Among Us

Chapitre 2 : 02 La fille

6256 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 15/11/2022 08:53

02. La fille


La fin de mes vacances s'était résumée à un isolement. J'avais clairement préféré m'occuper de m'installer que de faire le touriste. Ainsi, petit à petit, ma nouvelle chambre est clairement devenue la mienne. J'entends bien évidemment par là que je me la suis totalement appropriée. Mes posters ornaient désormais les murs, décorant ainsi ma chambre de représentation de films, parfois bizarre et parfois des blockbusters mais également des groupes de musique comme ACDC ou The Offspring. En bref, cela ressemblait à mon chez moi. Avec amusement, je pouvais remarquer que je l'avais recomposée comme à Los Angeles. Cependant, il restait bien une chose un peu plus particulière et c'était ce fichu placard que je n'arrivais toujours pas à ouvrir. Quand Grand-père planquait une clef, il ne faisait pas les choses à moitié. Malheureusement pour moi, la pire chose chez un lycée se préparait à commencer: la rentrée dans un nouveau lycée. Ce premier septembre à Maple Wood, je ne comptais pas foncièrement faire un effort. En effet, après avoir quand même pris une douche, cela va de soi, j'avais décidé d'enfiler un vieux jean délavé et un t-shirt à l'effigie de Nirvana, tout aussi vieux et délavé. Résigné et en chaussettes, j'avais fini par ouvrir la porte de ma chambre et à avancer droit vers la cuisine. Sur la table, c'était un banquet, peut-être pas non plus mais bon. Il y avait beaucoup de choix, des viennoiseries, des œufs, des céréales comme l'attestait ce paquet muni de bras.

- Salut !!! hurla le paquet de céréales.

Naturellement, mon petit frère était sans doute planqué derrière à moins que dans le Maine, les paquets de céréales ne soient doté de la parole. J'étais encore un peu dans les vapes m'ayant tranquillement fait un marathon Tokyo Vice la veille au soir. J'adorais déjà cette série que je découvrais mais ce n'était pas une bonne idée la veille de la rentrée. J'avais attrapé une chaise au hasard et m'étais laissé tomber dessus lourdement.

- Mais quelle motivation, fit alors une voix féminine.

Ma mère était arrivée dans mon dos et m'embrassa le sommet du crâne. Riant de sa propre blague, je la vis faire le tour de la table.

- Grand-mère est pas là ? Papa non plus? demandai-je immédiatement.

- Ton père est allé directement à la société, il te souhaite une bonne rentrée, avoua ma mère. Ta grand-mère est déjà partie chez Granny, elle te demande de passer un instant.

- Heureusement que c'est sur le chemin, grommelai-je en attrapant du pain grillé avant de le mordre brutalement.

- Je t'emmène alors? demanda ma mère.

- Bah oui, être le nouveau n'est pas suffisant, marmonnai-je. Il faut qu'il vienne au lycée avec sa Moman...

- Caractère de cochon ! me fit ma mère. J'emmène Ben alors, hein mon cœur ?

- Oui! Je vais me faire plein de copains ! assura le nabot.

- T'es obligé de hurler dès le matin? marmonnait en plongeant voracement sur un mug de café.

- T'es obligé de râler dès le matin? demanda ma mère en riant.

- T'es obligée de me rembarrer dès le matin? rétorquai-je avec un sourire en coin.

- Tiens prends un muffin de ta grand-mère, me dit-elle en tendant une assiette. Elle les a fait ce matin.

- Sirop d'érable ? demandai-je en le prenant. Pas mauvais...

- Tu te tiendras bien au lycée ? demanda ma mère quand elle me vit déjà finir.

- Ho je compte juste foutre le feu en criant vivre l'Irlande libre, dis-je amusé.

- Et tu trouvais pas de vêtements sans trous? me demanda t'elle en ignorant totalement ma blague que j'avais trouvée assez bonne pourtant.

- Non y a beaucoup de mites dans le Maine, dis-je en riant avant d'aller attraper mes bottines.

J'avais déjà compris que des grosses chaussures étaient utiles, je n'arrêtais pas d'avoir froid aux pieds. Peut-être était-ce encore la différence de température mais j'avais souvent froid.

- Tu manges rien de plus? demanda ma mère en me rejoignant.

- Non, je prendrai un café chez Granny, c'est mieux, marmonnai-je en serrant les lacets.

- Tu ne changes pas d'avis ? Tu manges au lycée ? demanda ma mère.

- Doit bien y avoir des trucs au sirop d'érable, dis-je en riant avant de la voir ouvrir un placard.

