Game of Thrones : Fire and Ice.

Chapitre 23 : La prisonnière du Donjon Rouge. (Yara Greyjoy)

4943 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 23/01/2019 13:04

CHAPITRE NUMERO DIX-NEUF : YARA GREYJOY.



En cet endroit ne régnait que les ténèbres. Le noir était si complet que même en agitant sa main droite devant son visage, elle ne pouvait voir cette dernière. Tout juste Yara sentait-elle le souffle du mouvement sur sa figure. A moins que celui-ci ne provenait des courants d’air qui ventilaient parfois ces vieux cachots. Yara ne pouvait se montrer aussi affirmatif sur un tel sujet.

Quoiqu’il en était, la lumière du jour ne parvenait jamais jusque cette zone enfoncée loin sous terre. De fait, Yara ne pouvait certifier avec exactitude depuis combien de temps elle était enfermée ici. Des jours, des semaines. Et pourquoi pas plusieurs mois pour ce qu’elle pouvait en supposer.

Au commencement de son long calvaire, Yara avait pourtant essayé de tenir le compte, se basant sur les allées et venues de cet homme qui était le conseiller de cette chienne de Lannister. Yara ayant droit à trois repas quotidien, certes fort frugal puisque ceux-ci consistaient en une miche de pain rassis et son pichet d’eau qui lui paraissait croupie, elle s’en était servie pour se répéter : « Matin, midi, soir », et ce sans discontinuer.

Malgré tout, et depuis un bon moment déjà, elle soupçonnait que son unique visiteur venait la trouver à différentes heures de la journée et ce dans l’unique but de lui faire perdre toute notion de temps. D’ailleurs il ne venait plus aussi souvent qu’à ses débuts de sorte qu’il n’était pas rare pour Yara de s’endormir le ventre vide et les lèvres sèches.



Par le Dieu Noyé, que ne donnerait-elle pas pour avoir des nouvelles du monde extérieur. Ou même de ces malheureuses Dorniennes qui avaient été arrêtées en même temps qu’elle et qui à présent devaient croupir dans des cellules placées à un tout autre niveau que la sienne. Étaient-elles seulement en vie ? Yara l’escomptait fortement. A moins que le cri entendu elle ne savait plus trop quand avait émané de l’une d’entre elles et qui pouvait signifier qu’elle devait être la victime d’une séance de torture.

Finalement ce souvenir et la perspective de ce qui en avait découlé, suffirent à la convaincre qu’au bout du compte il était préférable de demeurer dans l’ignorance la plus totale.

Ses pensées la menèrent ensuite à se focaliser sur son frère Theon. Avait-il subi lui-même une telle torture à l’époque où il était prisonnier des Bolton ? Qu’elle fut psychologique autant que physique ? Pour sa part elle pouvait s’estimer chanceuse d’avoir échappé aux châtiments corporels bien qu’elle avait conscience que le but de la manœuvre était avant tout de la briser mentalement. Yara s’était fait la promesse qu’elle ne craquerait pas et qu’elle survivrait à tout prix de cet enfer ténébreux.

Pour sa part Theon n’avait pas tenu lorsqu’il était entre les mains de Ramsay Bolton. Il lui suffisait de se remémorer le visage de son frère lorsque ce dernier était reparu à Pyk dans l’espoir, lui avait-il paru à cette époque, de prétendre au titre de roi. Seulement son cadet avait été littéralement détruit par son tortionnaire et elle n’avait jamais réalisé à quel point il avait été touché.

Après tout dans son esprit de femme guerrière et farouche, Theon et elle étaient tous deux des Greyjoy de Pyk, des Fer-nés des Îles de Fer et non des lavettes de Westeros. Yara s’était donc échinée à faire revenir le Theon d’autrefois. Celui qui était revenu au fief familial confiant et plein d’arrogance au point de se convaincre qu’il pouvait tenir Winterfell avec pour toute armée une poignée de soldats.



En vain.



