The Dark Love (& Matt le jukebox)

Chapitre 14 : Souvenirs éparpillés ooOoo Mate le jukebox ooOoo

4323 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/08/2023 12:10

ooOoo Mate le jukebox ooOoo

                                                                                    

 

Les souvenirs de cette nuit-là sont flous. Artus n’a pas voulu me redonner les détails. C’est pt’être pas plus mal d’ailleurs…

 

Je ne stresse pas facilement, mais là on parlait de « The Best », le concours musical le plus en vogue à l’époque, suivi en streaming par des millions d’internautes et diffusé sur une chaîne de télé internationale. Si on gagnait ce concours, notre carrière allait décoller, on n’allait pas juste se faire de la pub ou chopper un salaire décent, on allait entrer dans la cour des grands et toucher du doigt les plus grosses stars pop-rock du moment.

 

Pour la première fois de ma vie, j’ai ressenti une vraie appréhension, je voyais le gouffre devant moi. J’avais toujours eu une confiance totale dans mes capacités, dans mon talent et dans celui d’Artus. J’avais recruté Cyk et Coco parce que je savais qu’ils étaient bons et qu’on pouvait compter sur eux. Ils étaient fiables, et ils m’obéissaient au doigt et à l’œil en plus. Mais l’enjeu était trop grand pour que mon assurance légendaire reste inébranlable. On pouvait perdre, on pouvait se planter… JE pouvais me planter.

 

J’étais tendu de base, dès ma descente de l’avion, quand j’ai aperçu à l’horizon la jungle des buildings illuminés et des néons arc-en-ciel. J’ai réussi à donner le change jusqu’à ce que je les voie débarquer dans le grand auditorium avec les autres groupes qualifiés, après la première vague de sélection à l’aveugle. Je ne savais pas qu’ils étaient là… Jessica, Jane, Fry et, bien entendu, Scott.

 

J’étais resté en contact avec Scott, on s’envoyait des messages de temps en temps. Il n’était jamais super loquace, et tout comme nous, il avait signé une clause de confidentialité qui l’empêchait de parler à quiconque de « The Best » tant que la première émission révélant les candidats n’avait pas été diffusée.

 

Un an s’était écoulé depuis l’Alpha & l’Omega. Les Train Twins m’en voulaient toujours à mort pour le coup que je leur avais fait : voler la chanson de Scott et avec elle la première place au concours de talents. Depuis, les jumelles avaient pris les choses en main, elles apprenaient de leurs erreurs. Scott jouait avec elles maintenant, Jessy savait exploiter son talent efficacement, comme je le redoutais.

 

Grâce à lui, leur groupe avait beaucoup gagné en notoriété en quelques mois. Leur nombre de followers avait grimpé en flèche et ils arrivaient enfin à pondre des chansons dignes de Jessy et de sa voix de sirène. C’était un peu pareil pour nous : en plus de la première place au concours, la « Déclaration d’Amour » de Scott avait fait exploser notre compteur de views sur YouTube. Aucune de nos précédentes chansons n’égalait celle-là. Notre nombre de fans, déjà pas dégueu à l’époque de Mate le Jukebox, avait plus que triplé.

 

J’étais jaloux des jumelles… Et le mot est faible. Je les haïssais toutes les deux.

 

Jessy, je la détestais parce qu’elle m’avait piqué ce diamant brut que j’avais découvert par hasard lors de notre croisière sur le Nymphéa. Scotty, c’est moi qui l’ai vu en premier, moi et moi seul. Elle, ma rivale, elle n’avait rien grillé, alors qu’il était sous son nez depuis des mois ! Pourtant je l’admirais encore, je savais qu’elle était comme moi : une musicienne talentueuse avec un esprit audacieux. Elle n’avait pas ma… Subtilité, mais elle était aussi autoritaire que moi, et elle faisait faire ce qu’elle voulait à Scott. Sa présence me grisait toujours autant, j’avais envie de me surpasser, de la vaincre, de faire mieux qu’elle.

 

Par contre sa sœur… Sa maudite garce de sœur… Désolé Jane. Je la haïssais de toutes les fibres de mon corps, putain de merde ! Si elle n’avait pas été là, j’aurais réussi à recruter Scotty. Ce n’est pas Jessica, avec son caractère effroyable, et son acolyte play-boy des bacs à sable qui auraient réussi ou même eu envie de le retenir. Quoi qu’il en dise sur leur amitié à tous les quatre, bien sûr qu’il était resté pour Jane, juste pour elle, parce qu’elle avait de l’influence sur lui. Et pour plaire à Jane, il faisait tout ce que Jessy lui demandait.