Elle en sortit une veste en peau brune foncée et me la tendit. J'avais prévu une veste en jean mais je me demandais d'où cela sortait.

- C'était à ton grand-père, me fit alors ma mère. Ta grand-mère pensait que tu aimerais l'avoir vu que vous avez le même gabarit.

- Elle est belle, dis-je en la prenant et l'enfilant. Ho... Douce chaleur si bien venue, dis-je en me la jouant.

- Allez le poète, fit ma mère en riant. File et bosse bien.

- Trop de consignes, marmonnai-je en riant avant de l'enlacer. Et toi emmerde pas tout le monde avec tes pokémons !

- Mais tout le monde aime les pokémons ! me rétorqua Ben toujours à table.

Avec ma mère nous avions échangé un regard éloquent avant de rire ensemble. Il n'avait pas foncièrement tort, il n'aurait aucune difficulté à trouver d'autres enfants de son âge aimant les pokémons. Moi ce serait plus compliqué. Je vérifiai ma batterie de téléphone et, après avoir enfilé mes airpods, je balançais à plein régime Let Us Die de King Princess, une chanteuse et musicienne gender queer à orientation ouvertement homosexuelle qui avait un sacré doigté. N'y voyez pas une vanne homophobe, je parle bien sûr de sa façon de jouer de la guitare.

- Allez soyez sages ! dis-je alors un peu fort avant de sortir par la porte.

Je m'étais mis à avancer vers le lycée, suivant des trottoirs bien nets, bien propres et surtout bien larges. Je m'étais demandé si c'était pour permettre que les gens poussant des poussettes et des landaus n'éprouvent aucune difficulté. Parfois, une fichue trotinette électrique m'effleurait sans se gêner, parfois je voyais des élèves foncer à vélo. Cela me faisait bien chier de ne plus être motorisé, c'était tellement mieux pour débarquer au lycée. Je n'avais pas franchement quitté la maison depuis mon arrivée et je profitais de ce trajet pour redécouvrir Maple Wood. J'allais rapidement arriver dans la rue principale, tournant au coin de la rue où j'étais. Là, il y avait déjà beaucoup plus de gens, tous partant au travail, à l'école, ou toute autre chose du même acabit. Le panneau brillant de Chez Granny me tendait déjà les bras et j'ai passé la petite porte vitrée. Ce diner n'avait pas changé depuis mon enfance, toujours aussi cliché avec ses vieilles tables en formica, ses tabourets et banquettes en cuir ainsi que ses couleurs qui me donnait l'impression d'être dans un vieux épisode d'Happy Days. J'avais cherché Fonzie du regard, au cas où, mais je ne vis que ma grand-mère. J'avais avancé vers le comptoir.

- Salut Grand-mère ! dis-je alors.

- Ça va mon grand ? Pas trop stressé? me demanda ma grand-mère avec un grand sourire.

- J'ai grandi à Los Angeles alors... Les spécimens étranges qu'on trouve dans un lycée, j'y suis habitué.

- Tu veux un café spécial Granny? demanda ma grand-mère.

- Plutôt un café à la vanille, dis-je sachant que le spécial était agrémenté de... sirop d'érable, pour ne pas changer.

- Un café vanille, un! fit ma grand-mère.

Elle avait l'air en forme et je souris en voyant cela. Ma grand-mère avait ce côté enjoué et bonne vivante qui plaisait à ses clients. Ils n'étaient pas trop nombreux, la plupart finissant un petit déjeuner bien mérité. J'avais repéré quelques personnes qui devaient être des lycéens. L'un d'eux devait être très sportif tant il était barraqué à côté des deux jeunes filles près de lui et même des deux garçons en face. J'allais les observer attentivement pour savoir dans quel clan les placer, geek ou populaire, intello ou sportif, modeur ou écolo, quand soudain, je fus interpellé.

- Mais qui est ce beau jeune homme, fit une voix amusée derrière moi.

Surpris par cette voix, je m'étais alors retourné. Je n'étais guère surpris par sa propriétaire, il s'agissait de Leah. Leah était une employée de ma grand-mère depuis assez longtemps, son adolescence je dirais même. Et elle était serveuse comme l'attestait sa tenue avec jupette et tablier qui mettait extrêmement bien en valeur non seulement sa peau hâlée caractéristique de son métissage amérindien mais également une silhouette incroyable qui devait lui permettre d'engranger de sacrés pourboires. Je la connaissais assez peu en réalité, celle-ci ayant une fois seulement fait du babysitting pour moi et Ben, sachant qu'à l'époque de cette histoire, elle avait vingt et un an. Je ne la croisais en réalité que quand nous venions en vacances et je n'aurais pas honte de dire qu'elle avait eu sa petite présence dans certains moments que je n'évoquerai pas mais qui était normaux pour un adolescent.

