Karma
Chapitre 1 : Des perles aux cochons
1105 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour il y a environ 1 an
Des perles aux cochons
Je regarde par la fenêtre et c’est toujours la même vue dégueulasse : la ferme du voisin. Il est trois heures du matin. Cette putain d’insomnie me tient encore éveillé. Je suis crevé mais je n’arrive pas à dormir. La chaleur de l’été n’arrange pas non plus les choses. Contrarié, je suis allé dans la cuisine, j’ai allumé une cigarette et me suis servi un verre. Et là, je laisse mon regard se promener dans le paysage nocturne.
Malheureusement, la vieille bâtisse du voisin me gâche la vue. Il est incapable de s’en occuper correctement, le con. Les murs ont besoin d’être rafraîchis, le toit d’être refait et les buissons d’être taillés. Ses bêtes ne sont pas belles. Henry est toujours en retard dans ses semences ou dans la gestion de ses champs. C’est à cause de la picole. Il est ivre du soir au matin. La plupart du temps, il cuve son vin quelque part dans sur ses terres. Je lui ai proposé à plusieurs reprises de lui racheter le terrain. Il refuse, le salaud ! Pourtant, chez moi, on est agriculteur de père en fils. On sait comment faire fructifier nos avoirs. Ce n’est pas du blé que l’on fait pousser, c’est de l’or.
Soudain, la lumière automatique de la porte d’entrée s’allume. Étrange ! À cette heure-ci, le vieux Henry devrait comater avec une bière depuis longtemps. Pourquoi il s’active comme ça avec plusieurs sacs poubelles ? On ne me fera pas croire que la fée du ménage est venue l’inspirer. Il trottine jusqu’à l’étable, plus précisément, jusqu’à la partie réservée aux cochons. On dirait qu’il sort quelque chose de ses sacs. Depuis quand on nourrit les porcs en pleine nuit ?
Je fouille dans le tiroir. J’avais acheté des jumelles à vision nocturne quand ces putains de castors étaient venus grailler mon maïs. C'est que ces bêtes-là, contrairement à ce que l'on croit, ça vient bouffer votre champ. Moi, t'inquiète, je les attendais la nuit avec mon petit fusil en main. Les jumelles nocturnes, c'était mon plus bel achat pour traquer ces merdes. Je ne pensais pas les ressortir de sitôt. J’ai de la chance que depuis ma fenêtre j’ai toujours accès aux mouvements du voisin. Avec les jumelles, je vois clairement ce qu’il traficote. Je ne m’étais pas trompé : il nourrit les cochons. À trois heures du mat’ ? Il faut être taré pour nourrir les bêtes la nuit. En plus, je les entends grogner de plaisir d’ici. J’en ai des frissons. Ces grognements, plus je les entends, plus je sens mon sang se glacer dans mes veines. C'est pas normal ces cris jouissifs.
Brusquement, je sursaute. Ma respiration s’accélère. Je dois avoir mal vu ou alors je deviens fou. Je reprends les jumelles. J’observe encore. Et non, je n’avais pas mal vu. Il jette… Il jette… des membres humains ! Je viens de voir une jambe et un bras. Mais qui… comment ? Oh mon dieu ! Charlotte ! Sa femme ! Il ne l’aurait pas… J’en ai la nausée. Comment un putain d'être humain peut être aussi dégueulasse? Je me sens vraiment mal.
J'ai les mains qui tremblent mais j'arrive quand même à attraper mon tél. Vite le numéro d'urgence! J’appelle la police. Je suis dans un état second, encore sous le coup de ma vision d'horreur. Je m'énerve au téléphone parce que l'autre cruche à l'autre bout comprend rien de ce que je raconte. Je sens une pointe de scepticisme face à mon histoire. Je sais bien que ce que je raconte à l’air complètement dingue et qu’à cet instant je pue l’alcool. Mais, je ne suis pas cinglé et je sais ce que j’ai vu. Bordel!
Je leur casse tellement les couilles qu’ils finissent par se pointer chez le vieux Henry. Ils inspectent la porcherie et viennent me chercher. Ils prennent ma déposition. À leurs mines graves, je comprends que je ne me suis pas trompé. Ils me posent des questions sur le couple et leur vie. Eux, par contre, envoient bouler toutes mes questions. Mais, je veux savoir. Je suis collé à ma fenêtre comme une mouche à sa merde. Mais rien! Putain, je n'en saurai pas plus ce soir. Il y a du va et vient mais ils repartent tous dans la matinée.
Quelques jours plus tard, je lis dans le journal que la police a retrouvé les restes de Charlotte dans le plus gros cochon. D’après l’article, Henry avait tué Charlotte, l’avait découpée et avait donné ses restes aux porcs pour faire disparaître le corps. Ça aurait pu marcher si je ne l’avais pas surpris en plein méfait. Les cochons, ça bouffe tout sans laisser de traces. Malgré les preuves, Henry nie les faits. Il prétend qu’elle était déjà morte quand il était revenu du bar. Il ne voulait pas d’ennui, alors, autant la faire disparaître. Évidemment, personne ne le croit. Enfin, le juge tranchera.
C’est dommage pour Charlotte. Elle méritait mieux. Elle n’était pas la plus belle ni la plus futée mais c’était une femme très douce et sympathique. Elle me disait toujours « bonjour » et avait régulièrement une parole gentille à mon égard. Oui, c’est vraiment dommage que ce soit elle qui ait mangé la tarte empoisonnée que j’avais envoyé à ce con d’Henry.
Mot de l'auteur
Merci d'avoir lu cette première histoire courte.
La partie réelle: le fait qu'un fermier a donné le corps de sa femme à manger aux cochons et que les restes de cette dernière ont été retrouvé dans le plus gros cochon. Si, si , je vous assure ce n'est absolument pas inventé. Il a été dénoncé par son voisin qui a appelé les flics à cause des cris des cochons. Apparemment, leur repas avait été bruyant.
La partie fiction: le fait que le véritable meurtrier soit le voisin narrateur de l'histoire. En vérité, le criminel a toujours clamé son innocence comme dans mon récit. Je me suis dit que ce serait amusant si le véritable assassin soit le dénonciateur.
À la prochaine tout le monde !