Un autre chemin

Chapitre 4 : Le mystère de son silence (part I)

4079 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 08:49

Chapitre 4 : Le mystère de son silence (Partie une)

 

 

Edward mit quelques secondes à se remettre du choc de la rencontre avec Monsieur Maurice et sa famille. Finalement, il s'ébroua et emboîta le pas à la dénommée Maria qui l'avait sagement attendu. Celle-ci s'avéra à l'image de ses employeurs : très passionnée. Par conséquent Edward se retrouva rapidement perdu au sens propre comme au figuré. D'une part parce que la maison était un dédale de couloirs identiques, d'autre part parce qu'il n'arrivait pas à se concentrer à cause de Maria qui le noyait sous un flot continu d'informations inutiles. Finalement il débrancha son cerveau et se résigna à la suivre en faisant semblant d'écouter.

 

Après ce qui lui sembla être une éternité – leur maison était vraiment très grande - ils atteignirent enfin sa chambre et Edward se figea sous le coup de la stupéfaction. En effet, si la pièce était sobrement meublée – elle ne comportait qu'une commode, une armoire, un bureau et un lit – elle possédait des dimensions tout à fait extravagantes.

 

Ayant accompli sa mission, Maria lui indiqua qu'elle reviendrait plus tard et s'éclipsa. Désormais seul dans cette immense pièce vide, Edward se sentit à nouveau légèrement mélancolique. Bien décidé à éloigner son frère de ses pensés, l'ex alchimiste entreprit de visiter sa chambre et la salle de bain annexe, ce qui l'occupa pendant une bonne dizaine de minutes. Toutefois, la taille de la pièce ne fut aucunement la raison de ce délais : ce qui lui prit le plus de temps c'est la découverte des volets. Ce nouveau mécanisme automatique le fascinait et il ne pu s'empêcher de jouer avec en les ouvrant et les fermant en boucle. En fait, il n'arrêta son manège qu'au moment où Maria réapparut pour signaler que le repas était servi.

 

Alléché par l'odeur, il ne se fit pas prier et suivit à nouveau la domestique à travers les interminables couloirs de la maison. Lorsqu'ils arrivèrent, la famille Abélès l'attendait et Edward n'eut d'autre choix que de s'installer à son tour autour de cette table excessivement grande. Alors qu'il commençait à trouver le silence pesant, une armée de serveur envahit la salle et un étrange ballet commença. Agile comme des chats ils se glissaient entre les chaises, déposaient les plats et l'argenterie avant de disparaître subrepticement.

 

Toutefois, son attention fut rapidement détourné par son assiette pleine d'une viande non identifiée mais si dégoulinante de sauce qu'elle ne pouvait être que délicieuse. Incapable de résister, Edward ne chercha plus à se contrôler : il engloutit son plat à une vitesse olympique.

 

Il ne reprit conscience de la présence des autres, que lorsqu'il entendit la voix de monsieur Maurice faire un commentaire sur le fait qu'il devait être affamé.

 

Relevant la tête de son assiette, Edward réalisa qui l'était l'objet de tous les regards. En fait, toute l'assemblé était si choquée qu'elle le fixait, complètement figée. Puis soudain, un morceau de nourriture tomba d'une fourchette restée en suspend et le temps sembla reprendre son cours normal.

 

Gêné, Edward s'excusa vaguement et s'efforça de manger plus doucement. Malgré tous ses efforts, ils ne parvint pas à être moins rapide que ses hôtes et il se retrouva rapidement à être le seul à avoir fini son assiette. Au bord de l'ennui, il commença par jouer vaguement avec sa fourchette, puis son regard distrait se tourna vers Éléonore assise juste en face de lui. Rapidement il s'amusa de sa façon très calme et maniérée de se nourrir. En fait, elle mettait tellement de temps à amener sa fourchette jusqu'à sa bouche et elle se tenait si droite, qu'il se demandait par quelle magie elle parvenait à ne pas faire retomber tout le contenu de ses ustensiles.

 

Toutefois, même ce spectacle ridicule commençait à le lasser quand le motif du collier qu'elle portait attira son attention. En effet, ce dernier était composé d'un cercle rempli par des arabesques qui tournoyaient entre elles pour mieux s'entrelacer et former un autre cercle plus petit. Or, le schéma cyclique qui régissait cette géométrie lui évoquait invariablement un cercle de transmutation. Fasciné, il le fixa un moment en essayant d'y trouvait un sens mais rien ne lui revint. Pour autant, il persistait à penser que c'était de l'alchimie même s'il n'avait sans doute jamais vu ce motif. Il s'acharnait toujours à percer ce mystère quand la voix de Monsieur Maurice retentit à nouveau dans la pièce.

