnole, comme s'il dort

et ils se souviennent encore de ce qu'il a dit en dernier...


En vain des chevaux qui jouent dans les prés,

en vain la montre et les fermes...

En vain les champs fertiles, les vignes fertiles,

En vain des chariots, des roues...


Quand je ne suis pas avec celle que j'aime,

Quand je ne suis pas avec celle que j'aime.


Quand je ne suis pas avec celle que j'aime,

Eh, quand je ne suis pas avec celle que j'aime.


Connaissez-vous l'histoire de Vasi Ladački ? Je viens de l'entendre l'autre jour.

Mêmes ceux qui sont semblables à lui, quand ils y réfléchissent,

disent qu'il est d'une race bizarre...




Pour avoir une telle ambiance en son âme, Carl Neely regrette sincèrement tout, sauf qu'il sait qu'aucun retour à l'arrière n'est possible... Il comprend très bien que s'il ne parvient pas à mettre fin à sa misérable vie (nommons un chat un chat), ses collègues s'en chargeront. Il réalise à quel point les propos de Ghazzali, un philosophe et mystique arabe sont vrais : celui qui possède beaucoup, souffre beaucoup au moment de la séparation.




En décembre 2016, Carl Neely se montre vigilant. Il n'a pas oublié que Đurađ Branković est mort un 24 décembre. Pour être sûr que son double ne meure pas à sa place, car ceci enragerait encore plus ses collègues du SCRS, il décide de congédier Dmitri Mikhaïlovitch Dragomirov. Le Russe le prend en pitié et avant de quitter son jeu de rôle, lui remet son icône portative de Saint Michel. Et ils se donnent une bonne accolade amicale et solide. Carl Neely réalise, une fois Dmitri sorti, que son dernier vrai ami l'a quitté. Maintenant, il est complètement seul... « Tant pis, Carl-Carla, t'as le choix de mourir d'une manière ou d'une autre! Ah!Ah!Ah!Ah! » Et il se verse un verre de whisky qu'il boit tranquillement, à la fois content et triste, mais surtout très déçu de lui-même.



Depuis le début de décembre 2016, Daphné Christopoulos n'a pas les nuits tranquilles : le même cauchemar se répète. Comme si elle regarde une scène de crime, dont Carl Neely se fait tirer de dos, encadré par quatre hommes en noir... Lorsqu'elle se réveille, l'ex-épouse du policier ne peut pas s'empêcher de penser : « Mon amour, soit vigilant et que Dieu te sois clément ! »



Ironiquement, quatre de ses collègues ont tué Carl Neely le 24 décembre 2016 (2016 est une année bissextile). Ils l'ont attrapé, malgré qu'il a tiré sur eux. Ils le mutilent avec beaucoup de sadisme, lui coupant trois doigts de la main droite (l'index, le majeur et l'annulaire), ce qui lui rappelle Đurađ Branković... Ceci lui ravive les rêves-souvenirs qu'il pensait avoir oublié, ce qui augmente sa douleur présente... L'un de ses collègues s'éloigne de lui pour le tuer d'une balle dans le dos. À ce moment, Carl Neely, de ses yeux d'esprit, voit les âmes qui l'entourent (ses ancêtres, Alberico da Romano, Philippe Pinel, le Dr. Max Rinkel, le Dr. Donald Ewen Cameron, le Dr. Sidney Gottlieb, Hellmut Reinhardt, Richard Gronewald et son frère), mais aussi des entités informes sombres et lumineux; il déduit qu'il s'agit de démons et d'anges. Chacun essaie d'entraîner son âme de leur côté, les premiers, par le bas, les seconds, par le haut. La vision disparaît et Carl Neely, d'un air triste, dit : « Pierre, est-ce que nous partirons en Sicile ? » Son frère lui réplique : « Oui, pour nos péchés ! » (Note: la Sicile symbolise l'Enfer en raison de son activité volcanique selon les propos d'Eumorphius, propos rapportés par saint Grégoire le Grand).