Seul Schlingue demeurait à présent. Il lui suffisait de se remémorer la scène sur le navire où son frère avait préféré abandonner son épée et sauter dans l’eau après que leur oncle l’eut défié en duel.

Repenser à la désertion de Theon l’emplit d’une subite colère et elle frappa le sol de ses poings, ressentant une douleur qui éveilla tous ses sens à l’exception de la vue. Pourquoi fallait-il que son frère fut si lâche ? Pourquoi fallait-il qu’il n’eut rien tenté pour la secourir ? Après tout, n’avait-elle pas risqué sa propre vie pour le délivrer des griffes de Ramsay ? De l’opération malencontreuse qu’elle avait personnellement mené, Yara en avait perdu de valeureux compagnons d’armes.

Toutefois Yara avait conscience que dans cet état Theon n’aurait jamais pu venir à bout de Euron dans un combat singulier. Il était bien trop faible mentalement pour avoir à espérer quoi que ce soit contre une personne telle que leur oncle qui pour sa part était habité par la ferveur des batailles et du sang qui en découlait.

Alors c’était vrai, Yara s’était persuadée du fait que tôt ou tard son frère allait revenir avec des renforts provenant de leurs puissants alliés. Sauf que du temps avait passé depuis lors et avec lui tout espoir de recouvrer un jour la liberté tant chérie.

Cette reine des dragons qu’elle était allée retrouver à Meereen et avec qui elle avait passé un pacte, allant jusqu’à accepter de renoncer aux traditions des Fer-nés en ce qui concernait le pillage des côtes et autres, paraissait n’avoir que faire de son sort puisqu’il semblait évident qu’elle n’avait pas attaqué Cersei pour chasser cette dernière du Trône de Fer. A moins qu’il s’avéra qu’elle eut tenté d’assaillir Port-Réal et qu’elle était morte au cours de l’affrontement. Chose que Yara ne parvenait à croire. Elle avait vu les trois dragons. Alors comment les Lannister auraient pu faire pour triompher de telles créatures ?

Quoiqu’il en était, Yara était seule. Et ce serait ainsi qu’elle mourait.



********************



Un bruit de pas la tira de ses sombres réflexions silencieuses et la força à se remettre sur ses pieds. Le son allant croissant elle en déduisit que quelqu’un venait. Et effectivement la lueur d’une torche fit son apparition, bientôt suivit par l’objet en question et de l’homme qui la tenait.

Son visiteur, qui lui avait dit s’appeler Qyburn, se plaça en face de sa cellule puis resta là sans prononcer le moindre mot, se contentant seulement de la fixer longuement. Qyburn semblait satisfait à en juger par l’éclat malicieux de ses yeux. Que croyait-il, qu’il était parvenir à rompre la résistance mentale de sa prisonnière ? Yara en eut rit si elle avait eu la force de le faire ou bien se serait-elle contenté de le saisir et de le briser lui qui était si frêle si tant est qu’il eut le courage de se tenir à portée de mains.



« Vous serez ravie d’apprendre que certains de vos amis étaient présents voilà quelques heures, confia-t-il enfin. D’ailleurs votre frère lui-même se tenait parmi nos invités. »



Theon avait été ici ? A Port-Réal ? S’était-il fait capturer à son tour ? Et ses fameux amis évoqués, qui étaient-ils ? Cette reine a qui elle avait prêté allégeance et qui avait décidé de la laisser moisir dans une des geôles de la capitale ? Cette vieille femme de Haut-Jardin qui ne paraissait pas tenir à exposer ses hommes sur le champ de bataille ? Non il n’y avait personne sur qui elle aurait pu escompter la moindre assistance. Yara avait été abandonnée par tous et c’était là l’unique certitude qui prévalait.



« Vous mentez, croassa-t-elle difficilement à force de ne pas s’être exprimé au cours des dernières semaines.

