Le Boucher
Chapitre 6 : Corbeau mais toujours chevalier
2489 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 09/11/2016 08:14
Au matin, Mors quitta le campement des bandits sans dire au revoir. Continuant sa voie sans emprunter la route royale. En ces temps durs s’y aventurer était risqué. Mors en chevauchant s’arrêta brusquement et regarda par-dessus son épaule… il était suivi, un sourire se dessina sur ses lèvres, poursuivant vers le Neck, il s’arrêta brusquement devant un sentier et mit pied à terre, il examina les traces au sol puis regarda les alentours avec un œil de rapace. Il regarda par-dessus son épaule une seconde fois puis aboya froidement :
- Inutile de te cacher, l’écarlate. Tu ferais bien de te montrer.
Will sortit des bois et tira son épée bâtarde, plus furieux que jamais. Mors poussa un soupir et revint a sa contemplation des traces.
- Tu ferais bien de me faire face, Boucher. Dit Will froidement, cette fois j’aurais ta peau et personne ne te sauvera.
- Dis-moi l’écarlate ! Réplique Mors gravement, qui gouverne cette partie du nord ?
Will l’observa un moment, puis rangea son épée et répondit d’un ton bourru.
- Les Bolton, ils ont trahis Robb Stark aux jumeaux. Roose Bolton fut nommé Gardien Du Nord par le roi Tommen Baratheon.
- C’est donc leurs troupes qui sont passés par ici.
- On les évite de notre mieux, pas envie de me faire trucider par le bâtard. A ce qu’on raconte c’est un sacré fils de pute.
- Mmm, fit Mors froidement. Est-ce qu’il y a une ferme dans les environs ?
- Oui, pourquoi ? Dit Will méfiant.
Mors ne répondit pas, il remonta en scelle et galopa vers l’est. Will le regarda surpris, puis écarquilla des yeux. Cet abruti veut porter secours aux habitants du coin. Rapidement il enfourcha son cheval et se lança à sa poursuite. L’esprit de Mors était en ébullition, ses frères de la garde de nuit mourraient tous les jours et le sud ne trouvait rien de mieux a faire que s’entredéchirer comme une bande cabots enragés. Encore mieux après la mort de Robb Stark. Mors se souvenait parfaitement du jeune homme, aussi tête de mule que Ned Stark et aussi tête brulé que Benjen. Un loup meure toujours dévoré par des chiens bâtards, dans le cas de Robb, les bâtards se nommaient Walder Frey et Roose Bolton.
Ses pensées furent interrompues par l’écho d’un rire à travers la vallée. Will quitta la piste en silence. Mors lui emboîta le pas. Un peu plus loin, sur la gauche, il y avait une clairière où serpentait un ruisseau. Au milieu, un groupe d’hommes lançait des couteaux contre un tronc d’arbre. Un vieillard était attaché au tronc, les bras écartés. Une lame lui avait entaillé la peau du visage, et il avait des blessures aux bras ; un couteau était planté dans sa cuisse. Il sembla évident à Mors que ces hommes jouaient à savoir qui lancerait son couteau le plus près du vieil homme. À gauche de cette scène, une jeune fille se débattait avec trois hommes. Soudain, ils déchirèrent sa robe et la plaquèrent au sol. Elle hurla. Mors tira son épée et descendit de son cheval, mais Will l’attrapa par le bras.
- Qu’est-ce que tu fais ? Ils sont une dizaine.
