Le Cobra de Lancehélion
Chapitre 1 : La requête
2871 mots, Catégorie: G
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Au milieu du désert de Dorne, à la croisée de plusieurs dunes de sable, la mélodie du fer s'accordait avec celle des clochettes des serpents à sonnette. Les serpents sont des êtres vicieux qui se tapissent dans le sable et sautent sur leur proie au moment propice. C'est dans ce sable de Dorne, que les serpents les plus dangereux de la région ; les Aspics des Sables et le Cobra de Lancehélion avaient établi leur campement.
— Lève ta lance plus haut ! conseilla Dyanna, assise tranquillement dans le sable.
Sous l'abri de fortune, Dyanna Martell se régalait de différents fruits secs et exotiques typiques de Dorne. Elle observait ses cousines s’entraîner. Nymeria faisait tourner son fouet autour d'Obara, qui tentait de la transpercer de sa lance. Les deux jeunes femmes étaient en sueur et à bout de souffle, mais aucune des deux n'abandonna pour autant le combat. Elles étaient comme leur père : fortes, déterminées, et bornées comme jamais.
Obara était celle qui ressemblait le plus à Oberyn. Une copie conforme de son père, mais au féminin. Elle avait des traits épais, un visage carré, des yeux rapprochés, et une forte corpulence ; pas la plus belle des filles bâtardes du Prince, favorisant les tenues masculines et ayant un penchant pour le vin. Sa mère était une prostituée de Villevieille, et elle était l’aînée d'Oberyn. Excellente cavalière, elle était capable de dompter n'importe quels étalons. Et c'est toujours aussi impulsive, colérique et impérieuse, qu'elle n'écouta pas le conseil de sa cousine. Et comme Dyanna l'avait envisagé, Nymeria parvint à entourer son fouet autour de la lance de sa sœur et la désarmer. La lance tomba au sol, la pointe près du repas de Dyanna qui sursauta et fit tomber les figues.
— Un peu plus et je n'avais plus de tête, Nym ! La prochaine fois, si tu tentes de désarmer Obara, essaie de faire partir la lance ailleurs, déclara Dyanna en se levant.
Obara était à présent de très mauvaise humeur. Elle détestait perdre ; comme toutes les filles d'Oberyn et comme Dyanna. Elle laissa glisser ses bottes contre le sable et récupéra sa lance :
— La prochaine fois, c'est moi qui la désarmerai. Je ne me ferais plus avoir, murmura t-elle entre ses dents.
Nymeria enroula son fouet et le passa autour de son cou. Nymeria était une très belle femme à l'image de Tyerne. Ses cheveux étaient assemblés en une longue tresse, et sa robe, au tissu jaune légèrement transparent, laissait découvrir le corps d'une femme parfaitement formée. Sa mère était une noble d'Essos, et Oberyn l'avait ramené quand elle fut assez grande pour se battre. Pour Oberyn, toutes ses filles étaient égales. Il n'en n'aimait pas une plus que les autres. La jeune femme étouffa un rire et vint s’asseoir sous la tente. Le soleil tapait haut dans le ciel et il faisait une chaleur étouffante. Mais c'était comme ça à Dorne, les jeunes femmes y étaient habituées et ça ne les dérangeaient pas pour s'entraîner. Elle prit un fruit sec et le glissa dans sa bouche. C'est la bouche pleine, qu'elle dit à Dyanna :
— Et si tu nous mettrais tes talents d'épéiste ! Tyerne pourrait se battre contre toi. Elle est redoutable avec des poignards entre les mains.
— Je sais ce que vaut Tyerne mais... je n'ai pas envie de me battre, souffla Dyanna en s'allongeant sur sous la tente et fermant les yeux.
Tyerne, qui était restée en retrait, avait entendu la conversation entre sa sœur et sa cousine, et pour signifier qu'elle était prête à se battre, elle lança son poignard en direction de sa chère cousine. Un geste fort bien maîtrisé, car il atterrit juste à côté de sa tête. Dyanna ouvrit doucement les yeux et vit la dague se balancer encore dans le sol sous l'impact. Doucement, elle se releva, sortit rejoindre Tyerne et sortit son épée de son fourreau.
— Tu vas regretter de m'avoir provoquée, souffla Dyanna en dessinant des cercles avec son poignet.
