Wolf Skin: Omega
I.
BIENVENUE À WOLFCREEK
Les changements dans la vie, cela est quelque de normal et d'assez courant. Toute notre vie, nous en connaissons des dizaines et des dizaines. Quand nous passons de l'alimentation principalement lactée par nos mères ou en poudre à l'alimentation solide, lorsque pour la première fois nous prenons le chemin de l'école, quand nous passons nos premiers examens, puis c'est l'adolescence. Les changements à cette époque sont encore plus nombreux, qu'ils soient physiques ou psychologiques : les hormones, les règles pour les filles, les premiers émois, les premières expériences... Et cela continue longuement, même après, les mariages, les divorces, les grossesses, les décès... Notre vie est un changement perpétuel dès notre première inspiration jusque la dernière expiration. Parfois, un changement bien plus particulier surgit dans la vie. Moi, Debrah Perkins alias Deb pour mes intimes, j'ai connu un changement très différent, plus boulversant et qui allait abattre toutes mes certitudes. Ce changement a commencé l'année de mes seize ans, l'été précisément et en voici l'histoire...
Tout avait commencé l'été de mes seize ans, comme je l'ai déjà écrit, et par un voyage. Ma vie d'avant, je l'avais passée dans la capitale du Kansas, à Topeka. Je suis issue d'une famille des plus basiques. Mon père, Dylan, était un avocat assez reconnu dans la ville, associé dans son cabinet Perkins And Ram. Ma mère, Mandy, était une femme au foyer tour à fait respectable. Je n'avais jamais vécu aucun drame, aucune horreur comme certaines jeunes filles, j'étais une adolescente tout à fait normale. Dans mon précédent lycée, j'étais assez populaire, il faut reconnaître qu'être cheerleader m'y avait bien aidé et j'avais un assez bon niveau car notre équipe participait à des championnats et nous en avions même gagnés. Et pourtant, quelques mois avant cet été là, tout avait changé. Ma mère avait découvert la relation adultérine de mon crétin de père avec une étudiante en droit à peine plus âgée que moi de quelques années. Forcément, elle ne lui avait pas pardonné et je le comprenais parfaitement. Le seul problème était que ma mère n'avait ni diplôme d'études supérieures, ni même d'expérience professionnelle ayant toujours été à l'abri du besoin grâce à mon père. N'ayant plus les capacités financières de subvenir à nos besoins, sachant que la médiation juridique pour le divorce se passait assez mal, elle prit la décision de retourner vivre chez mes grands-parents avec moi. Mes grands-parents n'habitaient pas au Kansas mais dans le Colorado, dans une petite ville appelée Wolfcreek. J'adorais mes grands-parents, vivre avec eux tout en sachant que ma grand-mère avait besoin d'aide après s'être cassée la hanche ne me posait aucun problème. Mais j'étais encore une adolescente et, comme toute bonne adolescente, faire chier mon monde faisait partie de mes magnifiques compétences. Je faisais la gueule à mon père parce que c'était un salaud qui avait trompé ma mère, une femme extraordinaire et toujours aux petits soins pour la famille ; et à ma mère, je lui faisais tout simplement parce que j'étais obligée de tout quitter.
Ce jour là donc, pour revenir à nos moutons, nous étions sur la route en direction de Wolfcreek. J'étais installée à l'avant pendant qu'elle conduisait, mes écouteurs balançant du BTS à plein régime dans mes oreilles pendant que je tapotais mes jambes nues qui dépassaient d'un short en jean élimé. Vu la chaleur, j'étais contente d'être en débardeur fin et noir mais cela ne m'empêchait pas pour autant de passer mon temps à replacer mes cheveux assez courts aux racines noires mais le reste étant teint dans un dégradé de blond afin de ne pas les avoir dans les yeux à cause des vitres de la Ford Fiesta bleue familiale grandes ouvertes. Je regardais surtout les magnifiques paysages presque sortis d'une toute autre époque défiler devant mes yeux, les grandes forêts et les gigantesques montagnes semblant sorties tout droit d'une carte postale. Comme quasiment toutes les trois minutes depuis le départ, je rallumai mon téléphone pour checker tranquillement mes messages privés sur les réseaux sociaux, fixant attentivement des photos aux commentaires autant élogieux que parfois salaces. Mes amies me manquaient déjà, nous ne pourrons plus jamais nous envoyer en l'air ensemble; je fais bien sûr référence aux figures de cheerleading. Je soupirais une énième fois en envoyant un message à Josie, mon amie de toujours, lui disant que je finirai par me transformer en Caroline Ingalls au milieu de sa cambrousse. Cela la faisait bien marrer mais me faisait surtout bien chier. Toute ma vie était là-bas, à Topeka, mes amies, mes prétendants, mes ennemis aussi même si eux n'allaient pas me manquer. Soudain,. une main passa entre mes yeux et mon téléphone. Soupirant de lassitude, moyen de communication presque inaudible et typiquement de mon âge, j'ai enlevé un de mes écouteurs avant de tourner la tête vers la femme de quarante deux ans, brune aux longs cheveux en queue de cheval et aux magnifiques yeux noisettes dont j'avais hérités, ma mère bien évidemment, dans son look hippie chic classique.