- Salut Leah, finis je par dire.

- Alors ça y est on vit à Maple Wood ? fit-elle en me serrant dans ses bras.

Je sentis immédiatement ses formes avantageuses contre mon torse mais je rendis doucement l'étreinte.

- Dis-donc Leah, depuis quand tu fais des compliments à mon petit fils? demanda ma grand-mère amusée.

- Ça va June, il a quinze ans seulement, fit Leah en rompant l'étreinte.

- Seize, précisai-je immédiatement.

- Déjà ? Donc c'est légal, fit-elle en me gratifiant d'un clin d'œil.

- Totalement légal, dis-je en riant.

- Leah..., fit ma grand-mère consternée.

- Je rigole, fit-elle en souriant. Et puis j'ai un petit ami.

- Je suppose que c'est un grand sportif blond, assurai-je rapidement.

- Châtain clair, me précisant Leah en riant. Et ton petit frère ?

- Trop jeune pour toi, précisai-je en riant.

- Crétin ! fit-elle en me gratifiant d'un coup sur le bras. C'est la rentrée alors?

- Ben ouais... Première à Maple Wood pour moi, confirmai-je alors.

- Tu vas te plaire, et puis tu feras des ravages, fit-elle en riant.

- T'es toujours aussi dingue, précisai-je en riant.

- Je vois déjà ces petites pleurer sur mes tables, assura Leah. Ho des clients m'appelle... Pas les plus simples.

J'avais alors regardé Leah s'éloigner pour aller vers sa table, celle du garçon bien massif que j'avais repéré ; et forcément, mes yeux étaient légèrement descendus sur sa jupette dévoilant vraiment des jambes incroyables. Un petit claquement de doigts près de moi attira mon attention et provenait de ma grand-mère.

- Depuis quand tu regardes les filles comme ça ? demanda ma grand-mère outrée.

- Bah quoi? dis-je faussement vexé.

- Je ne sais pas comment tu te comportes avec les filles mais ici, tu te tiens bien, précisa Grand-mère.

- Je me tiens bien avec les filles, dis-je en prenant le gobelet de café qu'elle avait placé sur le comptoir.

- T'as intérêt, dit ma grand-mère.

- Avec Maman, je risque ma vie, dis-je en souriant. Et puis... Elle est trop âgée.

- Et c'est tout ce qui t'arrête ? demanda ma grand-mère.

- Je ne parlerai pas de ça avec toi, dis-je en riant. Bon vais au bahut. On se voit ce soir.

Naturellement je n'étais pas dupe, je n'avais vraiment aucune chance avec Leah et je n'en voulais pas. Je ne m'étais pas pour autant demandé si j'allais me trouver une copine en quelques jours et personnellement, ce n'était pas mon but premier. Autant se concentrer sur les cours en premier. J'avais ensuite continué de progresser dans cette rue commerçante en direction de mon nouveau lycée et soudain, me tendant les bras sur ma droite, je remarquai de grandes effigies en carton portant sur le thème des super-héros. Je ne connaissais pas ce commerce, il n'était pas là lors de ma précédente venue ou alors je ne l'avais pas remarqué. L'antre du comics, c'était son nom et comme il l'indiquait si clairement, il ne vendait pas des boîtes de conserves. Je m'étais alors demandé quel choix il pouvait bien avoir ce petit commerce vu que cela restait une assez petite ville. Après avoir vérifié que j'avais au moins une demi-heure devant moi, et qu'il était bien ouvert assez tôt pour permettre au lycée quelques achats avant les cours, j'avais passé la porte. La boutique semblait toute droite sortie d'un épisode de Big Bang Theory et avec amusement, j'avais cherché si il y avait Stuart. Malheureusement non, cela aurait été trop beau mais il y avait bien un vendeur au long cheveux légèrement gras, une copie au rabais du regretté Kurt Cobain. À l'intérieur, je pouvais voir des numéros anciens, d'occasion, récents mais également beaucoup de produits dérivés en tour genre des plus grandes licences de Comics. Il y avait même dans un coin quelques exemplaires de bandes dessinées japonaises, les fameux mangas, permettant vraiment à tout le monde de trouver son bonheur. Désireux de flâner un peu avant le lycée, j'avais pris la décision de me diriger vers les boîtes contenant les plus vieux comics de seconde main. Je m'étais mis à chercher tranquillement si il y avait quelques avantures de mon personnel préféré, à savoir Frank Castle alias l'anti héro Punisher. Violent, sanglant et bien sadique, mon héro préféré était loin d'être un modèle de bonté et de vertu. J'étais donc en train de chercher quand une voix me sortit de ma pensée.