Mors se contenta de dégager son bras et sortit à grands pas des arbres derrière les sept lanceurs de couteaux. Ils ne l’avaient pas entendu arriver. Il enfonça son épée dans le crâne du premier ; un craquement à soulever le cœur retentit et il tomba au sol en tremblant. Puis éventra le deuxième avec son couteau dentelé ; les boyaux se déversèrent et tombèrent fumants au sol. Un troisième homme se retourna en entendant le bruit, mais n’eut pas le temps d’être surpris qu’un gantelet d’acier s’écrasait contre sa bouche, lui brisant les dents. Inconscient, l’homme fut propulsé en arrière et percuta ses camarades. Un guerrier sauta sur Mors en lui assenant un coup d’épée vers le ventre, mais Mors dévia la lame et lui enfonça la sienne au menton. Les autres le chargèrent ; une lame de couteau transperça son gilet, lui ouvrant la peau au niveau de la hanche. Mors attrapa le guerrier le plus proche, et l’attira à lui pour lui mettre un coup de tête, puis il se dévissa légèrement sur lui-même pour balancer un revers à un autre attaquant. Celui-ci fit une roulade arrière dans la clairière, essaya de se relever mais s’écroula contre un arbre, se désintéressant totalement du combat.
Mors luttait avec deux hommes lorsqu’il entendit un hurlement à glacer le sang. Ses attaquants s’immobilisèrent. Mors assena un coup tranchant au cou du premier. Le second et s’enfuit en courant. Mors scruta les lieux de son regard pâle à la recherche d’un nouvel adversaire. Mais il ne vit que Will, dont l’épée bâtarde gouttait de sang. Il y avait deux cadavres à ses pieds. Les trois hommes que Mors avait tué étaient affalés sur le sol et ne bougeaient plus. Celui auquel il avait balancé un revers de la main était toujours au pied de son arbre. Mors s’approcha de lui.
- C’est le moment de prier les sept, mon garçon.
- Ne me tuez pas.
Mors sans crier garde le décapita d’un coup transversal, puis rangea son épée et se rendit à l’endroit où le vieillard était attaché. Une seule de ses blessures était profonde. Mors le libéra et l’aida à s’asseoir. D’un geste vif il retira le couteau de sa cuisse.
Will l’écarlate les rejoignit.
- Il va falloir recoudre, dit-il. Je vais chercher mon sac.
Le vieil homme se força à sourire.
- Je vous remercie, mes amis. Ils ont bien failli me tuer.
Où est ma fille ?
Mors regarda aux alentours, mais la jeune fille n’était visible nulle part.
- Ils n’ont pas eu le temps de lui faire de mal, annonçât-il. Je pense qu’elle s’est enfuie quand la bagarre a commencé.
Mors lui fit un garrot à la jambe et s’en alla inspecter les cadavres. Les deux hommes qui avaient attaqué Will étaient morts, tout comme un troisième, la nuque perforée.
- C’était les hommes du bâtard. Explique le vieil homme. Que les sept le maudisse lui et son traître de père.
- Ménages tes forces, recommande Mors.
Quand Will revint, une jeune fille marchait à ses côtés. Elle essayait de remettre sa robe en lambeaux.
- Regarde ce que j’ai trouvé, déclara Will. Elle se cachait derrière un buisson.
Ignorant la fille, Mors grogna et alla jusqu’au ruisseau pour y boire. Elle s’approcha de timidement de lui.
- Merci d’avoir aidé mon grand-père, fit une voix douce.
Il se retourna et la regarda froidement.
- Ils ne t’ont pas fait mal.
- Un peu, répondit-elle. Ils m’ont frappée au visage.
- Quel âge as-tu ?
- Douze ans – presque treize.
C’était une enfant adorable avec de grands yeux noisette et des cheveux châtains.
- Eh bien, ils sont partis à présent. Tu es d’où ?
- Ma famille servait les Corbois, mais le bâtard est venu et…
- Où sont tes parents ?
La fille haussa les épaules.
- Je n’en ai jamais eu ; seulement grand-père. Vous êtes très fort – mais vous saignez !
Mors regarda sa blessure.
- Je cautérise vite, ma petite.
Il retira son gilet et examina l’entaille sur sa hanche. La peau avait été coupée, mais pas profondément.
Will les rejoignit.