- Quoi? lui ai-je dit rapidement et assez méfiante.
- Tu pourrais peut-être, je ne sais pas, cesser de me faire la gueule, proposa ma mère sur un ton mesquin qu'il m'arrivait de prendre.
- Je ne te fais pas la gueule Maman, grommelai-je alors en réponse.
- Tu n'as pas décroché un mot depuis le départ, tu restes fixée sur ton téléphone, m'assura ma mère sûre d'elle.
- C'est totalement faux, ai-je alors rétorqué. Je t'ai parlé.
- Forcément, si par parler tu entends me dire "poulet crudité" ou "thon fromage", c'est sûr que tu as parlé, argumenta ma mère légèrement contrite, enfin légèrement...
- J'ai dit autre chose, ai-je répliqué sûre de moi.
- Ha oui? Et quoi donc ? avait insisté ma mère.
- Que je voulais de l'eau pétillante, ai-je alors répondu sur un ton assez triomphal.
- Donc tu me fais la gueule, conclut rapidement ma mère.
- Techniquement parlant, je ne te fais pas la gueule mais je fais simplement la gueule, ai-je développé.
- Et la différence ? demanda ma mère en changeant de voie sur l'autoroute.
- La différence est ma compréhension de la situation, ai-je rétorqué à cet instant.
- Et donc..., insista ma mère lourdement. Tu aurais préféré rester avec ton père à Topeka?
- Sûrement pas non, me suis-je empressée d'ajouter. Je comprends que tu quittes Papa, il a agi comme un putain de salaud.
- Chérie... Il reste ton père, me corrigea ma mère.
- Ha ouais? Peut-être mais il en a rien eu à foutre qu'on quitte l'état, il n'a même pas hurlé, me suis-je alors énervée.
- Bon bon... D'accord tu encaisses encore mais où est le problème ? demanda de nouveau ma mère.
- Et bien ça me fait complètement chier de tout quitter, ai-je enfin répondu. J'avais mes copines là-bas, les cheerleaders et même le club de quiz.
- Je sais que c'est difficile de tout quitter, a répondu ma mère à mon explication.
- Ouais devoir devenir la nouvelle dans un lycée de bled paumé, tu crois que c'est plaisant ? ai-je insisté.
- Chérie, cela se passera bien, osa me sortir ma mère.
- Ouais peut-être mais ça me fait bien chier, ai-je encore ajouté.
- Tes grands-parents seront contents de vivre avec toi, m'assura ma mère.
- Mais figure toi que c'est aussi mon cas, surtout que j'étais en panique quand Grand-mère s'est cassée la hanche, ai-je répliqué. L'un n'empêche nullement l'autre.
- Je vois... Donc le problème c'est juste le lycée ? insista ma mère. Ou quelqu'un ?
- Comment ça quelqu'un ? dis-je en consultant encore mes réseaux sociaux.
- Je pensais peut-être à un garçon, me répondit rapidement Maman. Ou une fille d'ailleurs... Il faut bien avouer que tu ne m'as jamais parlé de rien...
- Euh..., dis-je en inspirant profondément. Ben en fait j'avais pas de mec en ce moment et je suis hétéro.
- Bah comme ça je sais, avoua ma mère sous mon regard supris et dubitatif.
Évidemment que je ne parlais pas de ces choses là avec ma mère, j'avais des copines pour ça. Je ne me voyais vraiment pas dire à ma mère que j'avais déjà carressé un garçon, jusqu'à l'éjaculation d'ailleurs et que je m'étais même faite peloter les seins. Bon il avait été si peu doué et si empressé qu'il m'avait fait vachement mal ce con et il a fini avec une bonne baffe dans la gueule. Ça s'était fini comme ça d'ailleurs, j'avais bien quelques garçons en vue mais sans plus. C'était à cet instant que ma mère mit le clignotant pour sortir sur une aire d'autoroute. C'était bizarre, nous venions à peine de masser l'Université d'État du Colorado à Fort Collins et pourtant nous devions encore continuer sur l'autoroute deux-cents quatre-vingt sept et dépasser la ville de Laporte pour longer le Parc national de Rocky Mountain.
- Je dois faire le plein, m'avoua ma mère.
- Genre on peut pas aller jusque Wolfcreek? ai-je demandé franchement lassée d'un énième arrêt.
- Tu ne t'en souviens peut-être pas mais la station service est à côté du petit centre commercial, me rappela gentillement ma mère.
- Euh... Sans doute, ai-je avoué en pianotant sur mon téléphone. Ha ouais... Je confirme.
- Tu préfères un arrêt ou un détour ? demanda alors ma mère extrêmement contente d'avoir raison.
- Ouais bon... Arrêtons nous là, ai-je lancé vaguement désabusée.
Ma mère avait cette petite manie qui m'agaçait, celle de toujours vouloir avoir raison. La véritable raison de mon agacement était simplement que j'étais pareille mais quand deux personnes veulent avoir raison mais ont des avis différents, ça fait des étincelles. Et donc avec ma mère nous nous chamaillions parfois sur ce sujet et tous les autres. Cela ne nous empêchait pas pour autant d'être proches, je lui parlais de tout sauf de mes petits copains, cela restait mon domaine privé. Ma mère se dirigea donc sur la bretelle jusqu'au petit bâtiment où elle pourrait faire le plein. Elle se gara devant la borne et j'ai détaché ma ceinture.