 

J’ai senti que j’allais déraper quand j’ai compris qu’ils étaient enfin en couple. Toujours collés l’un à l’autre, elle passait son temps à effleurer ses mains, son ventre, ses cuisses, ses fesses et son… Rah ! À la façon dont il la regardait, je savais qu’ils couchaient ensemble. Fini le temps de l’amoureux transi et des enfants sages, elle tenait Scotty par la bite. Deux p’tits gamins à peine matures et ils folâtraient sous mon nez. J’en avais la nausée. Ça m’a donné un avant-goût de ce que j’allais ressentir quand Artus allait se lancer dans des relations sérieuses avec des femmes. Jusque-là, à part des coups d’un soir et des amourettes futiles de lycéens, il n’avait rien connu d’autre. De fait, moi, je n’avais jamais ressenti une telle aversion, une telle douleur… J’avais mal, tout simplement.

 

J’ai donné le change devant Jessy, Scott et les autres candidats. Show must go on, ouais ! Mais j’ai pas pu tenir très longtemps, parce qu’en plus de cette idylle de merde qui me faisait chier, je sentais les problèmes se pointer à l’horizon.

 

On a passé la deuxième épreuve finger in the nose. À ce stade, il y avait encore pas mal de groupes médiocres, et on nous avait d’ores et déjà annoncés favoris sur les réseaux sociaux. J’avais un plan, un plan que je croyais bien ficelé, mais mon équation était faussée parce que Scott avait changé de camp.

 

Je comptais utiliser sa « Déclaration d’amour » pour la finale, si on arrivait jusque-là. Sauf que ça n’allait pas être possible : le règlement n’autorisait pas un auteur ou un compositeur à travailler pour deux groupes concurrents. On avait déjà utilisé une chanson de Scotty pour la sélection. Il n’a rien dit aux jumelles, ni au jury. À l’époque, j’avais que l’accord verbal de Scotty, pas les droits officiels sur ses chansons. On s’comportait tous encore comme des amateurs, de la foutue bleusaille. Je croisais les doigts pour que ça ne nous pète pas à la gueule au mauvais moment, surtout que vu comment tournait la compétition, j’étais persuadé qu’on allait se retrouver en finale face aux Train Twins. Je m’en arrachais les cheveux…

 

Un soir, au bar de notre hôtel, j’ai descendu tout seul une demi-bouteille de whisky. Je pense que je serais allé jusqu’au fond si Artus n’était pas venu me chercher. Je n’avais pas peur du coma éthylique, j’étais dans un état second avant même d’avoir bu mon premier verre.

 

J’arrêtais pas de penser à Scott. J’avais l’impression que j’avais fait une erreur stratégique quelque part. J’savais pas où, mais je l’avais faite, et j’avais entrainé mes amis avec moi dans ma connerie. Si je tombais, Cyk, Coco et Artus tomberaient aussi. Scott aurait des problèmes, encore, par ma faute. Et puis cette salope qui le tripotait du matin au soir, ça me rendait malade ! Tout se mélangeait dans ma tête : la raison, les sentiments, les souvenirs, l’avenir, le concours, Scott, Artus, les gars…

 

Je crois qu’on m’a forcé à me lever de mon tabouret, j’ai tangué je ne sais pas trop combien de temps. Je ne sais pas c’que j’ai dit au barman et à Artus. Ensuite un flash et hop ! Je me suis retrouvé dans l’ascenseur avec Artus. Je ne sais pas non plus si j’ai croisé d’autres gens ou si j’ai fait des trucs chelou, c’est bien possible vu comment Cyk et Coco étaient gênés le lendemain matin.

 

Re-flash : couloir et moquette rouge. Ce passage-là par contre je m’en souviens assez bien. Je l’ai tellement ruminé, avant qu’il ne se produise et après aussi… J’étais adossé au mur, Artus en face de moi, je le voyais dans une sorte d’aura bizarre.

 

— Je t’aime…

— Arrête, on en a déjà parlé.

— Et je l’aime…

— Tu te fais du mal pour rien. Scott n’est pas plus gay que moi. Matt, je sais que c’est difficile, mais tu es notre leader, si tu flanches, on va tous flancher aussi.

 

Je lui ai agrippé le cou et je l’ai embrassé de force. Je l’ai tout de suite regretté, avant même qu’il me repousse et me foute son poing dans la gueule. Son coup ne me faisait de toute façon pas aussi mal que mon cœur brisé.

 

— Merde Matt, arrête ! Je ne suis pas gay, d’accord ? Ne refais jamais ça ! gronda Artus.

