Balafrée, Tome 1 : Stochasis
Je cours, je dois absolument lui échapper ! Elle ne cesse de me lancer des couteaux. Je les esquive tous agilement tout en espérant que c'est le dernier.
Je m'appelle Ouli, cela veut dire balafre en grec. Ma mère a décidée de m’appeler comme ça car à la naissance - d'après elle - j'avais une balafre qui me traversait le front, me barrait le sourcil gauche et qui allait se perdre sous mon menton. Je l'ai toujours mais je ne suis plus si sûre de l'avoir depuis la naissance. Ma mère me frappe. Donc je ne sais pas si je l'ai depuis la naissance ou si c'est elle qui me l'a faite.
Dans notre monde chaque nom représente la personne qui le porte. Par exemple ma mère s'appelle Floga ce qui veut dire flamme car elle a de longs cheveux roux flamboyant. Ou bien mon père qui s'appelait Nymfévo qui veut dire mer car il est né sur une plage. Chrysafénios (doré) est un nom courant chez les blonds et les blondes. Gi (terre) et Kafé (brun) ne sont pas rares chez les bruns et les brunes. Mes cheveux à moi sont une étrange exception, ils sont très très noirs, je n'ai jamais rencontré qui que ce soit avec des cheveux de la même couleur que moi. Mon second prénom est donc Évenos qui signifie ébène, comme la pierre noire, référence à mes cheveux.
Mais revenons à nos moutons. Elle me lance sauvagement de longs couteaux que j'évite. En courant j'attrape un de ses couteaux et je le lance à l'aveuglette derrière moi. J'entends un petit cri. Je l'ai touché mais pas assez pour qu'elle arrête. Devant moi il y a une grotte. C'est pile ce qu'il me faut mais ça va être ardu car elle est à quelque mètres du sol et que je vais devoir escalader. Une idée germe alors dans mon esprit : je tourne à droite puis à gauche et je me cache dans un buisson. Super ! Elle continue de courir en lançant ses couteaux. En faisant le moins de bruit possible je sors du buisson et je vais dans la caverne. Par chance il y a une autre sortie. Je me faufile à l’extérieur de la grotte. J'aperçois au loin le petit cristal que je dois récupérer. Une fois à la hauteur du cristal je tends la main et je la retire rapidement car un couteau a fusé dans ma direction. Merde, elle m'a retrouvée ! pensais-je en saisissant le cristal et en courant vers la clairière où je dois le poser. Une fois le cristal bien installé je hurle : C'EST FINI ! Alors tout autour de moi s’effondre et j’apparais dans une grande salle vide et blanche. Je suis au centre de la salle et il y a de grands projecteurs qui pendent au plafond. Ils projetaient la forêt, les arbres et la grotte. Ils sont dirigés par un programme qui est réglé avant la projection. Moi, pour l'instant j'ai un niveau normal mais il existe les niveaux faible et difficile. Il y a un niveau que peu de gens sont capable de faire : les niveaux mortels. Toutes les blessures qu'il t’arrive là-bas te sont réellement infligées, contrairement aux autres niveaux où tout est dans ton esprit.
Je viens de réussir le niveau normal 53. J'en fais un par jour. Je suis obligée. Si je n'y arrive pas du premier coup je dois le refaire jusqu'à le réussir. Parfois je reste dans cette salle une heure parfois dix aujourd'hui je n'ai réussi que la septième fois. J'essaye de réussir les niveaux le plus vite possible pour avoir le temps d'étudier et de travailler. Nous sommes obligés de faire cet entraînement dès nos dix ans et ce jusqu'à nos vingt ans. Il y a deux classement, celui des filles et celui des garçons. Là on marie les filles avec les garçons qui ont le même classement. La première du classement des filles va avec le premier du classement des garçons et c'est pareil pour tout le reste. Il y a un classement par année de naissance. A chaque niveau terminé la machine t'indique ton classement, si tu as fait les bonnes décisions lors du niveau, ce que tu dois améliorer. Depuis quatre ans la machine répète toujours une phrase même si elle a déjà beaucoup parlé. Parfois elle dit juste cette phrase quand elle me corrige et dit ce que je dois améliorer. Ce n'est pas une question, ce n'est pas un point à améliorer où une chose que j'ai mal faite, c'est une simple constatation : Tu utilises ton esprit face au danger.
C'est vrai, j'utilise rarement ma force pour combattre, je préfère construire un plan, ou bien réfléchir au point faible de mon ennemi.
Skotadi se dirige vers moi une fois que la machine a parlé. C'est une grande fille brune à la peau très foncée, d’où son nom. Nous sommes voisines donc nous nous entraînons dans le même centre. Pour s’entraîner il y a des centres de niveaux dans chaque rue.
