Survivre à Gantz

Chapitre 2 : La première mission

5691 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 29/05/2020 00:14


Tour à tour, nous fûmes envoyés quelque part, une panique s'installa rapidement parmi nous bien que Lucie et Roman nous ait expliqué la situation. Ils avaient bien parlé de téléportation d'ailleurs, mais tout ceci restait particulièrement effrayant. Les rayons me frappèrent à mon tour, juste après que la mère de famille fut envoyée. Tandis que mes jambes semblaient disparaître quelque part ainsi que mon crâne, j'entendis Roman nous dire depuis la pièce à la sphère.


- Surtout ne vous éloignez pas !


Le rayon passa devant mes yeux et ma vision passa du décor de la pièce vide à celui d'une toute petite rue piétonne. A voir les pavés au sol, les murs en vieille pierre et les boiseries antiques couvrant encore certaines façades, nous devions nous trouver dans le vieux quartier de la ville. Je ne bougeais pas d'un poil, regardant sous moi mon corps se former, couche par couche, comme par magie. Autour se trouvait déjà le vieil homme, la mère de famille et les deux hommes louches. Nous fûmes bientôt rejoints dans cet ordre par Lucie, le gamin, le chef de chantier, Roman et enfin la femme en tailleur.


- Je reconnais cet endroit, clama aussitôt le vieil homme, c'est tout prêt de chez moi !

- Oui moi aussi, articula la mère de famille.

- Ne vous éloignez surtout pas, dit Lucie l'arme au poing, l'ennemi n'est pas loin.

- Ceux qui n'ont pas de combinaison ferait bien de se cacher mais si jamais vous entendez un bip dans votre tête, faîtes aussitôt demi tour, continua Roman.

- Écoutez vous deux, je ne sais pas qui vous êtes, ni même à quoi rime tout ça...mais j'en ai assez de cette histoire de fou ! Tout ce que je sais c'est que je suis ici, bien en vie, et à dix minutes à pied de mon domicile, rien de ce que vous pourrez dire me fera changer d'avis, éructa le vieil homme, je rentre chez moi !

- Mais, commença Lucie.

- Lucie...laisse les, fit Roman à la fois autoritaire mais aussi triste.


Le vieil homme s'en alla, bientôt suivi par la mère de famille qui, bien qu'hésitante, lui emboîta rapidement le pas. Lucie et Roman prirent la direction opposée, aussitôt suivis par les deux hommes louches et le gamin. Je ne savais pas à quoi pensaient ces trois là, je ne pouvais dire si ils faisaient bien de suivre le couple. Je restais là, avec la femme en tailleur et le chef de chantier. Ce dernier commença lui aussi à partir dans une autre direction.


- Je ne pense pas que nous devrions nous éloigner d'eux, dis-je hésitant.

- Écoute petit, je ne sais pas ce que tu en penses, mais on est bien en vie non...je vais faire comme le vieux et je vais rentrer.


Il s'en alla ainsi. Nous échangeâmes un regard avec la femme et nous le suivîmes sans un bruit. Il se trouvait qu'il prenait la direction du métro...et autant je pouvais croire à l'histoire du couple, autant je rêvais de rentrer chez moi et tenter d'oublier tout ça. Nous marchâmes ainsi pendant un petit moment jusqu'à atteindre un petit parc avec une large fontaine au milieu. Je n'étais pas souvent venu par ici mais je savais qu'il y avait une bouche de métro toute proche. La femme en tailleur et moi même marchions quelques mètres derrière le chef de chantier. Je ne savais pas si elle partageait le même sentiment que moi, mais je me sentais de plus en plus ridicule à me promener dans cette combinaison. Sans compter que je me trimballais avec une arme étrange. Si on croisait la police il était presque certain que l'on attirerait le regard, voir que l'on se ferait interroger. Il n'aurait plus manquer que ça, me faire arrêter parce que j'étais habillé comme un guignol et que je me trimballais avec une arme bizarre. Nous passâmes le parc et j'entendis soudain comme une sonnerie dans ma tête. Je me tournais partout pour voir d'où venait le son et je vit que la femme en tailleur faisait de même. Elle était effrayée, se souvenant aussitôt de ce que nous avait dit le couple avant que l'on se sépare. Ce son n'était pas de bon augure et il fallait rebrousser chemin. Elle leva alors la voix dans le silence de cette nuit pour appeler notre ami le chef de chantier.


