Destins
Chapitre 1 : Destins entrelacés
2165 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 21/10/2023 21:27
Destins entrelacés
Le Destin, une chose étrange que voilà. Un enchevêtrement de fils et de liens qui se mêlent et s'entremêlent jusqu'à ne former qu'un immense écheveau. Une toile gigantesque que, disait-on chez les grecs, trois sœurs filaient un temps, jusqu'à ce que l'une d'elle vienne trancher l'un ou l'autre de ces fils. Retirant ainsi une âme de la grande trame qu'était la Vie. Les mythes affirmaient que leurs décisions étaient irrévocables et pourtant... Si cela était vrai, une innocente créature était parvenu à déjouer leurs machinations.
Désolé, mais je chercherais d'abord à découvrir qui je suis en priorité.
Ces paroles pouvaient sembler froides, cruelles sans doute. Oui, elles l'étaient, mais pas tant que ça au fond. Parce que le défunt qui avait prononcé ces paroles n'avait fait qu'exprimer son désir d'élucider le plus grand mystère de sa vie : sa propre mort. Et il devait le faire avant que l'aurore ne viennent poser ses doigts roses sur un ciel s'éclairant peu à peu. A ce moment-là, il serait hélas trop tard. L'âme défunte devrait rejoindre les limbes, et Sissel ne pourrait pas supporter de le faire sans savoir qu'il était et ce qui lui était arrivé.
Le détective fantôme avait donc suivit les conseils de Ray, et pénétré pour la première fois dans le réseau téléphonique de la ville pour le rejoindre. L'homme qui avait prémédité son meurtre. Le vieillard au faciès bleu et son subalterne baraqué avaient discuté comme si de rien n'était. Sans se douter qu'ils étaient écouté par une âme errante, à la recherche de son passé. Par pur esprit mesquin, Sissel avait un moment fait sursauter le vieillard en faisant brusquement se retourner la table centrale de la pièce. L'autre avait failli mourir de peur à cause de cela.
Cette intrusion dans cette pièce sans âme avait été le premier acte. L'instant où Sissel s'était emparé du fil rouge auquel il allait devoir rester accrocher toute la nuit. Un chemin écarlate qui devrait le mener... Vers où exactement ? Il ne le savait pas. A peine eut-il sauvé la jeune Lynn pour la deuxième fois de la nuit que, déjà, que l'horizon commençait déjà se noircir. Pourquoi avait-elle essayé de le tuer ? Elle-même ne le comprenait pas, et le détective fantôme avait senti tous ses repères s'effriter. Mais il avait continué, obstinément. Parce que l'aube s'approchait et qu'il n'avait que jusqu'au lever du jour pour suivre ce mince fil jusqu'au bout. Même s'il devait faire des choses improbables, comme sauver la vie de celle qui l'avait apparemment tué.
Et qui ne comprenait pas son geste.
Ce qui n'était pas normal.
Et il avait ensuite dû sauver un prisonnier condamné à mort, qui semblait important pour la jeune fille. Au fond, le sort de cet individu ne le concernait pas, il n'avait rien à voir avec sa mort. Il aurait aussi pu tourner le dos à cette inspectrice meurtrière et la laisser se débrouiller seule avec ses propres problèmes. Ça n'aurait été que justice, d'autant plus qu'il n'avait que peu de temps pour réussir sa quête. Mais il ne l'avait pas fait. Parce qu'il n'était pas du genre à laisser une femme en détresse quelque part, et parce que Lynn ne paraissait vraiment pas être du genre à tuer une personne de sang froid.
Après avoir admiré (de manière ironique) la danse de l'un des policiers de garde de la prison très spéciale, Sissel s'était donc élancé à la rescousse du détective déchu. En compagnie de la personne qu'il était sensé sauvé. Ce n'était pas la première fois, et le détective n'était pas encore sûr de savoir ce qu'il ressentait en ayant les personnes qu'il voulait sauver en « voix off ». Jowd était bien moins expansif que l'enthousiaste Missile et lançait moins de bêtises à la seconde que Lynne. Il n'empêche que la situation était étrange. Mais pas forcément désagréable. En plus Jowd le connaissait forcément, puisqu'il l'avait peint sur un tableau dans sa propre cellule ! Après avoir sauvé Jowd, il avait dû l'abandonner à Cabanella, sans avoir davantage de réponse.
