Monstermen : Les Cinq Seigneurs
Isaac ouvrit lentement les yeux et étira les bras en s'asseyant sur le lit, se craquant la nuque. Il avait réussi à dormir une nuit entière, à son grand étonnement et malgré le fait qu'il se trouvait dans un autre monde rempli de monstres et autres créatures surnaturelles. Mais au moins ici il était en sécurité. Qui sait s’il aurait pu survivre à une autre nuit dans la forêt ? Il jeta un regard vers la fenêtre par laquelle filtraient les premières lueurs timides de l'aube. Il regarda ensuite l'heure indiquée par la vieille horloge accrochée au mur devant le lit. Huit heures du matin. Il se demanda un instant si c'était également la même heure dans le monde humain ou si plus ou moins de temps s'était écoulé ? Les nuits avaient l’air plus longues dans ce monde mais les jours semblaient passer plus lentement. Une sensation bien singulière que le jeune homme ressentit dans son organisme, celui-ci n’étant pas encore habitué.
Isaac se leva et se dirigea vers la fenêtre, pour l'ouvrir et sentir la brise matinale et froide venir lui frotter le visage. Il alla un instant sur le petit balcon de pierre sculptée et admira le paysage qui, il fallait bien le reconnaître, était impressionnant. La forêt s'étendait presque à perte de vue, et plus loin, des steppes et des collines, et encore plus loin, de grandes montagnes aux sommets enneigées se dressant telles des dents titanesques et semblant presque toucher le ciel de leurs pointes.
En revenant dans la chambre, Isaac se regarda un instant dans le miroir au dessus du bureau de la chambre. Il se trouva en meilleure forme qu'hier. Il ne pensait pas si bien dormir dans une immense forteresse dans laquelle il était le seul humain. En silence, il s'habilla, comme d'habitude, tout de noir et s'assit sur le lit, attendant qu'on vienne le chercher. Quelques minutes plus tard, il entendit frapper à la porte.
_ Entrez.
La porte s'ouvrit et la comtesse Alice entra en lui souriant, et il fit de même quand il la vit.
_ Bonjour Isaac. As-tu bien dormi ?
_ Je ne pensais pas dire ça en arrivant ici, mais oui, comme un Loire, répondit-il en tapotant les draps confortables du lit.
La vampire fut satisfaite et heureuse de l'entendre dire et vint déposer un court baiser sur ses lèvres, dans un bonjour matinal comme s'ils étaient ensemble depuis un temps, ce qui surprit un peu Isaac. Cette affection à son égard le toucha cependant. Derrière Alice arriva un serviteur gobelin, portant dans ses mains crochues un plateau d'argent, sur lequel se trouvait un petit-déjeuner avec de la nourriture humaine.
_ Je me suis dit que tu aurais faim à ton réveil, dit Alice en désignant le plateau que le gobelin déposa sur la petite table ronde en bois sculptée au milieu de la chambre et se retira après une simple révérence.
Pour Isaac, ce n'était pas un refus. Il la remercia de cette attention et alla s'asseoir pour manger un peu. Encore une fois, la nourriture était excellente et bien préparée. Pendant qu'il mangeait, Alice marcha jusqu'à la fenêtre, les mains dans le dos et sans dire un mot contempla l’extérieur.
_ Que va-t-il se passer aujourd'hui ? demanda le jeune homme en achevant son petit-déjeuner et en se tournant vers la comtesse.
_ Eh bien, cette journée sera dédiée à ton entraînement, expliqua Alice sans chercher à lui cacher des choses. Un grand combat nous attend et nous devons faire en sorte que tu sois prêt, comme nous tous.
L'évocation d'une bataille à venir inquiéta grandement Isaac, il ne le cacha pas. Il avait bien sûr entendu et lu à propos de toutes les guerres qui avaient eu lieu dans son monde à travers les siècles, mais n'aurait jamais imaginé un jour participer lui-même à une guerre, et encore moins à une liée à un autre monde.