-Vraiment, rétorqua l’autre, l’œil espiègle. Dans ce cas il m’est inutile de vous faire part de ce qui a été dit fait en cette occasion. »



Il se détourna sans rien ajouter. Yara l’observa s’éloigner tout en serrant les barreaux de sa cage, prête à le supplier de ne pas la laisser dans l’ignorance. Cependant elle ne put dire si c’était sa fierté ou son manque de force qui l’empêchèrent de s’exécuter.

L’écho des pas diminua rapidement avant de finir par s’éteindre totalement tout comme la lueur de la torche qui disparu. Après quoi les ténèbres recouvrir à nouveau ce qui était devenu son monde.



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Le temps avait continué de s’écouler. Toujours plus lentement lui semblait-il. Yara en était même venu à se demander s’il n’était pas préférable pour elle de mettre fin à ses jours. Malgré tout son puissant désir de survivre à ses ennemis l’incitait à ne pas capitulait et elle s’y tiendrait aussi longtemps que sa volonté serait la plus forte. D’autant qu’elle s’était jurée de lui faire payer ce qu’elle avait subi.

Yara était assise au fond du cachot, le sol était dur et couvert de moisissures qu’elle ne sentait plus depuis longtemps. Même de tenter de dénombrer ses jours de détention ne l’intéressait plus vraiment. Elle ne redoutait qu’une chose, que son oncle fasse sa réapparition.

Car Euron était venu la trouver, peu après que Qyburn l’eut quitté. Yara se souvenait très bien de la scène. Comment aurait-elle pu l’oublier d’ailleurs quand elle savait ce que… . Elle réfréna sa colère pour ne pas perdre ses maigres forces que les repas, toujours aussi peu consistant, ne parvenaient pas à lui redonner.

Euron était donc descendu la voir, la seule fois depuis qu’on l’avait enfermé, non sans se poindre avec un sourire narquois sur le visage bien que ses yeux brillaient d’un éclat qui promettait mille cruautés. Yara s’était mit debout et s’était approché au plus près de son parent avant de le couvrir d’un flot d’insultes et de menaces toutes aussi inutiles les unes que les autres. Car Yara n’était plus la guerrière gaillarde d’autrefois.

Euron lui avait ri au nez, sûr de sa supériorité. Elle avait donc cherché à comprendre pourquoi il tenait absolument à la maintenir en vie. La réponse était si simple qu’elle se maudissait de ne pas l’avoir comprise plus tôt. Euron escomptait attirer Theon jusqu’ici, l’ayant d’ailleurs mis au défi de l’affronter auquel cas il la tuerait, et se dans l’optique de pouvoir se débarrasser d’un coup de son neveu et de sa nièce.

Il était ensuite parti en lui parlant de la mission qu’on lui avait confié et qui consistait en une surprise qui rabattrait le caquet de cette « salope » aux cheveux argentés. Non sans avoir au préalable décidé de lui faire un petit cadeau tout en affirmant que ce n’était là qu’un début.

Yara avait longuement escompté qu’au cours de l’absence de Euron, Theon débarque enfin pour la faire sortir de cette tombe aux barreaux de fer. Il lui était même arrivé parfois de pleurer tout en suppliant le Dieu Noyé d’entendre ses prières. Sauf que nulle réponse ne lui avait été adressée et que c’était peine perdue. Après tout, il n’y avait rien d’étonnant à ça, Yara n’était pas à portée de la mer pour que ses suppliques puissent aboutir à des résultats.

Alors si vraiment son destin se résumait à devoir mourir au sein de cette cage, autant lui fallait-il d’ores et déjà l’accepter et mettre une bonne fois pour toute un terme à cette comédie plus que ridicule.



********************



De nouveaux jours passèrent. Ou bien des semaines. Que pouvait-elle bien en savoir alors qu’elle était plongée dans une nuit sans fin et dont la seule lumière provenait de la torche que tenait Qyburn lorsqu’il daignait lui apporter de quoi se sustenter et étancher sa soif.

Parfois il lui arrivait également d’entendre des hurlements. Ceux-ci la faisaient à chaque fois sursauter dès lors qu’ils retentissaient et ce à n’importe quel moment. Yara estimait qu’ils provenaient d’une partie inférieure du niveau où se dressait sa propre cellule. Elle ne pouvait être plus précise.