- Vous n'entendez pas le bruit, il faudrait revenir...

- Merde à la fin, s'énerva-t-il aussitôt, je m'en fout de tout ça, je veux juste rentrer !


Nous restâmes, elle et moi, figés sur place, tandis qu'il continuait de marcher. Puis, assez loin devant nous, il se figea, commençant à se retourner comme pour faire demi tour. Il nous regarda, l'air embêté, comme si il ne savait plus ce qu'il convenait de faire. Soudainement, sans prévenir, sa tête explosa purement et simplement ! C'était comme si une bombe avait été cachée à l'intérieur. L'explosion fut telle qu'elle dispersa des morceaux de son crâne et de sa cervelle un peu partout. La femme cria très fort et j'étais moi même horrifié...mais je comprenais désormais ce qu'était ce bip dans nos têtes. Nous avions la même chose, une bombe dans le crâne, qui explosait si l'on s'éloignait...peut-être, je n'avais aucune certitude. Mais, dans un élan de survie, j'attrapais la femme par le bras et la tirait en arrière, en direction du parc. Je l'entendis pleurer, et moi même je sentais me monter un goût désagréable dans la bouche. Nous marchâmes en vitesse jusqu'à atteindre un banc au milieu du parc. Là, elle s'effondra sur ce dernier tandis que je m'appuyais contre un arbre pour vomir le peu que j'avais dans le ventre.


- Que se passe-t-il...demanda t'elle, on est morts hein, ce n'est pas vraiment notre ville, c'est l'enfer pas vrai...


Je restais silencieux, ne sachant quoi lui répondre, moi même trop perturbé pour trouver le moindre sens à notre situation. Je tombais assis à même le sol, observant la fontaine toute proche, le regard embrumé par l'incertitude tandis qu'elle continuait de sangloter à coté. Ce n'était pas possible, comme l'avait dit le vieux, c'était une histoire de fou. Non, ce n'était même pas une histoire, c'était un putain de cauchemar et je voulais me réveiller.


- Vous...vous n'entendez pas quelque chose...


Ma partenaire, entre deux sanglots, venait de m'interpeller.


- Non...


Je tendis l'oreille et remarquait aussitôt qu'elle avait raison. On venait vers nous, des pas lourds, quelqu'un se frayant un chemin à travers la végétation du parc. Puis nous le vîmes. Il était grand, au moins deux mètres, et monstrueusement large. Il portait, semblable à la photo, un gros bonnet rouge et un pull vert trop petit pour lui découvrant le bas de son ventre. Son pantalon était aussi trop court et il était pied nus. Il était si gros, ses bras, son ventre, son visage. Je n'avais jamais vu quelqu'un d'aussi obèse, s'en était presque effrayant. Mais son apparence n'était pas le plus dérangeant. J'étais de ce genre à éviter au possible de juger les gens sur leur physique...mais quelque chose me fit aussitôt comprendre à quel point il était dangereux. Sa bouche dégoulinait du sang de quelque chose qu'il venait de manger. Dans son épaisse main droite il tenait une tête à moitié dévorée...mais je reconnaissais celle du vieil homme. De son autre main il traînait derrière lui le cadavre de la mère de famille dont il manquait les jambes. Il resta là, immobile, à nous regarder avec ses yeux tellement brillants qu'on les aurait vu dans le noir complet. Il se lécha les lèvres avec une épaisse langue noire en nous regardant. Il jeta la tête et laissa le corps au sol en s'approchant de nous.


- Du rab...vous voulez du rab ? Je veux du rab !


