Game of Thrones : Fire and Ice.

Chapitre 39 : Dans les murs de Winterfell. (Tyrion Lannister)

5347 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 05/05/2019 11:08

CHAPITRE NUMERO TRENTE-QUATRE : TYRION LANNISTER.



Très vite il lui avait fallu conclure que les balistes seraient inutiles. En effet Tyrion ne voyait nulle part le Roi de la Nuit. Ce dernier possédait pourtant une monture idéale puisque Viserion, l’ancien dragon de sa reine, avait été ramené d’entre les morts par leur ennemi. Tyrion était également bien placé pour savoir ce qu’un dragon pouvait octroyer comme avantage sur un champ de bataille. Après tout Daenerys et Drogon avaient à eux deux, provoqué plus de dégâts que l’ensemble des milliers de cavaliers Dothraki alors qu’ils affrontaient l’armée des Lannister.

Tyrion clos un instant ses paupières tandis que les réminiscences de ce funeste jour lui revenait en mémoire. Il se souvenait de ses sentiments alors qu’il était là, impuissant, à observer ses sujets périr sous les coups des arakh dont les armures Lannister paraissaient inefficaces pour empêcher que les chairs ne soient tranchées par ces terribles lames.

Tyrion avait même cru qu’il serait le témoin du décès de son frère alors que ce dernier fondait sur Daenerys, probablement persuadé que ce geste aussi téméraire que suicidaire, mènerait à la fin de la guerre entre les Lannister et les Targaryen. Jaime avait échappé aux flammes de Drogon, mais uniquement grâce à l’intervention providentielle de Bronn.

Ouvrant les paupières et toujours perdu dans ses réflexions, Tyrion toisa les cieux. Oui un dragon, qu’il fut vivant ou un cadavre manipulé par une vile magie, était une arme ô combien redoutable et il ne pouvait croire que le Roi de la Nuit se refusait à en tirer profit. Assurément le Roi de la Nuit était dans la capacité de se permettre d’effectuer des ravages parmi les rangs des hommes puisqu’en possédant lui-même la plus grande armée que le monde ait connu ce n’était pas parce qu’il réduirait en cendres des centaines de combattants adverses que cela prêterait à conséquence. Peu importe l’issu de l’affrontement en cours, si le Roi de la Nuit venait à triompher il lui suffirait dès lors de réanimer les cadavres des Nordiens, des Immaculés et autres pour regrossir les rangs des troupes qu’il aura perdu entre-temps.



« Alors que nous autres nous serions définitivement affaibli et à la merci du coup de grâce et cela qu’importe si nous choisissons de nous exiler vers des terres moins inhospitalières. »



Et qu’espérait après cela si véritablement ils venaient tous à échouer ? Qui restera-t-il alors pour permettre aux hommes de croire en un avenir ? Ses interrogations Tyrion se les adressait mentalement puisqu’il doutait que quiconque eut pu lui apporter des solutions envisageables. Car si véritablement Daenerys Targaryen et Jon Snow, Targaryen, ajouta-t-il par-devers lui, venaient tous deux à perdre le conflit qui avait actuellement lieu alors il n’y aurait plus grand monde pour tenter de contrer la menace sans cesse grandissante que représentait le Roi de la Nuit et ces factions infatigables. Et ce n’était certainement pas sa sœur qui en viendrait à bout avec le peu de forces militaires qu’elle avait à disposition.



« Pour l’heure il semblerait que seule sa petite personne l’intéresse, déclara-t-il sombrement. Et Cersei préféra tout sacrifier plutôt que d’avoir à le perdre. »



C’était en partie vrai. Après tout sa sœur était actuellement enceinte et dans son esprit il était certain que l’enfant à naître finirait par lui succéder un jour à la tête d’un royaume entièrement uni sous la bannière des Lannister. Céderait-elle à la fatalité si elle venait à ouvrir les yeux et réaliser que les événements tournaient à l’avantage du Roi de la Nuit, ce qui paraissait être actuellement le cas du côté de Winterfell et du Nord, ou bien parviendrait-elle à l’impossible pour sauver son enfant et lui assurer un futur ?

A vrai dire il était plus que sûr que dans le cas où le monde des hommes venaient à disparaître petit à petit sous l’avancée inexorable de la puissance des armées de spectres, Cersei se moqua éperdument du devenir des Oustriens du moment qu’elle-même ainsi que le petit garçon ou la petite fille qu’elle portait en son sein se trouvaient en sécurité. Elle qui avait déjà perdu tous ses enfants, Joffrey, Myrcella et Tommen, ne permettrait pas que le destin lui apportât un nouveau coup du sort.