_ Écoutez, Alice ... j'aimerais vous aider, croyez-moi, mais est-ce que vous m'avez bien regarder? dit-il en se désignant de haut en bas. Contrairement à vous et vos amis, je n'ai pas de pouvoirs surnaturels ni de grande force ou de résistance surhumaine. Je ne suis qu'un humain ordinaire et je ne vois pas ce que je pourrais faire contre une entité du chaos.
Alice reconnut volontiers qu'il n'avait pas tort, mais lui sourit malicieusement.
_ Alors tu te dois de devenir plus fort, et je sais comment. Viens avec moi... Il est temps pour moi de te montrer quelque chose qui maintenant, étant donné les circonstances, t'appartient de droit.
Elle l'invita à lui prendre la main pour la suivre, et plus qu'intrigué, c'est ce qu'il fit. Guidé par la comtesse vampire, Isaac la suivit à travers les couloirs et le grand escalier en colimaçon qui menait à l'étage inférieur. Dans la forteresse, les serviteurs s'occupaient de leurs tâches quotidiennes. Isaac pouvait voir les autres membres de la confrérie des monstres. Tavros et UR-66 se trouvaient dans une salle semblable à un dojo en train de se battre dans un entraînement plutôt brutal mais efficace. Raegoth et Amon étaient tous les deux dans le grand hall d'entrée, en pleine discussion avec des chefs gobelins et nains qui avaient amené avec eux quelques familles de réfugiés mais aussi quelques guerriers pour les protéger. Les gobelins portaient des tenues en cuir usé, ainsi que des casques en fer grossier et des armes comme des épées, des lances ou des couteaux. Les nains semblaient être plus lourdement équipés. Ils étaient trapus et robustes, avec de longues barbes épaisses, un nez épais et de petites oreilles pointues. Leur armure était lourde, complète et faite d'acier très résistant, et leurs casques ressemblaient à des visages de fer. La plupart étaient armés de haches et de boucliers presque aussi grands qu'eux. Isaac les regarda, impressionné. Le chef gobelin portait une couronne d'os sur la tête et une tenue plus élaborée que ses sbires. Le chef nain avait un regard sévère, une grande barbe noire, et tenait un grand marteau de guerre orné de runes et avec une apparence redoutable. les deux chefs de guerre serrèrent vigoureusement les mains de Raeogth et Amon.
_ Krashnak. Thagor. Je suis heureux de voir que vous êtes parvenus à arriver jusqu’ici, dit Raegoth. Vous et votre peuple êtes les bienvenus en ces murs.
Le nain s’exprima d'une voix grave et empreinte de morosité.
_ Je vous remercie, mais ce ne fut pas sans mal, hélas, mon seigneur. Notre village a été attaqué par les morts durant la nuit et chaque guerrier qui tombait rejoignait aussitôt leurs rangs. Même les montagnes les plus isolées ne sont plus sûres à présent.
Le chef gobelin remarqua au fond de la salle, Isaac et Alice s'éloignant vers un autre couloir. Il les désigna avec son doigt tordu.
_ Alors la rumeur dirait vraie ? S'agit-il des nouvelles âmes incarnant la Flamme du Sang Unifié?
Raegoth et Amon hochèrent la tête en guise de confirmation. Le gobelin et le nain s'échangèrent des regards un peu perplexes, mais après tout, avaient eux aussi un profond respect pour les anciennes légendes de leur monde, bien que le bénéfice du doute ne se tarisse pas entièrement pour leur part.
Pendant ce temps, Alice amena Isaac aux portes de ce qui semblait être l'entrée des cryptes de la forteresse. Pendant que la comtesse préparait une torche, Isaac ne put contenir sa curiosité plus longtemps.
_ Ces deux chefs qui parlaient avec Raegoth et Amon ... J'ai remarqué leurs regards étranges vers nous ... C'est vous et moi qui avons poussé tous ces monstres à venir ici ?
_ La rumeur d'un nouveau couple de la Flamme du Sang Unifié aura rapidement fait le tour des environs. À leurs yeux, nous représentons désormais ce qui est devenu, ces derniers temps, une ressource essentielle mais hélas de plus en plus rare : une lueur d'espoir.