Carl Neely ressent une balle se planter dans son dos, à la hauteur des omoplates. Puis, aucune douleur : son âme est sortie de son corps. Le corps s'écroule par terre, sans aucun signe de vie. En une fraction de seconde, l'âme de Carl récite une prière de l'Octoèque : « Ô Vierge, à l'heure de ma mort, arrache-moi aux mains des démons, du jugement, de l'accusation, de l'épreuve redoutable, des postes de péages cruels, du prince farouche et de la condamnation éternelle, ô Mère de Dieu ! » L'âme de Carl Neely a vu l'espion qui a tiré le coup fatal. Prise de panique par sa mort soudaine, car elle n'a pas eu le temps de se préparer à bien mourir, son âme se dit à elle-même qu'elle restera un certain temps à errer, tant qu'elle n'est pas certaine que sa femme et leurs enfants sont en sécurité. Carl Neely sait, en bon orthodoxe, qu'il est mal vu de ne pas se préparer à mourir, mais bon... Une fois qu'il comprend qu'il est mort, toute sa vie défile devant ses yeux: il réalise qu'il n'est que malchanceux, mais pas si salaud comme il le pensait. Tout ce temps-là, il s'illusionnait d'une image pessimiste de lui-même. Il pense, en tant qu'âme : « Je me confesse ! Je le reconnais que j'ai péché et que je me suis éloigné de Dieu ! Je me suis détourné de Dieu et j'ai brisé mon harmonie intérieure ! Ah! J'ai été pécheur et je le suis encore ! Sauf que je sais bien que je ne peux pas me sauver de moi-même ! Je ne suis qu'une âme malade ! Pauvre malheureux que je suis ! Tant pis pour moi ! Oh! Cœur impur, plein de péchés ! Maudit soit le jour de ma naissance ! J'ai hâte et pas hâte au jugement personnel dans quarante jours : il est évident que je grillerais bien en Enfer ! Quelle piètre consolation ! Ah!Ah!Ah! Mais j'espère néanmoins, après un séjour en Enfer, regagner le Ciel, car l'homme, malgré tous ses péchés, est divin à l'image de son Créateur ! Ah! Quelle consolation ! » Et il se signe, réalisant qu'il n'a pas fait depuis longtemps ce geste. Les espions quittent les lieux, en cachant sont corps sous ses draps dans sa chambre. Ils ont aussi tué le jardinier, afin de ne pas avoir de témoin indésirable. Puis ils sortent discrètement de la maison, comme s'ils sont des invités du propriétaire, afin de ne pas éveiller les soupçons des voisins.

Carl Neely sursaute en voyant que son frère est aussi une âme errante... Carl et Pierre s'entr'observent, mais touchés de leurs malheurs réciproques, se donnent une accolade fraternelle. Ensuite, en ignorant les âmes errantes, les anges et les démons autour d'eux, les deux frères, inspirés, récitent en serbe, émus, la prière à tous les saints (prières des grecs orthodoxes) (c'est l'aîné qui débute, le benjamin répète) :


Seigneur, en ta miséricorde infinie, donne-moi le repentir. Et vous, tous les Saints, intercédez pour moi qui suis pécheur: que notre Dieu compatissant ramène à lui mon âme car, en s'adonnant à ses misérables passions, elle s'est laissée saisir par l'Enfer.

Saints, priez pour moi: que j'accède dignement au repentir. Car il vous revient d'intercéder pour les pêcheurs qui désespèrent de la miséricorde de Dieu.

O vous, les Bienheureux et les Justes, qui avez achevé le bon combat, accourez au secours de mon infortune: voyez en moi le mort que l'on pleure ou le mourant que l'on plaint car j'ai perdu toute assurance devant Dieu à cause de mes nombreux péchés. Pitié pour moi, comme si j'étais un prisonnier ou un blessé. Je sais en vérité que si intervenez pour moi auprès de Dieu, tous mes péchés me seront remis en son infinie bonté car, tout comme Lui, vous êtes aussi des amis pour l'homme. O, ne me délaissez pas à mon sort! Sois attentif, Seigneur, à mon humble supplication et écoute-moi avec pitié, par les prières de ta Mère toute pure et de tous les Saints, afin que moi aussi je T'adore avec tous ceux que ton ineffable miséricorde sauve, Toi le Verbe de Dieu, glorifié dans le Père et l'Esprit. Amin.