- Je vais faire le plein, lui ai-je précisé en ouvrant la portière.
- D'accord ma grande, je vais payer... Tu veux un café ? demanda ma mère calmement.
- Un double avec un petit peu de lait au caramel, ai-je répondu en attrapant le pistolet de la pompe à essence.
- Et si il n'y a pas? demanda ma mère choquée de tant d'exigences sans doute.
- Ben un noir, ai-je alors grommelé.
J'ai saisi le pistolet pendant qu'elle se dirigeait à l'intérieur et je l'ai enfoncé dans l'orifice du réservoir, après l'avoir ouvert. Je me suis appuyée contre la voiture, cherchant sur Google qui pourrait bien passer à Fort Collins en concert. J'ai alors entendu un léger sifflement, assez discret mais tout de même repérable. J'ai donc décidé de tourner la tête vers ce que j'estimais être l'origine du bruit et j'ai vu des animaux. Le genre de mecs bien graves et bien lourdingues qui me donnèrent l'impression de n'être qu'un vulgaire bout de viande. Ça au moins, c'était partout pareil à croire que MeToo était un truc bidon. Le pire? C'était peut-être que l'un des trois, sans doute étudiant à l'Université commençait déjà à descendre pour s'approcher de moi. J'ai haussé les yeux et soupiré avant de simplement lui adresser mon plus beau doigt d'honneur bien majestueusement dressé en l'air. Il m'a regardé choqué et a subi les moqueries de ses amis. Tant pis pour sa gueule. J'ai réalisé que le levier de la pompe s'était redressé et j'ai donc enlevé le pistolet pour le replacer d'un coup sec dans son étui. J'ai immédiatement ouvert la portière pour m'installer en grommelant.
- Pauvre connard! avais-je alors dit comme si le fameux énergumène pouvait m'entendre. Astique toi le poireau tout seul gros con.
La porte du commerce s'ouvrit soudainement et je vis ma mère en jaillir tranquillement le tout en portant dans sa main droite un porte gobelet et dans la gauche un bouquet de fleur. Je l'ai regardée en souriant, surtout qu'elle tenait son portefeuille dans les dents et je me suis donc penchée sur le siège conducteur pour lui ouvrir la portière. Avec classe et distinction, après avoir réduit à néant la distance entre la station service et la voiture, ma mère cracha presque son portefeuille sur le siège et s'assit après que je l'ais dégagé.
- Merci, fit-elle en me tendant simplement mon gobelet.
- Au caramel alors? ai-je demandé sèchement.
- Oui... Et les fleurs sont pour ta grand-mère... Je peux savoir ce qui me vaut ce ton? demanda ma mère légèrement outrée.
- De magnifiques spécimens du chainon manquant, dis-je en buvant une gorgée. La preuve même que les mâles sont incapables d'évoluer et que l'organe servant à la réflexion ne voit que rarement le soleil.
- Je vois..., fit-elle en regardant dans le rétroviseur. Ceux-là?
- De parfaits exemples de l'homo stupidus, grommelai-je de plus belle. À croire que nous ne sommes toujours que des chattes sur patte. Prends la giclée et ferme ta gueule.
- Tu es bien remontée dis-donc, me sortit ma mère en redémarrant.
- Il n'y a rien qui m'emmerde plus que de me faire siffler, je crève d'envie de leur arracher la langue à chaque fois, à coup de pince à épiler, ai-je argumenté prête à figurer à la page faits divers du journal local.
- Et ben, le prochain petit ami à intérêt à bien se tenir, fit ma mère en riant.
- Et il faudrait arracher les couilles à ceux qui sont pas foutus de garder leurs bites dans leurs pantalons, ai-je ajouté de plus belle.
- Ton père doit avoir les oreilles qui sifflent, me répondit ma mère en riant.
- Pfff, son assistante, vive le putain de cliché de merde... Elle a que cinq ans de plus que moi bordel de merde! dis-je crachant tout mon venin.
- Je sais... Ton père m'a raconté un certain scandale au cabinet, me signifia soudain ma mère.
- Et il a raconté quoi? demandai-je méfiante.
- Ho juste que tu as hurlé pendant dix minutes que c'était un gros porc et qu'elle était une salope, m'assura ma mère.
- Ha oui, j'étais encore calme, ai-je avoué en haussant mes épaules.
- D'ailleurs, quand il me l'a dit, cela m'a quand même touchée que tu prennes ma défense, me fit ma mère en reprenant l'autoroute.
- Évidemment, il t'a traitée comme une merde alors que c'était toi qui gérais toute la baraque, ai-je précisé. Dis-moi le nombre de fois qu'il est venu me voir dans mes championnats ?
- Euh..., hésita ma mère pensive.
- Deux fois en quatre ans, ai-je certifié à ma mère.
- Sans doute, marmonna simplement ma mère.