Lentement il avançait vers nous, tendant en avant ses mains immenses. Il avait tué ces deux personnes et il allait en faire de même avec nous. Automatiquement, je levais l'arme étrange et la pointais vers lui. La femme à coté de moi ne bougeait plus, tétanisée par la peur. Tout ceci n'était pas un jeu, ce gars là était bien la cible indiquée par la sphère. Il fallait vraiment le tuer ou sinon...sinon il nous tuerait nous.


- N'a...n'avancez pas !


Comme pour me donner du courage je le prévenais. Je ne voulais pas tirer, je ne savais pas ce qu'il était, il ne semblait qu'à moitié humain, mais je n'avais encore jamais tenu une arme. Je ne m'étais même jamais vraiment battu dans ma vie. J'étais du genre à éviter les conflits. Je n'étais pas un lâche mais je ne me considérais pas non plus comme quelqu'un de très courageux. Pourtant je savais que ma vie était en danger, plus encore que dans la pharmacie. Ce gars là, ce monstre, m'effrayait bien plus que le junky. Je devais faire quelque chose, j'étais en vie, je ne pouvais pas mourir, pas une deuxième fois ! Le temps de penser à tout ça, sans même que j'en sois vraiment conscient, il s'était approché de moi, tant et si bien qu'il n'avait plus qu'à tendre les bras pour m'attraper. Pourtant il se tourna subitement vers la femme en tailleur et lui attrapa le crâne entre l'une de ses grosses mains. Elle cria alors qu'il la soulevait sans effort du sol. D'une main il lui tint la tête et de l'autre un bras et il se mit à tirer. Je pouvais voir qu'il fournissait un gros effort, comme si il cherchait purement et simplement à lui arracher le bras, ou la tête. Je levais l'arme vers lui et dans un cri j'appuyais sur les deux gâchettes en même temps. Il s'immobilisa, tourna la tête vers moi, et soudainement son épaule explosa, son bras tomba au sol et avec lui la femme. Elle était libre tandis que le monstre criait vigoureusement. Il se tourna vers moi, ses yeux jusque là presque inoffensifs s'étaient transformés. Jusqu'ici il avait un regard vide, idiot en quelque sorte, mais je n'y lisais désormais plus que de la haine.


Je ne le vis pas venir, il leva son bras restant et me donna un très puissant coup de poing. Au moment du choc je m'attendais à sentir ma tête s'arracher et pourtant, je ne sentis rien, ou presque. Son coup semblant pourtant si puissant ne fit que me pousser, presque délicatement. J'étais pourtant certain qu'il y avait mit toute sa force et sa colère. A voir ce qu'il avait fait du corps des deux autres, il devait être très fort et pourtant j'étais toujours là, bien en vie. Comment était-ce possible ? Avant que j'eus le temps de faire quoi que ce soit il ouvrit grand la bouche. Une ouverture démesurée, comme si il s'était déboîtée la mâchoire et il me goba la tête. Le monde devint noir tandis que j'étouffais dans l'énorme cavité lui servant de bouche. Je sentis sa salive me recouvrir le visage et je sentis ses dents tenter de me ronger mais elle crissait sur moi aussi bien que si il avait essayé de manger une pierre. Je me débattais alors, comprenant que quelque chose me gardait en vie. Poussé par l'instinct de survie, je levais un poing, sentant affluer en moi une force insoupçonnée et le frappait au ventre. Le coup fut terriblement puissant, comme une onde de choc le frappant à l'estomac. Ma tête fut soudain libre et je vis l'énorme individu voler au loin pour s'écraser contre la fontaine se brisant sous le choc. Je venais de faire ça ? Moi...ce n'était pas possible ! La femme s'était relevée et se posa à coté de moi, les yeux inquiets, comme pour me demander si j'allais bien.


- Je vais bien, je crois que...


Je repensais alors au petit briefing de Lucie et Roman. Ils avaient parlé de ces combinaisons, qu'elles nous rendraient plus forts et plus résistants. Je ne voyais pas d'autre solutions. La femme en portait une aussi, peut-être était-ce pour ça qu'il n'avait pas réussi à lui arracher un bras.


- Ces combinaisons, je crois qu'elles nous protègent !