Puis les deux frères, émus, pleurent sur l'épaule de l'autre. Carl se rend ensuite au-devant de son corps pour réciter l'oraison funèbre, sous le regard ironique des autres entités spirituelles qui le rejoignent et qui regardent la scène. Son ange gardien s'approche de lui, pour le rassurer. Carl Neely voulait débuter la prière à l'ange gardien (du Canon pénitentiel), mais il lui intime le silence. Et tous les deux récitent à l'unisson l'oraison funèbre. Après, Carl pense tristement : « Si je me permets de citer le témoignage de Saint Macaire, je dis, moi pauvre âme pécheresse: «Pourquoi ai-je vécu vainement dans le monde pervers, ai-je été prise au piège dans ses passions futiles, ai-je passé la plus grande partie de ma vie dans l'erreur qui ne produit pas d'utilité et n'ai-je pas honoré ou servi Dieu comme il Lui convient de façon à être digne, moi, de cette joie et de cette gloire? Malheur à moi, misérable! À quoi maintenant me servent ma maison, les biens et les affaires que j'ai réunis pour moi et que je possède là-bas? Comment me servent les vignes et les oliviers que j'ai planté là-bas? Quel avantage ai-je de l'or et de l'argent? Malheur à moi qui ai servi la vanité. Malheur à moi qui, pour un peu d'amour de vaine gloire que j'aimais, ai hérité la pauvreté éternelle. Malheur à moi!» Ah! Quel triste bilan de vie! Si je peux du tout appeler ça une vie une prostitution pour des titres vains! » Il soupire. Et il ajoute : « Je me permets de citer saint Maxime le Confesseur: Nous récoltons les fruits de nos propres semailles et nous nous rassasions de nos démences. Quelle consolation! » Carl Neely se signe, sous le regard bienveillant de son ange gardien, qui tient un peu à l'écart les autres âmes errantes et démons qui voulaient s'approcher de lui.



Évidemment, Dmitri Mikhaïlovitch Dragomirov, informé par un espion du SCRS, sait que Carl Neely est défunt. Ceci accentue son malaise dans son rôle de double, car il sait qu'il « hérite » du compte bancaire de l'original, en plus de sa maison au Westmount. Néanmoins, d'autres espions, un mois plus tard (en janvier 2017), décident de mettre fin à son jeu de rôle et lui ordonnent de feindre la « disparition » de Carl Neely. Le Russe accepte la nouvelle avec joie et pense : « Désolé, Monsieur Carl Neely, mais j'espère que votre âme a trouvé la paix. » Il se signe puis embrasse son épouse lorsqu'il l'informe de la situation. Avant de quitter définitivement ce jeu de rôle, Dmitri remet l'icône portative de Saint Michel sur la table de la cuisine du manoir de Carl Neely. Ainsi, lorsque Daphné Papachristopoulos apprend la nouvelle de la « disparition » de son époux en lisant le Journal de Montréal, elle sourit à la supercherie (car elle a compris en rêve que son époux est défunt). Et elle sait qu'elle hérite de son compte bancaire. D'ailleurs, elle alla visiter elle-même le manoir à Westmount. Comme elle le trouve sinistre, elle le vend en février 2017. Néanmoins, la Grecque récupéra l'icône portative de Saint Michel, ce qui fait sourire Carl Neely, qui suit, ému, les événements. Il est toujours profondément touché par la piété de sa chère épouse. « Elle est vraiment adorable, sincère et pieuse. Quelle grandeur d'âme ! » pense-t-il.



Mais revenons aux âmes errantes que sont les frères Neely.