Lynne avait eut, une fois encore, besoin de son aide. Mais pour changer un peu, ce n'était pas elle le cadavre à ranimer. Il s'était retrouvé à devoir sauver le ministre de la Justice en personne de son propre corps. Le pauvre homme était bien trop cardiaque pour son bien, c'était effarant. Et en plus, il avait dû se coltiner l'âme du monsieur qui n'arrêtait pas de faire des commentaires sur son propre destin, sans en avoir l'air.
« Sérieusement, il ne peut pas se taire deux minutes. »
Sauver la vie du vieil homme avait été une véritable épreuve, mais à force de stratagèmes mis en place d'un bout à l'autre de la pièce, Sissel était parvenu à fournir le médicament salvateur au ministre cardiaque. Et grâce à ça, il avait pu avancer. Il avait découvert que l'homme politique était soumis à un odieux chantage. Des personnes avaient enlevé sa fille... Ou moins, ils pensaient l'avoir enlevé. Parce qu'ils s'étaient trompés. Mais qu'à cela ne tienne, une âme innocente était en danger et le ministre refusait de lâcher prise. C'était tout à son honneur mais ça n'arrangeait pas les affaires de Sissel ou celles de Jowd et de Lynn qui tentait de sauver le vieux détective depuis des années.
Sissel avait fait de son mieux, avait essayé de répondre aux attentes de chacun quand il le pouvait, sauvait toutes les vies qu'il pouvait. Et toujours davantage il s'éloignait de son but... Ou s'en rapprochait. Puisqu'au fil des destins brisés qu'il parvenait à réparer, ses mains fantomatiques suivaient un tout autre fil. Un fil d'Ariane en quelque sorte. Une ficelle rouge qu'il n'avait pas remarqué jusqu'alors, mais qui apparaissait de plus en plus nettement alors que le temps passait. Et ça ne plaisait pas vraiment au chercheur de vérité. Voir son corps s'animer et commettre des crimes ce n'était pas plaisant. D'autant plus que c'était SON corps. Même si lui, l'âme, n'était plus dans l'enveloppe charnel, c'était comme si c'était lui-même qui assassinait les gens.
-Nous y sommes Sissel.
Après avoir sauvé l'inspecteur Cabanella, qui était bien moins orgueilleux qu'on l'aurait cru, et le vieil homme au pigeon, Sissel avait rejoint Jowd et Lynne au bureau du ministre. Le fantôme allait bientôt découvrir toute la vérité. La terrible vérité. Terrible oui, car il craignait de se découvrir criminel. Un type monstrueux qui avait jadis menacé la vie d'une petite fille et qui plus tard avait tué deux personnes au QG de la police. Ce n'était pas lui il le sentait, mais les faits étaient là. Les terribles preuves qui l’accablaient de toutes leurs forces. Ça faisait mal, il n'arrivait pas à y croire. Il doutait de lui-même et même des raisons qui l'avaient poussés à sauver tant de gens.
Suivant le réseau de destinés l'entourant et le réseau téléphonique qui était devenu son meilleur moyen de transport, Sissel était arrivé sur les lieux de la confrontation finale. L'endroit où il devait rencontrer son double, ou son véritable lui. Les questions et les certitudes qui tombaient étaient telles qu'il en avait perdu l'apparence humaine qu'il avait adopté jusqu'alors. Incapable de protéger Jowd, il avait aussi dû assister à la mort de Lynn. Assassinée par les mains innocentes de la petite Kamila qui se trouvait aussi sur les lieux. Mais grâce à ses supers pouvoirs de fantôme, il était parvenu à la ramener à la vie. S'il avait eut le cœur à rire et si la situation n'avait pas été aussi grave, il aurait pu dire que ce n'était qu'une tâche de routine. Mais tandis qu'il protégeait les deux filles, les Schtroumpfs avaient sabotés leur propre sous-marin. Condamnant tous ceux qui s'y trouvaient à la mort par noyade.