- Je crois aussi...j'ai à peine senti sa force tout à l'heure.


Malgré la puissance du choc, le monstre s'était relevé et il nous regarda un instant, apparemment surpris. Il tourna la tête violemment sur la droite et sur la gauche, comme pour se faire craquer la nuque avant de se frapper très fort la bedaine.


- Vous pas vouloir du rab ! Vous être rab !


Il s'agenouilla dans la fontaine, de nouveau avec un air benêt sur le visage et soudain il bondit. Ce n'était pas un saut normal, pas en hauteur, ni même en longueur. Il s'était littéralement propulsé, comme un missile, fonçant de toute sa masse droit vers nous. Il était tellement rapide, comment un type de cette taille pouvait bouger de cette façon. J'esquivais in extremis notre ennemi et je vis que la femme en avait fait autant en sautant de l'autre côté. Le monstre fila si vite entre nous que je pus sentir une vague de vent me fouetter le visage après son passage. Je me retournais aussitôt pour le voir atterrir contre un arbre. Mais au lieu de s'y écraser il fit une sorte de pirouette en plein mouvement, posant ses deux pieds sur la surface de l'arbre, reprenant ainsi appui. Il se propulsa à nouveau. La force de sa détente fut telle que l'arbre se déracina. En une seconde à peine le monstre revenait vers nous avec toujours autant de vitesse. Mais il ne me visa pas, volant vers la femme qui se relevait à peine. Elle n'eut pas le temps de bouger et fut frappée de plein fouet par l'énorme masse du monstre. Tout deux continuèrent leur course jusqu'à un autre arbre qu'ils percutèrent ensemble dans un grand fracas. Ils tombèrent tous deux à terre. Poussé par une force étrange, je m'avançais vers eux, m'inquiétant certainement pour la femme. La créature se releva, regardant de nouveau autour de lui. A ma grande surprise, la femme se releva aussitôt elle aussi et s'éloigna, profitant de la pause accordée par l'énorme bête. Elle vint vers moi, à la fois surprise et paniquée. Mais elle n'avait aucun dommage, à part sa combinaison. Les sortes de boutons laissaient échapper une sorte de liquide étrange. Le monstre lui, continuait de regarder autour de lui, bêtement.


- Je vais bien, me dit-elle soudainement, ces combinaisons sont...miraculeuses.

- On peut peut-être y arriver.

- Arriver à quoi ?

- Le battre, c'est ce qu'il faut faire non ?


Il nous dévisagea à nouveau, avant de s'agenouiller au sol. Je le visais alors avec mon arme et il fonça sur nous toujours à la manière d'une torpille. Je n'avais jamais utilisé d'arme mais il aurait été difficile de rater une cible aussi large fonçant droit sur vous. Je fis feu avant de m'écarter aussi vite que je pouvais, étant de nouveau soufflé par la vitesse de son passage. Avec un certain espoir, je vis que la femme elle aussi s'était écartée à temps. Le monstre se posa plus loin, s'immobilisant à nouveau quand soudain, une partie de son ventre explosa. Il posa un genou à terre, certainement sous la douleur et se mit à couiner violemment. Cela n'avait rien d'humain, on aurait dit une sirène de camion de pompier stridente. Un bras en moins et le ventre percé il se tourna à vers nous, mais encore une fois il était passé d'un air abruti à une rage sans nom. Il continua de crier et un changement s'opéra chez lui, quelque chose d'incroyable. Sa masse se mit à changer, il devint plus gros et semblait maigrir à vue d’œil. Mais tandis qu'il maigrissait, des muscles épais se dessinèrent sur tous son corps. Le gars se transformait en masse musculaire si vite qu'en une vingtaine de secondes sa métamorphose fut complète. Il devait presque faire dans les trois mètres maintenant, un véritable Goliath au physique plus impressionnant que n'importe quel bodybuildeur.


