Le Boucher

Chapitre 9 : Le temps

1386 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 08/11/2016 20:28

Il faut dire que le salon privé de Chataya était somptueux, son amie savait recevoir et loger des hôtes de marque. Oberyn buvait le vin de Lys et Ellaria quant à elle, dégustait de petits morceaux de pommes recouvertes de miel. Mors pour sa part touchait à peine au repas. Non qu'il n'avait pas faim, mais les plats somptueux le gênaient. Jamais il ne pourrait manger des cailles au miel, ou une selle d’agneau, ou des foies d’oie imbibés de vin, sans parler de ces panais au beurre, ou du cochon de lait. Mais il se força à essayer une cuillère par courtoisie.

 

- Le repas ne vous plait pas, Ser Mors ? Demande Ellaria d'une voix douce.

 

- Nullement madame, je mange de tout mais je mange peu. Au mur les repas ne sont pour nous qu'un moyen d'apaiser la faim. Et  j’avoue que Je suis peu habitué a ce festin de roi.

 

- J'ai entendu dire que vous mangez uniquement du gruau, et de la viande salée. Fit Ellaria en souriant amusée.

 

- C'est exacte ! Fit Mors en opinant du chef. Pour ma part une soupe aux légumes et du pain me suffisent largement.

 

- A Dorne ! Intervint le prince, nos cavaliers mangent du pain sec et ne boivent que de l'eau. La diète est importante pour garder nos corps aussi robustes et élastiqués, mon amour.

 

Ellaria lui jeta un regard langoureux.

 

- J'en sais quelque chose. Et a regarder notre invité je découvre les bienfaits de la soupe aux légumes.

 

Elle se tourna vers Mors.

 

- Comptez-vous rester longtemps à la capitale ?

 

- Le temps de recruter de nouveaux membres, au mieux briguer une armée pour le mur.

 

- Si vous acceptez des femmes, je vous enverrais une de mes filles. Dit Oberyn en souriant. Je suis sur que cette expérience lui profitera largement.

 

- Le mur n'est pas endroit pour les femmes, prince Oberyn.

 

- Vous ne connaissez pas mes filles, dit Oberyn avec une lueur dans les yeux. Elles valent beaucoup d'hommes au combat.

 

- Je n'en doute pas.

- Puis-je vous poser une question monseigneur ? Demande Ellaria.

 

- Laquelle ?

 

- Comment se fait-il que vous, fils d’un noble, vous ayez choisi de devenir un garde du mur ?

 

- J’ai rompu une promesse faite a mon suzerain, celle d’obéir a tout ses ordres, j’avais le chois, le bourreau ou le mur.

 

- On dit aussi que vous étiez prédestiné à la garde royale. Ajoute Oberyn.

 

- Oui en effet, je ne suis pas fait pour être seigneur. Je n’ai pas de goût pour la politique et pour les intrigues. Mendier les faveurs de tel ou tel personnage, flatter tel camp au détriment d’un autre, tout cela ne me passionne guère. J’ai horreur du mensonge et de l’hypocrisie. Au fond, une seule chose m’intéresse.

 

- Laquelle ?

 

- Défendre le royaume contre ceux qui le menacent. Ne feriez vous pas de même, prince Oberyn ?

 

- Assurément. Dit Oberyn amusé. Mais un royaume peut se révéler être une marâtre indigne de l’amour qu’on lui porte. Imaginons que Castral Rock se comporte mal avec les tiens et les condamne à l’exil. Serais-tu toujours prêt à mourir pour elle ?

 

- Votre question est délicate. Si les miens étaient bannis, mon premier souci serait d’obtenir leur rappel car ils n’auraient pu être victimes que d’une injustice ou d’une erreur. Cela dit, quoi qu’il en soit, mon épée serait toujours prête pour Castral Rock. Peu m’importent au fond ses seigneurs. Ce que j’aime dans cette ville, c’est son art de vivre, une douceur de l’existence à nulle autre pareille, la joie simple de ses habitants lors de nos grandes fêtes, la quiétude paisible des soirées à la belle saison, le crépitement des flammes durant la période des frimas, l’odeur du sol quand revient le printemps, le goût d’une grappe de raisin dévorée à l’ombre d’un figuier, le clapotis de l’eau sur le bord de la mer, le parfum des fleurs dans nos jardins. Oui, pour tout cela, je suis prêt à donner ma vie.

 

- Vous êtes un homme curieux, Mors. Dit Ellaria en l’examinant avec des yeux limpides. Vous ne parlez pas en chevalier mais en philosophe ou en poète.

 

- Les deux ne sont pas incompatibles.

 

- Et que faîtes-vous de la crainte que votre royaume doive inspirer aux autres villes ? Demande Oberyn vivement. Que faîtes-vous de la puissance qu’il doit posséder ? Vous souciez-vous des conquêtes qu’il doit faire pour préserver son existence et son indépendance ? N’avez-vous point envie de le voir régner sans partage sur le monde et imposer de lourds tributs aux autres peuples ?

 

- Dans quel dessein ?

 

-  Par amour du pouvoir.

 

-  J’ai déjà dit que je n’ai pas de goût pour celui-ci.

 

- Vous avez tort, Mors Westford. Moi Oberyn Martell je ne cache pas que je rêve d’être un jour prince dirigeant pour mieux œuvrer à la gloire de Dorne. Et je ferai tout alors pour parvenir à mon but, dussé-je le payer de ma vie. Je le ferai pour la cité de Nymeria, pour son peuple. Mais certainement pas pour préserver la fallacieuse douceur de l’existence sur les bords des jardins aquatiques.

 

- Nous avons chacun notre vision et façon de vivre, dit Mors d’une voix dénuée d’émotions. Je veux bien croire que Dorne est restée invaincu depuis l’époque d’Aegon le conquérant. Mais s’il y a une chose que j’ai apprise durant mon existence, c’est que nulle puissance ne résiste à l’usure du temps, Harren le noir était un puissant roi, et sa famille à régner sur Harrenhal depuis des siècles, mais ils ont disparus. De même que les Jardiniers du Bief. Et je ne parle pas non plus des Stark ou des Targaryen. Le temps est un ennemi implacable.

 

- Ou voulez-vous en venir, Ser Mors ? demande Oberyn en fronçant les sourcilles. Que Dorne disparaîtra un jour comme ces familles que vous avez cité ?

 

- Ce que je veux dire, c’est que tout est éphémère. Et qu’il y a un mur fragile qui maintient ces maisons encore debout, si jamais il tombe, je ne donne pas cher de leurs existence.

 

Mors se leva et s’inclina.

 

- Merci pour ce déjeuner, prince Oberyn. Je dois me rendre a la tour de la main sans plus tarder.

 

- Dites au seigneur Tywin que les Lannister, ne sont pas les seuls à payé leurs dettes.  

 

Mors opina du chef et se retira.

 

     

 

 

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