J'ai regardé fixement ma mère. Je venais de vider mon sac, avec ma finesse habituelle forcément, sans pour autant prendre en compte un détail. Ce détail était tout simplement que ma mère devait quand même encore être amoureuse de lui. C'était assez normal, il devait être assez difficile de balayer près de vingt ans de vie commune avec quelqu'un, cette personne étant également le père de votre fille unique. Mais quand j'y repensais, il l'avait vraiment traitée comme une merde. À la maison de Topeka c'était Maman qui faisait absolument tout, les repas, les tâches ménagères, qui m'emmenait à l'école, m'aidait pour les devoirs, à réviser, qui m'accompagnait aux rendez-vous médicaux et aux activités de cheerleader. Je me rappelais également les trois cents kilomètres qu'elle avait fait pour m'accompagner au championnat de conférence. Lui il m'avait envoyé un texto pour m'encourager et c'était après la compétition. Je me rendais également compte, tandis que nous dépassions Laporte, à quel point il était un père absent. En fait on ne le voyait que quand Maman devait organiser ses petits dîners d'affaires à la con et où je devais être tirée à quatre épingles comme une jolie petite midinette écervelée. C'était bien ça, là Maman était bien bonne surtout dans la fonction sois belle et tais-toi. Quel connard! Je devais encore ronger mon frein pour ne pas repartir dans une diatribe virulente sur les hommes. Mon regard fur soudainement attiré par un panneau au bord de la route qui indiquait simplement "Bienvenue à Wolfcreek". Ce nom me faisait déjà rire quand j'étais petite. La rivière au loup... Tu parles, je n'avais jamais vu le moindre loup dans le coin et pourtant c'était un vrai business local. En fait les loups avaient sans doute déguerpis la région tellement on crevait d'ennuis. Et pourtant, la petite ville était presque mitoyenne du Parc National de Rocky Mountain. Ce parc dans lequel mes grands-parents m'emmenaient souvent quand j'étais petite était pourtant très étendus. Tellement étendus d'ailleurs que ses écosystèmes sont nombreux que ce soit la zone riparienne, avec la fameuse rivière qui longe également Wolfcreek, ou encore ses nombreuses zones de haute montagne. Y a des vallées vertes et des forêts, de magnifiques lacs et des tas d'espèces endémiques.Parmi les carnivores, on y trouve des ours bruns, ours noirs, pumas, lynx, coyotes et autres trucs du genre mais pas les loups ou alors rarement. En fait ce sont les autres espèces qui sont plus présentes comme les marmottes à ventre jaune, les wapitis, les élans, les cerfs-mulets, les castors, les pikas ou encore les lièvres à raquettes. En fait la grosse vedette c'était le le mouflon des Rocheuses. Bref le loup, c'était surtout une mascotte. Ça se voyait aux commerces que l'on dépassait tranquillement. Le salon de tatouage, nouveau commerce sans doute, s'appelait même le Fang, le croc... Consternant. Bon l'équipe de football locale s'appelait les Werewolfs, mais ce ne sont pas les seuls vu que dans d'autres sports il y en a aussi. C'était un peu comme les dizaines et dizaines d'équipes appelées les Chats Sauvages. Ce bled semblait un peu hors du temps. Si la ville n'avait pas été entretenue depuis le temps durant lequel je n'étais pas venue, c'est à dire quatre ans, je ne saurais même pas voir la différence. Il y avait toujours le barbier, la fleuriste chez qui Grand-mère avait ses habitudes, le marchand de bonbons chez qui j'avais les miennes, tout était presque là où mes souvenirs les avaient laissés. Les jeunes du coin étaient en terrasse des salons de thé et des fast-foods. Et oui, même dans des petits patelins il y a des McDonald's. J'aurais toujours mes Sundays chéris surtout celui au napage de caramel... J'adorais le caramel, ça se sentait. Le cinéma était toujours là et je me suis demandée si il faisait toujours ses journées à thème comme les dimanches Disney pour les enfants et les mercredis destinés aux films d'horreur classique et récents. Il y avait quelques nouvelles enseignes comme la jolie friperie qui mettait en avant un style hippie dans sa vitrine ou encore cette bijouterie qui semblait vendre des bijoux artisanaux. Il y avait également toujours la petite enseigne tenue par des natifs américains très représentés dans l'état du Colorado.
- On dirait que tu redécouvres la ville, me fit ma mère amusée en tournant pourtant pour quitter la rue principale alors que je pus à peine discerner mon futur lycée qui trônait majestueusement au fin fond de la rue principale.
- Ben c'est un peu le cas, avouai-je alors. Au fait, ils vivent toujours sur Blue Spruce Street ?
- Et oui, toujours dans la maison de mon enfance, fit ma mère avec une voix nostalgique.