 

« Je suis le premier a être fasciné par la beauté d'une poitrine, mais tout de même Monsieur Edward, là il s'agit de ma fille... »

 

Il y eut un blanc de quelques secondes le temps que l'information arrive jusqu'à son cerveau puis soudain l'ex alchimiste cracha tout ce qu'il venait d'avaler en s'agitant chaotiquement, le visage écarlate.

 

« Son collier ! Je regardais son collier ! » s'exclama-t-il avec toute la conviction du monde en continuant se débattre vigoureusement, les mains tendues devant lui comme si ça allait repousser l'objet de son malaise.

 

Son excuse ne devait pas être assez convaincante, parce que personne ne sembla le croire. Monsieur Maurice se contenta de dire « ah oui son collier bien sûr » avec un ton si exagéré qu'il se moquait clairement de lui, Madame Sarah lui jeta un regard noir qui le fit frissonner et Éléonore... Bah en fait il ne pouvait pas dire ce qu'elle faisait car il avait trop honte pour oser la regarder et qu'elle ne fit pas le moindre commentaire.

 

Désespéré, Edward finit par arrêter de gesticuler mais resta la tête plongé dans son assiette jusqu'à ce que le dessert – très bon au demeurant – soit apporté et que Madame Sarah se décide à aborder les modalités de son séjour.

 

« Nous avons bien pris en compte votre demande, et par conséquent j'ai le plaisir de vous annoncer que la bibliothèque de Babel vous sera ouverte dès demain. Bien sûr, vous ne pourrez pas avoir accès aux ouvrages précieux à moins de faire une demande formelle en utilisant le formulaire AG145 rempli en trois exemplaires. Même si nous ne promettons rien car certains livres sont bien trop rares pour être ouverts, soyez certains que votre demande sera soigneusement examinée et que nous nous efforcerons de la satisfaire. Par ailleurs, l'académie nous a informé que certains élèves et même un professeur ont accepté de répondre à vos éventuelles questions, n'hésitez donc pas à les solliciter si le besoin s'en fait sentir. Concernant votre séjour ici, considérez que vous êtes ici chez vous, nos serviteurs sont à votre disposition et vous aurez votre propre escorte pour sortir de la maison. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre l'un de nos précieux invités, je suis sûr que vous comprenez la nécessité de cette garde... », dit-elle sur un ton irréfutablement mielleux et condescendant.

Puis, considérant que la discussion était déjà close, elle s'attaqua à son dessert sans plus se soucier de lui. Edward pour sa part fulminait. Bien que l'accès à la bibliothèque soit une bonne nouvelle, savoir qu'il allait encore être materné – enfin plutôt espionné – par des soldats ne lui plaisait pas du tout, surtout considérant sa voix terriblement irritante.

 

Encore une fois, Edward s'efforça de ne pas faire d'esclandre et se contenta d'un bref grincement de dents tout à fait perceptible. Il s'imaginait déjà en train de fausser compagnie à ses « nounous » quand un deuxième dessert fut servi. Comme tout ce qu'il avait mangé jusque là, ce fut délicieux et cela apaisa un peu son humeur. Si le sens de l'hospitalité de ses gens était douteux, il pouvait au moins leur reconnaître un certain talent pour la cuisine.

 

Le reste du repas se passa sans problème et après cet interlude très animé, Edward se retrouva de nouveau seul dans sa chambre. Impatient d'être à demain, il se coucha et s'efforça de s'endormir rapidement. Il fut toutefois réveillé quelques heures plus tard par une envie pressante. Et bien évidement, ce n'est qu'une fois levé qu'il réalisa qu'il y avait un problème majeur : il n'avait absolument aucune idée d'où pouvaient bien être les toilettes. Il avait beau se concentrer, les explications du trajet se perdaient sous un fatras de blabla inutiles sur tel et tel portrait.

 

Comme ça n'aurait pas été drôle sinon, il était environ deux heures du matin et les couloirs étaient donc déserts. Après avoir regretté la présence de Maria ou du capitaine de la garde, Edward se fit une raison et il se lança à l'aveuglette dans une recherche désespérée des sanitaires. Comme on pouvait s'y attendre, la pénombre qui régnait partout ne l'aida pas du tout à s'orienter et il se retrouva rapidement à tourner en rond encore plus perdu qu'au départ. Il eut beau s'énerver, insulter les portes et les couloirs, rien ne semblait vouloir l'aider à accomplir sa quête. Heureusement pour sa santé mentale, alors que son agacement se transformait en dépression, il eut une lueur d'espoir en apercevant un rai de lumière qui s'échappait d'une des portes. Trop content de voir une issue, il ne se priva pas pour frapper et croisa les doigts pour qu'on lui ouvre. Car oui, même s'il n'avait pas fait montre d'une grande politesse jusque là, il préférait ne pas entrer à l'improviste quelque part. Surtout sans savoir ce qu'il y à derrière. Surtout dans cette maison. Tout simplement : il y avait trop de choses bizarres sur lesquelles il aurait pu tomber pour prendre le risque.