Dans tous les cas les plaintes sonores étaient le résultat de grandes souffrances et elle se demandait régulièrement auxquels tourments étaient livrés ces malheureuses victimes. Et surtout si oui ou non un sort similaire l’attendait.

Yara était certaine que non. Euron ne lui avait-il pas affirmé qu’il avait besoin de la garder en vie pour attirer Theon ? Ou bien avait-il conscience que son plan était voué à l’échec et avait décrété que Yara était dispensable ?

A choisir elle préférerait succomber l’épée à la main que sous la torture d’un bourreau maître dans l’exercice du supplice. Le temps passait toutefois et personne ne paraissait vouloir la mener vers son destin final.



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Yara dormait quand un tintamarre l’extirpa de son sommeil. Elle se redressa vivement. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine. L’heure était venue, elle le savait, où elle allait devoir elle-même subir le martyr qu’avait connu tous ces gens avant elle.

Seulement si des gardes comptaient l’y conduire ils verraient à qui ils auraient à faire. Car il était hors de question pour elle d’affronter la mort sans lui opposer de résistance. Et qui sait, peut-être que dans la confusion réussirait-elle à se saisir d’une épée et pourquoi pas trouver un chemin vers la liberté.

Un rire nerveux la secoua. Comment pouvait-elle espérer parvenir à quoi que ce soit. Tenir debout tenait plus de la gageur qu’autre chose. Alors de là à parvenir à soulever une épée. Dans tous les cas elle pria mentalement le Dieu Noyé et lui assura qu’il serait fier d’elle.

Les bruits approchèrent. Toutefois l’écho était tel qu’il était difficile de deviner si ceux-ci provenaient des parties inférieures ou supérieures des sous-sols du Donjon Rouge. Au vue de l’éclat perceptible il lui paraissait que quelqu’un se battait à l’épée. Daenerys s’était-elle finalement décidée à donner l’assaut sur Port-Réal ? Yara n’osait plus y croire.

Le cœur battant à tout rompre à l’idée qu’enfin elle allait peut-être retrouver l’air libre, elle eu envie de crier pour signaler sa présence. Seulement aucun son ne franchit ses lèvres.

Et soudain une voix résonna dans les escaliers, se répercutant en un écho sans fin.



« YARA ? »



Elle voulu vociférer, dire qu’elle était juste là, pas loin de ceux venus pour lui porter secours. Sauf que Yara ne put réussir à prononcer le moindre mot. C’était si frustrant que le désespoir s’empara de tout son être et elle se laissa tomber par terre avant de craquer et de déverser des larmes salées.

L’écho de la bataille s’éloignait à présent. C’était fini. Son unique chance de pouvoir se dérober de ses ennemis s’était envolée. Yara se prit la tête dans les mains et laissant échapper un gémissement indistinct. Elle se laissa donc gagner par la rage de la guerrière qu’elle avait été, rampa sur le sol et se fracassa l’arrière du crâne contre le mur.

La douleur fut-elle que Yara fut saisie par des vertiges qui manquèrent de la faire perdre connaissance. Elle recommença encore et encore espérant que la souffrance cesserait rapidement et que la mort accepterait de la prendre.



« YARA !! »



Dans son état semi-comateux, Yara ne su si oui ou non la voix était réelle ou le simple fruit de son imagination. Fixant l’extérieur de la cellule Yara pu noter que du côté de l’escalier apparaissait la lueur d’une ou de plusieurs torches. Il lui était impossible de le déterminer et pouvait seulement affirmer qu’on s’approchait de plus en plus de son étage.



« Je suis là, tenta-t-elle de dire. »



Ses efforts étaient vains puisqu’aucun son ne franchit ses lèvres. Si jamais ceux qui étaient venus la secourir jeter un œil à ce niveau et ne la voyaient pas alors ils poursuivraient sans savoir qu’ils étaient à deux doigts de lui permettre de ne plus croupir dans la geôle qui était la sienne depuis si longtemps.

