Game of Thrones ~ TOME 1 : Le Retour du Roi
Game of Thrones : TOME 1 : Le Retour du Roi
Chap. IV : La Mère des Dragons
Aegon VI Targaryen
La douce lumière qui émergeait du voile nuageux, illuminait la paroi d'Accalmie mouillée par la fine pluie qui tombait. Aegon se trouvait à l'intérieur et discutait avec ser Loras dans la chambre où le Garde Royal s'était reposé depuis la bataille. Après quelques jours de repos, le chevalier s'était bien rétabli mais avait néanmoins besoin d'une canne pour se déplacer. Assis sur son lit, il se renseignait sur les tactiques politiques du prétendant à qui il avait juré sa protection.
— Une fois sur le Trône de Fer, quelle femme comptez-vous épouser ? demanda le Chevalier des Fleurs.
— Je n'y ai pas encore beaucoup réfléchi, j'imagine que ce sera une fille de Maison noble, sûrement une Lannister.
— Je sais que ce n'est pas mon rôle, mais j'aimerais vous faire part d'une proposition qui pourrait s'avérer intéressante ?
— Continuez, vous avez aiguisé ma curiosité...
— La princesse Myrcella, fille de Cersei Lannister est déjà promise à Trystan Martell...
— J'ai entendu dire que sa mère était veuve, je marierai donc avec elle. Je ne compte pas me lier par amour, j'ai seulement besoin d'un soutien budgétaire conséquent pour rembourser les dettes qu'a accumulées la Couronne.
— Vous seriez prêt à vous unir avec cette femme ? Saviez-vous que votre père l'avait rejetée au profit d'Elia Martell... Ou encore que sa famille avait profité du sac de Port-Réal pour se venger de cette humiliation en envoyant la Montagne violer votre défunte mère ainsi que tuer ses enfants ? Votre sœur a perdu la vie ce jour-là.
— Je savais déjà tout cela, j'ai cependant besoin de m'unir avec une Maison riche, quelle alternative me proposeriez-vous ?
— Comme vous le savez, Cersei Lannister était Reine des Sept Couronnes et sa famille a dû débourser la quasi-totalité de leurs richesses pour renflouer les caisses du Royaume. Autrefois réputés pour leurs biens, les Lannister sont en bien mauvaise position depuis la mort de Tywin Lannister. De plus, leur or commence à s'épuiser en raison du train de vie dépensier de la Reine Mère. Par contre, nous les Tyrell avons augmenté notre fortune pour devenir la deuxième Maison la plus riche de Westeros, j'imagine qu'à présent nous nous situons en première place. Dorénavant, ma sœur est Reine mais n'a encore engendré aucun enfant. Voilà ma proposition : mariez-vous avec elle et ma famille déboursera ce qu'il faudra pour la Couronne.
— Votre offre mérite considération, ser Loras, je vous promets d’y réfléchir. Dans l’intervalle, pourquoi ne pas retourner au Bief et faire part à votre père de la situation... Cependant si j’apprends que votre famille à répandu des bruits sur mon arrivée...
— Vous n'avez pas à vous inquiéter, je vous dois la vie et je suis un homme de principe.
Sur ces mots, Loras attrapa la canne de bois qu'Aegon lui avait apportée dans la matinée. Il sortit alors pour se diriger vers le casernement de ses troupes. Aegon fit alors de même pour rejoindre Jon à l'extérieur. Celui-ci regardait le dragon voler au-dessus du Détroit.
— De quoi avez-vous parlé ? demanda Jon curieux.
— De mon futur mariage...
— J'imagine qu'il vous a proposé sa sœur, je me trompe ?
— C’est exact et j’ai dit que j’y penserai. Mais j’ai bien envie d’accepter.
— Ce n'est pas un mauvais choix, la Maison Tyrell possède énormément d'hommes, de navires, ainsi qu'une colossale fortune... Vous voilà allié avec deux des sept "couronnes" de Westeros, il vous faudra nommer un nouveau suzerain des Terres de l'Orage et du Nord. Pour celles qui restent, je vous propose des promesses de mariage avec vos futurs enfants, ou des menaces de guerre une fois assis sur le Trône...
Leur entretien fut coupé par l'arrivée précipitée de Rolly, le jeune garçon était en sueur.
— Aegon ! Un homme plus que douteux rôdait autour d'Accalmie depuis quelques jours. Un vendeur de truites, disait-il. Remarquant ses nombreuses rondes autour de la forteresse, je l'ai approché pour le questionner. Se sentant menacé, il a dégainé un poignard, mais j'ai tout de même réussi à l'arrêter et l'attacher attendant votre verdict.