- Il faudrait aussi suturer ça, grand héros, dit-il, une note d’irritation dans la voix.
Du sang coulait toujours de la blessure. Mors s’étendit et ne bougea plus. Will en profita pour lui recoller sans manières les lèvres de la plaie ; il les maintint à l’aide d’une épingle avec laquelle il transperça la chair.
- Tu te prends toujours pour un chevalier, n’est-ce pas ? Demande Will froidement. Que cherches-tu à prouver ? Tu veux sauver des demoiselles en détresse ou tuer des dragons, ou quoi que ce soit d’autre que font les héros des contes et légendes ?
- Je n’ai rien a prouver mon garçon. Mais quand je me regarderai dans un miroir, je n’aurai jamais honte de moi parce que j’aurai laissé un vieil homme souffrir et une enfant se faire violer.
Cette fois Will sentit une rage terrible gronder en lui.
- Le monde est un endroit tellement simple pour toi, Mors, que cela doit en être abrutissant. Il y a le bien, et le mal. Est-ce qu’il ne t’arrive jamais de penser qu’entre les deux il pourrait bien y avoir une grande zone qui n’est ni pure, ni malfaisante ? Non, bien sûr, tu n’y penses pas. Ce vieil homme aurait pu être un dangereux sorcier qui boit le sang des enfants ; et les hommes qui le punissaient pouvaient être les pères de ces enfants. Tu n’en savais rien, mais tu as quand même foncé dans le tas.
Will secoua la tête et reprit sa respiration.
- Tu as tort sur un point, et raison sur un autre. Répondit Mors avec gravité. Comme tu dis je suis un homme simple, un chevalier élevé à la dure pour servir mon suzerain, je ne sais que me battre et mener des troupes a la guerre. Je ne comprends pas les discussions philosophiques. Mais je ne suis pas aveugle. L’homme qui était attaché à l’arbre portait des vieux habits qu’il avait dû coudre lui-même ; l’enfant portait les mêmes. Ils n’étaient pas riches, comme un sorcier le serait. Et as-tu écouté le rire des lanceurs de couteaux ? Il était dur, cruel. C’étaient des gredins envoyés par le bâtard pacifier le coin de la manière aussi sordide qui soit.
- Peut-être bien, convint Will, mais ce n’étaient pas tes affaires ! Est-ce que tu vas parcourir le monde à la recherche des veuves et des orphelins à protéger ? C’est ton ambition dans la vie ?
- Non, déclara Mors, mais ce ne serait pas une mauvaise ambition, et les Westford ont une devise marquée au fer rouge dans leur sang : Mieux vaut la mort que la souillure.
Il resta silencieux plusieurs minutes, perdu dans ses pensées. Son père, ser Amory Westford lui avait donné un code, et lui avait fait comprendre que sans une discipline de fer, il deviendrait aussi mauvais que n’importe quel chevalier errant. Et puis il y avait le Taureau Blanc, son ami, qui avait souffert toute sa vie de servir un roi fou et un fils irresponsable comme Rhaegar. Et pour finir, Tywin Lannister lui-même, guidé par sa vengeance, et qui était devenu l’un des seigneurs les plus détestés de tout l’ouest. Les vies, les mots et les faits de ces trois hommes avaient créé le guerrier qui était assis en ce moment au côté de Will. Mais Mors ne trouvait pas les mots pour expliquer cela, et il fut même surpris de désirer le faire.
Je n’avais pas le choix, dit-il enfin.
- Pas le choix ? répéta Will. Pourquoi ?
- Parce que j’étais là. Et qu’il n’y avait personne d’autre.
En sentant les yeux de Will sur lui, et lisant l’incompréhension dans son regard, il se détourna pour contempler le ciel nocturne. Il savait que cela n’avait pas de sens, mais il savait également qu’il se sentait bien d’avoir sauvé la fille et le vieil homme. Cela n’avait aucun sens, mais c’était juste.