 

Ses craintes s'avérèrent d'ailleurs tout à fait justifiées quand la porte grinça et s’entrouvrit sur un fantôme. Techniquement c'était Éléonore vêtue d'une très longue chemise de nuit blafarde qui tranchait avec le noir de ses cheveux, mais on ne pouvait nier que la ressemblance était flagrante.

 

Elle le contempla surprise et il y eut un moment de blanc. Il ne s'attendait pas du tout à la voir et cela lui avait fait perdre le fil de ses pensés. Finalement, il se rappela pourquoi il était là :

 

« Heu... en fait je cherche les toilettes », demanda-t-il terriblement mal à l'aise en s'efforçant de ne pas la regarder, gêné par le sujet même de la conversation mais également toujours traumatisé par ce qui s'était passé pendant le repas.

 

Alors qu'il s'attendait à une réponse plus ou moins concise, elle se contenta de poser une main sur son épaule pour attirer son attention. Edward sursauta immédiatement se retrouvant miraculeusement un bon mètre plus loin. Sa réaction sembla l'amuser car elle ébaucha un vague sourire qui tranchait avec l'expression vaguement mélancolique qu'elle arborait habituellement. Sans dire quoi se soit, elle lui fit signe de la suivre et commença à avancer d'un pas tranquille. Intrigué et bien décidé à ne pas se perdre à nouveau, Edward s’exécuta.

 

Plus ils avançaient, plus, bercé par la monotonie de leur pas raisonnant sur le marbre, Edward se sentait fatigué. Refroidie par le silence de son interlocutrice, il n'osait rien faire à part la regarder triturer sa longue tresse noire rejetée sur son épaule gauche.

 

Encore une fois leur déambulation s'éternisa mais elle finit par s'arrêter et ouvrir une porte légèrement moins travaillée que les autres.

 

Comprenant qu'il était enfin arrivé à destination, Edward jeta un dernier regard troublé à Éléonore qui s’éloignait déjà.

 

« Merci », finit-il par dire sur un ton si bas qu'elle ne l'entendit sûrement pas.

 

Le mystère de son silence l'obséda durant une bonne partie de la nuit, toutefois, regagner sa chambre fut une telle épopée que lorsqu'il retrouva le confort de son lit toutes ses questions s'envolèrent remplacées par les douces voluptés du sommeil.

 

Lorsqu'il se réveilla le lendemain matin, il était encore tôt et pourtant Maria était déjà sur le pied de guerre prête à lui servir son petit déjeuner. En fait, à la seconde où il ouvrit la porte elle s'engouffra dans la pièce en portant un plateau trop chargé.

 

« Je ne sais pas ce que vous aimez alors j'ai pris un peu tout ce qu'il y avait ! », s'exclama-t-elle manifestement de bonne humeur.

 

Émerveillé aussi bien par les pâtisseries que par la charcuterie Edward se demandait qu'est-ce qu'il allait choisir quand soudain, Maria approcha son visage un peu trop près du sien. Surpris il recula par réflexe et ne dû qu'à sa grande agilité de ne pas tomber. Sans savoir qu'elle avait failli être la cause d'une chute ridicule, Maria continua à le fixer, surexcitée.

 

« Ça alors, elle avait raison ! Vous avez les yeux dorés ! Je n'en avais jamais vu comme ça avant... », s'extasia-t-elle alors qu'il commençait à peine à comprendre ce qu'il se passait. Il n'eut même pas le temps de s'énerver car elle reprenait déjà :

 

« C'est normal en Amestris ce type de couleur ? », demanda-t-elle avec une innocence qui frôlait la candeur.

 

Edward prit une profonde inspiration et l'envoya balader pas trop méchamment. Ce n'était certes pas très sympathique mais outre le caractère complètement stupide de leur « conversation », il n'aimait pas se faire harceler de bon matin, surtout qu'il se sentait encore fatigué à cause de son escapade nocturne.

 

Maria sembla tout à fait atterrée par sa saute d'humeur, au point qu'il commença à se sentir vaguement coupable. Lentement elle s'inclina.

 

« Désolée, je ne voulais pas vous contrarier. », s'excusa-t-elle avant de poser le plateau et de filer.

 

Désormais calmé, Edward savoura son petit déjeuner et mangea presque tout ce qu'elle avait amené à l'exception du lait et d'une espèce de bouillie verte peu appétissante. Rassasié, il repensa à la discussion surréaliste qu'il venait d'avoir et il se fit la remarque qu'effectivement, on faisait rarement attention à la couleur des yeux des gens qu'on côtoyait. En fait, à par ceux de Winry et de Alphonse, il n'avait qu'une très vague idée de la teinte d'iris de ses autres connaissances. Perturbé par cette révélation au moins aussi stupide que la précédente conversation, Edward se promit néanmoins de faire plus attention.