Trois jours après sa mort, le 27 décembre 2016, l'âme de Carl Neely et son frère se recueillent, avec leurs anges gardiens, pour un office aux morts (à savoir pour Carl Neely et le pauvre jardinier innocent, dont l'âme aussi les tient compagnie; au quatrième jour, après avoir fait ses adieux avec ses proches, elle part dans la Lumière, sereine). Pour les orthodoxes, l'âme peut revenir dans son corps trois jours après la constatation de la mort. Et chaque homme a un ange gardien et des démons, selon si l'âme présente des affinités avec eux. Évidemment, les frères Neely ne se pressent pas de regagner la Lumière, car ils ont peur des châtiments qui les attendent dans l'Au-delà. Ils se disent qu'ils essaieront de sauver leurs âmes. « Il n'est jamais tard pour réparer nos erreurs », pensent Carl et Pierre Neely, « malgré que nous savons que nous ne pouvons pas nous changer, mais au moins, nous pouvons influencer les vivants ». Ils récitent la prière de l'Office des Nocturnes pour les défunts:

« Souviens-toi, Seigneur, de nos pères et frères endormis dans l'espoir de la résurrection pour la vie éternelle et de tous ceux qui ont terminé leur vie dans la piété et la foi. Pardonne-leur toutes leurs fautes volontaires et involontaires, commises par eux en parole, en action ou en pensée. Et donne-leur une demeure dans le séjour de lumière, dans le séjour de verdure, dans le séjour de fraîcheur, d'où sont absents toute tristesse, peine et gémissement, et où la vue de ta face réjouit tous tes saints depuis l'origine des siècles.

Fais-leur la grâce de ton Royaume, de la participation à tes biens ineffables et éternels, et de la jouissance de ta vie infinie et bienheureuse.

Car c'est Toi qui es la vie, la résurrection et le repos de tes serviteurs défunts, Christ notre Dieu, et nous Te rendons gloire, à Toi et à ton Père qui n'a pas de commencement, et à ton Esprit très saint et très bon qui donne la vie, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amin. »


Il n'y a pas que les deux âmes errantes qui récitent cette prière: Daphné Papachristopoulos la récite mentalement, car elle a compris que son ex-époux est défunt (puisque son âme le lui fait savoir dans un rêve), ce qui l'attriste beaucoup, car elle l'aime, malgré qu'il soit la raison de leur divorce. Carl Neely demeure néanmoins son époux et le père de leurs trois adorables enfants...



Après la prière, les frères Neely se signent. L'aîné dit d'un air grave : « Tout ne fait que commencer ! On est loin d'avoir terminer avec les vivants ! »

Le benjamin, étonné : – Des vengeances ?

– Oui ! À commencer par mes chers collègues et professeurs... Ensuite, les bâtards... Malheureusement, c'est ce qui arrive quand j'étais stupidement pris dans des orgies bisexuelles... Je me demande alors pourquoi je n'aurais pas pu demander autre chose aux femmes plutôt que de faire des bâtards... Ah! Misère! Misère! Tu comprendras ma crainte... Je ne voudrais surtout pas que mes enfants se marient avec leur demi-frère ou leur demi-sœur !

– Je comprends...

– Alors tu sais ce qui nous reste à faire ! On ne dit pas pour rien qu'« aucun de nous n'est croyant s'il ne désire pour son frère ce qu'il désire pour lui-même » [sagesse prophétique] !

– Oui, tu as raison !