Elle s'échauffait avant le combat. Tyerne, quant à elle, étouffa un rire et déclara d'un air moqueur :
— C'est ce qu'on verra.
Tyerne n'avait aucun aspect d'une dornienne. Elle avait de jolis cheveux blonds, comme les Lannisters, et des yeux bleus, comme l'océan. Sa mère était une septa. Malgré son goût très prononcés pour les tenues chastes et innocentes, Tyerne était une femme, et une empoisonneuse redoutable, qui faisait preuve d'une grande agilité. Mais cela n'effrayait nullement Dyanna. Les deux jeunes femmes s'engagèrent alors dans un duel. Tyerne fonça sur Dyanna et essayait de blesser sa cousine sur les flancs, mais la Martell para les coups sans difficultés.
— C'est tout ce que tu sais faire ? la provoqua Dyanna.
Pour réponse, Tyerne s'acharna sur sa cousine et tournoya autour d'elle pour la déstabiliser. Une technique que Dyanna connaissait bien, aussi, elle n'eut aucun mal à reprendre le dessus. De son épée, elle frappa d'estoc, et Tyerne trébucha en arrière. La jeune femme voulut s'abattre sur sa cousine, mais Tyerne la fit tomber en lui envoyant son pied dans les jambes. Dyanna tomba face contre le sol et se mangea le sable. Tyerne, entre temps, parvint à se lever et, sous les conseils de ses sœurs, laissa Dyanna se relever. Mais pas assez rapidement, car Tyerne arriva, son poignard à la main et, dans la confusion, entailla Dyanna à la joue. Une petite balafre qui ne manquerait pas de mettre son père hors de lui.
Dyanna se recula subitement et mit une main à sa plaie. Elle saignait. C'était une belle entaille, profonde de quelques centimètres.
— Tu vas me le payer cher... grogna la Martell.
Remontée, et l'adrénaline dans ses veines, elle fonça tête baissée sur sa cousine, et frappa plusieurs coups. De son pommeau, elle l’assomma à la tête et, du plat de sa lame, frappa dans les côtes. Il fallut que Nym et Obara déclarèrent le combat ex-æquo pour que les jeunes femmes décident enfin de mettre fin au duel.
Une fois le combat terminé, Dyanna rangea son épée et mit, à nouveau, une main à sa joue et, en la retirant, remarqua que celle-ci arborait encore des taches de sang.
— Tu voudrais peut-être qu'on appelle le mestre ? On ne sait jamais, si la peau de ta joue se mettait à pourrir. Je ne voudrais pas voir le joli minois de ma cousine entaché à jamais à cause de moi, blagua Tyerne, en rangea également ses poignards.
Dyanna plaqua sa cousine au sol.
— Ne t'en pas fait cousine, je me vengerai, lui promit-elle malicieusement.
Elle se releva et proposa sa main à sa cousine pour l'aider à se relever. Tyerne accepta volontiers.
— Merci pour la cicatrice, mon père en sera ravi j'en suis sûre. Je n'oublierai pas d'en mentionner l'auteur.
Tous rirent en chœur. C'était les journées comme cela qu'aimait Dyanna ; s’entraîner jovialement avec ses cousines, quatre jeunes femmes qui arboraient fièrement les couleurs des Martells à savoir l'orange et le jaune. Dommage que son oncle n'était pas là pour voir ça. Le prince Oberyn devait sûrement être avec son frère ; ou bien avec sa belle amante de cœur, Ellaria Sand. Et dans ce cas, elle était convaincue qu'elle ne le reverrait pas d'aussitôt.
Au loin, les hennissements des chevaux, et le bruit de leurs sabots contre le sable chaud résonnaient dans le désert. Les jeunes femmes se retournèrent et virent trois cavaliers dorniens se diriger vers elles. Leur visage était masqué par un foulard jaune et tous portaient le même tissu jaune aux motifs des armes de la maison Martell. Des gardes de mon père... que font-ils ici ?
Une fois assez près du groupe de jeunes femmes, l'un d'eux s'avança en avant des autres et prit la parole :
— Princesse Dyanna, le Prince Doran requière votre présence au palais. Vous devez nous suivre, par ordre de votre père.
— S'il désire réellement me voir, qu'il se déplace lui même. Je suis occupée voyez-vous, répliqua Dyanna.
— Princesse, vous savez mieux que personne que la goutte du Prince le force à limiter ses déplacements, expliqua le garde sur un ton plutôt calme.