Toutefois ce sombre présage ne se réalisa pas et elle les vit se précipiter de cellule en cellule. Ils étaient peu. Une demie-douzaine en tout. L’éclat des torches l’empêchait toutefois de réussir à les identifier. L’un d’eux se plaça droit devant elle. Il fallu un temps d’adaptation pour comprendre qu’il s’agissait de son jeune frère Theon.



« Yara, tu vas bien ? »



Il paraissait soulagé de la savoir entière. Theon avait un trousseau de clés dans une main et il joua de celle-ci pour déverrouiller la porte en fer qui grinça lorsqu’elle s’ouvrit vers l’extérieur. Prit de vertige quant au fait qu’elle allait échapper à cet enfer, Yara serra fortement Theon dans ses bras. Si celui-ci s’en montra surprit elle ne le su pas car son visage lui était dissimulé.



« Nous ne devons pas nous attarder, confia Theon. Nous avons dû tuer des gardes mais nous n’avons pas eu le temps de dissimuler les corps. »



Yara opina du chef. Theon plaça son bras autour de sa taille pour la soutenir. Il devait comprendre le fait qu’elle n’ait plus toutes ses forces. Le groupe se pressa autour d’eux et elle put nommer mentalement chacune des personnes présentes. Son regard se concentra essentiellement sur son oncle Rodrik Harloi et elle ne put s’empêcher de verser des larmes. Elle qui avait toujours été une femme forte elle s’interrogea sur ce que pouvait bien penser ces hommes de la voir craquer ainsi.



« Je suis ravi de te savoir en vie ma nièce, lui adressa Rodrik avec un sourire. Theon a tout de même raison, nous ne pouvons demeurer ici plus longuement si nous voulons éviter les soldats Lannister. »



Elle en avait conscience. Toutefois aurait-elle la volonté suffisante pour se mouvoir et ne pas retarder ceux qui venaient de risquer leur vie pour la délivrer. Elle tenta de faire un pas en avant et manqua de tomber. L’aide de son frère suffit à la maintenir sur ses pieds et elle le remercia du regard. Theon arborait une expression inquiète.



« Pourquoi ne parles-tu pas Yara ? Est-ce que notre oncle t’aurait… . »



Il ne termina pas sa phrase. Il n’était pas nécessaire de le faire d’ailleurs. Tous saisissaient parfaitement ce que le silence de Yara impliquait. Yara qui manqua d’ailleurs de laisser échapper de nouvelles larmes en repensant à ce que Euron lui avait infligé. Jamais plus elle ne pourrait parler puisqu’il lui avait tranché la langue avant de la forcer à la mastiquer et de l’avaler, affirmant qu’il ferait de même avec Theon et ce avant de les tuer tous deux.

Tentant de minimiser la douleur mentale qu’elle éprouvait, Yara pointa du menton le bout du corridor. Il était clair pour tous qu’il était grand temps de mettre les voiles. Néanmoins le sort paraissait être contre eux car Euron émergea en compagnie de plusieurs Fer-nés. Un sourire goguenard étirait les lèvres de leur parent. Il semblait savoir pour cette tentative d’évasion.



« Mon neveu semble avoir trouvé les couilles nécessaires pour délivrer sa sœur, mais sont-elles assez grosses pour oser m’affronter en duel ? Alors petit Theon, qu’en dis-tu ? Tu penses être à même de me vaincre ? »



Avec effroi Yara nota que durant une fraction de seconde le regard de son frère changea, dévoilant aux yeux de tous la peur qui était sienne et elle redouta que, dominait par cette dernière, il se dérobe une fois de plus et l’abandonne à son triste sort. Cependant Theon s’était déjà reprit et l’épée en main il avança d’un pas, imité par Wex.



« Je ne vous crains plus mon oncle, assura le jeune Greyjoy.