Ainsi, les premiers individus desquels les frères Neely se vengent sont les quatre collègues du SCRS responsables de la mort de Carl, puis d'autres espions bien précis (sans oublier le père de Gabriel Lawrence, Arthur). Carl Neely n'a quand même oublier que c'est lui qui lui a fait découvrir les plaisirs entre hommes... Il le tourmente et le pousse en bas des escaliers, afin d'être sûr qu'il demeurera invalide jusqu'à la fin de ses jours, en plus d'avoir l'impression d'être suivi... Arthur Lawrence, ne supportant pas ce sentiment de persécution, consulta en juillet 2017 un psychiatre pour se faire soigner. Il est alors condamné à prendre des pilules pour assommer son délire de persécution. Carl Neely se venge aussi du professeur Richard Payne (celui qui a dit au policier, au cours de leur première rencontre dans un chalet, qu'il est normal que ça fasse mal, mais que ça passerait). L'âme errante s'est décidée de l'influencer de manière ce qu'il fasse des automutilations, ce qui le fait souffrir pendant quelques mois, pour finalement se suicider le 6 décembre 2017. Sa femme, Kate, le suit le lendemain. Mais leurs âmes prennent peur lorsqu'elles voient Alberico da Romano qui les salue un sourire ironique aux lèvres. Elles suivent le sombre esprit et disparaissent, aspirées par leurs démons.


Les âmes errantes des frères Neely persécutent sans pitié les bâtards que Carl Neely a fait, à savoir Adrien (le fils de Melinda Gordon-Lawrence), Mary (la fille de Sabrina Neely-Armstrong), Ante (le fils de Catherine Bogdanović-Nenadović), Ana (la fille de Ljiljana Blažević-Jovanović), Liz (fille d'Anny Meyerson-Lawrence, l'épouse du cousin de Gabriel Lawrence). Ils sont tous plus ou mois internés en psychiatrie ou invalides. Seul Adrien est encore vivant en 2020, car les deux âmes errantes n'agissent sur lui que lorsque Melinda Gordon et Gabriel Lawrence ne sont pas dans les parages, ce qui est plutôt rare, surtout lorsque ce fils remarque des coïncidences bizarres et demande à l'un ou à l'autre des chuchoteurs d'esprits (ou encore à l'un de ses demi-frères, Oliver ou Alexander, qui voient aussi les âmes errantes), afin de s'assurer qu'il ne serait pas hanter par un esprit errant. Les autres enfants illégitimes sont défunts, certains d'une surdose de médicaments prescrits par un psychiatre, d'autres d'un suicide (puisqu'ils ne supportent point d'être invalides pour le restant de leur vie ici-bas), ou encore euthanasiés sur l'ordre de leurs parents qui ne veulent point s'occuper d'un invalide ou d'un fou.




Deux mois après sa mort, en février 2017, Carl Neely possède son père, le forçant à écrire sur une autre feuille de son cahier de poèmes : « I'll be quiet when I am dead [Je serais tranquille quand je suis mort]. Et oui, je suis mort ! » Lorsque l'âme de Kenneth revient dans son corps, il lit, étonné, et, de rage, barbouille les phrases avec son stylo. Puis il déchire la page. Mais il a compris qu'il a perdu ses deux fils, ce qui l'attriste, car selon l'ordre des choses, c'est lui et sa femme qui doivent mourir avant leurs enfants... Mais bon, « Je sais bien qu'il ne sert à rien de se rebeller contre le Destin. » pense l'avocat, « Mais, Carl et Pierre, faites mieux la prochaine fois... Dans une prochaine vie ! » Les âmes errantes que sont Carl et Pierre Neely sourient à cette remarque. « Oui, père », pensent-ils à l'unisson, « nous ferons un meilleur choix de vie la prochaine fois, promis ! » Et les frères saluent Vuk Branković et Hildegaire de Rochechouart, qui veillent sur l'avocat aux côtés de son ange gardien. Les deux seigneurs leur rendent leurs salutations.



Au moins, Carl a compris que sa femme et ses enfants ne seront pas des victimes de ses péchés, car Paul Eastman les a bien conseillé. Et Daphné tient rigoureusement à la protection, afin d'être certain que leurs trois enfants peuvent mener tranquillement leur vie. Mais les frères Neely savent qu'ils doivent régler le cas d'Adrien Lawrence, avant que l'une des filles de Carl (Anne-Marie ou Sara) ne rencontre et ne tombe amoureuse de leur demi-frère. Mais comment faire ?





À suivre.

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