Il bougea soudainement, un mouvement incroyable et se retrouva face à nous. Ni ma partenaire ni moi n'eûmes le temps de bouger. De son bras valide il asséna une violente gifle à la femme, mais à ce stade là, même malgré la transformation monstrueuse de notre cible, nous pensions nous en sortir. Pourtant, cette fois ci, elle ne fut pas protégée. Sous mes yeux, la scène se déroula comme au ralenti. Tandis que la main gigantesque du monstre la frappait au niveau de l'épaule, cette dernière se disloqua, le haut de son bras s'écrasa, sa cage thoracique se comprima sur elle même. Puis elle fut projetée violemment contre le sol ou elle s'écrasa, son crâne percutant ce dernier et se fendant d'un seul coup. Dans une gerbe de sang, de cervelle, d'os en morceaux et d'organes réduits en bouillis, elle fut réduite en charpie par la force du monstre. Mais pourquoi ? Elle portait pourtant la combinaison ? Ce monstre était-il donc si fort que cela n'avait plus d'importance ?


J'allais mourir ici, une seconde fois, j'en étais convaincu. Rien ne pourrait me sauver. Pas cette combinaison, ni même cette arme. J'étais tout simplement foutu. Le monstre attrapa un morceau de la femme qu'il goba d'un seul coup avant de se tourner vers moi. Je criais à plein poumons avant de prendre mes jambes à mon coup. Je fuyais de façon lamentable, mais c'était ma seule option. Je ne me voyais pas survivre cette histoire de fou, mais je voulais survivre le plus longtemps possible. Je courais à travers le parc, entendant pourtant derrière moi les bruits de pas puissants du monstre me courant après ainsi que des arbres et branches se brisant sur son passage. Je courais à en perdre haleine, je ne voulais pas mourir. Je savais que j'allais mourir, encore, mais je ne voulais pas. Pourtant, une vision me fit abandonner tout espoir. Loin, en face de moi, une forme immense courait à ma rencontre, aussi semblable que celle qui me poursuivait. Un deuxième monstre, identique à l'autre courait vers moi et j'étais pris entre eux.


Je m'agenouillais au sol, attendant inexorablement d'être terrassé par ces deux calamités venues d'on ne sais où. Je pouvais sentir d'épaisses larmes rouler sur mon visage et...sans pouvoir me contrôler, je me pissais dessus, totalement enveloppé et terrassé par ma peur. Mais un éclair blond passa au dessus de moi à toute vitesse et frappa mon poursuivant d'un magistral coup de pied. Le monstre venant vers moi fut soudain bloqué lui aussi par des explosions autour de lui, tant et si bien qu'il stoppa sa course et recula de quelques pas. Lucie, qui venait de frapper le monstre qui me poursuivait, lui avait donné un coup si fort que le géant s'était effondré au sol. La femme se tenait debout sur lui et tira deux fois avec l'arme étrange vers le visage de ce dernier. Un instant plus tard, sa tête se déforma de façon grotesque avant d'exploser.


- Debout !


La voix m'intima de me relever, comme un sergent instructeur de l'armée tout en me prenant par le bras. C'était Roman, une lueur sérieuse dans le regard.


- Il n'y en a plus qu'un, nous pouvons le faire !


Revenant à mes sens, je réalisais soudainement ce qui s'était passé. Le groupe du couple était de retour, ils étaient certainement tombés sur le jumeau du monstre nous ayant attaqué. Lucie venait d'en terrasser un, et les deux hommes louches gardaient l'autre à distance avec leurs armes. Aucun signe du gamin en revanche, mais à voir les mains pleine de sang du nouveau monstre, je devinais ce qui s'était passé. Ce dernier reculait face aux explosions provoquées par les armes sans pour autant que ces dernières ne l'atteignent. Il semblait avoir du mal à se déplacer, en raison de sa taille et malgré sa force, cette zone pleine d'arbres du parc gênait ses mouvements. Je ne savais pas qui étaient les deux gars louches, ils ne portaient même pas de combinaisons, mais ils assuraient. Puis, Roman et Lucie passèrent à l'attaque. Ils firent tous les deux un bond à l'unisson de plusieurs mètres en avant sans prendre d'élan tout en faisant feu vers le monstre. Mais il se planqua derrière son coude qui explosa quelques instants après. Lucie toucha le sol la première et fonça vers ce dernier en direction de ses jambes comme pour le plaquer. La bête capta le mouvement et répondit d'un violent coup de pied qui envoya Lucie par dessus les arbres. Roman en avait profité pour passer derrière le monstre, lui tirant une salve dans le dos. Dans un cri, trois explosions emportèrent de gros morceaux de chair de la créature. Les deux gars louches s'approchèrent alors pour donner le coup de grâce, confiants dans leur capacité à survivre.


