A Thousand Years

Chapitre 1 : Alive

2351 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 20/11/2022 19:21

Quelque part aux larges des côtes cubaines, Janvier 2022

 

Les vagues roulaient paisiblement sous la coque du bateau. Les marins à bord chantonnaient tout en remontant leurs filets de pêche. Dans sa cabine, le capitaine vit au loin un énorme nuage noir. Il se formait pas très loin de leur position. Il était apparu comme par magie. Des éclairs le traversaient de part en part. Il regarda sur ces appareils de navigation. Aucun orage n'avait été annoncé pour aujourd'hui. Il n'apparaissait même pas sur le radar. Ses compagnons s'étaient rapprochés de la proue du bateau. Ils regardaient l'orage éclater sous leurs yeux. Les éclairs frappaient l'océan avec une extrême violence. Les vagues grossirent de plus en plus. Elles heurtèrent le bateau brutalement. Le vent se mit à souffler soudainement, augmentant la puissance des vagues. Le capitaine appela ses compagnons afin qu'ils se mettent à l'abri dans la cabine. Aucun ne réagit à son appel. Avec le déchaînement des éléments, personne ne l'entendait. Ils avaient les yeux scotchés sur le spectacle se formant sous leurs yeux. Le nuage grossissait à vue d'oeil. Les éclairs devenaient de plus en plus nombreux.

- Venez tous ! hurla-t-il, une nouvelle fois.

 

Il se précipita sur le pont tout en continuant de crier. Il était responsable de la sécurité de ses hommes. Il devait tous les ramener sains et sauf. Il tanguait. Il tenta de se rattraper au bastingage mais il glissa. Un de ses compagnons l'attrapa par le bras avant qu'il ne chute dans l'océan. Le courant les entraînait vers le nuage noir.  Il retourna dans la cabinet pour essayer de faire demi-tour. Mais il savait d'avance que tous ses efforts seraient vains. Le bateau était attiré comme un aimant. Il lança les moteurs à fond. Mais rien n'y faisait. Les vagues de plus en plus puissantes manquaient de faire chavirer le bateau à tout moment. Les appareils de navigations se mirent à s'affoler, les aiguilles tournant dans tous les sens. Le navire tangua dangereusement sur la droite. Il vit un de ses compagnons passer par dessus bord. Son cri. Il n'oublierait jamais ce hurlement. Ce cri de terreur d'une personne étant sur le point de se noyer. D'une personne voyant sa mort arriver. Puis le silence. Il se rendit compte tout à coup que les éclairs n'émettaient plus un seul bruit. Les vagues et le vent étaient toujours présents avec la même violence. Le silence les entourait. Tout se déchaînait autour d'eux mais sans bruit. Le bateau et tout son équipage se trouvaient dans le nuage noir. Au cœur de la tempête. Le capitaine sortit de sa cabine. Le bateau tanguait dans tous les sens. La pluie s'abattit brutalement sur eux. Le souffle froid du vent s'engouffrait sous leurs vêtements.

- Mon dieu que se passe-t-il ? demanda un des marins.

 

Le capitaine haussa les épaules. Il n'en savait pas plus qu'eux. Il n'avait jamais vu un orage de cette ampleur. Il n'avait rien de naturel. Une lumière blanche apparut pas très loin d'eux. Un halo se forma sur l'océan. Ils virent une forme posée au creux d'une vague.

- Il y a quelqu'un dans l'eau, dit le capitaine. Ca doit être Luis. 


Il s'approcha un peu plus de la proue du navire pour en avoir le cœur net. Il rabattit la capuche de son ciré sur sa tête pour se protéger de la pluie. Il attrapa ses jumelles qui pendaient autour de son cou. Effectivement, il y avait quelqu'un dans l'eau. Il se mit à hurler le nom du marin disparu peu de temps auparavant. Il se précipita dans sa cabine tout en attrapant la barre. Mais les vagues empêchaient le bateau de se diriger vers le corps. Il tapa plusieurs fois de rage sur le tableau de bord. Il prit, une nouvelle fois, ses jumelles. Le corps ne bougeait pas. Mais ce n'était pas Luis. Il en était quasi sûr. Le corps ne portait pas de ciré jaune mais une robe blanche. Il vit ses compagnons détachés un des canots de sauvetage. Il se précipita vers eux et jeta le canot à l'eau.

- C'est une femme dans l'eau. D'où peut-elle venir ? demanda un des marins.