Dyanna concéda, mais demanda :
— Et puis-je savoir pour quelle raison dois-je rejoindre mon père ?
— Le Prince Doran garde ses raisons pour lui seul. Il n'est pas à nous de les connaître. Nous n’obéissons qu'aux ordres. Et les ordres sont de vous ramener au palais, princesse. Alors, soyez gentille, et suivez-nous, ordonna un deuxième garde avec plus d'autorité que son confrère.
Dyanna regarda ses cousines et finit par céder.
— Bien, j'arrive, souffla-t-elle.
— Les gardes commencèrent la route du retour et s'éloignèrent sans pour autant quittaient des yeux leur princesse. Dyanna détacha son cheval et se mit en selle.
— Eh bien, Princesse Dyanna ! Nous ne voudrions pas vous déranger plus longtemps, se moqua Nymeria en faisant une grossière révérence.
Ses sœurs rirent ouvertement ainsi que Dyanna qui répliqua tout de même à sa cousine :
— La ferme Nym ! ''
Elle quitta ses cousines et suivit, en silence, les gardes de son père. Après environ une demie-heure de chevauchée, ils arrivèrent à Lancehélion. Tous sautèrent de leurs montures et entrèrent dans le palais. Deux gardes gardaient l'entrée de la grande salle et saluèrent Dyanna à son arrivée. Elle ne prit pas la peine de revêtir une tenue plus correct et entra dans la pièce dans sa tenue d'entraînement. Ses braies et la fluide tunique qui les recouvraient étaient recouverts de sable. Son plastron de cuir, aux motifs d'une peau de serpent, arboraient quelques éraflures. Elle retira tout de même le foulard qui entourait le sommet de crâne et la protégeait du sable, ce qui laissa découvrir une crinière ondulés noirs de jais.
Elle balança le foulard sur sa route qui la séparait du trône ducal de son père. Le Prince Doran Martell regardait sévèrement sa fille. À ses côtés, se tenait, debout, la lance à la main, Aero Hotah, le capitaine des gardes, ainsi que son oncle, le Prince Oberyn Martell. Il souriait toujours à sa façon, avec ce sourire au coin des lèvres qui avait charmé plus d'une femme. Une fois assez proche, Dyanna salua d'abord son oncle sans se soucier de son père.
— À en juger par ta tenue, tu devais t'entraîner avec mes filles, supposa Oberyn. Et qui t'as donc fait cette belle entaille sur ta joue ? demanda-t-il curieux d'en connaître la réponse.
Dyanna porta une main à sa joue.
— Oh ça ?! Tyerne a oublié la règle numéro une, celle de ne jamais se faire de mal.
Elle rit et ajouta :
— Mais ne vous en faites pas, j'ai promis à ma chère cousine que je lui rendrai l'appareil.
Le Prince Doran, qui était un sage homme patient, racla simplement sa gorge pour signifier sa présence. Dyanna rapporta son attention sur son très aimable père et lui fit une vulgaire révérence, aucunement digne de son rang. Elle observait son père, assis confortablement sur son trône, où plutôt le morceau de chair qu'était à présent son père. Il était bien chétif et faisait peine à voir. La goutte avait fait des ravages et creusait ses joues. Pourtant, il dégageait toujours ce charisme naturel. Un visage ferme encadré de ses cheveux mi-long poivre et sel, son teint mat et sa tunique au couleur de sa maison. Doran Martell était encore le Prince de Dorne.
— Ne vous en faites pas père, je n'ignorais pas votre présence, dit Dyanna d'une manière insolente. Puis-je connaître la raison pour laquelle vous m'avez fait demandé ?
Le Prince ne répondit rien. À la place, Mestre Myles descendit de l'estrade et tendit à la jeune femme un parchemin déjà ouvert. Dyanna le prit et analysa d'abord le sceau avec lequel il fut scellé. Un cerf et un lion. La famille royale. Elle déroula le fin papier et déchiffra rapidement les écritures penchées.
— Un mariage...Celui de Joffrey Baratheon et de Margaery Tyrell... N'était-il pas promis avec la fille de Ned Stark ; Sansa ? demanda-t-elle sans lever les yeux du parchemin.
Le Mestre répondit :
— Il semblerait que le mariage fut annulé. Mais, la jeune enfant est à présent mariée à l'oncle du roi...