« Malheureusement dans sa folie grandissante il y a fort à parier qu’elle ne prenne aucune sage décision, conclut-il avec amertume. »



Il suffisait pour en être convaincu de penser à la promesse donnée lors de la réunion à Fossedragon où Tyrion avait cru usé des bons arguments pour l’inciter à apporter son concours dans la guerre contre le Roi de la Nuit. L’absence de bannière Lannister sur ces terres du Nord prouvait que les paroles de Cersei n’avaient été que mensonge.

Tyrion décida qu’il s’était assez inquiété de ce sujet et préféra se centrer sur le moment présent puisque le combat en cours était loin d’être terminé. Un peu plus loin sur les remparts il pouvait aviser Davos Mervault aboyer des ordres à une trentaine d’archers qui faisaient voler une pluie de flèches sur une zone en contrebas. Tyrion ne pouvait voir ce dont il s’agissait mais il imaginait très bien que la raison venait de milliers de spectres qui devaient s’agglutiner aux pieds des épais murs de la forteresse de Winterfell. Il pria donc les Dieux de faire en sorte que les spectres ne trouvent aucune faille par laquelle ils pourraient pénétrer à l’intérieur de l’édifice.

Certes la première fois qu’il était venu ici il lui était apparu que Winterfell avait tout d’un bâtiment totalement inexpugnable car pensé pour qu’il en soit ainsi. Pouvait-on à présent se montrer aussi catégorique face à une telle assertion ? Une infime partie de sa personne voulait croire que oui ne serait-ce que pour le rassurer un minimum. Malgré tout Tyrion avait entendu les récits au sujet de la Bataille des Bâtards où comment un seul géant était parvenu à fracasser les portes de Winterfell à l’aide de ses pognes surdimensionnées. Il était toutefois vrai de dire que depuis lors les montants avaient été réparés puis renforcés en vue de la lutte actuelle, néanmoins l’ennemi d’aujourd’hui ne possédait pas un géant mais plusieurs. Tyrion avait pu apercevoir leurs hautes silhouettes se détacher nettement du reste des forces du Roi de la Nuit.



« Les balistes nous seraient fortes utiles contre ces choses, lui déclara Glover. »



Tyrion devinait le regard emplit de rancunes de la part de ce seigneur qui ne perdait pas un instant pour évoquer la défiance que lui incitait les Lannister et les Targaryen. Tyrion aurait amplement souhaité que ce banneret des Stark se trouva en contrebas, à guerroyer avec ses pairs plutôt que de se plaindre continuellement.



« Certes, concéda-t-il à moitié. Néanmoins il serait plus judicieux de faire mouche à coup sûr car nos projectiles ne sont pas illimités et si le Roi de la Nuit venait à débarquer il serait regrettable que … .

-Vous préférez laisser les nôtres se faire massacrer alors que vous ne risquez rien à vous tenir là hors de portée de ces choses.

-Dois-je conclure que votre présence à mes côtés vient du fait que vous souhaitez également qu’il survienne quelques mésaventures pour les hommes de notre reine ? »



Glover ne prononça aucune parole et Tyrion s’en félicita. Cependant il ne pouvait s’empêcher de croire qu’effectivement il était temps pour lui d’user des armes de siège. Les carreaux dont la pointe était en verre-dragon continuaient d’être pointés droit vers les cieux gris. Nonobstant Tyrion n’y voyait aucune créature ailée hormis Daenerys qui reproduisait encore et encore le même schéma d’attaque.

Ce fut là que Viserion reparut et la simple vue des flammes bleues suffit à Tyrion pour se sentir glacer d’effroi. Le moment était venu pour que les balistes entrent en action. Le risque demeurait toutefois que l’un de ces carreaux démesurés perforent le poitrail de Drogon et le tuent, provoquant dès lors une chute mortelle de Daenerys.



« Ouvrez le feu bon sang, s’égosilla Glover dont les yeux emplis d’effroi ne pouvaient se détacher des créatures ailées.

-Impossible, répliqua un des tireurs. Ils sont trop loin. »



Glover fusilla Tyrion du regard et le nain eut la certitude que le seigneur le jugeait coupable de cet état de fait.