Mes grands-parents vivaient dans cette maison construite par le grand-père paternel de mon grand-père. Le nom de la rue, nommée comme l'épicéa bleu du Colorado, venait simplement de la longue allée d'épicéas plantés dans la rue, comme dans d'autres d'ailleurs. Si je ne montrais pas, Maman allait tourner à droite dans six cents mètres et j'avais raison. Rien ne changeait réellement à Wolfcreek sauf quand comme mes grands-parents, les gens prennent leurs retraites. Ma grand-mère avait été prof dans le lycée de Wolfcreek et mon grand-père était vétérinaire. J'adorais voir tous les animaux quand j'étais petite, prétextant vouloir faire pareil. Depuis cela avait bien changé même si je n'avais aucune idée de ce que je voulais faire. L'allée était tout de même longue et je pouvais déjà discerner la maison tout au bout du cul-de-sac. Qu'est-ce que j'avais pu en faire du vélo et du roller sur cette route, tellement que je les ai usé. Je reconnus même le banc contre lequel j'avais un jour fait une lourde chute qui m'avait valu un saut aux urgences et qui m'avait laissé une toute petite cicatrice en haut de la cuisse gauche.
- Tu ne leur fais pas la gueule d'accord ? demanda soudainement ma mère.
- À mes grands-parents? Jamais, ai-je répondu.
- C'est sûr que tu es leur petit ange, ajouta ma mère sur un ton assez mièvre.
- Tout de suite..., ai-je rajouté en riant.
La grande maison aux magnifiques murs de bois blancs se faisait déjà bien plus visible, me laissant admirer son étage et son toit pointu. Je pouvais voir également la fenêtre ronde du grenier qui avait abrité l'atelier de peinture de ma mère, loisir abandonné depuis d'ailleurs. Je voyais déjà mes grands-parents sur le perron, ma grand-mère assise sur le banc où je la regardais préparer ses cours pour la rentrée. Mon grand-père était juste devant la porte et regardait vers nous, plaçant sa main pour couvrir ses yeux du soleil. Je remarquai soudainement le petit container à côté de la maison, il devait contenir nos affaires à moi et Maman et nous devrions le vider dans la semaine ; la société de transport venant en effet le récupérer prochainement. J'ai immédiatement appuyé sur le bouton pour faire descendre la vitre et j'ai sorti mon bras pour saluer mes grands-parents.
- Grand-mère ! Grand-père ! On est là !!! dis-je très heureuse de les revoir.
Je vis mon grand-père me saluer et à peine ma mère s'était garée que j'avais filé en quatrième vitesse vers eux. J'ai littéralement escaladé les cinq marches menant au perron avant de serrer mon grand-père dans mes bras.
- Et ben Deb, tu es contente de me voir, me fit mon grand-père.
- C'est clair... Bouge pas Grand-mère, dis-je alors en la voyant essayer de se lever dans son harnais qui devait l'aider à solidifier sa hanche.
Je me suis dirigée vers elle pour la serrer avec certes bien plus de douceur que mon grand-père.
- Ma chérie, fit ma grand-mère en me serrant. Le trajet s'est bien passé ?
- Long mais on est enfin là, fis-je simplement.
Ma mère serrait mon grand-père dans ses bras et j'ai regardé vers la porte pour vérifier si une image de mes souvenirs était toujours là. Et la pancarte était toujours là. Je l'avais faite avec Maman quand j'étais petite, peignant du bois pour écrire ce panneau. J'aimais voir leurs noms affichés : Harriet et Alistair Austen. Ils avaient des prénoms assez anciens mais ils avaient quand même quatre-vingt ans. En effet, ma mère était issue d'une grossesse tardive. Et pour ceux qui se le demanderaient, Grand-père porte bien le nom de famille Austen mais il n'avait absolument rien à voir avec la célèbre auteure britannique Jane Austen. Que de souvenirs qui affluaient en moi que ce soit une petite fille qui déboulait pour accueillir son grand-père avec du chocolat partout autour de la bouche, preuve de sa culpabilité quand elle avait dévoré le stock de brownies ou même encore quand je leur faisais des bijoux en élastiques... Une autre époque en somme.
- Comment va ta mère ? demanda soudainement ma grand-mère attirant mon attention.
J'ai rapidement pivoté ma tête vers elle et, alors que c'était son état physique le plus inquiétant; j'ai découvert le stress naturel d'une mère dans son regard. J'ai rapidement supposé que lors de leurs nombreuses conversations téléphoniques ayant précédé notre venue, ma mère devait avoir l'air anéantie.
- Elle semble encaisser le choc ou alors elle fait bonne figure, dis-je simplement à un volume suffisant bas pour qu'elle soit la seule à pouvoir m'entendre.
Je fus sortie de la contemplation de ma grand-mère par l'arrivée de ma mère qui la serra dans ses bras. L'accolade fut tout de même courte étant donné l'état inquiétant de ma grand-mère et ma mère me fixa.
- Ma puce, on va sortir nos sacs d'accord ? demanda ma mère.
- Bien évidemment, dis-je en attrapant ses clefs de voiture pour foncer vers celle-ci.
Comme souvent, j'ai galéré avec le coffre, la serrure étant assez grippée. Mais rapidement, la portière du coffre fut grande ouverte et j'ai attrapé mon grand sac de voyage qui contenait une bonne partie de ma garde-robe et surtout mon petit linge. Ma mère me rejoignit rapidement pour faire de même et elle se tendit dans le coffre.
- Tiens ton ordinateur, me fit elle en me tendant la sacoche de transport.
- Merci, dis-je en passant la bandoulière sur mon épaule. Euh... C'est le classeur avec nos papiers ? dis-je en attrapant un gros classeur rouge à rivets métalliques.