-Dans ce cas je vais me faire un malin plaisir de te faire bouffer ta langue. »



Avec un rictus encore plus grand il dévoila une grande hache dont la lame effilée brillait d’un éclat sinistre sous le feu des torches. Euron se précipita vers Theon, frappa de haut en bas avec toute la force qui lui était possible mais Theon su parer le coup en interceptant cette estocade. Il se recula et tenta à son tour de toucher son adversaire.

Yara remarqua alors que les autres Fer-nés, ceux qui lui étaient fidèles et ceux qui ne l’étaient pas, avaient également commencé à guerroyer entre eux. Ne possédant aucune arme pour participer à ce conflit elle s’empara d’une torche, espérant brûler ceux qui l’avaient trahi pour suivre Euron.

Malgré tout la torche lui apparaissait bien lourde à porter et la maintenir dans ses mains demandait de gros efforts qu’elle n’était pas certaine de parvenir à fournir bien longtemps.

Pendant ce temps Theon subissait les attaques furieuses et rapides de Euron. Il était évident que ce dernier possédait l’avantage et qu’il finirait par triompher de son neveu. Yara se jeta donc dans le dos de son oncle et sauta dessus espérant lui appliquer l’extrémité du brandon entre les yeux. Euron secoua sa carcasse et elle manqua de chuter, se retenant au mieux.

Theon en profita et attaqua derechef en portant des assauts précis vers la droite et la gauche. Euron les bloquait les uns après les autres avec une facilité qui alarma Yara. Jamais ils ne parviendraient à le battre. Ceci se confirma quand elle sentit la poigne puissante de Euron dans ses cheveux, la tirer puis la balancer contre Theon.

Tous deux au sol, ils n’avaient aucun espoir d’éviter la hache qui s’apprêtait à fondre sur eux. Et ils seraient probablement morts sans l’intervention de Wex. Le garçon profitait de sa jeunesse pour se montrer vif et effectuait continuellement des attaques suivi d’un recul pour se mettre hors de porter de cette hache qui tournoyait en tout sens.

Yara se jeta donc dans les jambes de son oncle qui lui tournait le dos en vue de le faire chuter. Euron jura et lui balança son pied en pleine figure. Le nez brisé, Yara sentit un flot de sang inonder son visage et lui emplir la bouche.



« Tu vas regretter ce que tu viens de faire ma nièce, ça je te le garantis. Et quand j’en aurai terminé avec toi plus personne ne pourra te considérer comme une femme. »



Theon s’était lui-même redressé et un combat à trois s’ensuivit. Yara ne put que vaguement distinguer ce qu’il se passait tant les assauts pleuvaient en tous sens. Néanmoins Euron tua Wex en lui tranchant la gorge. La surprise se lisait sur le faciès juvénile du garçon qui s’écoula par terre. Yara le présentait, le tour viendrait où Theon subirait le même sort. C’était la fin pour eux tous, ils avaient échoué à la libérer et nul ne survivrait aux tortures que Euron déciderait de leur infliger.



« Tu ferais mieux de filer tant que tu le peux petit Theon, se moqua Euron.

-Je n’abandonnerai pas Yara. Pas cette fois.

-Dans ce cas il semblerait que les enfants de mon frère iront bientôt le rejoindre. »



Il porta un nouveau coup dans le but d’expédier l’affrontement. Theon réussit cependant à le bloquer de justesse. La lame de la hache s’en retrouva bloquée et Euron eut beau rué il ne parvenait pas à se dégager. Theon sourit alors et de sa main gauche apparut un poignard qu’il enfonça dans l’œil gauche de son oncle.

Poussant un cri de douleur, celui-ci vociféra et propulsa Theon au sol avant de porter ses pognes vers la blessure. Yara en profita pour déséquilibrer Euron qui chuta au sol. Étonné par la tournure des événements, les hommes fidèles à Euron se désintéressèrent de leurs propres adversaires. Certains ne savaient que faire.



