La roue de l'écriture (et plus si affinités)
- Je doute que vous souhaitiez réellement connaître sa dernière pensée.
- Si, je le souhaite.
Face à la détermination de la femme à ses côtés, l’interprète se résigna. Il posa un genou dans l’humus et ses mains à plat sur l’écorce du tronc d’arbre couché. On le traitait à tout bout de champ de charlatan, une double peine bien cruelle pour l’empathique qu’il était. Capable d’entendre d’outre-tombe gémissements, pleurs, lamentations, prières psalmodiées, à travers les objets du passé. La douleur des autres, vivants ou morts, était aussi la sienne.
Au bout de quelques secondes, il retira ses mains et attendit encore un peu, la gorge nouée, hésitant à nouveau à parler franchement.
- Alors ? insista sa cliente.
- « Je t’aime, mon Irina. »
- C’est bien ce que je pensais. J’ai eu raison de faire abattre cet arbre.
Sur ces mots, la veuve Jeanne Declerc tourna les talons. Laissant l’interprète seul avec son désarroi, et l’arbre au mari pendu qui avait préféré sa maitresse morte à son épouse vivante.