- Non !


Roman cria, mais c'était trop tard. De sa main puissante, le monstre attrapa une épaisse branche qu'il arracha sans problème et, à la manière d'une massue, faucha les deux hommes. Plusieurs craquement horribles se firent entendre sous le choc. Ils avaient été brisés par le coup du monstre comme une batte de base-ball écrasant un fruit. Mais il n'en resta pas là, toujours armé il continua son mouvement et frappa violemment Roman qui fut envoyé contre un tronc épais. Sous le choc, l'arbre trembla sur sa base, laissant un Roman inanimé au sol. Lucie n'était toujours pas là, j'étais le seul à pouvoir faire quelque chose...mais quoi. Le monstre était aussi puissant que le précédent, sinon plus, c'est en tout cas l'impression que j'en avais. Je me tenais là, tétanisé, le froc encore trempé de m'être pissé dessus. Pourtant, lorsqu'il leva sa massue pour terrasser le jeune homme brun, mon corps agit tout seul. A une vitesse folle, certainement grâce à la combinaison, je fonçais devant le monstre et bloquait son arme improvisée. Une force démesurée grimpa en moi, celle de cette tenue ainsi que celle du désespoir. D'un bond, je m'élançais vers son visage, lui donnant un magistral et pourtant simple coup de poing. Le choc fit reculer la bête de quelques pas...elle se figea, avant de se tourner à nouveau vers moi. Sa mâchoire était disloquée et pendait lamentablement mais on pouvait encore voir toute sa rage dans ses yeux. Il allait attaquer, j'avais fait mon maximum. La peur me regagna aussitôt. J'allais mourir...Mais, une explosion détruisit l'un de ses genoux. Lucie venait de réapparaître dans le dos du monstre, apparemment indemne. Une main se posa sur mon épaule, pour simplement m'écarter. Roman, qui venait de reprendre ses esprits, me poussa doucement, levant son arme vers le visage de la bête et fit feu. Dans une explosion finale, le combat prit fin. Lucie s'approcha de Roman, ils s'enlacèrent un instant tous les deux puis me regardèrent, assez choqués. Je m’effondrais, à bout de souffle, sur le sol d'herbe souillée par le sang et les morceaux du monstre. Lucie vint s'agenouiller devant moi.


- Prend une grande inspiration, on retourne dans la pièce.


Elle avait retrouvée son sourire et sa jovialité d'avant le début de la mission. Soudainement, elle se mit à disparaître, tranche par tranche, comme auparavant. Une fois qu'elle eut entièrement disparue, je remarquais que mes pieds disparaissaient eux aussi. Je me tournais vers Roman qui m'adressait un grand sourire.


- A tout de suite.


Lentement mais sûrement, je me retrouvais dans la pièce du départ, Lucie était déjà là. La boule, Gantz, n'avait pas bougée. Enfin, lorsque je fut entièrement matérialisé, Roman commença lui aussi à apparaître. Je me tournais vers la sphère, le compteur s'était arrêté, il restait encore 20 minutes. Une fois ensemble, Lucie et Roman, s'enlacèrent à nouveau et s'embrassèrent même devant moi. Puis ils s'écartèrent.


- Ah, désolé, on n'a pas l'habitude que quelqu'un d'autre survive, fit Roman un peu gêné.