- Batman ou Superman? fit d'entrée de jeu la voix.

J'ai tourné la tête pour découvrir qui se faisait un plaisir de me déranger et je découvris un jeune homme d'à peu près mon âge, afro-américain et assez maigrelet. Ses cheveux noirs étaient coupés très court et il portait un t-shirt au logo de Green Lantern. Je ne jugeais jamais à l'apparence mais j'aurais bien parié sur un geek.

- Pardon ? dis-je alors.

- T'es plus Batman ou Superman ? redemanda le garçon.

- Euh... Je suis plus Marvel mais je dirai Batman, avouai-je.

- Et pourquoi ? insista le jeune homme.

- Pattinson, dis-je en évoquant le dernier acteur en date juste pour voir sa tête.

Sa tête fut d'ailleurs légèrement effarée, il devait en fait se demander si j'étais sérieux.

- Je déconne, dis-je pour interrompre ses pensées. Il choisit son devoir.

- Superman aussi, me fit le jeune homme.

- Tu crois franchement qu'un extraterrestre viendrait se paumer sur notre planète et nous sauver? Il se tire à la seconde, dis-je en riant.

- Bah c'est qu'une histoire, fit-il en me tendant la main. Kyle Hexter.

- Ryann Bixley, dis-je en serrant sa main.

- Ho t'es le petit fils de June, ça explique que je te connais pas, dit alors Kyle.

J'avais regardé ce dernier en me demandant si ma grand-mère avait prévenu toute la ville ou plutôt tous ses clients. La connaissant, la réponse devait être tout simplement positive.

- Tu es un client de ma grand-mère ? demandai-je.

- Tous les dimanches, me dit-il fièrement. Tu allais aussi au lycée ?

- Ouais... Je faisais une pause, marmonnai-je.

- Si tu veux on peut faire le trajet ensemble, je te parlerai du lycée, me dit-il.

J'avais alors acquiescé, autant être sympa avec les gens que je connaissais pas. Il s'avéra durant la conversation que le père de Kyle était plombier et avait un partenariat avec la société de Grand-père. Naturellement dans une petite ville, il y avait beaucoup de gens qui se fréquentaient. Je le trouvais franchement sympa, Kyle était un gros fan de comics et principalement de chez DC Comics. Il se l'était jouée guide touristique mais ce n'était pas plus mal.

- Le cinéma est assez cool, si t'aimes les classiques d'horreur c'est le jeudi soir, me fit Kyle.

- Je préfère les films d'auteur en fait même si je dis jamais non au frisson, dis-je en riant et sympathisant de plus en plus.

- C'est le dimanche après-midi, précisa Kyle. Je pensais que tu serais plus hautain...

- Hein? Bah pourquoi ? demandai-je étonné.

- Tu viens de Los Angeles, tu dois être habitué à mieux... T'étais à Beverly Hills? insista Kyle.

- Pas du tout, j'étais au lycée central, dis-je alors surpris. Attends... Grand-mère a raconté toute ma vie ou quoi?

- Elle aime parler avec les clients, j'ai réalisé qui t'étais par rapport à ton style musical, fit-il en montrant mon t-shirt.

J'étais consterné que ma grand-mère parle de moi, en espérant qu'elle avait évité les photos de moi bébé et cul nu, on ne savait jamais.

- Si tu veux, on peut se faire une toile si on échange nos numéros, dit-il alors.

- Euh..., dis-je en réfléchissant à la proposition. Bah pourquoi pas, dis-je ensuite en lui passant mon téléphone.

Maman serait fière de moi, je n'étais même pas encore arrivé au bahut que j'avais un nouveau pote. Bizarrement je craignais déjà de me taper un film de super-héros mais au moins, ce ne serait pas prise de tête. Il m'avait ensuite rendu mon téléphone et nous avions continué à avancer vers le lycée.

- Hyaaaa! fit alors une voix.

J'avais à peine eu le temps de me retourner qu'une forme féminine avait sauté sur le dos de Kyle et s'était accrochée. Je voyais que c'était un fille aux cheveux mi-longs et noirs, d'origine asiatique, chinoise peut-être, avec des lunettes. Son look était aussi basique que le mien, un simple pull rayé noir et gris et un jean.