Isaac comprenait mieux maintenant le poids qui pesait sur leurs épaules, mais cela ne fit qu'ajouter à son anxiété déjà grande. Lui, un simple humain, devenir le symbole d’espoir d’un monde habité par des monstres ? Cela ressemblait à une plaisanterie de mauvais goût, mais après tout ce qu’il avait vu, il savait que ça n’avait rien d’une blague.
Alice marcha la première, tenant la torche. Le couple descendit un escalier fait de vieilles pierres taillées et sombres jusqu'à une première grande salle remplie de poussière et de toiles d'araignées, ressemblant beaucoup à une crypte, encore plus sinistre que celle de la cathédrale de Chartres. En suivant Alice, Isaac regarda les noms gravés sur chacune des tombes présentes. Certains étaient beaucoup plus anciennes que d'autres à première vue.
_ Ici reposent tous les plus grands guerriers de Laponie qui eurent servis les seigneurs, et ce, depuis le commencement, expliqua la comtesse.
_ Comment en sais-tu autant ? demanda Isaac.
_ La lecture a toujours été l'une de mes passions, et pendant les premières années où j'ai vécue ici, j'ai beaucoup appris sur les monstres, leur monde et leur histoire dans les archives de la forteresse.
La deuxième salle était également de grande taille, mais cette fois, pas de tombes, seulement des centaines d'artefacts stockés, comme des armures, des armes et d'autres objets d'apparence très ancienne pour certains et très puissant pour d'autres. Sûrement les objets ayant appartenu aux guerriers successifs de Laponie, pensa Isaac. Alice ne fit pas attention à tous les objets et se dirigea vers l'un d'eux au fond de la pièce. Elle le montra mieux à la lumière de la torche. L'objet en question était une magnifique épée digne de celle d’un chevalier, mais le métal qui la composait était d'un gris très foncé et ressemblait presque à de la pierre volcanique. La garde argenté était orné d’un petit rubis incrusté et le pommeau avait la forme d’une tête de dragon rugissant. Fasciné par la beauté de cette arme antique, Isaac s’en approcha, comme attiré par une force étrange qui le poussait à approcher de cet objet.
_ Qu'est-ce que c'est? demanda-t-il en la touchant du bout des doigts, ressentant le métal froid sur sa peau et lui arrachant un bref frisson.
_ C'était l'épée du guerrier humain Bjorn. Je pense que tu sais déjà qui c'est, n'est-ce pas ? déclara Alice.
Isaac hocha la tête, se souvenant avoir vu ce nom alors qu'il lisait la légende transcrite d'un ancien parchemin trouvé par ses parents.
_ L'humain qui a combattu avec les monstres dans la seconde guerre contre les démons, et qui, comme moi, est tombé amoureux d'une femme de ce monde.
Alice acquiesça aux dires d'Isaac avant de reprendre elle-même la parole, venant elle aussi toucher l'épée du défunt guerrier valeureux.
_ Lorsque l'alliance des monstres et des humains naquit, les meilleurs forgerons et ensorceleurs nains forgèrent cette épée, la taillant dans le plus précieux métal récolté dans les entrailles des Montagnes de Fer et l'imprégnant d'une magie runique puissante qui donnerait à Bjorn la force de combattre les engeances des ténèbres ... Et maintenant il est temps pour l'arme d'être rendue à un nouveau guerrier de la Flamme de Sang.
Isaac la regarda plus que perplexe.
_ M... Moi ?
_ Oui. Mais tu dois cependant prendre garde ... Au cours de la guerre et fil des batailles de plus en plus terribles, l'épée de Bjorn se retrouva couverte et gorgée de toute la violence et du sang qui furent versés par son porteur, et cela en affecta quelque peu sa magie, expliqua la comtesse après avoir lu à ce sujet dans les archives. L'épée s'étant progressivement nourrie du sang des démons abattus lors des combats, un pendant obscur a fini par naître dans sa magie, sous la forme d'une présence invisible et féroce qui fut plus tard nommée Le Berserker.