 

Nul ne le savait. Ils sautèrent tous dans l'embarcation et se mirent à ramer vers la femme étendue sur l'eau. Plus ils s'en rapprochaient et plus les vagues étaient violentes. Le capitaine ne supportait plus ce silence autour d'eux. L'halo illuminait le corps de la femme. La vague sur laquelle elle se trouvait était comme figée. Les gouttes de pluie étaient en suspension autour d'elle. Comme si le temps s'était arrêté. Plus rien ne bougeait. Un aileron de requin apparut au loin, suivi d'un deuxième. Puis, un troisième.

- Ramez plus vite. Elle va se faire dévorer, hurla le capitaine, en prenant une rame pour aider ses compagnons.

 

Les requins se dirigèrent sur le petit canot. Ils le percutèrent violemment. Un homme passa par dessus bord. Une flaque de sang apparut à l'endroit où il se trouvait. Ils virent les squales déchiqueter leur compagnon. Ils se battaient entre eux pour obtenir les meilleurs morceaux. Une jambe ou un bras dépassant de leur gueule. Les squales toujours autant affamés bousculèrent de nouveau l'embarcation. Tout le monde se cramponnait à bord. Personne ne voulant finir dévorer par un de ses prédateurs. Les vagues repoussaient le canot loin du corps flottant. Ils reprirent leurs rames et avec plus de vigueur se remirent à ramer. Les requins tournaient toujours autour d'eux.

- Pourquoi n'attaquent-ils pas la femme ?

 

Le capitaine regarda le plus jeune de ses marins. Il se posait exactement la même question que lui. Il y en avait tellement qui se bousculaient dans sa tête. Il n'avait de réponse à aucune d'elles. Au moment où ils arrivèrent près de la jeune femme, une vague énorme recouvrit le canot, qui se retourna. Les requins fondirent sur eux comme un seul homme. Les hurlements de terreur se firent entendre. L'halo de lumière disparut laissant place à une lumière blanche aveuglante. La dernière chose qu'ils virent, fut le corps de la jeune femme, dans sa robe blanche, flottant au-dessus de l'océan. Les vagues déferlaient tout autour d'elle. Le vent soufflait dans ses longs cheveux bruns. La lumière s'évapora avec le nuage noir. La jeune femme tomba lourdement dans l'eau provoquant un tsunami. Plus aucune trace du bateau de pêche ni de ses occupants. Le déchaînement des éléments cessa. L'orage n'était plus. Le calme régnait de nouveau sur l'océan. Seule la vague de cinquante mètre de haut était présente. Les trois ailerons tournaient en rond autour du corps de la jeune fille toujours inerte. De temps en temps, ils la poussaient délicatement du bout de leurs museaux. La vague l'entoura avec une extrême douceur avant de poursuivre son chemin vers la côte. Elle traversa tout l’océan, portant en son sein son précieux paquet. Devenant une petite vague, elle alla déposer la jeune fille délicatement sur le sable fin avant de se retirer. 





Perdu dans ses pensées, Diego regardait l'océan. Il avait vécu toute sa vie à Cuba. Aujourd'hui, il était un vieil homme. Il ne lui restait plus beaucoup de temps sur cette terre. Trois mois tout au plus aux dires de son médecin. Depuis plusieurs nuits, son sommeil était agité par des rêves étranges. Il voyait un bateau de pêche pris dans un orage. Des requins, la gueule en sang. Un tsunami. Toutes les nuits depuis une semaine, le rêve revenait. Revenant encore et toujours. Plus intense chaque nuit. Plus de détails s'y greffaient à chaque fois. Cette nuit, il avait vu une lumière aveuglante entourée une jeune fille. Les requins l'encerclaient tel des protecteurs. Il s'était réveillé en sursaut et en sueur. Depuis toutes les nuits, il observait les ondulations de l'eau ainsi que le ciel pouvant évoquer la présence d'un orage. Mais tout était si calme. Sa maison, ou plutôt sa cabane, se trouvait sur la plage la moins fréquentée. Ils avaient été nombreux à tenter de le chasser mais aucun n'avait réussi. Il était chez lui. Comme l'avait été ses parents avant lui. N'ayant jamais créé le moindre souci, il ne comprenait pas l'acharnement des policiers sur lui de cette façon. Beaucoup moins maintenant qu'ils savaient que Diego ne serait plus là dans trois mois. Le bulldozer était arrivé la veille pour raser sa maison une fois son dernier souffle rendu. Une légère brise bouscula un des pots de fleurs suspendus.

- Tu dois la récupérer, murmura une voix.