- Ha bon sang serre pas si fort, fit Kyle.

- Je suis trop contente de la rentrée ! fit-elle en descendant. Salut.

- Salut..., marmonnai-je un peu surpris.

- Ryann, je te présente Jane, ma meilleure amie et la photographe attitrée du lycée, elle gère le journal et l'Almanach, fit Kyle. Jane, c'est Ryann.

- Ryann? fit-elle en me prenant directement dans les bras, chose surprenante mais bon. T'es le petit fils de June?

- Euh ouais, précisai-je consterné.

Ma grand-mère avait franchement balancé notre arrivée à tout le monde... C'était consternant en fait. J'avais alors assez vite repéré l'appareil photo de la demoiselle, me confirmant qu'elle était accro à la photographie.

- On n'est pas ensemble, me précisa Jane. On est très proches mais c'est tout, je précise au cas où.

- Ok pas de soucis, dis-je alors en me demandant pourquoi elle me précisait cela.

- Ce serait cool qu'il rejoigne la bande, fit alors Kyle.

- La bande? demandai-je surpris.

- On est fans d'astronomie, on passe les soirées à regarder les étoiles, précisa Jane.

- Ok... Vous êtes nombreux dans cette bande? demandai-je.

- Si tu nous rejoins, on sera trois, fit Kyle avec un sourire.

- Ça fait pitié dit comme ça, marmonna Jane.

J'avais regardé attentivement les deux adolescents devant moi et je venais de réaliser qu'ils n'étaient sans doute pas les plus populaires du lycée. C'était souvent comme ça, les gens avec des loisirs différents étaient souvent mis de côté.

- Pour être honnête..., dis-je alors en voyant un peu de déception qui me poussa à modifier ma réponse, peut-être par pitié. J'y connais absolument rien... Mais ça peut être sympa.

- Tu verras c'est génial, on verra peut-être même une comète, me fit Kyle.

- T'es pas un sportif au moins? demanda Jane.

- Euh... Pourquoi ? C'est une condition de non admissibilité ? demandai-je.

- C'est pas un sportif, il a du vocabulaire, précisa Kyle.

- Ils se foutent toujours de nous, précisa Jane. Je préfère le dire.

- Je connais personne ici, je venais en vacances, dis-je alors.

- Et bien bienvenue quand même... Et mes condoléances d'ailleurs, me fit Jenna.

- Merde j'ai pas pensé à ça, désolé, me fit Kyle.

- Pas de problème, c'est pas grave, dis-je pour les rassurer.

C'était officiel, je venais de me faire deux amis visiblement très sympathiques et avec de la conversation. Durant le reste du trajet, ce fut donc de Jane que je fis la découverte. Elle avait été adoptée par un couple lesbien de la ville, couple très bien accepté d'ailleurs, et était même la fille de la photographe attitrée des grands événements de la ville. Personnellement je m'en moquais que le couple parental soit lesbien, après tout en Californie, il y avait même de grandes manifestations de partisans du sadomasochisme en tenue de cuir quand ils étaient habillés alors franchement, plus rien ne pouvait tellement me choquer. Sa seconde mère était par contre mère au foyer. Je la trouvais assez sympa, légèrement délurée mais surtout, elle avait de la conversation, comme le confirmait son côté très littéraire. La conversation finit d'ailleurs sur le cinéma adapté d'oeuvre littéraire.

- Le prochain film qui va passer c'est Les Proies de Sofia Coppola, me fit Jane.

- Adapté d'un livre donc, dis-je en le sachant déjà.

- Enfin quelqu'un qui lit... Merci..., fit-elle en priant pour la blague.

Je souris alors avant d'être surpris quand elle attrapa nos cous.

- C'est chouette une tête de plus, dit-elle alors.

Ce n'était pas fait pour me rassurer mais nous n'avions plus le temps d'y penser, lycée en vue. Là par contre, j'étais plutôt déçu. Qu'est-ce que le lycée était moche... Un simple amas de béton rectangulaire et gris à fond les carbures. Tout était gris, littéralement, tons sur tons selon les nuances mais surtout, il n'y avait rien que des vitres pour changer le côté grisâtre.

- C'est pas très beau mais propre et fonctionnel, me fit Jane.

- C'est vrai qu'il y a une station de pompage de pétrole près du lycée de Beverly Hills? demanda Kyle.