_ Le Berserker ? souffla Isaac.
Il frissonna d'angoisse rien qu'à entendre le nom et se douta par le ton avec lequel Alice en parlait, que ça n'avait rien de rassurant. La comtesse hocha doucement la tête.
_ Depuis, le Berserker hante l'épée et se réveillera en sentant le moindre combat autour de lui. Plus la violence grandira, plus le sang coulera, et plus il s'éveillera et essaiera de s'emparer de toi, de te pousser à le laisser prendre le contrôle... Quoi qu'il arrive, ne cède pas au doute ou à la colère et faits tout pour ignorer ses paroles. Si le Berserker prend le dessus, alors tu deviendras un danger autant pour tes ennemis que pour tes alliés.
Isaac avait raison de ne pas être rassuré et regarda l'arme d'un air inquiet.
_ Et tu veux que je porte ça sur moi ? C'est hors de question !
Alice s'attendait à une telle réaction et prit délicatement ses mains dans les siennes.
_ Je sais, Isaac, je sais. Crois-moi, je n'aime pas plus que toi l'idée que tu portes cette épée maudite, mais si tu dois te battre avec nous et protéger les mondes, c'est là ton seul moyen de faire force égale contre les créatures des abysses et de les terrasser. Les humains ne disposent d’aucun armement capable de stopper ce qui va arriver, c’est pourquoi nous représentons leur unique chance de salut.
Isaac avait peur qu'elle dise ça, mais d'une certaine manière, elle avait raison. S'il voulait avoir une chance de vaincre les forces de ce Guthul'Araeg, il devait avoir des armes puissantes, aussi dangereuses et improbables puissent-elles être.
_ Mais que se passera-t-il si le Berserker prend possession de moi ?
_ J'ai lu dans la bibliothèque des histoires qui en parle. Si par malheur Bjorn se retrouvait possédé par le Berserker, la seule personne en mesure de le ramener à la raison était Vallakya, la sorcière vampire a qui il avait offert son coeur. Contre leur amour unique et réciproque et leurs esprits unis en un seul, le Berserker ne pouvait résister... Isaac, je te fais confiance, mais je te demande aussi de me faire confiance. Si les ténèbres devaient s’emparer de toi, je ferait tout ce qui est en mon pouvoir pour t’en faire sortir.
Après de longues hésitations, le jeune homme accepte finalement, faisant confiance à la femme qu'il avait d'abord craint, mais appris maintenant à aimer, la sachant plus que sincère dans sa détermination à le protéger quoi qu’il puisse arriver. Alice fut touchée de sa confiance et sortit alors d'un grand coffre en bois fermé par un cadenas deux autres artefacts : un bouclier en acier orné d'un blason représentant un dragon avec un corps de serpent formant un S. L’autre objet était une arbalète ainsi que des carreaux à pointes argentées.
_ Le bouclier et l’arbalète de Bjorn, dit Alice. Aussi forgées par les nains. Son bouclier, qui pouvait le protéger du feu le plus brûlant de l'enfer, et son arbalète, dont les carreaux à la pointe d’argent pur pouvait anéantir les créatures les plus coriaces.
Isaac se montra fasciné par la beauté de ces autres armes ancestrales. Il voulait prendre le bouclier, mais lorsqu'il le saisit, il faillit tomber à terre, emporté par le poids de l'objet. Le bouclier semblait peser des tonnes et Isaac était incapable de le décoller du sol. Alice avait essayé de l'avertir mais n'avait pas eu le temps.
_ Mais qu'est ce que ça veut dire? souffla le jeune homme.
_ Le bouclier de Bjorn fut lui aussi frappé de la magie runique naine, expliqua Alice. Seul celui qui saura se montrer digne de manier l’épée sans succomber à l’appel du sang se verra accorder le droit de le porter.