Un petit jingle retentit, comme dans un jeu télévisé. Je me tournais aussitôt vers la sphère pour voir ce qui se passait. Un frisson de peur me passa dans le dos en imaginant ce qui allait se passer. Pourtant l'écran n'indiqua pas le départ d'une autre mission, simplement une phrase. « Il est temps de distribuer les points. » Le tout passa au noir jusqu'à ce qu'apparaisse une portrait caricatural...de moi.


Le Mouillé, 0 Points, Tu hésites tous le temps, Tu te pisses trop dessus.


- Hein...


Je restais éberlué. Est-ce que cette machine était en train de se foutre de ma gueule ? J'entendis Lucie pouffer de rire derrière mon dos.


- Mais je...

- Y'a pas de honte tu sais, dit Roman en s'approchant, j'ai vu des gens avoir des réactions encore plus bizarres en ayant peur.


Le portrait bougea alors pour laisser apparaître celui de Lucie, lui aussi très caricatural.


- Oh, c'est mon tour.


Lucie la Blondasse, 15 Points, Tu as 76 Points, Encore 24 !


Le portrait changea à nouveau pour laisser la place à celui de Roman, toujours aussi étrange.


Roman le Timide, 15 Points, Tu as 73 Points, Encore 27 !


- Alors comme ça ils valaient 15 Points, ils étaient assez forts il faut dire, commenta Lucie.

- Attendez !


J'interrompis tout de suite la conversation. Les pensées se bousculaient dans ma tête, aussi vite qu'un train lancé à grande allure. Je n'arrivais pas à trouver le moindre sens à tout ceci.


- Et les autres, ils sont morts, ils ne vont pas revenir ? A quoi servent ces points ? C'est quoi ces monstres ? Pourquoi vous avez autant de points et moi non...

- Calme toi.


Roman, s'approcha, et posa ses deux mains sur mes épaules. Il était sérieux, mais aussi profondément sympathique. Lucie m'adressa elle aussi un simple sourire amical.


- Avant toute chose, je voudrais te remercier. J'étais sonné, mais je me souviens t'avoir vu attaquer le monstre pour me protéger. Si tu n'avais pas été là, je n'aurais peut-être pas survécu...alors merci.

- Je...

- Ce n'est rien, tout ça n'a pas de sens, on le sait bien, on était comme toi au début, fit Lucie, mais on peut répondre à tes questions.

- Oui...

- Mais pas ce soir, continua Roman, tu es toujours envie et les portes de l'appartement sont ouvertes maintenant, tu peux rentrer chez toi.

- Tu as un téléphone ?


Je me tournais vers Lucie, surpris par sa question. J'avais effectivement un portable...pourquoi, elle voulait mon numéro ? Elle n'était pas en couple avec Roman ? Et puis même, à quoi pensait-elle dans de telles circonstances ? Mais étrangement je m'approchais de ma valise dans laquelle j'avais ranger mes vêtements ainsi que mon sac et j'y trouvais mon téléphone. Je lui donnais mon numéro, la tête encore pleine de questions mais trop fatigué pour pouvoir continuer.


- Va te rhabiller maintenant, et emmène la combinaison avec toi, me dit Roman, on te contactera bientôt et on t'expliquera tout à ce moment.

- Oh et...comment tu t'appelles, on a pris l'habitude de ne pas le demander aux gens...on évite de trop s'attacher vu la situation, expliqua Lucie, mais vu qu'on va se revoir, il faut bien savoir ça.


Je leur donnais mon prénom, ce qui les fit sourire. Enfin, sous mes yeux, ils passèrent dans le couloir et ouvrirent la porte jusque là infranchissable. Ils m'adressèrent tous les deux un dernier salut de la main et s'en allèrent. J'étais totalement perdu mais à cet instant il n'y avait plus qu'une seule chose qui importait, je pouvais rentrer, j'étais encore bel et bien en vie ! Je me changeais rapidement, et même si je ne savais pas vraiment pourquoi je devais emmener la combinaison avec moi, je le fis quand même.


