The Dark Love (& Matt le jukebox)

Chapitre 36 : Souvenirs cachés ooOoo Le prix à payer ooOoo (épilogue)

Chapitre final

1074 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 22/12/2023 11:36

Souvenirs cachés – épilogue



ooOoo Le prix à payer ooOoo


Mot de l'auteure : à l'origine, j'avais appelé ce chapitre "les limbes", car seuls les morts connaissent la vérité. Cet ultime chapitre est le seul avec Artus pour narrateur. Merci de m'avoir lu jusqu'au bout

 

ooOooOoo


 

Je t’ai menti une fois…

 

Son casque sur la tête, Artus suivait des yeux les mouvements de Matt torse-nu dans la pièce, sa propre voix résonnant dans ses oreilles, accompagnée du chœur des milliers de spectateurs chantant avec lui leurs chansons favorites. La préférée d’Artus, c’était « Ces mots-là ».

 

Il appuya discrètement sur pause depuis l’écran tactile. Aucun son ne sortait de sa bouche, mais dans son esprit il parlait à Matt, ça lui arrivait souvent, le soir, quand ils se retrouvaient en tête à tête. Il était rarement en panne de réplique cinglante ou de blague, mais il avait arrêté les discussions intimes et les aveux de vulnérabilité depuis son dernier divorce. Son égo avait assez souffert à l’époque, il y avait pourtant encore beaucoup à dire.

 

Je t’ai menti une fois. Une seule et unique fois depuis que l’on se connait. Je savais que tu aimais les garçons, tu n’avais pas besoin de me le préciser, encore moins en sous-entendant que tu avais peur que je sois homophobe, merci bien ! Je l’avais compris à la façon que tu avais de me regarder. Sans parler de tes sous-entendus glissés l’air de rien, comme terminer la compil que tu m’avais offert pour Noël par Somethin’ Stupid de Sinatra. D’ailleurs, quand tu as commencé à me dire : « Au fait, j’aime les garçons », j’ai cru que tu allais m’avouer tes sentiments. J’ai paniqué l’espace d’une seconde, quel crétin je fais… Tu n’aurais jamais pris un risque pareil. Tu as toujours été le plus malin, le plus intelligent et le plus prudent.

 

Non je ne t’ai pas menti quand je t’ai affirmé que ça ne me dérangeait pas, ça ne me dérange vraiment pas. Je peux chanter des chansons gays, je m’en fous. Tu peux poser tes mains sur mon torse et me pouponner comme une maman, ça ne me dérange pas non plus. Même la fois où tu m’as peloté les fesses, je m’en foutais. J’ai cru qu’avec le temps, tu passerais à autre chose… J’étais jeune et naïf, insensible aussi. J’ai cru que tu finirais par trouver un petit ami, ou que tu finirais par arrêter de ghoster ce pauvre Cyk. Mais ce n’est jamais arrivé.

 

Je t’ai menti quand je t’ai fait croire que je n’ai jamais pensé à m’en aller. Je sais que tu étais saoul, mais c’est justement parce que tu étais saoul que la vérité est sortie de ton cœur. Entre le savoir et l’entendre, il y a une différence, alors ton je t’aime… Il m’a bien mis mal à l’aise. On se connaissait depuis six ans, quasiment sept, et tu étais toujours amoureux de moi au bout de sept ans. J’ai compris cette nuit-là que cela ne changerait plus, ni au bout de quatorze ans, ni au bout de vingt-et-un.

 

Ça ne pouvait pas continuer ainsi. Je pensais à toi, à ton bien-être… Il aurait mieux fallu pour toi que je m’en aille, que tu m’oublies, que tu n’entendes plus jamais le son de ma voix, que tu fasses ta vie avec quelqu’un au lieu de t’accrocher à moi comme tu l’as fait, à te faire du mal pour rien.

 

Oui, je voulais m’en aller, oui j’allais t’abandonner, mais je n’ai pas pu m’y résoudre. Parce que pour tout le reste, je ne t’ai pas menti : j’ai besoin de toi. Plus que tu ne le crois, plus que tu ne peux le ressentir, et cela n’a rien à voir avec la musique. Quand je me suis imaginé tout seul, loin de toi, je ne l’ai pas supporté. J’ai peur sans toi. Sans ta force, sans ta confiance, sans ton affection… J’ai peur du vide.

 

Je t’aime. Pas comme toi tu m’aimes, pas comme tu voudrais que je t’aime, mais je t’aime quand même. De tout mon cœur, de toute mon âme, je t’aime, et je n’aime personne plus que toi. Personne.

 

J’ai pris la décision de rester, même si je savais qu’il y aurait un prix à payer… Le prix à payer, c’est la culpabilité : je m’en veux. Je m’en veux d’être resté par pur égoïsme. Je m’en veux de ne pas t’aimer comme il le faudrait et de ne pas être à la hauteur de ton amour. Le prix à payer, c’est d’être malheureux avec les femmes. Je suis malheureux parce que j’ai compris que je n’aimerai jamais aucune d’entre elles autant que je t’aime toi, alors que je le voudrais, juste pour avoir une vie normale. Le prix à payer, c’est de chanter ma cruauté à la face du monde et d’être acclamé pour ça, comme un beau salopard hypocrite, et je dois me regarder dans la glace tous les matins en me disant que je ne suis qu’un imposteur. Le prix à payer, c’est de deviner tout ce que tu penses malgré ton sourire de façade et de souffrir avec toi. Le prix à payer, c’est de cacher cet amour que je ne comprends pas, et que je ne comprendrai sans doute jamais.

 

Matthieu vint s’asseoir de son côté du lit, Artus retira ses écouteurs.

 

Je me fiche bien du prix à payer. Je culpabilise encore, mais si je devais remonter le temps et refaire un choix, je referai le même. Je referai toujours le même, parce que je t’aime… Parce que tu es Matt le jukebox, et que je t’aime.

 

Artus se tourna vers Matt, il avait une drôle d’idée en tête, mais il devait lui demander.


Laisser un commentaire ?