Une magie très intrigante mais pas vraiment pratique dans le fond, pensa Isaac. Bien qu'anxieux, il accepta de relever ce défi et de se voir accorder le droit de porter les autres armes de Bjorn. Avec encore une once d’hésitation vite dissipée, Isaac s’empara doucement de l’épée, la décrochant de son piédestal. Vraiment impressionnant, pensa-t-il. L’arme était plutôt légère contrairement à ce qu’il aurait cru au premier abord et il fit même quelques mouvements assez maladroits et lents avec, comme pour la tester et s’assurer de l’avoir bien en main. L'épée à la main, Isaac regarda Alice.
_ Bon... Eh bien, qu'en pensez-vous?
_ Tu as déjà franchi un pas en acceptant de brandir l’épée, répondit la comtesse avec un léger sourire. Mais il te faut maintenant te montrer digne de cet héritage.
Isaac rougit, un peu gêné.
_ Mais je n'ai jamais combattu à l'épée de toute ma vie.
_ Dans ce cas... Un seul moyen : l’entraînement, dit Alice avec un clin d'œil.
Quelques instants plus tard, le couple se retrouva de nouveau au milieu de la petite cour extérieure sur laquelle ils s'étaient liés l'un à l'autre par un premier baiser. Un vent léger traversait la cour, faisant frémir les haies taillées. Épée à la main, Isaac regarda Alice, un peu confus. La comtesse vampire invoqua alors dans sa main une épée à lame courte, qu'elle avait décidé de garder comme arme de combat rapproché.
_ Bien, nous allons pouvoir commencer, déclara t-elle d'une voix très autoritaire et appliquée. Débutons par un exercice très simple ... Attaque-moi.
_ Quoi? Isaac haussa un sourcil.
_ Tu m'as bien entendu, affirma Alice sévèrement. N'hésite pas. Frappe moi et ne retiens pas tes coups.
Il l'avait senti dans ses yeux et dans le ton de sa voix. Elle était plus que sérieuse. Un peu à contrecœur mais voulant montrer qu'il était prêt, Isaac resserra ses mains sur la poigne de l'épée. Une fois qu'il l'eut pris, une sensation étrange le parcourut dans un frisson désagréable... Il ressentit aussi, pendant un bref instant, comme une autre présence, sombre et invisible mais bien réelle, serpentant le long de son corps et qui tentait de pénétrer son esprit. Il suivit les conseils d'Alice et ignora ce phénomène pour se concentrer. Tenant fermement l'épée dans sa main, il chargea et tenta, maladroitement, d'asséner un coup qu'Alice réussit à éviter en faisant simplement un pas sur le côté. Un deuxième coup, puis un troisième... Les gestes d'Isaac étaient désordonnés et prévisibles, ce qui laissait largement le temps à la comtesse de les dévier ou les éviter sans faire le moindre effort et sans même avoir besoin d’user de ses pouvoirs.
_ Tu te laisse emporter par le poids de ton arme, une mort assurée en cas de vrai combat, dit alors Alice. C’est toi le maître, non elle.
Isaac avait à peine commencé et déjà il commençait à fatiguer. Sans qu’il sache pourquoi, l’épée devenait de plus en plus lourde, tout comme cette présence invisible mais bien palpable qui en émanait. Toutefois, Isaac ne renonça pas et voulant prouver qu’il était digne mais aussi animé par le désir de protéger son monde, il tenta une nouvelle attaque. Mais la lame d’Alice suffit à bloquer la sienne dans un choc métallique strident.
_ Je t'ai dit de ne pas hésiter, alors, cesse de douter et arrête d'essayer de me frapper. Frappe moi! elle insista avec autorité mais aussi pour faire réagir Isaac et le pousser à vraiment se battre pour montrer sa vraie force à la fois physique et mentale.
Mais dès qu'il eut porté un autre coup, la présence invisible se fit à nouveau sentir... Il était là, tapis dans l'ombre, il regardait, reniflant l'odeur des lames d'acier s'entrechoquant, les esprits s'échauffant ... Bien qu'il ne s'agissait que d'une séance d'entraînement... Le Berserker se réveillait…
_ Je... je sens une présence dans ma tête... Il est là...