 

C’était évident qu’il rêvait de me coller une deuxième baigne. J’étais ivre, mais pas au point de ne pas capter ça. Les mâles hétéros et leur virilité blessée… J’ai jamais compris ça. En quoi c’est humiliant de se faire embrasser par un autre mec, alors qu’ils fantasment sur deux nanas qui se bécotent en se caressant les parties intimes ?

 

Artus était vénère, mais dans sa loyauté sans faille, il m’a hissé sur son épaule et m’a trainé jusqu’à mon lit. Il a enlevé mes chaussures et m’a bordé comme un bébé, couché sur le côté au bord du lit pour éviter que je ne m’étouffe dans mon vomi. Je me sentais tellement naze, une pauvre merde incapable de se gérer toute seule. J’avais besoin de Cyril pour me guider, j’avais besoin d’Artus pour exister, j’avais besoin de Jessica pour me motiver, j’avais besoin de Scott… Scotty… C’est le plus gros, nan, en fait c’est le seul, échec de ma vie.

 

J’ai été mal pendant plusieurs jours. Artus était distant, c’était jamais arrivé avant, et c’était méga angoissant. Pour un moment de faiblesse de merde, j’allais perdre mon meilleur ami. Je ne vis que pour la musique, mais elle n’a de sens que s’il est là pour la partager avec moi.

 

J’ai complètement occulté Scott quand j’ai commencé à baliser à l’idée de perdre Artus. Tout, tout mais pas ça : pas mon Artus.

 

La troisième manche du concours approchait. Après chaque répétition je me retenais de me saouler la gueule encore une fois. Les idées noires étaient de plus en plus envahissantes, je me suis même demandé si le plus simple n’était pas d’en finir définitivement. C’était lâche, mais je préférais la mort à l’échec, et sans Artus, j’allais forcément échouer.

 

Coco et Cyk étaient inquiets, ça se voyait. Ils attendaient qu’Artus réagisse et s’occupe de moi, mais il semblait bloqué. Il ne savait plus quoi me dire, ni comment m’aborder. Cyril a dû prendre les choses en mains. Des fois, j’me demande ce qu’on ferait sans lui, sérieux…

 

La répétition était finie. Sans un mot et sans un sourire, Artus était parti se laver. Coco avait besoin de prendre l’air. Il est allé se faire une balade loin des studios, et loin de nous surtout. Il ne restait plus que Cyk. Je voulais continuer de m’entrainer un peu tout seul. Jouer de la guitare en solo diminuait un chouia mes ruminations. J’attendais que Cyril se casse, mais il est resté.

 

— Artus m’a raconté ce qui s’est passé.

— Ouais… C’est pas glorieux hein ? répondis-je avec un sourire forcé et honteux.

— Il s’inquiète pour toi. Moi aussi. Et Coco aussi.

— J’sais bien.

— Si tu veux, on peut se prendre un peu de temps tous les deux pour faire le tour des boîtes gays du coin. Je te servirai de faire-valoir.

 

J’ai dû réprimer un rire cynique.

 

— J’suis pas en manque de sexe Cyk, j’suis en manque d’amour. Je voudrais juste aimer quelqu’un et être aimé en retour. Artus n’est pas gay, Scott non plus, toi et moi ça n’a pas marché… J’en ai marre d’être seul.

— T’es pas seul, t’as juste pas d’amoureux, c’est tout.

— C’est ce qu’on appelle être seul.

— Eh, on est là tous les trois, et on ne compte pas pour du beurre j’te signale. Va parler à Artus. Crève l’abcès une fois pour toute. Et si tu te sens toujours seul après, tu sais où est ma chambre.

 

Il m’a brièvement caressé la nuque. C’était toujours pareil avec Cyk, mi-figue, mi-raisin, moitié affectueux, moitié coup de botte dans le derch. Il comptait sur moi, ils comptaient tous sur moi, depuis le début et comme toujours, ils comptaient sur moi. C’est ça être le chef.

 

Je me suis levé, décidé, et j’ai cherché Artus. Je l’ai trouvé dans sa chambre d’hôtel. Depuis le couloir je l’entendais faire ses vocalises. J’ai fermé les yeux et j’ai posé ma tête contre la porte. J’ai attendu un long moment avant de frapper. J’sais plus trop si j’avais la trouille – sans doute – ou si j’écoutais sa voix merveilleuse – sans doute aussi.