- T'étais à Beverly Hills? fit alors Jane surprise.

- Je n'étais pas à Beverly Hills, dis-je en répondant à Jane. Et oui, il y a un puit de pétrole... Je sais c'est pas montré dans les séries.

- Trop fort, fit Kyle.

- J'aimerais prendre ça en photo, fit Jane.

Je ne savais pas si c'était parce qu'ils avaient grandi tous les deux à Maple Wood mais j'avais l'impression qu'ils s'émerveillaient de tout. Mais c'était peut-être logique quand on grandissait dans de petites villes sans grand chose à voir. Le lycée était comme bien des centaines d'autres entouré de parking et je suivis mes deux nouveaux amis jusqu'à un escalier sur le côté.

- Ça vous gêne si je m'en grille une vite fait avant d'entrer ? demandai-je alors.

- Tu fumes aussi? fit Kyle consterné.

J'avais alors rapidement compris que c'était Jane la fumeuse mais elle sortit une petite vapoteuse de sa poche. J'avais eu raison. Cependant à peine Jane prit une inspiration que je sentis une odeur sucrée.

- Barbe à papa, me précisa-t-elle sans que je demande.

- Ça incite plus qu'autre chose, dis-je en riant.

- Arrêter c'est mieux, marmonna Kyle. Je peux voir ton horaire ?

Je le sortis de ma poche et lui tendit avant de voir une mine réjouie. J'avais comme l'impression que nous allions souvent avoir cours ensemble.

- Le même, fit Kyle tout content. À part pour l'histoire...

- On est dans un petit lycée, y a pas douze classe par année, lui rappela Jane. À part deux ou trois.

Moi, je les avais regardé s'asticoter comme ça pendant un petit moment en souriant. C'était quand même sympa de ne pas être avec des accrocs des réseaux sociaux qui passaient leur temps à prendre des selfies, chose extrêmement courante à Los Angeles. Personnellement j'avais parfois l'impression de parler à des smartphones plutôt qu'à des gens. Alors forcément cela me faisait du bien.

- Prêt pour un cours sur les élèves ? demanda Jane.

- Allez balance tout, dis-je en la regardant. Commence par eux.

J'avais rapidement montré les sportifs aux vestes jaune et blanche. La responsable de l'Almanach qui devait sans doute tout connaître sur tout le monde m'expliqua le petit univers du lycée de Maple Wood. L'équipe de basket locale, les Bears de Maple Wood, était assez bonne mais n'allait malheureusement jamais très loin dans les tournois. Le capitaine de l'équipe, un certain Kenneth, était selon Jane un mec extrêmement sympa, très loin des clichés. Il était également intelligent et participait aux concours de débats dans lesquels il excellait. Forcément quand on abordait les sportifs, on basculait obligatoirement sur les fervantes supportrices habituelles : les cheerleaders. Celles-ci étaient dirigées par une jeune fille d'origine française répondant au prénom de Florence. Cette dernière était cependant et à l'inverse du capitaine de l'équipe un pur cliché. D'après Jane, elle était aussi superficielle qu'idiote, n'ayant de bonnes notes que parce que d'autres filles de l'équipe lui faisaient ses devoirs pour conserver leurs places. J'avais regardé Jane méfiant, sachant à quel point les filles pouvaient être méchantes entre elles mais Kyle avait confirmé sans aucune hésitation. Visiblement, certains clichés se vérifiaient donc partout. L'avantage de l'endroit où nous nous trouvions, c'était la vue plongeante sur le parking qui nous permettait de voir arriver tous les groupes d'élèves. J'avais alors écouté l'exposé complet. Il avait commencé par la fanfare et la chorale qui semblait pourtant assez hétéroclite, si vous connaissez la série Glee, cela servirait de bon indice. Puis, comme partout, il y eut les cas plus particuliers, pas de grands délinquants non plus mais des élèves pas forcément très motivés par les cours. Il y eut également le club d'échecs qui, à ce qu'il paraissait, était réputé dans tout le pays. J'avais des doutes mais Kyle me montra une page internet qui prouvait qu'ils étaient effectivement dans la liste des dix meilleurs clubs du pays, détail impressionnant. Puis il y eut les fameux accrocs aux réseaux sociaux qui étaient déjà en train de poster des vidéos sur Tik Tok, une espèce en voie de prolifération comme je le disais toujours. Vu la forte population amérindienne de la région, principalement algonquine, il y avait aussi un petit groupe d'élèves qui était scolarisé ici et non pas dans leurs réserves. Selon mes nouveaux amis, ils restaient principalement entre eux mais c'était courant dans ce genre de communauté. Mon regard fut soudainement attiré par deux voitures de grosses cylindrées qui se suivaient sur ma gauche en se dirigeant sur le parking. Au vu de la population extrêmement ouvrière de la région, j'étais étonné de voir des voitures plus chères, l'une verte et l'une rouge.