« Yara est votre reine, votre véritable reine, leur affirma Theon. En restant auprès de Euron vous ne pourrez vaincre Daenerys Targaryen. Alors joignez-nous et vous resterez encore en vie lorsque les dragons s’abattront sur Port-Réal. »



Il y avait tant d’assurance dans cette affirmation que Yara ne reconnu pas Theon. Toutefois ils ne restèrent pas pour s’appesantir sur la question et ils se précipitèrent vers l’escalier et gravir ce dernier le plus vite possible malgré que Yara se sentait terriblement faible et que son nez continuaient à cracher un flot de sang.

Dans leur dos résonnait le son de nombreux pas et en jetant un coup d’œil par-dessus son épaule elle nota que certains fidèles à Euron s’était détourné de ce dernier et les escortaient à présent. Yara se permit alors un léger sourire. Ils allaient peut-être réussir à tous s’en sortir finalement.



********************



Lorsque Yara posa le pied sur la plage au sable humide, elle s’écroula et y enfonça les doigts. L’air marin qui lui fouetta son visage la revigora comme jamais et elle remercia le Dieu Noyé pour avoir entendu ses prières.



« Nous ne pouvons nous attarder Yara, l’implora Theon. »



A présent qu’ils étaient dans une crique à l’abri des yeux indiscrets de Port-Réal, Theon n’était pas rassuré puisqu’il lui était impossible de deviner si oui ou non Euron et les Lannister étaient déjà sur leurs talons.



« Tu as raison, chercha-t-elle à dire bien qu’elle ne pouvait plus parler. »



Non loin de là il y avait une barque qui les attendait et ceux qui avaient survécu montèrent à l’intérieur. Theon et deux autres entreprirent de ramer. Pour sa part, Yara fixa le rivage qui allait en s’éloignant et sursauta lorsqu’une main ferme se posa sur son épaule.



« Ce n’est que moi, déclara Rodrik. Je suis soulagé de te savoir entière ma nièce. Enfin autant que tu puisses l’être pour avoir été aux mains de ce fourbe. »



Yara ressentit le désir de déverser la colère qui sommeillait en elle quant à son état. Jamais plus elle ne pourrait prononcer le moindre mot. Comment pourrait-elle dès lors diriger qui que ce soit dans de telles conditions ? Elle voulait régner sur les Îles de Fer mais ne pourrait plus jamais escompter que ce désir se concrétise. Euron y avait veillé personnellement.

Rodrik s’apprêtait à lui dire quelque chose, probablement des paroles réconfortantes bien qu’elle ne désirait pas les entendre, lorsque Theon pointa le doigt vers la galère qui les attendait. Yara en profita pour lever sa pogne dans un geste autoritaire pour faire comprendre à Rodrik qu’elle n’avait nul envie de sa pitié. Celui-ci parut le comprendre puisqu’il hocha la tête avant de reculer.

Et moins de dix minutes plus tard tous se retrouvèrent à bord du navire où les marins saluèrent son arrivée en laissant échapper des cris de joie.



« Vive Yara, vive notre reine, éructèrent-ils de concert.

-Yara est épuisée, expliqua Theon, elle a besoin de soins et de repos après ce qu’elle a vécu. »



Elle le savait, son frère ne disait cela que pour éviter qu’elle n’ait à révéler à tous qu’elle n’avait plus le moyen de communiquer oralement avec eux. Toutefois viendrait le moment où elle ne pourrait repousser l’échéance. Et alors que se passerait-il ? Ses hommes décideraient-ils de se détourner en réalisant qu’une femme devenue muette ne pouvait être leur souveraine ? Elle n’eut cependant pas le loisir de s’interroger plus avant car des voix s’élevèrent, pointant le doigt en direction du sud. Theon s’en fut constater de quoi il en retournait. Yara n’en avait pas besoin, elle avait l’intuition de connaître déjà la réponse et cette dernière ne tarda pas à être prononcée des lèvres mêmes de Theon.



« C’est la flotte de Euron. Elle fonce droit sur nous. »



Et dans les yeux de son frère brillait une lueur similaire à celle qui devait transparaître dans son propre regard. Celle du désespoir.




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