La dernière âme

Chapitre 7 : Jardins secrets

1692 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a 2 mois

Foxy s'éveilla au son des voix de deux personnes inconnues qui se disputaient férocement. Il regarda autour de lui, un peu perdu. L'obscurité de l'armoire de la petite Violet était pesante. La lumière surnaturelle qui émanait de ses yeux éclairait faiblement la pile de vêtements montée par la Marionnette pour les protéger d'une visite indésirable. Il fut rassuré de constater que les éclats de voix ne le concernaient pas. Il jeta un coup d'oeil à la Marionnette à ses pieds, toujours inactive. Il ne s'en inquiétait pas. Elle était comme lui : un esprit libre qui se promenait où bon lui semblait. Si elle ne l'accompagnait pas, c'était qu'une affaire plus urgente l'occupait.


Du bout de son crochet, il entrouvrit la porte. Deux yeux verts translucides le dévisagèrent immédiatement. Le chat poussa un feulement agressif avant de décamper en dessous du lit. Le renard bouscula légèrement la pile de vêtements pour avoir une vue sur la chambre. A la porte, deux adultes se criaient dessus, dans une position agressive. La femme aux cheveux roux pleurait, dos à un homme d'une allure consistante, aux cheveux noirs mal coiffés. Elle paraissait bouleversée et ses reniflements rendaient difficile la compréhension de ses mots.


"Tout est de... faute... Si tu... Foutus robots... Grand-Père !


— Je n'y suis pour rien ! rétorqua son mari d'une voix forte. Je ne pouvais pas savoir qu'ils l'avaient retrouvé ! Crois-moi, si elle a survécu, ce n'est pas un hasard. Il a dû le sentir. Il est peut-être toujours là.


— Il a massacré des enfants ! cria à son tour la femme. Ton père a perdu la tête il y a trente ans ! Sors de tes histoires d'enfants !"


Elle tourna les talons et claqua la porte de toutes ses forces, coinçant l'homme à l'intérieur. Foxy perçut un mouvement sous lui. La Marionnette se tenait près de lui, concentrée sur la conversation. Même si son masque n'exprimait aucune expression, il sentit une aura anxieuse se dégager d'elle. Le père de Violet poussa un grand soupir et s'installa sur le lit de sa fille.


La tête entre les mains, il laissa les larmes couler le long de ses joues. Foxy se sentit soudainement très mal à l'aise. Contrairement à ses amis, qui paraissaient avoir oublié après une centaine d'années dans l'obscurité, lui digérait toujours très mal cette vie après la mort, vide de tout. Il avait toujours refusé de regarder lorsque ses propres parents venaient à la pizzeria pour demander une énième fois à leur assassin, yeux dans les yeux, s'il savait quelque chose sur sa disparition. Confronté pour la première fois de sa vie aux conséquences des actes de Springtrap, il ne pouvait s'empêcher de ressentir une tristesse profonde pour cet homme, pour Violet, pour tous ces parents qui continuaient d'espérer leur retour.


Foxy, tout va bien ?


La voix le fit sursauter. Il se tourna vers la Marionnette. Elle le dévisageait avec intensité, elle sentait sa détresse. Il secoua la tête. Il ne pouvait même plus pleurer pour décharger cette peine qui lui nouait le cœur. Le père de la petite s'était levé et approché d'une étagère pleine de livres, au dessus du bureau. Il passa ses doigts sur les titres et en tira un en particulier, sur lequel il hésita.


"Et merde, cracha t-il entre ses dents."


Il abandonna les livres et sortit de la pièce à grands pas. La porte se reclaqua derrière lui. Les deux Animatroniques patientèrent encore une heure, pour être sûrs que tout le monde soit parti se coucher, puis Foxy s'extirpa de l'armoire. Techniquement, il n'avait pas besoin de bouger, il n'était qu'un robot. Mais passer six heures à attendre immobile le dérangeait. Parfois, les vieilles habitudes humaines ressurgissaient et il avait l'impression d'avoir mal aux jambes.


Le renard posa la Marionnette sur le lit. Elle pointa immédiatement l'étagère de livres des doigts.


"Pourquoi ? demanda le robot à voix haute, perplexe."


Elle ne lui répondit pas mentalement mais appuya son geste en lui poussant le crochet. Le robot finit par obéir. Il examina les livres du regard. La plupart d'entre eux étaient des livres pour enfants, qu'il ne connaissait pas. Tous sauf un. Parmi les livres neufs, une couverture sans titre attira son attention. Le morceau de papier tenait miraculeusement à l'aide de scotch noir qui maintenait les pages à leur place. Foxy tira lentement l'ouvrage, pour éviter de renverser le contenu de l'étagère sur le sol.


Une photographie glissa de la couverture et tomba délicatement sur la moquette. Le renard fit craquer ses ressorts pour la récupérer maladroitement. Dès que ses yeux se posèrent sur l'image, il suspendit brutalement son geste et recula de trois pas, comme si le bout de papier était un frelon sur le point de le piquer. La Marionnette, surprise par sa réaction, rampa au sol et se rapprocha à son tour.