 

Il chercha une présence autour de lui mais ne vit personne. La voix se remit à murmurer la même phrase. Cette voix c'était la sienne qui parlait dans sa tête. Diego appuya ses deux mains sur son crâne chauve. Sa tumeur lui jouait des tours de plus en plus. Il se leva de son siège et descendit sur la plage. Il trempa ses pieds dans l'eau. Elle était anormalement chaude. Encore une hallucination de cette maudite tumeur. Depuis le diagnostic fatidique de sa tumeur au cerveau, tout ses comportements anormaux avaient pris soudainement un sens. Les aliments n'avaient plus le même goût. Les odeurs de la mer avaient changé. Les couleurs et les sons aussi. Et la voix impérieuse dans sa tête tournait en boucle jour et nuit. Ainsi que ses rêves. Rien n'était réel. Tout provenait de la tumeur. Il tomba à genoux dans le sable et se mit à pleurer doucement, tout en regardant les grains de sable filer entre ses doigts. Même la sensation du sable n'était plus la même. Il parcourut des yeux l'océan et vit trois ailerons au loin. Son rêve lui revint en mémoire. Trois ailerons comme dans celui-ci. Troublé par la présence des requins, il ne fit pas attention tout de suite à la vague se trouvant derrière eux. Lorsqu'il la vit, il se redressa tant bien que mal. Il devait alerter les autorités. Les prévenir d'un tsunami imminent. Protéger le maximum de personnes. Une vague vint mourir à ses pieds le ramenant à la réalité. Non cela ne pouvait pas être un tsunami. Il regarda les petites vagues finir sur la plage puis la grande qui arrivait droit sur lui. Il remarqua qu'elle diminuait en intensité plus elle se rapprochait. Elle était de moins en moins haute. Les ailerons continuaient leur progression vers la plage.

- Tu dois la récupérer, dit une nouvelle fois la voix dans sa tête.

 

Les requins s'arrêtèrent et se mirent à tourner en rond, ne pouvant aller plus loin. Diego ne quittait pas les ailerons des yeux ni la vague qui approchait. Elle devenait de plus en plus petite. Il voyait une silhouette à l'intérieur de l'eau. Mais, il ne pouvait pas certifier si c'était une femme ou un homme. Pourtant, il savait au fond de lui qu'il s'agissait d'une jeune fille. Celle de son rêve. Il regarda la vague déposer le corps inerte sur la plage avant de s'y précipiter. Elle était étendue sur le dos. Sa robe blanche était complètement sèche. Ses longs cheveux bruns étaient libres et encadraient son visage. Elle avait la peau aussi blanche que la neige. Tellement blanche que Diego crut que la mer avait déposé un cadavre devant sa porte. Il prit une des mains dans la sienne et remarqua le tatouage aux creux de son poignet. Ouroboros. Le symbole de l'éternité. De la vie. De la mort. De la renaissance. La main était froide dans la sienne. Un halo de lumière blanche entoura la jeune fille qui ouvrit les yeux. Diego avait reculé de peur, croyant qu'elle était morte. Elle se redressa légèrement pour s'asseoir sur le sable et regarda au loin les ailerons qui s'éloignaient des côtes. Diego n'arrivait pas à en croire ses yeux. Elle était vivante. Elle avait survécu aux requins et à la vague gigantesque.

- Je m'appelle Diego Almara. Et toi ?

 

Il avait parlé d'une voix calme pour ne pas effrayer la jeune fille. Elle se tourna vers lui et plongea ses yeux d'ambre dans les siens. Il n'avait jamais vu des yeux de cette couleur. D'un ambre aussi clair.

- Mila.

 

Il sourit. Elle portait bien son nom. Un vrai miracle à elle seule. Elle regardait tout autour d'elle avec un regard émerveillé de petite fille découvrant pour la première fois les choses. Elle toucha le sable le faisant glisser sur sa main. Les vagues caressaient ses pieds nus. Diego lui tendit la main pour l'aider à se relever. Elle la prit tout en plongeant son regard dans celui du vieil homme.

- Merci, lui murmura-t-elle.

 

Diego ne comprit pas pourquoi elle le remerciait. Mais, il n'eut pas le temps de lui poser la question. Tout se voila autour de lui et il perdit connaissance. Mila le regarda tomber sur le sable où elle était étendue peu de temps auparavant. Elle s'installa près de lui et posa la tête de Diego sur ses genoux. Elle ne savait pas où elle était. Elle ne savait pas qui elle était. Juste un prénom flottait dans sa tête. Elle ne se souvenait de rien. Tout ce qu'elle savait c'était qu'elle devait aider le vieil homme. Elle se mit à fredonner un air tout en caressant le crâne chauve. Au bout de ses doigts, une lumière blanche apparut, laissant des petites paillettes sur la peau de Diego.

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