 

Pendant ses exercices, il m’arrivait de poser ma main sur son thorax pour sentir les vibrations de ses cordes vocales et vérifier son souffle lorsqu’il chantait. C’était professionnel, il se laissait faire. Ce contact était précieux pour moi, il représentait tout ce que je ressentais pour lui : l’estime, l’amour, la fascina­tion, mon besoin maladif de prendre soin de lui… À mes yeux, et malgré tous ses défauts, il est ce qui se rapproche le plus de la perfection. La gorge nouée, j’ai regardé ma main, comme si elle était condamnée à ne plus jamais se poser sur lui.

 

J’ai fini par toquer à la porte. Il a ouvert, j’suis convaincu qu’il savait que c’était moi avant de tirer sur la clenche. Son regard était dur, mais il ne m’a pas regardé très longtemps. Il s’est poussé pour que j’entre dans la pièce. Après avoir refermé la porte, il a attendu en se tenant loin de moi.

 

J’avais jamais eu besoin de m’excuser sincèrement et platement de quelque chose. Tant mieux, ça fait trop serpillère. Sauf là. J’avais déconné à plein tubes, je devais me mettre à genoux et le supplier de me pardonner, métaphori­quement parlant bien sûr, même si ça m’a vite fait effleuré l’esprit de me jeter à ses pieds, c’était pas la bonne approche.

 

— J’te demande pardon. J’étais bourré. Ça excuse que dalle, mais j’aurais jamais fait ça en temps normal. Ce concours me fout la pression… C’est une sensation que je ne connais pas, alors je ne sais pas comment la gérer.

 

J’ai glissé mes deux mains dans mes poches arrière de pantalon. Il me toisait sans rien dire, oh bordel c’que c’était oppressant !

 

— Faut que tu saches : t’es plus que mon meilleur ami, t’es ma raison de vivre. Je n’suis pas aussi costaud que j’en ai l’air, à force de faire semblant, je dépasse mes limites parfois…

 Je sais tout ça Matt, soupira-t-il.

 

J’ai détesté ce soupir, il m’a fait paniquer.

 

 Je déconne pas ! J’ai besoin de toi. Ne serait-ce que pour travailler déjà. Je te promets de n’plus déraper, mais ne me lâche pas. Artus… Mon frère, je t’en prie…

 Arrête ! Ne dis pas un mot de plus, bon dieu !

 

Artus s’est jeté sur moi, il m’a pris dans ses bras et il m’a serré contre lui, plus fort que jamais.

 

— Tu es ce que j’ai de plus important au monde. Comment tu peux croire une seule seconde que je vais t’abandonner ?

 

J’ai fermé les yeux pour ne pas me mettre à pleurer. Je l’ai enlacé de toutes mes forces à mon tour. Je savourais la fermeté de son corps contre mon buste, la douceur de sa main droite posée sur mes cheveux et la chaleur de sa joue contre la mienne. C’était le meilleur câlin de ma vie.

 

— J’ai plus besoin de toi que tu n’as besoin de moi.

— Ça m’étonnerait.

— Bien sûr que si. Sans toi je serais en train de chanter les Noces de Figaro dans une tenue ridicule !

— Tu peux pas comparer mon malaise existentiel avec des culottes bouffantes…

— Si, je sais bien que si tu as peur de me perdre, c’est simplement parce qu’il n’y aura plus personne pour faire tes nœuds de cravates.

— Arrête de me vanner… Je suis fatigué.

 

Je riais de soulagement. Il m’a relâché pour pouvoir me regarder dans les yeux.

 

— À chaque fois que tu m’embrasseras, je te collerai mon poing dans la figure, à chaque fois je te dirai d’arrêter, et à chaque fois je te prendrai dans mes bras, parce que je t’aime Matt. Pas comme tu le voudrais, mais je t’assure que je t’aime quand même. Tu es mon alter-ego, je serais perdu sans toi.

— Moi aussi Artus… lui dis-je avec un sourire ému.

— Si tu dérapes, je te rattrape, si je dérape, tu me rattrapes. C’est comme ça que ça marche.

 

Il a saisi ma main et l’a dressée devant nous en la tenant fermement de manière virile. Il s’est pris pour mon frère d’arme, il était dans le vrai j’crois bien.

 

— À la vie à la mort ?

— Pour le meilleur et pour le pire ? répliquai-je avec un petit sourire en coin.

 

Il a haussé un sourcil. J’étais pas totalement sûr de ma boutade. Il a fini par me sourire. Il a posé son autre main par-dessus la mienne et je l’ai imité.

 

— Pour le meilleur et pour le pire.

 

J’ai plus jamais douté de moi après ça.

 

 

ooOooOoo

 

 

La suite, j’crois que tout le monde la connait déjà. Sans fausse modestie, je peux affirmer que les quarts de finale n’ont été qu’une formalité. J’avais ma « Petite chose » de programmée pour cette épreuve, et elle a fait son effet.

