Cœur sur Papier

Chapitre 8 : Mamy

1019 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 04/06/2022 23:24

Mamy,


J'espère que tout va bien pour toi, même si je t'ai appelée il y a peu de temps et que je viens te rendre visite dans quelques jours seulement !

Il y a quelque chose que je voulais te raconter Mamy, et je n'avais pas envie d'attendre de te voir pour ça, mais en même temps, cette nouvelle mérite bien plus qu'un simple message sur ton téléphone... Alors voilà, cette lettre va tout t'expliquer. Lorsque je t'ai appelée l'autre jour, j'avais vaguement et assez mystérieusement, il est vrai, évoqué un projet qui me tenait à cœur et dont je te parlerais le moment venu, surtout s'il venait à se concrétiser. C'est chose faite, il se concrétise !


Tu vois Mamy, ça fait quelques années maintenant que j'exerce en tant qu'artiste, et que j'en vis bien. Ce que je préfère dans mon métier, et je crois que je te le répète tellement de fois que tu vas le dire à haute voix en lisant mes mots, c'est d’avoir la chance inouïe de pouvoir apaiser un peu le cœur des enfants malades à travers mes dessins ! Je ne cesserai de le répéter crois-moi, car je ne réalise toujours pas que je suis bien parvenu à ce que je fais aujourd'hui. Pourtant, dans les services de pédiatrie des hôpitaux, mes fresques sont tendrement présentées face aux patients, et elles sont maintenant également les leurs.


Pour ma dernière, j'ai voulu tenter un thème champêtre avec un lapin, un écureuil et une chouette qui dansent ensemble, entourés d'éléments sylvestres. J'ai pris beaucoup de plaisir à la réaliser, je t'avais même envoyé une image. J'espère que tu t'en souviens, tu avais même eu du mal à l’afficher sur ton téléphone, mais une fois que tu avais réussi tu étais émerveillée, et j'en suis encore ému.


Ce que je ne t'avais pas dit, c'est que j'y suis retourné quelques jours après pour revoir le rendu final. L'examinant de près, perdu dans mes pensées pendant de longues minutes, je n'avais pas remarqué que deux bambins m'observaient. Un petit bonhomme qui avait un bandana jaune et un pied à perfusion qu'il trainait avec lui, si ce n'était pas lui qui était traîné, ainsi qu'une petite aux cheveux roux qui était couverte de plaques rouges. Ils devaient tous les deux avoir environ cinq ans et me prirent par surprise en m'interpellant. 

 

De leurs grands yeux où miroitaient des éclats d'admiration, je perçus qu'ils prenaient le temps d'apprécier cette ronde dansante que j'avais créée. Quand la petite fille m'a demandé si c'était bien moi qui avais fait « tout ce grand dessin géant », c'est avec un peu de gêne que je lui ai répondu par l'affirmative. Elle poussa une exclamation d'émerveillement en chœur avec le petit à côté d'elle. Ce fut son tour de me désarçonner quand il me demanda, accompagnant sa question d'un geste théâtral, si j'allais également dessiner dans « tout l'hôpital entier ». J'ai alors souri en lui disant que non, les dessins ne sont que dans les endroits où sont les enfants. En croisant les bras, abordant un air boudeur, la petite fille exprima son incompréhension et son mécontentement, m'expliqua que « c'est pas juste » et que même adulte, elle aimerait voir des dessins dans les couloirs de l’hôpital.

 

Et ses paroles me frappèrent. C'est pas juste. Mais oui, bien sûr que ce n'est pas juste. Sous prétexte qu'ils ont au-delà de 15 ans, les grands n'ont pas le droit à de beaux dessins dans leurs services ? Je ne suis pas soignant, mais de même, pourquoi est-ce davantage toléré que les adultes ressentent la douleur par rapport aux enfants ? Ce n’est pas normal non plus, et ce sont des enfants qui m’ont permis d’avoir une vraie réflexion à ce sujet.

 

J’en ai tiré beaucoup de frustration, tu sais, tous ces sentiments qui viennent à toi lorsque tu te sens, te sais impuissant dans le cadre d’une certaine situation. J’y ai beaucoup songé, si bien que, lors d’une insomnie, une idée s’est présentée à moi subitement. Je ne peux certes pas changer les choses, mais je peux agir à mon échelle, je peux apporter ma contribution pour apporter un peu plus de joie à ces personnes, à ces adultes qui souffrent. Aux premières heures du jour, le lendemain, j’ai rédigé un mail à la personne qui m’avait contacté pour la fresque à réaliser dans le service de pédiatrie. Très vite, j’ai pu lui exposer mon désir d’en réaliser une autre dans divers services pour adultes, en lui expliquant toutes mes motivations.

 

Il fut tout d’abord surpris et déstabilisé par cette demande, me faisant part que c’était la première fois qu’il recevait une telle requête, mais il appréciait mon idée. Tout s’est déroulé bien plus rapidement que je n’aurais pu l’espérer, si bien que je dois maintenant réfléchir à des concepts de fresques qu’il va falloir que je propose à l’hôpital, avec dedans des notions plus adultes, bien sûr.

 

C’est là que je me suis dit que tu aurais un grand rôle à jouer Mamy. Quand je viendrai chez toi, je t’exposerai la multitude d’idées qui me sont venues en tête, et tu pourras me guider, m’aider à choisir, si cela te plaît. Avec ta grande expérience dans la peinture, je suis sûr que participer à ce projet te ravira. De mon côté, j’ai hâte de te revoir et de me pencher dessus avec toi. Je suis si ému !

 

Prends soin de toi Mamy,


Armand


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