_ Ne te laisses pas distraire et ignore le, le prévint Alice.
Isaac promit d'essayer et donna d'autres coups, plus forts et plus convaincants, bien qu'une fois encore la comtesse ait réussi à les esquiver ou à les dévier avec sa propre lame. Isaac remarqua, impressionné, sa façon de combattre à l'épée, fluide, rapide, gracieuse et élégante, presque comme si elle dansait avec sa lame.
_ Où avez-vous appris à vous battre comme ça ? demanda Isaac.
_ Eh bien, ayant vécue ici durant des années et en tant qu’un des seigneur des trônes, Raegoth m'a appris quelques mouvements de combat.
Isaac insista alors sur la puissance de ses attaques, toujours déviée par la défense infranchissable de la comtesse, mais elle se montra toutefois plus satisfaite de la détermination du jeune homme à l'attaquer. C'était un bon début. Mais plus les attaques continuaient, les chocs des lames résonnant à travers la cour, et plus la présence du Berserker se faisait sentir. Et soudain, une voix fantomatique et macabre, comme un écho du passé, résonna dans la tête d'Isaac.
Un nouveau propriétaire de l'épée ?... Intéressant... Un jeune humain au sang frais et à l'esprit encore frêle. Allons, ne sois pas si hésitant ... Regarde comme elle te nargue... Elle pense que tu es un faible... Laisse-moi donc faire et je vais lui montrer ce dont nous sommes capables ensemble... Tu n’as aucun besoin de t’entraîner… Tout ce qu’il te faut… C’est moi !
Cette voix était effrayante et grattait contre les parois de l'esprit d'Isaac comme pour essayer de s'y engouffrer. Alice remarqua que le jeune homme s'arrêtait net et semblait perdu, se débattant intérieurement. Puis il laissa tomber l'épée sur le sol et s'agenouilla, la main tremblante.
_ Je... On arrête là, Alice, s'il vous plaît... Il... Il essaie de rentrer dans ma tête... Je le sens…
La comtesse s'approcha de lui et le soutint, sa main dans la sienne, lui souriant.
_ Je te comprends, ne t'inquiète pas. On va s'arrêter là pour cette première fois. Vide ton esprit, libère-toi de tout ce stress et respire profondément. N'écoute pas un seul de ses mots et concentre toi uniquement sur ma voix.
Isaac suivit le conseil. Laissant l'épée à terre, il ferma les yeux et prit une profonde inspiration. Dès qu'il eut lâché l’arme, la présence s'était immédiatement évaporée, comme n'ayant jamais existé. Isaac mit quelques instants à reprendre ses esprits et Alice lui tendit la main, l'aidant à se relever.
Le couple s'assied côte à côte au pied de l'un des arbres situé au milieu de la cour et dont les feuilles tapissaient l'herbe endormie. La présence du Berserker s'étant considérablement atténuée, Isaac se sentait presque revivre, bien qu'il sente encore sa main trembler légèrement.
_ Isaac, crois-bien que je me déteste de te mettre dans une telle situation, commença à dire Alice, mais fut coupée par la voix d'Isaac.
_ J'ai déjà fait mon choix, et je ne compte pas revenir en arrière. Je pourrais plus me regarder dans un miroir si j'abandonnais maintenant, alors que la survie de tout ce qui existe est en jeu.
Elle sourit à nouveau de le voir si déterminé, lui qui aurait pu abandonner des dizaines de fois depuis le début, mais s'était accroché malgré tout. Leurs visages étaient maintenant très proches l'un de l'autre, et sans qu'ils aient besoin de dire un mot, le couple s'embrassa doucement. Mais leur baiser fut interrompu par l'arrivée d'Amon, qui semblait pour le moins inquiet.
_ Amon, que se passe-t-il ? Alice demanda.
_ Raegoth réuni toute les seigneurs d'urgence. Guthul'Araeg est repassé à l'attaque.