- Là bas, c'est le club de robotique, plus geek encore que Kyle, me fit alors Jane que je n'écoutais que d'une oreille distraite.

Les deux voitures luxueuses venaient de se garer et je me demandais à quoi ressemblaient leurs propriétaires. De la verte, je vis sortir deux garçons. Le premier était un grand brun très maigre mais assez playboy dans son genre, fétu d'un pantalon noire et d'une belle chemise. Son passager était habillé pareil mais par contre, il était extrêmement barraqué me signifiant que c'étaient peut-être les clients de chez Granny. Fe face, je me rendis compte que le colosse, plus grand que moi et avec des bras comme mes cuisses, était amérindien.

- Et eux c'est qui? demandai-je intrigué.

- Hein? fit Jane en se retournant. Ho ça c'est nos petits cas bizarres...

Je n'avais pas posé d'autres questions, trop concentrés sur les nouveaux venus. Je regardai même le deuxième véhicule et je vis trois élèves en sortir. Le premier était un garçon blond très élancé mais musclé, aussi playboy que son copain juste avant. À peine était-il sorti qu'une jeune fille brune dans une robe en matière imitant le jean avait fait le tour pour l'enlacer. Elle était plus petite, mais visiblement aussi belle que les autres. Mais alors que je les regardai attentivement, mon regard s'était posé sur la dernière personne : une autre jeune fille. Elle portait une jupe noire avec un chemisier rouge, ponctué par un manteau léger d'un blanc immaculé. Elle était cependant rousse mais d'un roux léger. Sa démarche semblait distinguée comme celle des autres mais il y avait quelque chose en plus. Je serai totalement incapable de l'expliquer mais elle était différente des autres filles. Elle semblait dans ses pensées, écoutant à peine les conversations de ses amis. Ils s'étaient alors mis à avancer vers nous, lentement, calmement, sans doute pour entrer par la porte près de nous. J'avais également pu remarquer que bien des gens les regardaient sans doute par leur physique particulier. Moi-même, je n'avais pas pû détacher mon regard d'eux tandis qu'ils approchaient. Le plus grand faisait vraiment peur et discutait avec celui qui l'avait amené. Le petit couple derrière semblait sur son petit nuage et discutait avec la rouquine. Comme nous nous trouvions sur le chemin, je m'étais légèrement écarté pour les regarder passer.

- Je te jure, Papa va organiser cela, fit la fille brune.

- Je suis impatiente, lui répondit la rousse.

- On va bien s'éclater, fit le garçon tenant la brune.

Les deux premiers passèrent alors à cet instant là près de nous, sans un véritable regard pour nous à part celui d'une personne qui se moque du petit peuple. Peut-être parce que j'étais en train de les observer attentivement mais le garçon blond eut le regard attiré par nous. Sans doute pour suivre ce dernier mais la rousse tourna la tête vers nous. J'avais alors croisé ce que je pourrais qualifier du plus beau regard de la planète. Ses yeux étaient tels l'océan, aussi purs que le ciel d'été Californien, le myosotis le plus naturel et le plus parfait du monde. Ses yeux ponctuaient ses reflets roux donnant l'impression d'une apparition. Et à cet instant là, j'avais juste pensé à faire un truc qui après coup était stupide.

- Salut, dis-je en levant juste la main comme pour la saluer.

Elle m'avait alors regardé avec stupéfaction avant de fermer les yeux un instant pour mieux les rouvrir et me regarder d'une manière extrêmement étrange. Elle avait ensuite reporté son attention sur ses amis et continué son chemin sans se soucier de mon existence aussi inutile soit-elle. Un simple sifflement s'échappa de mes lèvres, non pas pour être vulgaire mais uniquement de stupéfaction.

- Pff encore un, marmonna Jane.

- Hein? dis-je en la regardant.

- On dirait que tu baves, fit-elle en riant.

- La vache..., dis-je en regardant juste la porte qui était désormais fermée. Elle est sublime...

- Rêve pas mon grand, me fit Kyle.

- Pour? demandai-je interloqué.

- Tu viens de rencontrer les êtres supérieurs de ce lycée, me fit Jane.

- C'est à dire? demandai-je alors.