- C'est important, y a ton dossier scolaire dedans, me fit ma mère.
- D'où le poids d'âne mort, grommelai-je en le soulevant.
- Le poids d'une vie, grommela Maman discrètement.
- Je sais..., marmonnai-je en retour.
Mon grand-père, encore assez fringuant, aida à embarquer quelques sacs contenants des souvenirs et un peu de nourriture. Le plus gros était toujours contenu dans le gros container comme nos lits et tout le reste du bordel mobilier.
- Ça ira Debrah? demanda mon grand-père. C'est pas trop lourd?
- T'en fais pas, même si je mesure un mètre cinquante sept et que je ne pèse pas lourd, je ne suis pas en sucre, ai-je rétorqué mesquine.
- Je vois..., fit mon grand-père en souriant. C'est vrai que tu as quand même bien grandi.
- Pas des masses au final, dis-je en riant.
Portant presque la moitié de mon poids en bagages, j'ai avancé comme je pouvais vers l'escalier du perron.
- Fais attention, me signifia ma grand-mère. Ne vas pas tomber.
- Ça ira..., dis-je en grommelant en montant les marches. La vache... J'ai trop de fringues.
- Si cela signifiait un arrêt total des séances shopping, m'asséna ma mère derrière moi.
- Sûrement pas! dis-je en riant pendant que ma grand-mère ouvrait la porte.
Je me souvenais étrangement de la disposition de la maison de mes grands-parents même si j'étais beaucoup plus petite la dernière fois. La porte s'ouvrait toujours sur le couloir de l'entrée avec ses deux portes à gauche. La première devait toujours être un petit placard pour poser bottes et manteaux tandis que la seconde comportait des toilettes avec lavabo pour les invités. Normalement une troisième porte se trouvait à gauche, celle du cabinet de vingt-sept mètres carrés, à peu près six par quatre, qui donnait également sur une véranda censée être la salle d'attente du cabinet vétérinaire. À la droite du couloir se trouvait normalement une double porte qui menait sur un grand espace de vie de cinquante trois mètres carrés, un salon ancien, une salle à manger où on pouvait se faire des réveillons à plus de douze convives et une grande cuisine ouverte, toujours très moderne par rapport à la maison. Normalement il y avait également un escalier que je pouvais voir avec une porte menant à un sous-sol qui servait également de buanderie mais également une dernière porte, une chambre d'amis de dix-sept mètre carré avec une toute petite salle de douche. Je me souvenais également que l'escalier menait à l'étage avec deux chambres et une salle de bain. Celle de mes grands-parents faisait près de vingt mètres carrés avec un dressing et une salle de bain privative. Il y avait forcément la chambre de Maman durant son adolescence, de près de quinze mètres carrés.
- Je prends la chambre d'amis ? demandai-je en manquant de peu de me vautrer comme une merde sur le beau parquet sombre qui dénotait avec les murs couleur taupe.
Ma grand-mère se mit à rire comme mon grand-père d'ailleurs et je me demandais bien pourquoi.
- Ma puce, depuis mon accident, nous dormons au rez-de-chaussée, me fit alors ma grand-mère.
- Nous avons transformé mon ancien cabinet en chambre avec salle de bain, précisa mon grand-père.
- Ce qui n'explique pas pourquoi vous vous marrez, ai-je alors précisé légèrement vexée je dois bien l'avouer.
- C'est moi qui vais prendre la chambre d'amis ma puce, précisa ma mère.
- Ok..., dis-je avant de réfléchir un instant.
- C'est l'ancienne chambre de ta mère qui a été transformée en chambre d'amis, précisa ma grand-mère.
- Une seconde, dis-je assez enjouée. C'est moi qui vais occuper la piaule gigantesque avec le dressing ?
- La piaule... Les jeunes, grommela mon grand-père.
- Ho putain le kif!!! dis-je trop heureuse. Une salle de bain royale et un dressing !!!!
- Deb... Ton langage, m'engueula encore ma mère.
- Tout compte fait, le shopping n'est pas fini! dis-je complètement euphorique avant d'entamer l'ascension de l'Everest à savoir l'escalier.
J'étais très heureuse d'occuper seule l'étage, c'était royal. Immédiatement j'ai traversé le couloir me dépatouillant comme je le pouvais avec mon sac. Il était tellement lourd qu'au final je l'ai jeté au sol et je le poussais du pied. Bon gré mal gré, j'ai réussi à arriver devant la porte et je l'ai ouverte pour admirer mon domaine. Il n'y avait pas grand-chose pour l'instant, mes affaires étant toujours dans le container. Je regardai attentivement le matelas gonflable qui avait été installé provisoirement et je me demandais si c'était confortable. Désireuse de le savoir, je me suis laissée tomber dessus lourdement et ce n'était pas si inconfortable. J'en ai alors profité pour déballer le matériel informatique et je l'ai immédiatement mis en charge près du lit pour démarrer mon ordinateur.
- Magne toi putain... Je veux de la musique, dis-je en grommelant pendant qu'il démarrait. Ha ben quand même...