« J’espère que les fichus eunuques de votre reine méritent leur réputation et qu’ils parviendront à empêcher ces choses d’atteindre les différentes portes. »



Tyrion le souhait également, à ceci près que sa confiance en Ver Gris était totale car il imaginait mal ce dernier faillir à la tâche qu’on lui avait assigné. Tyrion se le représenta comme le dernier combattant toujours debout, continuant à en découdre contre les spectres qui lui avaient prit sa bien-aimée Missandei.



« Ferai-je de même s’il m’avait fallu affronter des ennemis par amour d’une femme, se demanda-t-il distraitement.

-Qu’est-ce que vous baragouinez dans votre barbe Lannister, le rudoya Glover. »



Seulement Tyrion préféra l’ignorer. Quant à sa question, peut-être valait-il mieux ne pas connaître la réponse puisque cela l’inciterait à repenser à Shae et la trahison de cette dernière. C’était là rouvrir une plaie qui, malgré le temps qui s’était écoulé depuis lors, était toujours aussi douloureuse.

Finalement, et en se souvenant du jugement qui l’avait vu accusé du meurtre du roi Joffrey et les affirmations de sa duplicité émaner des lèvres mêmes de cette femme dont il avait aimé les caresses, aimé ses lèvres fines et délicates, Tyrion jugea qu’il n’aurait pas levé le moindre du doigt pour lui porter assistance.

Ce fut sur ces entrefaites que mestre Wolkan se présenta à lui. Le mestre était chargé de parcourir les coursives du château afin de transmettre les différents messages. Se pouvait-il qu’il soit porteur d’une mauvaise nouvelle et que d’une manière ou d’une autre des spectres soient parvenus à entrer à l’intérieur des murs de Winterfell ?



« Je suis venu vous prévenir que j’ai enfin pu obtenir les informations que vous m’aviez demandé, l’informa Wolkan. »



A la bonne heure, pensa Tyrion à deux doigts de prononcer ces mots à voix haute. Après tout cela faisait déjà quelques jours qu’il avait fait part de sa requête envers Wolkan qui depuis lors avait fouillé les immenses réserves de parchemins et autres grimoires qu’il avait dans ses appartements et qui autrefois appartenaient à mestre Luwin. Il apparaissait finalement que Wolkan avait mit la main sur le précieux sésame.



« Et en va-t-il tel que je l’escomptais ?

-Si fait messire. »



Voilà qui était merveilleux et qui tombait à point nommé. La situation en contrebas paraissait des plus précaires en certains points et … .



« On dirait que les dragons de votre reine vont y passer, intervint Glover. »



Interrompu dans ses réflexions silencieuses, Tyrion n’aurait su dire si il devait déceler un semblant de joie ou d’inquiétude dans le timbre grave de son interlocuteur. Toujours est-il qu’il pivota aussitôt pour s’en aviser personnellement. A l’horizon se distinguait Rhaegal qui allait en s’éloignant. Il était visiblement mal en point et malgré la distance ses blessures étaient visibles. Tyrion ne pouvait cependant pas affirmer si celles-ci étaient mortelles. Devrait-on redouter qu’incessamment sous peu le Roi de la Nuit s’octroie une nouvelle créature ailée ? Une éventualité qui n’avait particulièrement rien de bien réjouissant.

Centré sur les cieux où il assista à une riposte de Drogon, Tyrion fut tiré de ce spectacle par la voix pressante du mestre.



« Messire les seigneurs vous attendent dans la grande salle comme vous l’avez souhaité.

-Dans ce cas il serait fort discourtois de les y faire attendre plus longuement. »



Chose qui, n’eut été la bataille en cours, il se serait volontiers permis de faire puisque depuis son arrivée en ce lieu il était soumis à une constante inimitié sur sa personne ainsi que sur son nom.



********************



Quelques minutes venaient de s’écouler et bien qu’il lui en coûtait de ne pas savoir comment la bataille se déroulait et ce qu’il avait pu advenir de Daenerys, Tyrion traînait ses petites pattes aussi vite qu’elles le lui permettaient dans ces corridors ô combien démesuré que lui paraissaient être les dédales de Winterfell.

Glover allait en tête du trio. Le seigneur de Motte-la-Forêt avait refusé de lâcher Tyrion du regard, croyant que l’intéressé était sur le point d’ourdir un fumeux complot dont le but final serait de permettre aux forces Lannister de s’octroyer cette forteresse tout en laissant les Stark, Glover, Mormont et autres Karstark, Omble ainsi qu’une ribambelle de bannerets des Stark à la merci de l’ennemi qu’ils affrontaient tous ensemble sur les terres gelées du Nord.