J'attrapais le premier métro qui passait pour retourner vers mon quartier. Il était tard et la rame était mal fréquentée, mais je n'y accordais que peu d'importance. La peur de me retrouver aussi tard sur une ligne mal famée n'était rien avec ce que je venais de vivre. Je regardais mon téléphone, on était toujours le même jour, juste tard dans la soirée. J'avais reçu plein de messages de Stan et de Bastien me demandant où j'étais passé. Ils me reprochaient de ne pas être venu...ils avaient bossés sans moi durant l'examen et j'avais reçu un zéro. Ça n'allait pas arranger mon semestre mais encore une fois, quelle importance ? J'étais mort plus tôt dans la journée, j'étais revenu à la vie dans un appartement bizarre, j'avais du me battre pour survivre à un scénario digne d'un cauchemar ! Mais j'étais là, bien en vie, je respirais...j'étais vivant ! On voyait ça parfois dans les films, les livres ou les mangas. Un personnage vivant une expérience proche de la mort et voyant ensuite la vie sous un autre jour. Les études me paraissaient être un soucis tellement lointain ! Et même ma copine, celle avec qui on ne parlait plus depuis un moment. Le matin même j'avais voulu lui envoyer un message, comme pour tenter de recoller les morceaux de notre histoire...mais je savais maintenant que ça ne servait à rien. Pas une fois, pendant toute cette expérience de mort, je n'avais pensé à elle et le fait qu'elle et moi serions définitivement séparés. A dire vrai je n'avais pensé à personne, rien qu'à moi. Je l'appelais aussitôt, lui demandant si je pouvais passer. Elle me trouva bizarre au téléphone mais accepta.


Ce soir là je me séparais d'elle comme il le fallait. Elle ne broncha pas, et ne sembla pas triste. Au contraire elle se dit être soulagée, heureuse même d'en finir ainsi, en bons termes. On s’enlaça une dernière fois, plus par nostalgie qu'autre chose et on se sépara. Puis je rentrais enfin chez moi. Mon appartement n'était pas bien grand. Ma chambre me servait aussi de salon, si bien que j'avais réussi à y faire loger un lit deux places ainsi qu'un canapé lit. Une petite table au centre, et le meuble télé avec la télévision qui allait avec. J'avais une toute petite cuisine, toute en longueur, avec un petit frigo, et la salle de bains-toilettes. Pourtant, lorsque j'y rentrais, j'eus l'impression d'être dans un palace. Encore une fois j'étais chez moi et en vie, et surtout, j'étais affamé. Je n'avais quasiment rien mangé depuis le matin et les expériences de la soirée avaient fortement puisées dans mes réserves. L'adrénaline avait du bon, mais ça ne durait qu'un temps. Je dévorais rapidement le reste d'une pizza de la veille tout en me faisant chauffer un bonne dose de pâtes et un steak.


Je passais à table, à moitié allongé sur le lit, regardant aux infos locales si on parlait de l'incident de la pharmacie, mais on ne parla de rien. J'arpentais le net sur mon ordinateur pour plus d'informations et trouvait quelques articles sur l'attaque de la pharmacie. On y mentionnait la mort d'un client, mais sans donner son nom ni son prénom. Pourtant il devait bien y avoir un corps, le mien. Pourtant, tandis que je terminais mon assiette, je me rappelais du transfert grâce à la boule. C'était comme une sorte de téléportation, alors peut-être que mon corps avait disparu de la pharmacie. Peut-être même que dans la folie des coups de feus du junkie, personne ne s'en était aperçu. Bref, de ce coté là le mystère restait entier. Mon repas terminé je rangeais la valise contenant la combinaison dans un coin de mon placard, prenais la seconde douche de la journée et allait me coucher. Je ne pensais pas pouvoir dormir cette nuit là tant j'avais l'esprit préoccupé par tant de questions. Mais lentement mais sûrement, la fatigue me rattrapa. Les dernières forces de l'adrénaline se dissipèrent et je sombrais dans le sommeil. Une de mes dernières pensées fut très puérile et pourtant tellement révélatrice de la situation.


- Et bien, mon vieux Alessio...tu ne t'attendais pas à ça en te levant ce matin...


Laisser un commentaire ?