Et à peine quelques secondes plus tard, Gayle résonnait dans ma chambre pendant que j'ouvrais ma valise, déversant son contenu au sol. Il faut reconnaître que j'étais du genre bordélique. J'ai rapidement échangé mes baskets contre des tongs bien plus confortables et j'ai commencé à sortir mes vêtements. Ma mère aurait eu honte de voir que j'avais tout rangé presque en boule dedans et je prenais mon pied en prenant possession du dressing. Soudain, une idée diabolique me saisit et j'ai sorti mon téléphone pour un petit appel vidéo. Rapidement, l'écran afficha la tête blonde de mon amie Josie.
- Hey Deb!!! Comment va? demanda mon amie en souriant.
- Ça semble aller, j'ai débarqué à Plouc ville, lançai-je alors en la regardant. Tu es chez toi? Un samedi après-midi ?
- Ma mère m'a chopée avec un joint dans ma piaule, fit mon amie en haussant les yeux.
- Je t'avais dit de faire gaffe ma grande, ai-je rétorqué en riant.
- Alors? C'est comment ? demanda mon amie qui savait que la maison était grande.
- Attends, je te passe sur l'autre caméra, dis-je en joignant le geste à la parole. Tadam!!!
- Putain de bordel de merde!!! hurla mon amie. C'est ta piaule ça ? Mais merde c'est deux fois plus grand que l'ancienne.
- Et t'as pas tout vu, lançai-je en me déplaçant. Mate moi ce putain de dressing!!!! Je vais en stocker des fringues !!!
- Mais t'as du cul toi, me lança mon amie d'enfance. Et si tu as une salle de bain privée je te jure que je débarque à Wolfsburg.
- C'est en Allemagne ça nunuche, c'est Wolfcreek, l'ai-je corrigée avant d'ajouter une réplique. Bah tu débarques quand ?
J'avais marché jusque la salle de bain et j'ai entendu un cri incroyable de mon amie. Une vasque magnifique en marbre ainsi qu'une grande douche à l'italienne et, pour couronner le tout, une baignoire à remous. La maison était certes vieille mais mes grands-parents adoraient le confort et c'était moi qui allait profiter de tout ça.
- Rhaaaa putain... Dire que j'ai qu'une petite douche minable, ajouta mon amie.
- Et oui... Je vais me prélasser tout le reste de l'été, ai-je avoué.
- Veinarde... Mais ça va ta grand-mère ? demanda tout de même mon amie.
- Petite mine mais contente de nous voir, ai-je répondu.
- N'empêche avec une piaule pareille il y a de quoi s'éclater, me lança Josie.
- Haha... Et avec qui? Les bouseux du coin ? demandai-je choquée.
- Bah quoi ? T'as jamais vu l'amour est dans le pré version Canada ? Les bûcherons ont de ces muscles !!! fit-elle adorant toujours les mecs bien baraqués.
- Je crois que je risque surtout de croiser les péquenauds consanguins de la région, marmonnai-je.
- Bah... Y a peut-être des beaux mecs..., marmonna mon amie.
- Ouais mais vu le dernier connard qui m'a pelotée, je suis pas pressée, dit-elle.
- T'es douillette aussi, me fit Josie en riant aux éclats.
- Tu kiffes de te faire pincer les tétons toi peut-être ? ai-je grommelé.
- Euh... Non... Mais il imaginait que les cheeleaders sont des filles faciles, me sortit Josie.
- Ben il a fait ceinture ce con, lançai-je à la cantonnade. Au fait j'ai vérifié.
- Quoi? demanda Josie surprise.
- Y a bien des cheerleaders qui dont des compétitions dans ce bled pourri, répondis-je.
- Et tu vas essayer ? demanda Josie au cas où.
- Ben ouais... J'adore ça j'y peux rien, dis-je alors. Mais ils encouragent principalement une équipe de Lacrosse.
- Hey les mecs sont aussi musclés qu'au football non? insista Josie.
- Normalement ouais c'est aussi physique, mais franchement je préfère m'intégrer avant de chercher un mec, ai-je assuré.
- Tu verras peut-être de grosses crosses, ajouta Josie en plein fou rire.
- T'es tordante, grommelai-je. Peut-être que je devrais me laisser pousser la pelouse, ajoutai-je encore pour la faire rire.
- Bah ils broutent peut-être le gazon? insista encore mon amie.
- Ouais comme les mouflons du coin, dis-je riant également de la situation.
Je suis alors sortie de la salle de bain en regardant mon écran avant de me figer. Mon grand-père était dans l'encadrement de la porte et semblait ne plus savoir où se mettre.
- Jo... Je te rappelle, dis-je alors en raccrochant rapidement.
- Désolé de te déranger pendant ta conversation, marmonna mon grand-père.
- T'es là depuis longtemps ? demandai-je légèrement inquiète.
- Je... Disons que le monde évolue trop vite, marmonna mon grand-père.
Cela signifiait qu'il avait entendu des choses qu'il aurait préféré ne jamais savoir. Préférant le rassurer que de laisser un grand-père totalement traumatisé, j'ai pris la parole :
- Tu sais Grand-père, c'est juste du délire entre copines, rien de sérieux, ai-je argumenté.
- Ha... Ok, fit-il extrêmement rassuré. J'espère que le lit te conviendra..., marmonna mon grand-père en regardant le désordre déjà foisonnant.