Aidé par le vaillant Missile, il avait réussi à mettre Lynne et Kamila temporairement à l'abri... Mais c'étaient retrouvés face à leur adversaire. L'ombre derrière laquelle Sissel avait couru toute la nuit. Le corps animé qui n'aurait jamais dû l'être, puisqu'il était sensé être mort. Et la vérité avait enfin été dévoilée. Le corps avait appartenu à un certain Yomiel qui était toujours en vie. Qui était aussi la source de tout ça. Tout avait commencé de cet homme et de cette prise d'otage désespérée qu'il avait perpétré. Certes, le fait qu'il ai été transpercé par une météorite qui, comme par hasard, avait chuté à ce moment précis n'était qu'un malheureux accident. Mais c'était de cet événement qu'était né toute la colère et la peine qui avait envahit le pauvre informaticien. L'homme qui aurait dû mourir avait erré dans les ombres, sans que personne ne le voit. Personne pour partager sa souffrance. Pour voir ces pleurs qui ne pouvaient pas couler.
Un mort parmi les vivants. Un fantôme qui n'avait pas le droit de disparaître.
Sissel s'était senti peiné pour cet individu qui, de monstre, était passé au statut de victime. Oh, ça n'excusait pas tous les actes qu'il avait commit. Mais il y avait une telle tristesse qui environnait cet homme, qu'on ne pouvait complètement lui en vouloir. Alors, le détective fantôme s'était emparé du fil qui avait parcouru l'ensemble de cette nuit tragique et l'avait remonté. Complètement. Totalement. Avec Lynne, Missile, Jowd et Yomiel ils étaient revenus au moment où tout avait commencé, et avaient réussi. Ils avaient sauvé l'homme en rouge et était parvenu à réécrire complètement leur futur.
Et maintenant, Sissel le chat détective profitait de journées calmes et paisibles auprès de sa maîtresse Kamila et du détective Jowd. Il n'avait pas l'impression que ses deux humains aient gardé un quelconque souvenir de leurs précédentes aventures. Lui s'en rappelait. Parfaitement. Peut-être parce qu'il était un chat ? Il ne le savait pas, et n'avait pas vraiment envie de savoir. Mais il se rappelait avoir revu Lynne dans cette temporalité et... Elle l'avait reconnu. D'une manière ou d'une autre, la jeune fille avait eut conscience de leurs rencontres passées. Dommage, ils n'avaient plus leurs pouvoirs de fantômes pour pouvoir communiquer par télépathie. L'éternel chaton ne saurait sans doute jamais si Lynne se rappelait réellement de cette nuit ou si Jowd et Kamila s'en souvenaient également. Mais ils allaient bien, ils allaient tous bien. Et Yomiel avait purgé sa peine de prison et serait bientôt libre. C'était le principal.
-Sissel, regarde ce que j'ai trouvé !
Kamila claironnait dans tout l'appartement d'une voix forte et joyeuse. Heureusement, la femme du premier ministre n'était plus dans l'appartement voisin et ne pouvait donc plus marteler le mur d'un poing déterminé. Le chaton s'interrogea sur ce qui pouvait provoquer la joie de sa jeune maîtresse, et s'étira paresseusement sur le canapé. Les pas joyeuses de la petite fille s'étaient rapprochés, et le félin aperçu ce que l'enfant avait rapporté. C'était brun, ça avait quatre pattes, une langue pendante et une truffe toute noire. Les yeux du matou s'agrandirent.
-Maw ?
Sans qu'il n'ai le temps de réagir, Sissel vit la chose bondir des bras de Kamila avant qu'il n'ai pu faire quoique se soit. Des coups de langues enthousiastes vinrent noyer sa fourrure sous une épaisse couche de bave et le minou ne pu que feuler de mécontentement. Il allait être tout mouillé ! Mais une part de lui ne pouvait s'empêcher d'être heureux de le retrouver. Lui qui l'avait aidé, guidé en quelque sorte. Le valeureux petit chien qui avait tout donné pour sauver sa Mademoiselle Kamila. Et qui l'avait finalement retrouvé dans cette vie. Même si... Même si cet événement très heureux s'accompagnait de quelques désagréments pour lui.
-Oh, regarde Sissel comme c'est mignon. Il veut déjà jouer avec toi !
Le chiot s'était affalé sur le chaton et commençait à lui passer les pattes avant sur le museau tout en lui mordillant gentiment ses oreilles. Missile était heureux de le revoir oui. Vraiment. Sissel était touché. Mais là, maintenant tout de suite, Sissel avait surtout conscience que les journées n'allaient plus du tout être reposantes avec ce petit bolide dans les pattes !