Préoccupé par l’identité du rôdeur, Aegon pressa le pas jusqu’à l’arbre où il était attaché. L’homme était vêtu comme un simple pêcheur aux cheveux d’argent ébouriffés. Pourtant, son bouc soigneusement taillé et son noble maintien le trahissaient aisément pendant qu’il fixait le prétendant avec morgue, de toute l’intensité de ses prunelles d’azur.
— Intéressant... commenta l'homme.
Jon les rejoignit quelques secondes plus tard, il haussa les sourcils à la vue du poignard qui se trouvait encore sur le sol boueux. Le pommeau représentait une truite d'argent dont les écailles recouvraient le manche. La lame était de couleur noire aux reflets bleutés.
— Du verredragon... remarqua Jon. Tu es un émissaire de la maison Tully ? Non, cette lame est beaucoup trop précieuse pour appartenir à un simple sous-fifre.
— Les Tully !? éclata le pêcheur. Ils sont tous morts ou le peu qu'il en reste sont déshérités.
— Je ne savais pas. Qui règne sur le Conflans à présent ?
— C'est cette putain de Littlefinger ou "Lord" Baelish si vous préférez...
— À t'entendre, j'imagine que tu l'apprécies beaucoup. Et bien, dis-nous, qui es-tu ? À ton allure, tu n'es sûrement pas un pêcheur. Si tu es franc, tu auras peut-être la vie sauve.
— Brynden Tully pour vous servir, répondit l'homme ironiquement. Je crains que mon nom ne puisse vous servir, moi qui fuyais les Lannister depuis quatre semaines, me voilà abattu par un mercenaire...
— Alors comme ça, tu sais que je suis mercenaire...— Jon Connington, oui. Vous êtes un membre de la Compagnie Dorée. Et à vos côtés, Aegon Targaryen. Des yeux si rares ne passent pas inaperçus...
— J'en ai assez entendu, Jon. Qu'on l'enferme dans un cachot, commanda Aegon indifférent aux propos de Bynden.
— Je pense que malgré ce qu'il prétend il pourrait encore nous servir... Brynden, vous êtes probablement l'unique survivant de la Maison Tully, et j'imagine que vos anciens bannerets seraient heureux de retrouver leur suzerain légitime. Retournez au Conflans, récupérez vos hommes et soyez à Port‐Real quand la guerre débutera. Si vos guerriers nous prêtent main forte, je suis sûr que notre Roi sera heureux de vous récompenser.
Brynden lança alors un regard vers Aegon qui reprit :
— Si vos troupes se trouvent à nos côtés lors de l'assaut je vous promets le Conflans, à condition bien sûr que vous me prêtiez allégeance une fois la capitale mienne. Je vous renvoie chez vous sous escorte.
Rolly émergea alors du dos d'Aegon, arrivant avec un groupe de cinq hommes.
— Lorsque vous aurez retrouvé une armée, attendez mon signal et attaquez la ville par le Nord. J'espère que vous réussirez, dans l'autre cas... Je ne préfère même pas y penser.
Aegon tourna alors les talons laissant Brynden avec Rolly, Jon et les hommes. Marchant dans les nombreuses flaques du sol, le prétendant retourna dans sa forteresse. Comme il rentrait au sein d'Accalmie, il remarqua des mercenaires qui le dévisageaient et entendit quelques plates insultes murmurées. Sans Jon, les guerriers avides d'argent considéraient le prétendant comme une fiotte et attendaient leur or depuis maintenant beaucoup trop longtemps. Une fois dans le hall à l'abri des gouttelettes, Aegon vit Arianne descendre l'escalier principal de pierres grises.
— Votre majesté, j’allais justement admirer le large sur la plage rocheuse que j’ai trouvée près d’ici. Vous joindriez‐vous à moi pour une courte promenade ? Nous pourrions discuter… proposa la princesse d’une voix mélodieuse.
— Si l’idée te séduit ma chère, allons donc.
Les deux jeunes gens gagnèrent rapidement la côte, éblouis par les orages qui claquaient dans le ciel sombre au-dessus du Détroit. Les formes d'Arianne ne laissaient pas le princeindifférent et il détourna prudemment les yeux pour regarder le dragon qui vint se poser à quelques mètres d'eux. Arianne inquiète recula d'un pas ou deux heurtant du dos le corps de son cousin.
— Tu n'as pas à avoir peur. C'est un fidèle compagnon, un ange gardien veillant sur moi comme mon père l'aurait fait...
Arianne, percevant la faiblesse du garçon dans ses paroles sur sa défunte famille, chercha à continuer dans ce registre.
— Je comprends votre peine, je ressens la même chose en pensant à mon frère disparu à Essos, gémit la damoiselle. Ne l'avez-vous pas rencontré ? Ne pas avoir de nouvelles m'attriste énormément vous savez...