« Il est vrai que j’ai pour habitudes de dissimuler mon frère sous mes culottes et tel un prestidigitateur je m’apprête à l’en faire sortir afin d’investir cet endroit fort cosy. »



Le seigneur ne goûta pas à la plaisanterie et arbora une mine renfrognée que Tyrion n’eut aucun mal à ignorer. Qui plus est il était lui-même bien loin de se sentir tel un fanfaron car la vérité était que Jaime l’avait abandonné.



« Si les Dieux m’avaient octroyé un con il est probable qu’il m’eut choisi. »



Une trait d’humour noir qui l’accabla plus qu’autre chose. Ah si seulement son aîné avait pu ouvrir les yeux et ne plus s’aveugler autant sur Cersei. Au lieu de quoi Jaime n’était pas là aujourd’hui et Tyrion pourrait dire tout ce qu’il voulait, parfois il lui était bien difficile de ne pas donner raison à ces seigneurs Nordiens qui se médisaient des Lannister.



Juste derrière Glover trottinait Wolkan dont la chaîne qui tintinnabulait autour de son témoignait de son statut de mestre. L’homme était l’un des seuls à ne pas avoir fait montre d’une réelle inimitié quant à ces étrangers venus « envahir » le Nord. Mestre Wolkan était prêt à accepter Daenerys comme souveraine légitime du royaume, ce qui, selon ses dires, valait toujours mieux que d’avoir à servir des personnes de l’engeance de Ramsay Bolton. Tyrion s’était intéressé à ce sujet mais Wolkan était demeuré résolument muet sur les exactions qu’il lui avait fallu accomplir lorsqu’il officiait sous les ordres du fils bâtard de Roose Bolton.

Quoiqu’il en était le trio poursuivit sa progression. Les forces du Roi de la Nuit avaient beau être cantonnées à l’extérieur, ce n’était pas pour autant qu’ils pouvaient s’estimer à l’abri de la menace que représentaient les morts. Cette sensation était d’autant plus grande que l’écho de la bataille en cours leur parvenait avec une netteté irréelle et Tyrion s’interrogea de quel côté la balance du destin était en train de pencher.



Tout à coup il s’immobilisa devant une porte entrouverte et y jeta un œil. Samwell Tarly était présent, se tenant assit sur un vieux tabouret. Le jeune homme lui tournait le dos. Sa façon de se tenir le laisser deviner plongé dans ses activités habituelles. Tyrion ne pouvait le laisser là à risquer de succomber si les spectres venaient à réussir de pénétrer dans l’édifice.



« Que faites-vous, s’irrita Glover qui venait de s’apercevoir que Tyrion s’était arrêté.

-Continuez donc sans moi, déclara le nain aux deux autres. Je vous retrouverai dans la grande salle. »



Suite à quoi, et sans attendre pour s’assurer que les principaux intéressés s’exécutaient, Tyrion rejoignit le jeune Tarly.



« Que faites-vous donc là Samwell, s’enquit-il avec affabilité. »



Le garçon sursauta. Ses yeux rougis et ses cernes témoignaient d’un manque de sommeil.



« Qu’est-ce que ? »



Plusieurs grimoires et autres parchemins churent au sol au moment où Samwell se redressa. Puis Tyrion l’observa se hâter de les ramasser. Ses gestes étaient si fébriles que les objets retrouvaient rapidement le chemin du parquet en bois. Peiné devant l’allure pataude de son vis-à-vis Tyrion l’assista dans sa tâche.



« Toujours en quête d’une solution pour terrasser le Roi de la Nuit je présume. »



Tarly ne pouvait nier une telle évidence. Ses journées se résumant essentiellement à accomplir cette mission. Et même si pour l’heure aucun ouvrage n’avait pu fournir la moindre clé pour résoudre une solution qui paraissait ne pouvoir l’être, Samwell était têtu et ne renoncerait pas à mener à bien le dur labeur qui l’attendait.



« Il préférera mourir d’épuisement que de s’avouer vaincu, pensa Tyrion. Cela est plus qu’assez Samwell Tarly, enchaîna-t-il à voix haute. Vous ne tiendrez pas indéfiniment en œuvrant comme vous le faites.

