Douceurs de Décembre

Chère Claire,

Les premiers flocons de décembre recouvrent désormais les trottoirs de Londres par leur poudreuse qui ne sera bientôt plus immaculée. Le monde semble s’immobiliser quand les cristaux assaillent les visages et les alentours. Seul le bruit de ma bouilloire rompt l’éternité vide de cet instant. Claire, à présent, je n’arrive plus à savoir si je suis capable de regarder la neige, je n’arrive plus à distinguer mes pensées.

Je supporte cette épreuve, il me le faut bien. N’est-ce pas là le devoir d’un gentleman ? Je la supporte, mais ce que je porte principalement, c’est bel et bien la déchirure de t’avoir perdue une seconde fois. Accepter le fait de ne plus t’avoir à mes côtés, de devoir continuer sans toi, d’avancer malgré la peine me paraissait si complexe lorsque tu m’as été arrachée. Mais pourquoi le destin a-t-il donc désiré m’infliger par deux fois cette tribulation ?

Lorsque tu t’es volatilisée pour retourner au moment où tout s’est arrêté pour toi, lorsque mes larmes ont germé pour finalement s’égrainer sans se tarir, la nature m’a transmis son propre chagrin. Il a neigé, Claire. Tout comme aujourd’hui, virevoltant nonchalamment, sans but ni destination, la neige parsemait le paysage, çà et là. Je me demande alors, de quoi dois-je emplir mon cœur quand elle se présente à moi, si immuable ? Est-ce le brisement qui doit venir l’habiter, ce brisement qui ne saurait être recollé ? Ou bien, est-ce plutôt ce calme apaisement de te retrouver à travers elle, de penser à toi dès qu’elle s’invite sur nos chemins, de t’imaginer à travers chaque flocon qui se pose sur ma joue ?

L’hiver n’est plus la même saison depuis ton départ, mais j’essaie de la rendre douce davantage. Flora étant à mes côtés, je sais que je dois regarder ma vie sous un prisme coloré et chaleureux. Elle prend soin de moi comme je prends soin d’elle, et même si ce n’est pas sa cuisine qui me réconforte, son entrain et sa détermination sont exemplaires. Je suis heureux que tu aies eu l’occasion de la connaître, cette petite dont je ne me vois plus me séparer. Néanmoins, le départ de Luke fut une épreuve pour elle, tant et si bien qu’elle n’a pas eu le courage de nous accompagner au port pour lui faire ses au revoir. Luke, lui, va très bien. Il m’a récemment envoyé une lettre dans laquelle il me transmet de ses nouvelles, ainsi qu’un fait fort intrigant. Il paraîtrait qu’il a besoin de mon aide pour trouver l’origine des quelques événements récents qu’il qualifie d’étranges.

Tu me connais, ma curiosité est maintenant piquée au vif, et je suis prêt à boucler mes bagages pour le rejoindre. Rien ne me ferait plus de bien que d’élucider un mystère et quelques bonnes énigmes en sa compagnie. Flora va certainement être bougonne que je parte encore une fois, mais il se peut qu’elle le soit moins que d’habitude, vu que la période scolaire est intensive en ce moment. Qu’est-ce qui pourrait nous attendre ? Quel non-sens allons-nous devoir résoudre ? Je pressens que cette nouvelle aventure nous emmènera loin, une fois de plus, Luke et moi.

Me permets-tu de me réconcilier avec l’hiver, Claire ? Cette question rhétorique siège surtout ici dans le but de me donner le courage de le faire. Je dessine ton sourire espiègle dans mon esprit, à travers la buée des carreaux de ma fenêtre. Il semble acquiescer et répondre de lui-même à ma question. Je porterai toujours en moi tous ces projets dont nous rêvions pour l’avenir, et ton image ne sera jamais perdue dans le brouillard. S’il y a bien une personne qui me guidera toujours lorsque je serai égaré, c’est toi.

Merci pour tout ce que tu as pu m’apporter, Claire. En t’écrivant cette lettre, j’ai senti ma gorge se desserrer, ma rancœur envers cette neige que je prenais pour coupable de t’avoir emportée s’affaisser. Maintenant, pour toi, je peux laisser un sourire s’inscrire sur mon visage, en guise d’ultime présent.

Hershel Layton