 

C'est sur cette pensée pour le moins inattendue que sa journée débuta. Comme promis, dès qu'il mit un pied hors de la chambre il se retrouva soudain entouré par une demi-douzaine de gardes qui l'escortèrent en direction de la bibliothèque.

 

Sentant son agacement montait d'un cran à chaque fois qu'il faisait un pas et qu'il entendait aussitôt six échos, Edward décida qu'il était déjà temps de commencer à négocier sa liberté :

 

« Pourquoi est-ce que vous êtes obligés de m'escorter comme ça », grogna-t-il à l'attention du capitaine.

 

Ce dernier semblait au moins aussi agacé que lui d'être là, mais il s'efforça néanmoins de rester professionnel.

 

« Malheureusement, notre magnifique ville est perturbée par un groupe de dissidents qui s'en prennent aux Puissants. Par exemple, rien que ce mois-ci Mademoiselle Éléonore a subit cinq tentatives d'enlèvements... Dans ces conditions vous comprenez que nous nous devons d'être vigilants... »

 

Edward s'arrêta net les yeux légèrement agrandis.

 

« Cinq », répéta-t-il réellement surpris par ce chiffre absurde.

 

Le garde hocha la tête avec une mine si lasse et désespérée que l'ancien alchimiste ne douta même pas de la véracité de ses propos.

 

« Je sais me défendre », continua-t-il d'argumenter sans grand espoir de succès.

 

Comme il s'y attendait, il se heurta à un mur :

 

« Je ne remets pas en cause vos compétences Monsieur Edward mais il incombe à la famille Abélès de vous protéger et nous nous efforcerons de faire notre devoir au mieux. Par ailleurs, si je puis me permettre, je ne me fierais pas trop à l'alchimie si j'étais vous, elle s'est toujours montrée très... Fluctuante dans notre pays... », déclara-t-il sur un ton qu'il voulait toujours poli mais dans lequel on commençait à discerner son agacement.

 

Bien qu'il ne pouvait de toute manière pas se servir de l'alchimie Edward fut intrigué par la deuxième partie de sa réplique :

 

« Comment ça, fluctuante », demanda-t-il sincèrement intéressé.

 

Le garde haussa les épaules.

 

« Je ne suis pas un expert dans le domaine, mais tout le monde à Donbachi sait que l'alchimie ne fonctionne pas comme il faut ici. Tous les étrangers qui sont venus ont rencontrés des effets secondaires désagréables lors d'une grande partie de leurs transmutations. C'est d'ailleurs l'un de nos grands avantages défensif par rapport aux autres pays. »

 

Edward pensif, assimilait petit à petit ce qu'il venait d'entendre. C'est vrai que si Amestris était le centre de l'alchimie cette science s'était quelque peu propagée dans les pays voisins. Bien sûr, les nations frontalières avaient toujours un train de retard et le nombre de leurs alchimistes étaient ridiculement bas mais quand même, quand on lui avait dit qu'il n'y avait aucun alchimiste à Donbachi il avait pensé que c'était une exagération.

 

Le capitaine ne semblant pas disposer à lui en dire plus, Edward se promit d’éclaircir ce mystère une fois arrivé, et décida de changer de conversation :

 

« Au fait, pourquoi Éléonore ne parle pas », demanda-t-il en repensant à sa rencontre surréaliste de la veille avec la demoiselle.

 

Le garde se raidit avant de s'immobiliser. Il échange un regard avec ses troupes avant de lui répondre d'une voix mal assurée :

« Personne ne vous a rien dit ? », demanda-t-il manifestement peu désireux de poursuivre cette conversation.

 

De plus en plus intrigué par le mystère de son silence, Edward insista.

 

« Non, on ne m'a rien dit et je trouve ça très curieux... », répondit-il en appuyant la fin de sa phrase pour le pousser à parler.

 

Mal à l'aise, le garde chercha un instant ses mots avant de lui répondre très laconiquement :

 

« Elle est muette. C'est une maladie. ».

 

Edward fronça les sourcils. Ça semblait logique d'une certaine manière et pourtant il était persuadé que le capitaine lui cachait quelque chose.

 

« Mais encore ? », insista-t-il une nouvelle fois, sans envisager que sa curiosité pouvait être mal placée.

 

Cette fois, le capitaine fut sauvé par l'apparition d'un immense bâtiment en face d'eux. Ignorant délibérément sa remarque, il pointa son doigt vers la superbe bibliothèque de Babel.

 

« Nous sommes arrivés. », dit-il sur un ton d'une neutralité absolue.

Laisser un commentaire ?