 

En demi-finale, on a affronté les Irish Japanese, pour celles et ceux qui s’en souviennent. La bande à Billy était plus coriace que je ne l’aurais pensé, ils se méfiaient de notre potentiel. Les p’tits Gallois ont sorti le grand jeu folk-rock - violon en prime - et déballé les paroles les plus complexes que j’avais jamais entendues, foi d’petit champion de poésie ! Leur chanson s’appelait « Fatal foudre », une provocation comme je les aime. J’ai misé sur le contraste entre eux et nous, comme ils passaient en premier, j’ai opté en dernière minute pour la version acoustique de « Premières fois », à la place de la version rock, avec Cyk à la guitare – il était aux anges – moi au piano et Artus au chant. Coco est resté en coulisses pour cette fois. C’était doux, épuré. On a montré à tout le monde que l’essence de Mate le jukebox était toujours là, avec une ballade romantique, intemporelle et universelle…

 

Le jury a fini par piger que Scotty avait écrit certaines de nos chansons en plus de celles des Train Twins. La présidente nous a choppés en loucedé dans les coulisses, entre huit yeux, Scotty, Jessy et moi. On s’est pris un pu-tain de savon, mais il était trop tard pour reculer et nous exclure de la compétition. La planète entière attendait avec impatience cette battle grandiose entre les jumelles canons et les beaux gosses de service. Entre les Train Twins et Mate le jukebox avec un « e ».

 

Ne pouvant pas jouer la « Déclaration d’amour » de Scott pour la finale face aux Train Twins, j’ai utilisé le joker que je gardais sous le coude en cas d’extrême urgence : j’ai fait mon coming-out sur scène et on a joué pour la première fois en public « Tout ira mieux demain ». Ça a fait le buzz, comme je le présageais. Une grosse partie de notre succès reposait sur le fait que toutes les femmes étaient folles amoureuses de nous, cette chanson a rabattu les cartes. Les cœurs d’artichauts ont éclaté dans les chaumières et la discrimination positive est venue à notre secours… Bah ouais, il faut être une personne affreusement intolérante et sans cœur pour soutenir une bande de gamins populaires et superficiels face à un pauvre petit homo malheureux au cœur brisé.

 

Ça a permis de remettre les pendules à l’heure avec Jane et Scott. Il a fallu plus de temps à Jessy pour digérer cette nouvelle défaite et qu'elle accepte enfin de collaborer avec nous. Scotty ne m’a jamais posé de question sur « Tout ira mieux demain », mais il a bien compris le message. Il savait désormais l’effet que ça faisait de recevoir une déclaration d’amour en chanson. Il comprenait mieux les sentiments de Jenny, même si le nombre de spectateurs n’était pas vraiment comparable : quelques centaines contre des millions. C’est mon côté grandiloquent.

 

Si Scotty ne m’a jamais posé de question sur cette chanson, les journalistes et les critiques musicaux, eux, ne se sont pas gênés pour le faire. Tout le monde voulait savoir qui était gay dans le groupe : Artus, moi, nous deux ? Après avoir simplement dit devant les caméras du monde entier : je suis gay, j’ai noyé le poisson avec mon verbe habile. J’aime pas trop parler de ma vie – ouais, ok, c’est ironique de dire ça, mais c’est vrai – et Artus non plus. Je suis plutôt un partisan du : séparer l’homme de son œuvre, même si c’est difficile parfois, surtout avec nous, surtout avec mes textes…

 

 

Un groupe de musique, c’est comme un mariage, c’est même plus fort qu’un mariage, et c’est pour le meilleur comme pour le pire. J’aurais bien voulu trouver un chouette gars, un « dix sur dix », pour partager ma vie, sauf que ce gars, je l’avais déjà trouvé. En fait, j’en ai même trouvé trois.

 

Cyk a toujours été là, dans l’ombre. Il m’a ouvert la voie, j’ai compris qui j’étais grâce à lui. Corentin était notre pièce manquante. Sa jeunesse et sa légèreté égayent nos vies, avec lui on a toujours l’impression d’avoir dix-huit ans, même aujourd’hui, en exagérant un peu. Quant à Artus… Je ne serais rien sans mon Artus. Il est mon meilleur ami, mon frère, ma moitié, mon âme sœur et plus encore. Je n’ai pas pu lui passer la bague au doigt, mais je l’aime plus que tout, et cet amour est envahissant… Il est lourd, puissant, opaque…

 

Nous sommes les Dark Love.

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