-Je ne puis faire autrement messire, lui répondit l’autre. Jon m’a confié le soin de décortiquer ces livres. Les Autres ont déjà été vaincus par le passé. Il y a forcément une trace révélant la manière dont nos ancêtres ont accompli un tel exploit. »



Tyrion le souhaitait auquel cas, et comme pourrait si bien le dire Bronn, ils seraient sous baisés.



« Vous êtes un ami fidèle Samwell mais les Dieux n’ont que faire des loyautés. Si l’ennemi entre ici vous n’y survivrez pas et je doute que ces grimoires puissent servir pour vous défendre.

-Je ne suis pas sans arme, assura Tarly qui dévoila une dague en verre-dragon. J’ai déjà eu l’occasion de tuer un Marcheur Blanc grâce à cela. »



Voilà qu’il était difficile à croire lorsque l’on voyait la silhouette corpulente du garçon car comment pourrait-on imaginer y voir un combattant ? Une réflexion qui dut se lire sur son visage car Samwell s’empressa d’ajouter.



« On veille sur moi. »



Tyrion tourna la tête vers la gauche et eut un léger tressautement lorsqu’il s’avisa de la forme blanche à moins de trois mètres de lui. Il s’agissait de Fantôme, le loup géant de Jon Snow. La bête, toujours aussi silencieuse, le toisait en retour et ses prunelles rouges paraissaient luire d’une intelligence qui mit mal à l’aise Tyrion.

Allongé à même le parquet, l’animal se tenait devant une large couche où Tyrion y décela la présence du jeune femme ainsi qu’un enfant en bas âge, tous les deux dormaient profondément malgré le tumulte à l’extérieur de la forteresse.



« Et qu’en est-il de votre famille ?

-Tout ira bien, je peux les protéger, affirma Samwell.

-Il existe possiblement un moyen pour nous de nous échapper si la situation venait à se dégrader, poursuivit Tyrion toujours inquiet quant au sort qui attendait ces trois personnes. Je vous conjure d’abandonner ce que vous faites et suivez-moi avant qu’il ne soit trop tard. »



Il lui suffisait de voir l’expression de détermination sur le faciès de Tarly pour avoir la réponse de celui-ci et ce avant qu’il ne la formule.



« Je ne peux pas. Jon compte sur moi et je ne trahirai pas sa confiance. »



Une fidélité somme toute louable mais qui pour l’heure sonnait davantage comme un futur suicide. Tyrion aurait pu s’échiner longuement à trouver des arguments pour le convaincre que cela aurait en pure perte.



« Il a perdu son père, il a perdu son frère. Je présume qu’évoquer ceux-ci ne résoudraient en aucun cas le problème. La famille Tarly semble vouer à devoir s’éteindre. »



Des pensées qui le chagrinaient et qui le faisaient se sentir impuissant, aussi Tyrion se décida-t-il à faire part de ses intentions dans le cas où Samwell se déciderait à évacuer les siens. Après quoi il lui souhaita bonne chance avant de s’en aller hors de la pièce.



********************



Lorsqu’il pénétra la grande salle un concert de voix l’accueillit.



« La victoire nous est-elle acquise, l’interrogea Lady Stark sans autre forme de préambule.

-Que nenni, répliqua Tyrion qui eut désiré être porteur de bonnes nouvelles. Les forces du Roi de la Nuit sont telles que je craigne qu’il nous faille choisir la voie de la retraite si nous souhaitons envisager un futur pour nous autres.

-Notre roi se bat encore, lui rappela Lyanna Mormont. Ainsi que nous autres Nordiens et les hommes de votre reine. Oseriez-vous prétendre qu’il nous faille les abandonner.

-Malheureusement nous n’avons pas d’autres options, répondit Tyrion. Le maniement de l’épée n’a jamais été ma spécialité et je doute que quiconque ici, mis à part lord Glover, possède de telles aptitudes.

-Et que nous proposez-vous donc ?

-Au cours de ces derniers jours j’ai demandé à mestre Wolkan de me trouver les plans de Winterfell et de les étudier pour permettre de déterminer si oui ou non il existait un passage qui nous conduirait loin d’ici et dans une zone relativement sûre.

-L’ennemi est partout, rappela lady Mormont. Quand bien même nous quittions ces murs ils pourraient nous tomber dessus à tout instant. Or comme vous vous êtes empressé de l’affirmer, nous ne sommes pas des combattants. Et ce n’est pas les rares leçons dont j’ai bénéficié qui pourraient faire en sorte de vous contredire. Il n’en reste pas moins que vous êtes un Lannister et qu’en tant que tel je ne vous fait pas confiance.