- Je m'installe juste... Je vais ranger, l'ai-je rassuré. Et ça ira le temps de monter le lit.
- Tant mieux... Et... Comment tu vas? demanda mon grand-père.
J'ai regardé mon grand-père attentivement et il était assez évident qu'il ne parlait pas de ma santé.
- J'encaisse... C'est vraiment un connard, grommelai-je encore.
- Je vois... Et venir ici? Je sais que ce n'est pas une grande ville..., murmura presque mon grand-père.
- T'inquiètes je m'accomoderai bien à Pl... Wolfcreek, dis-je en me rattrapant de justesse.
- J'espère, tu verras les gens sont sympas dans le coin, m'assura mon grand-père qui avait dû entendre mon point de vue sur les péquenauds locaux.
- Sans doute, fis-je en haussant les épaules. Tu venais juste pour me demander cela?
- Ben en fait, avec ta grand-mère on voulait te faire un petit cadeau, me dit-il alors.
- Hein? Bah... Pourquoi ? dis-je légèrement stupéfaite.
- Pour ta rentrée au lycée de Wolfcreek... Tu descends ? demanda-t-il.
- Euh ouais j'arrive, dis-je simplement.
J'ai suivi doucement mon grand-père dans l'escalier et vers la porte. Je me demandais bien pourquoi je devais sortir pour mon cadeau. J'espérais un nouveau téléphone ou une tablette plus récente, la mienne ayant fait une malheureuse rencontre avec une bouteille de bière lors d'une soirée avec Josie, ma mère ignorant le dernier détail. Nous avons ensuite longé la façade et j'ai réalisé que l'on se dirigeait vers la dépendance qui servait de garage. Je pouvais voir ma mère et ma grand-mère, aidée d'un déambulateur avais-je noté, patientant tranquillement devant la grande porte digne d'une grange. Je me suis mise à trépigner d'impatience, ravie de ce qui se préparait. Je n'étais pas très superficielle même si je me donnais ce genre là avec mes copines mais avoir ma propre voiture, c'était la classe.
- Il fallait pas franchement, dis-je alors assez fort pour qu'ils m'entendent.
- Tu pourras t'en servir pour sortir toute seule, me fit ma grand-mère.
- C'est génial, dis-je alors toute contente.
Mon grand-père ouvrit immédiatement la grande double porte de la grange faisant office de garage et j'ai découvert un gigantesque pickup bien monstrueux. Je me suis figée d'étonnement, un si gros véhicule pour moi alors que la dernière fois que j'avais touché à la Ford Fiesta, j'avais défoncé la boîte aux lettres dans une marche arrière légèrement loupée. Avec ça je pouvais carrément emboutir une voiture sans avoir une griffe.
- Wahou !!! dis-je en admirant le pick-up. Franchement c'est énorme !!! Mais c'est pas un peu dur à garer?
J'ai alors surpris le regard étonné de mon grand-père qui me fixait en se sentant visiblement idiot. J'ai tourné mon regard vers ma grand-mère et ma mère et visiblement je m'étais bien trompée.
- Le pickup est à moi, me fit simplement mon grand-père. Pour toi, j'ai fait restaurer ce que ta mère prenait pour aller au lycée, ajouta-t-il avant d'entrer dans la grange.
Déjà, j'étais dégoûtée. Je m'étais bien imaginée au volant du monstre mécanique. Le pire fut alors la suite, quand mon grand-père sortit un petit scooter vespa bleu électrique. Il semblait fier de lui en tout cas.
- C'est pour moi? demandai-je méfiante.
- Il est en parfait état, m'assura mon grand-père très heureux de son effet. Et si tu veux changer de couleur, le garagiste veut bien le faire gratuitement.
Mon grand-père posa presque le scooter à mes pieds et je regardai cet engin d'un autre âge d'un air perdu. Et là, mon grand-père me posa un casque de la même couleur entre les mains.
- M... Merci, dis-je presque choquée.
- J'espère que tu seras prudente, m'assura mon grand-père. Mais comme ça, tu pourras aller et venir.
J'ai regardé mon grand-père en souriant gentillement pour qu'il ne voit pas mon désarroi. J'ai regardé discrètement vers ma mère qui semblait un peu gênée. Moi aussi je trouvais cela gênant. Je me suis demandée si mon grand-père ne me prenait pas pour Tessa au tout début d'After. Il voulait aussi que je porte des couettes et des robes longues à col claudine ? Je devais passer mes soirées à réviser ou à lire la Bible en faisant une jolie prière pour que les péchés de la chair ne me tente pas ? Foncièrement, il voulait ma mort? Déjà je serai la nouvelle du lycée et dans ce genre de patelin j'allais attirer tout les regards, mais si je me pointais au lycée sur ce scooter façon Dolce Vita les gens allaient se foutre de ma gueule. J'allais être un sacré sujet de moquerie moi... C'était clair, mon enthousiasme était retombé comme un vulgaire soufflé. C'était officiel, je détestais déjà Wolfcreek mais j'ignorais encore que cette ville me réservait bien des surprises assez particulière... Mais ce n'était que le début de mon histoire étrange.