L'image était ancienne et remontait probablement au début des années mille neuf cent quatre-vingt. Sur un canapé assez riche, plusieurs personnes étaient assises. Deux jeunes garçons, un enfant brun au teint pâle et un adolescent le dépassant de deux têtes, ses cheveux noirs en désordre, se chamaillaient sur la droite, sous le regard moqueur d'une jeune fille aux longs cheveux roux. A leurs côté, une femme blonde, plus âgée, tenait affectueusement l'épaule d'un homme d'une quarantaine d'années. Son regard pétillant affichait la joie de ce moment en famille. Cette photo aurait pu être émouvante si l'homme ne portait pas le costume violet traditionnel de la compagnie Fazbear's Entertainment.


Il s'agissait de lui : Springtrap, William Afton, peu importe le nom derrière lequel il se cachait en ce temps-là. La date affichait octobre mille neuf cent quatre-vingt. Si la Marionnette avait probablement déjà succombé à la folie de son complice, cet instant figé datait d'avant les meurtres des autres enfants.


J'en étais sûre.


Elle saisit délicatement la photographie entre ses doigts fins. Elle les connaissait tous : le jeune Georges Afton, décédé par accident, son frère Michael et la petite Elisabeth. La Marionnette leva les yeux vers les murs pâles de la chambre et tendit la main devant elle. De fines particules bleues tournoyèrent sous ses doigts avant qu'elles ne forment un costume d'ours jaune abîmé : Golden Freddy. Immobile, le fantôme mit quelques seconde à émerger de l'autre monde, sous le regard bienveillant de Foxy.


"Depuis quand ? demanda t-il à la Marionnette."


Son corps n'est pas matériel, répondit sa complice mentalement. Golden Freddy avait toujours eu une place à part parmi les Animatroniques. Si l'ensemble des âmes des enfants détestaient William Afton, lui le haïssait plus que n'importe lequel d'entre eux. La Marionnette n'avait jamais vraiment évoqué son passé devant les autres. Du plus loin que Foxy s'en souvenait, cet ours jaune délavé avait toujours été là, dans l'ombre. Il ne parlait pas, il ne jouait pas avec eux. Quand il apparaissait, la mort le suivait de près. Seule son amie au visage strié paraissait le comprendre et l'aimer à sa juste valeur.


Les yeux de Golden Freddy s'illuminèrent magiquement, puisqu'ils n'avait plus d'orbites depuis bien longtemps. Immédiatement, Foxy recula pour adopter une posture timide, respectueuse. Le costume se souleva du sol et s'en écarta en quelques secondes. Son regard vide analysa brièvement la chambre, puis se posa sur Foxy et la Marionnette.


Au regard surpris qu'il lança à la photographie, le renard comprit bien vite que la Marionnette communiquait avec lui mentalement et qu'il était exclu de la conversation. Il ne s'en vexa pas. Chacun d'entre eux possédaient des secrets qu'ils ne souhaitaient pas partager avec les autres. Golden Freddy vola jusqu'à l'immense poupée. Quand son regard se posa sur le morceau de papier, il parut surpris, presque mal à l'aise. Il pointa quelque chose sur l'image, avant de reculer. Leurs regards se posèrent sur lui.


Foxy se mit à jouer avec son crochet. Il n'avait jamais vraiment apprécié être le centre de l'attention. Freddy remplissait ce rôle bien mieux que lui. L'ombre imposante de Golden Freddy se rapprocha de lui. Le renard n'osa pas relever les yeux, inquiet. Il jeta un regard à la Marionnette, qui l'encourageait silencieusement. L'ours leva la main et y fit apparaître une lueur bleutée. Il fit ensuite rentrer la petite boule d'énergie dans sa poitrine.


Ses circuits grésillèrent un moment. Possédé, le robot fut secoué de spasmes mécaniques violents. Quand sa vision se stabilisa, il ne comprit pas immédiatement ce qu'il se passait.


"Est-ce qu'il nous entend ? demanda une voix féminine.


— Insulte son accent de pirate pour voir, répondit la voix d'un garçon, moqueuse."


Surpris, Foxy se retourna. Deux esprits au regard rieur, qu'il identifia comme Chica et Freddy, l'observaient depuis le mur. Rassuré de les entendre à nouveau, son cœur se remplit de joie : il n'était plus seul. Il en aurait presque oublié la présence de Golden Freddy, scrutant attentivement sa réaction.


"Merci, dit-il à voix haute à son attention."


Il aurait voulu parler plus mais, malheureusement, son vocabulaire se trouvait toujours limité par son enveloppe de métal. Frustré, il tâcha malgré tout de faire bonne figure. La Marionnette vola tranquillement dans sa direction. Bien qu'elle n'avait toujours pas ses jambes, elle paraissait elle aussi avoir retrouvé ses capacités psychiques. Elle rayonnait de joie et fit plusieurs tours dans la pièce, sous le regard amusé de Golden Freddy.


Foxy pointa la photo du doigt.


"Violet ?"


La Marionnette cessa sa course et s'installa confortablement sur le lit. Elle lança un regard à Golden Freddy, puis aux âmes de Freddy et Chica désormais installées sur les épaules de Foxy. Elle baissa la tête, nerveuse.


Il y a certaines choses que vous ne savez pas.


Laisser un commentaire ?