-Il serait grand temps de cesser ces inimitiés puériles.

-Puériles, répéta Glover avec colère. Je ne peux que donner raison à ma consœur quant à la défiance que nous impose votre famille. Vous avez soutenu à nous autres que votre sœur et votre frère concouraient à nos côtés dans la guerre en cours. Où sont-ils donc si ce n’est claquemurés derrière les murs de Port-Réal ?

-Je conçois que vous pensiez ainsi, toutefois je suis présent à vos côtés et malgré votre rancœur je ferai tout pour m’assurer qu’il ne vous arrive rien de mal.

-Et quel est votre plan, s’intéressa lady Karstark. »



Tyrion se tourna vers le mestre qui lui tendit un imposant rouleau de parchemin. Le document était si ancien qu’il commençait à s’effriter. Voilà qu’il serait judicieux de le remettre à jour, estima Tyrion.



« Voyez ces lignes, commença le nain en suivant un tracé assez complexe. Ce réseau de tuyauteries est ce qui permet de chauffer l’ensemble de cette forteresse. Les sources de chaudes qui s’y écoulent proviennent de galeries souterraines. C’est là que réside notre espoir. L’ennemi ne peut connaître les accès alors à nous d’en tirer profit.

-Et qu’en sera-t-il si ils venaient à nous y débusquer ? Tout ce que vos bonnes intentions vont entraîner c’est de nous mener droit vers notre tombeau, affirma Glover qui reçu l’appuie d’une demi-douzaine de bannerets. »



Tyrion était sur le point de rétorquer, lassé par cette sempiternelle suspicion dont il était victime. Malgré tout ce fut une alliée inattendue qui vint à son secours.



« Messires vous connaissez mes sentiments à l’égard des Lannister. Il nous faut portant ouvrir les yeux et placer notre confiance en lui, assura lady Mormont. Il n’y a nulle pièce en ce château qui assurerait que nous échappions à ces spectres. Les galeries paraissent être notre unique espoir.

-C’est un Lannister, aboya Glover. Un traître. »



Décidément il n’y avait que ceux du Nord pour raviver les vieilles rancunes alors que l’heure était critique. Tyrion aurait pu essayer d’apaiser les choses sauf qu’il ne possédait pas la force de discutailler des heures alors que dans le même temps les spectres pouvaient très bien avoir trouvé une faille leur permettant de s’infiltrer dans la forteresse des Stark. Nonobstant il lui apparut que lady Mormont n’en avait pas terminé avec son concours.



« Je suis une Nordienne autant que vous l’êtes lord Glover. Je suis une femme butée et je n’ai pas la langue dans ma poche. Alors je vous dis ceci, cessez de vous comporter comme un idiot. A quoi bon faire en sorte que le Nord réchappe de ce conflit s’il ne restera plus personne pour y vivre ? Mes sujets ont prit la voie du Sud et certains sont encore présents ici même, ayant refusé d’abandonner leurs proches qui se battent à l’extérieur. Je ne les laisserai pas périr simplement parce que je suis trop fier pour accorder ma confiance à un Lannister.

-Faites donc comme il vous semblera. Notre roi veut que nous restions ici et s’il croit que Winterfell est assez forte pour nous protéger alors je ne bougerai pas de ce lieu. »



Tyrion préféra ne pas intervenir. Les mots de Lyanna Mormont paraissaient avoir été suffisants pour l’ensemble des autres nobles et peu après ils quittèrent la grande salle. Tyrion portait le plan du château et les guida au travers des couloirs. Finalement, et après une bonne dizaine de minutes de pérégrinations, le groupe déboucha dans la cour intérieur où un bois se dressait un peu plus loin ainsi qu’un vieux barral.

Les yeux aux larmes sanglantes paraissaient suivre le mouvement du petit groupe et Tyrion pria mentalement les Anciens Dieux de leur éclairer la voie et de faire en sorte que tous puissent s’en sortir indemne. Au même instant il perçut un son lointain qu’il identifia comme étant des sonneries de cors. Surprenant, à croire que les déités l’avaient entendu.

Il ne pouvait cependant pas certifier si c’était vraiment là une bonne nouvelle et si oui ou non une aide inattendue venait de débarquer à Winterfell. Quoiqu’il puisse en être il était certain que ça ne pouvait être des troupes Lannister auquel cas il aurait probablement reconnu les tonalités des trompettes de guerre.