Dyanna le coupa et étouffa un rire moqueur :
— Au nain ? Tiens donc, Lord Tyrion a trouvé une femme à sa taille. Moi qui pensait que Lady Sansa était une grande dame... dans les deux sens du terme..
Elle termina la lecture du parchemin, puis le roula de nouveau.
— Une invitation ?! C'est pour cela que vous m'avez fait venir ? Pour m'annoncer les fiançailles du jeune lion avec la rose ? Eh bien que voulez que je dise ?
Elle prit un ton moqueur et joua avec le ton de sa voix :
— Félicitations, j'espère vite que le roi déflora la rose, si Renly ne l'a pas déjà fait et qu'elle offre au royaume de puissants lions !
Elle balança l'invitation au sol.
— Vous ne comptez tout de même pas y aller j'espère ?
Le Mestre commença :
— Le Prince...
Dyanna regarda son père droit dans les yeux et coupa promptement le vieil homme :
— C'est à mon père que je parle, Mestre. A t-il perdu sa langue ? La goutte lui a t-elle pris l'usage de la parole par la même occasion que celle de ses jambes ? ''
Son ton désinvolte, agaça le Prince qui congédia le vieux Mestre d'un revers de la main et répondit de sa voix claire et pleine d'autorité :
— Oberyn me remplacera, il sera mon émissaire. Et tu partiras avec lui.
La jeune femme fit les gros yeux.
— Jamais !
Le ton de Doran se faisait de plus en plus autoritaire :
— Tu accompagneras ton oncle à la capitale et tu y apprendras, par la même occasion, tes devoirs de princesse et toutes les responsabilités qui y encourent.
Dyanna s'avança d'un pas vers l'estrade, se rapprochant du trône sur lequel son père siégeait.
— Tiens donc, quel honneur vous me faites ! Aurais-je à présent une quelconque valeur à vos yeux ? Je suis étonnée que vous n'ayez pas proposé à Arianne ce voyage politique !
— Ta sœur apprend les responsabilités du pouvoir à mes côtés. Elle me secondera un jour et doit apprendre ici, au plus près du pouvoir. Trystan doit également rester avec Myrcella, et Quentyn n'est plus ici depuis longtemps. La charge d'accompagner ton oncle, te reviens.
Dyanna en voulait terriblement à son père de la faire passer toujours en dernière. Doran n'avait pas la même relation avec Dyanna qu'avec ses autres enfants. Depuis sa plus tendre enfance, elle avait de nombreux modèles à suivre ; dont celui de sa sœur, mais Dyanna s'y refusait et, pour une raison qu'elle ignorait, son père et elle ne s'entendaient plus depuis un bon bout de temps. Elle étouffa un rire à la remarque déplacée du Prince.
— Je savais bien que je fus votre dernier recours. Sinon, pourquoi m'envoyer, moi ? Mais... je refuse d'y aller. Je refuse de mettre un pied parmi les lions, parmi ceux qui ont tué ma tante et ses enfants.
Doran haussa la voix :
— Non seulement tu y mettras le pied, mais tu y mettras les deux ! Tu iras à Port Réal ! Ce n'est pas une invitation pour toi, mais un ordre !
La jeune femme ferma son visage et lança un regard noir à son père. Oberyn essaya de calmer la tension qui montait dans l'immense salle.
— Dyanna... nous partons demain matin. Ellaria sera du voyage ainsi que des membres illustres de familles vassales à la notre. Tu ferais mieux de rejoindre ta chambre et de préparer tes affaires. Repose-toi bien aussi...le chemin sera long jusqu'à la capitale.
Elle ne répondit pas et fit, comme à son habitude, sa grotesque révérence à Doran.
— Père.
Puis une révérence plus gracieuse à Oberyn.
— Mon oncle.
Elle tourna les talons et quitta la salle en claquant ses souliers contre la pierre froide.
Port-Réal... un nid de lion et d'espions. Dyanna allait devoir faire preuve de diplomatie tout comme son oncle. Pourtant, la jeune femme sourit. Oberyn avait décidé d'emmener Ellaria Sand avec lui. Une bâtarde à la cour royale. Bravo mon oncle... vous allez provoquer sournoisement les lions. Et si Oberyn le faisait, Dyanne allait se faire un plaisir de les provoquer également. Attention à ne pas provoquer en revanche un serpent, car leur venin pouvaient se montrer très dangereux...