— J’aurais aimé pouvoir te rassurer mais je ne l'ai pas rencontré durant mon long séjour dans les Citées Libres.
Aegon se saisit de la main d’Arianne et le contact de sa peau chaude la fit frissonner. Ensemble, ils approchèrent des doigts timides du museau de la bête dont le souffle chaud et agréable les incita à poser leurs mains sur ses écailles couleur mélèze. Après quelques secondes magiques le dragon se redressa soudainement pour observer derrière Aegon et Arianne. Le prétendant fit alors de même.
Au loin, il vit deux femmes approcher. Celle qui avait des cheveux blonds argentés retint particulièrement son attention. Elle paraissait plus jeune que lui, sûrement de quelques années et était vêtue d'un beau bleu saphir mettant sa chevelure en valeur, une robe que même Arianne n'aurait pu se procurer. Derrière elle, se trouvait une autre dame dont le visage était caché d'un masque de bois laqué de rouge. Elles étaient maintenant à quelques pas et s'arrêtèrent brusquement.
— Daenerys Targaryen La Typhon-née, dit la femme en bleu d'une voix chaude.
— Aegon VI Targaryen, je suis enchanté, ma très chère tante ! Je n'avais pas entendu parler de votre arrivée.
— Le dragon du comédien, commenta la femme habillée de rouge.
— Arianne Martell, je me réjouis de faire votre connaissance...
— La sœur du fils du soleil, précisa une nouvelle fois la femme avec un accent atypique d'Asshaï-sur-Ombre.
— Voulez-vous parler de mon frère Quentyn ?! Où est-il ? s'écria-t-elle. Qui êtes-vous ?
— Elle se nomme Quaithe. C’est une prêtresse rouge qui fait partie de ma suite depuis mon départ d’Essos. Elle me guide par ses visions. Elle est venue me parler de votre frère Quentyn, dit-elle en se tournant légèrement vers Arianne, et m’a recommandé de me méfier de lui ainsi que du « dragon du comédien », ce qui pourrait bien être vous, Aegon. Je suis désolée pour votre frère, ajouta-t-elle, mais il n’est plus. Il a essayé de dompter un de mes dragons et sa témérité lui a coûté la vie…
À cette nouvelle, la jeune fille dornienne s’effondra en tombant à genoux. Les larmes lui montèrent et elle hurla de toutes ses forces dans un cri qui émut Aegon. Il la prit dans ses bras, encore agenouillée sur le sol. Cette agitation brusqua le dragon, qui gonfla son torse comme pour protéger quiconque voulant s'en prendre au prétendant ou aux personnes qui étaient chères à celui-ci.
— Rhaegal ! cria Daenerys comme pour rappeler un enfant à l'ordre.
Le dragon ne bougea pas, restant droit et fier. Aegon se releva alors et dit :
— Alors c'est comme cela qu'il se nomme...
Arianne se redressa brusquement avant de partir en direction de ses appartements, tandis que Quaithe regardait celui qu'elle avait toujours prit pour un enfant avec des yeux éblouis, comme si une révélation lui était venue à l'esprit.
— Comment avez-vous pu garder secrète votre arrivée à Accalmie ?
— Nous avons pris par la mer, bien sûr, répondit-elle avec un léger sourire amusé, comme si l’idée qu’ils aient pu voler par-dessus le Détroit était plaisante à imaginer. Au port le plus proche, nous n’avons rencontré aucune résistance car vous nous aviez obligeamment ouvert la route en éliminant toute contestation… Quand nous sommes arrivés à la forteresse, un homme dénommé Jon nous a autorisés à entrer pour éviter tout malentendu diplomatique. Toutefois, j’ai tout de même cru bon de déployer mes hommes. J’ai connu trop de trahisons pour faire confiance à quiconque sur sa bonne mine… N’ayez crainte, aucune mort n’est à déplorer.
— Je vois, je vous sais gré de votre franchise. Ne restons pas ici, venez continuer à l'intérieur.
Remontant la plage vers Accalmie, le prétendant remarqua la disparition des troupes Tyrell certainement parties avant l'arrivée de la Mère des dragons. Une fois à l'intérieur, les nombreuses troupes de la Khaleesi avaient fait monter une tension qui ne retomberait pas si aisément. Encerclé par des Immaculés, Jon dardait vers le prince des regards sereins montrant qu'il savait ce qu'il faisait.
— Très bien alors à quel propos vouliez-vous me parler ? commença Aegon brisant le pesant silence.
— Je serais directe et brève, aidez-moi à conquérir Westeros et je vous léguerai Peyredragon.
— Ma tante, je crois que nous nous sommes mal compris. Je pensais trouver en vous, ma dernière famille, une aide pour récupérer mon Trône, étant le fils de Rhaegar...