Un cri plus proche le força à se tourner instantanément pour voir ce dont il s’agissait et avec horreur il aperçu des spectres qui venaient de surgir dans la cour. Les morts n’étaient pas les seuls combattants puisqu’une trentaine d’Immaculés et moitié moins de Dothrakis et Nordiens mélangés s’échinaient à les contenir. Toutefois leur résistance paraissait vaine puisque les forces ennemies étaient toujours plus nombreuses à apparaître.

Était-ce donc là les dernières forces qui restaient des milliers d’hommes qui avaient constitués les armées du Nord et celles de Daenerys ? Tyrion refusait de donner du crédit à une telle hypothèse tant cela l’emplissait d’horreur et qu’il risquait d’abandonner ses derniers espoirs.

Le sort s’acharna pourtant sur lui lorsque dans une horreur non feinte il constata la présence de Ver Gris au sein des cadavres ambulant. L’eunuque possédait des yeux bleus qui se distinguaient nettement alors qu’il s’en prenait avec férocité à ceux qui avaient compté parmi ses frères d’armes.



« Nous sommes perdus, glapit lady Karstark qui ne put dès lors effectuer le moindre mouvement. »



Ce fut pourtant la gifle de Lyanna Mormont et l’aide du seigneur Omble qui poussa la gamine dans le dos qui permirent à l’intéressée de se reprendre et de se mouvoir. Ils finirent par atteindre les serres et y pénétrèrent les uns à la suite des autres. Tyrion allait en dernière position, ne pouvant détacher ses yeux de la bataille en cours.

C’est là qu’il crut reconnaître un nouvel individu et son désarroi gagna en intensité. Jorah Mormont était là et dans la mêlée qui avait lieu il lui était impossible de certifier si l’homme originaire de l’Île aux Ours ferraillait du côté des vivants.

Quoiqu’il en était, l’affrontement se rapprochait toujours de la position des bannerets des Stark qui venaient d’atteindre une épaisse porte en bois. Tyrion les rejoignit aussi vite que lui permettaient ses jambes et constata que de profondes ténèbres les attendaient à l’intérieur des boyaux qui couraient sous les fondations de Winterfell. Fort heureusement il existait des torches sur le mur au niveau du panneau en bois de barral et elles furent allumées par le mestre qui les tendit aux lords afin de pouvoir éclairer la voie à suivre.

Tyrion les laissa donc se glisser dans le goulot les uns après les autres et il ne resta bientôt plus que lui. Avec un peu de chances les spectres étaient trop concentrés à éradiquer les dernières résistances pour s’apercevoir que des vivants cherchaient à leur échapper.



« Bougez-vous donc un peu Tyrion, aboya Jorah. »



La voix qui retentit fut si inattendue que Tyrion sursauta avant d’apercevoir la silhouette de Jorah qui se détachait sur sa droite. Toujours stupéfait par cette subite apparition Tyrion se sentit soulevé par le puissant bras du Nordien qui sans chercher à le ménager le balança à travers l’encadrement de la porte et le goût du sang envahit la bouche de Tyrion lorsque sa tête heurta le sol dur et tout en roche qui se dressait là.

Une demi-douzaine de secondes plus tard la porte fut fermée et les personnes présentes ne purent se fier qu’aux torches pour leur permettre de savoir où poser les pieds. Pour sa part Tyrion se releva péniblement, se sentant honteux de présenter une telle scène à ces gens qui se défiaient de lui, s’essuya les lèvres d’un revers de la main pour y déceler du sang avant de se concentrer sur la personne à qui il devait cela.



« Je crois que je suis ravi de vous savoir toujours vivant Mormont. Bien que votre rudesse ne m’aurait pas manqué plus que cela.

-La ferme, aboya l’autre. Et en route. Les spectres ont provoqué une brèche et je doute que ceux qui les affrontent à l’extérieur puissent remédier à cela. J’ai moi-même eu beaucoup de chances d’en réchapper et de parvenir jusqu’ici. »



Il n’en dit pas davantage et tout en tenant l’épée Corvenin, dont Tyrion savait qu’elle appartenait aux Tarly jusqu’à ce que Samwell la cède à Mormont, il poussa la Main de Daenerys dans le dos et tous ensembles ils entreprirent de s’enfoncer plus profondément dans les entrailles de la terre.



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