- Ces cinq là ne parlent à personne, ne fréquentent personne d'autre que leur petit groupe, ils n'attirent pas l'attention, m'expliqua Kyle.

- Et ils sont à part, me fit Jane.

- Je dois te supplier ? dis-je impatient.

- Bon, les deux bruns sont Lydia et Casey Galan, me fit Jane. Elle est d'un an plus jeune mais elle est en avance dans toutes les matières. Leur père est ingénieur... Enfin je crois... Harry, le grand amérindien est leur cousin..., fit-elle alors en mimant des guillemets.

- C'est quoi ces guillemets ? demandai-je alors.

- Parce que les Neblar sont aussi leurs cousins, me fit Kyle.

- Les jumeaux Neblar, Theo et Stella, me fit Jane. Leur père est avocat et leur mère psychiatre. On les prétend cousins mais c'est pas ce que je dirai.

- Tu vois la grande maison là bas au fond, près de la forêt sur la colline ? me fit Kyle en montrant une direction.

J'avais alors tourné la tête pour découvrir un bâtiment au loin, visiblement grand mais c'était tout ce que je pouvais discerner.

- Lesquels vivent là-bas ? demandai-je.

- Tous, me fit Kyle.

- Hein? dis-je surpris.

- Je viens de te dire qu'ils sont soi-disant cousins mais comme tu remarques, Theo et Lydia sortent ensemble et Casey semble essayer d'amener Stella dans ses bras. Le dernier on ne sait même pas ce qu'il pense, il a toujours un regard bizarre... Bref... Si ils sont cousins, d'où ils sortent ensemble ? En fait à Maple Wood tout le monde pensent qu'ils sont une secte.

- Carrément ? demanda-t-il.

- Ils ne parlent à personne, n'accepte pas souvent des invitations à des fêtes et pourtant tout le monde voudrait les connaitre. C'est comme si on appartenait pas au même milieu. Ils vivent entre eux et tous ensemble, dans deux maisons reliées par une sorte de patio il paraît. On les voit rarement en ville et même si ils travaillent ce sont de vrais fantômes. La seule chose que les deux filles font c'est aller au festival du sirop d'érable. Ils font acte de présence en fait. Juste de quoi éviter que les gens ne les signalent.

- Personnellement je les ai trouvé dérangeant dès le début, précisa Kyle. J'aime pas leur regard... J'ai l'impression de toujours les déranger.

- Même moi, quand je dois faire les photos... Ils essayent d'éviter de le faire, précisa Jane.

- Et même sur les réseaux sociaux... Ils sont totalement absents, de vrais fantômes, précisa Kyle.

J'avouerai que mes yeux n'avaient pas quitté la porte comme si j'espérais qu'elle revienne. Ils étaient tellement à part que j'avais vraiment l'impression d'être devant des êtres supérieurs.

- Allez, on va en cours, me fit soudainement Jane.

- Euh... Ouais ouais, dis-je alors en reprenant peu à peu conscience de mon environnement.

Je vais te donner un petit conseil, tu en fais ce que tu veux, me fit Jane.

- Et c'est ? insistai-je.

- T'as l'air d'avoir vrillé en voyant comme la moitié des mecs du bahut, mais c'est un mauvais plan, précisa Jane.

- En quoi?

- Casey veille au grain, précisa Kyle.

- Je croyais qu'ils étaient pas ensemble moi, dis-je alors.

- Disons que non mais bizarrement dès qu'un mec tente quelque choses, il lui arrive comme des ennuis, fit Jane. Attention je ne dis pas qu'il l'agresse ou qu'il est coupable lais bizarrement les accidents se multiplient, accident de voitures, explosion de smartphones...

- Ça ressemble surtout à de sacrées coïncidences, dis-je alors.

- Oui mais c'est peut-être leur secte, alors te voilà prévenu, me fit Jane avant d'entrer dans le bâtiment.

J'étais plutôt dubitatif et convaincu des coïncidences. Cependant, je me demandais surtout la véracité des informations sur la secte. Après tout, ils étaient peut-être une famille très unie, vivant ensemble comme certaines le font dans de grandes demeures familiales. Et puis après tout, en Asie, les gens vivaient à plusieurs générations sous le même toi non? Je crois que je faisais littéralement une fixette sur elle parce qu'en fait je n'avais plus que son prénom en tête : Stella. Je comptais bien tenter ma chance et si c'était un chat noir et bien tant pis, j'aurais essayé. Comme quoi on ignore souvent les conséquences de nos actes...









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