— Hélas, vous n'êtes pas plus un ami qu'un membre de la famille pour moi ! Ma dernière famille était mon frère Viserys et je l'ai laissé mourir dans les flammes, en l'observant souffrir avant de succomber...
La gorge serrée par la déception, Aegon reprit :
— Désolé, mais je ne compte pas vous aider à conquérir ce royaume qui aurait dû me revenir depuis longtemps.
— Vous me suivrez, ou vous mourez... reprit Daenerys d'une voix imposante que personne ne voulait contrarier.
Sur un claquement de doigts, plusieurs Immaculés entourèrent le prétendant dégainant leurs épées.
— Pourquoi ne pas reparler de tout cela calmement devant un bon verre de vin ? s'exclama Jon stressé par l'évolution des choses pendant qu’Aegon perdait ses moyens
D'un signe de tête de la part de l'autoproclamée Reine, Jon fut libéré et alla avec hâte dans les cuisines où se trouvait le vin. Arianne et ses cousines sortirent au même moment de la pièce, les yeux de la princesse étaient remplis d'une profonde colère et lançaient des regards noirs et haineux à une Daenerys indifférente. Elles ne mirent qu'un pied hors de la salle et furent aussitôt encerclées.
— Laissez-les ! Elles ont seulement besoin de faire leur deuil, ordonna Daenerys.
Les trois filles continuèrent alors vers la porte du hall, et une fois qu'elles furent à l'extérieur, le battant se ferma dans un fracas. Jon avait fini par revenir de l’office, portant un plateau ciselé et deux verres pleins du meilleur cru de la Treille. Conscient d’être observé, il posa le tout sur une table patinée par l’usage.
— Buvez une gorgée mon cher, l'invita Daenerys.
— Il n'y a que deux verres, ne vous inquiétez pas je n'ai pas très soif, assura Jon.
— C'était un ordre ! Je vous ordonne de boire dans mon verre. Croyez-vous vraiment que je sois sotte ? Du vin ? Alors que je viens de menacer de mort votre "Roi" ? Cela sent le poison à plein nez.
— Très bien, vous n'avez pas à vous inquiéter, regardez.
Jon prit alors le verre de cristal et but une simple gorgée en toute confiance... Il tendit alors le bras pour le reposer mais le laissa tomber pour se tenir la gorge, comme si celle-ci lui brûlait horriblement.
— Du poison ! s'exclama l'un des Immaculés.
Les traits assombris et la mâchoire crispée, Daenerys se leva pour quitter la pièce, détournant froidement son regard quand elle ordonna l’élimination de son cousin et celle de ses hommes. Pourquoi n’était-elle vouée qu’à rencontrer des traîtres, y compris dans sa propre famille ?
Alors qu'un brouhaha éclatait dans la salle, les yeux d'Aegon ne quittaient pas Jon qui tomba sur le sol, tressaillant une ultime fois avant de sombrer pour toujours. D’un bond, le garçon voulut rejoindre celui qu’il considérait comme son père mais en vain. Il fut stoppé par l’un des hommes de la Khaleesi qui leva son arme pour l’abattre comme une bête. Il ne dut son salut qu’à l’explosion du mur de l’entrée principale, dont les débris gigantesques ensevelirent son ennemi avant le coup fatal. Ébloui par la soudaine trouée de lumière, Aegon ne vit que l’ombre du dragon, disparaissant d’un coup d’aile en faisant s’écrouler un nouveau pan de mur. Reconnaissant, il commença à courir d’une foulée souple vers ce qui avait été la porte mais se sentit retenu au bras par une poigne solide. En faisant volte-face, Aegon reconnut immédiatement son vis-à-vis : Ser Harry Paisselande, de la Compagnie Dorée. Il pensa trouver en lui un allié, mais l’épée menaçante à son poing se chargea de le détromper. D’un coup vif et net, Paisselande trancha la gorge du jeune homme depuis l’épaule gauche jusqu’à la mâchoire droite. Projeté en arrière par le choc, Aegon s’effondra sur le sol juste à côté du corps de Jon. Satisfait, l’homme s’accroupit au-dessus du prétendant et puis lui murmura en détachant ses mots :
— Je ne veux pas que la stupide fierté d'un gamin me condamne, moi et mes hommes.
La silhouette du mercenaire disparut alors dans la lumière floue de l'extérieur. Le sang du jeune garçon jaillissait par la plaie béante causé par la lame. Cueilli par agonie rapide, Aegon regardait Jon d'un œil nostalgique pensant à tous les remerciements qu'il aurait dû lui faire depuis toutes ces années. Alors que la vie le quittait, un énorme sentiment de culpabilité le prit accompagné de quelques larmes.
Il tendit la main vers Jon en prononçant : "Père" dans un ultime soupir.
À SUIVRE...