Les centres sont composés de salles. Dans les villes les plus riches les centres sont rempli de salles qui sont elles-mêmes très grandes. Comme je ne vis pas dans un quartier très riche nos équipements ne sont pas parfaits et nos salles ne sont pas gigantesques mais au moins je n'habite pas dans le pire quartier : Le Petit Quartier. Il y a quatre Quartiers : Le Quartier Des Anciens, le Grand Quartier, le Quartier Moyen et le Petit Quartier. Le Quartier Des Anciens est l'endroit où logent nos dirigeants : les Grands Sages. Il parait qu'elle se trouve sur une ile mais personne que je connais n'y a mis les pieds. Il y a aussi les gens de plus de cent ans. Nos dirigeants sont cinq et ils votent les lois. Ils sont choisis car ils ont plus cent ans. Il est très rare que quelqu'un dépasse les cent ans donc ceux à qui cela arrive sont vénérés, ils sont appelés Anciens. Les Anciens viennent quasiment tous du Grand Quartier car ils sont très bien nourris et qu'ils possèdent tous les vaccins. Les Anciens qui viennent du Quartier moyen sont plus rares et ceux du Petit Quartier n'existent quasiment pas. Je crois qu'ils ont été trois et c'était il y a très longtemps. Skotadi se dirige vers moi en disant :
— Tu t'en es sortie ?
— Oui assez bien.
— Bon, je ne te pose pas plus de questions car, tu sais.
Je hoche la tête en guise de réponse : je n'ai jamais été très bavarde. De plus, nous n'avons le droit de parler de nos résultats à personne. Skotadi et moi faisons souvent nos séances le matin donc il nous arrive parfois de finir et de rentrer chez nous ensemble. Skotadi est une de ses personnes qui parle sans se soucier que quelqu'un l'écoute ou pas. Elle parle souvent de choses très futiles et comme elle est toujours très concentrée sur ce qu'elle dit que je n'ai besoin que de hocher la tête de temps en temps pour qu'elle croie que je l'écoute. Son sujet favori est le garçon qu'elle va devoir épouser. Moi je ne m'en soucie pas vraiment car je trouve que ça va arriver dans longtemps. J'ai quatorze ans et Skotadi en a quinze. Une fois rentrée chez moi je m'installe dans ma chambre et je fais le travail que le gouvernement nous envoie chaque jour et qu'il nous oblige à faire et à rendre. Parfois je pense que le gouvernement nous en demande beaucoup trop avec les entraînements et le travail obligatoire mais je me dis que sans eux nous ne pourrions pas vivre donc mes réflexions s’arrêtent là quand je n'ai pas déjà pensé à autre chose. Quand j'entends la porte de la maison claquer, je me fige. J'entends alors la voix nasillarde de ma mère qui me demande :
— Descends fille ingrate !
Je ne réponds même pas à la provocation et je descends dans le salon d'un pas las. Une fois que je suis arrivée, je la vois, une bouteille à la main. Elle a du mal à se procurer de l'alcool mais il y a des gens qui ne disent pas leur identité en vendent. Quand les prix ne lui vont pas elle va à la pharmacie du quartier demander de l'alcool en disant que c'est pour désinfecter mes plaies - plaies qu'elle m'a fait -. Je la vois une bouteille quasiment pleine à la main en me regardant d'un regard fou. Il parait que ma mère à découvert l'alcool à un banquet où le buffet proposait du vin et que quand elle a goûté elle a adoré. Elle s’agrippe à mon bras droit comme si sa vie en dépendait et elle me griffe de l'épaule jusqu'au poignet. Elle regarde un instant le sang couler puis elle prend ma joue dans sa main tout en rapprochant tellement son visage que je peux sentir son haleine alcoolisée elle me dit :
— Ce petit visage d'ange à besoin d’être refait !
Elle se dirige vers la cuisine, prend un couteau dans un tiroir et elle s'approche de moi en brandissant le couteau et en me barrant la joue d'une longue estafilade. Je suis immunisée contre la douleur alors je ne touche même pas ma joue. Comme je ne montre pas ma douleur, elle me lacère les bras de plus en plus profondément. Alors qu'elle allait encore une fois planter le couteau dans ma chair, je recule brusquement en repliant mes bras contre ma poitrine. Elle sourit, elle a gagné. Dès qu'elle tourne le dos je me précipite dans la salle de bain qui est à l'étage pour me rincer le visage et les mains. Je prends une douche glacée pour anesthésier mes plaies. Même si il fait assez chaud, j'enfile pour cacher mes blessures un léger t-shirt à manches longues blanc et un pantalon de jogging gris. Je descends à pas de loup pour récupérer de la nourriture dans le frigo. Les aliments simples que le Quartier Moyen doit manger : du jambon, du beurre et du pain pour me faire un sandwich. Je mange dans ma chambre, en silence.
Le lendemain matin je me lève tôt et je pars au centre. Là une petite vingtaine de fylakes patientent. Quand je passe ils me demandent mon nom. Et contrairement aux autres gens un fylake blond me suis et me dit :
— Je vais regarder ton entraînement, je m'appelle Ammos.
Je hoche la tête et j'installe le matériel et je me place au centre. Il me demande :
—Tu vas faire quel niveau ?
— Le 54 normal.
— Hum... OK.
J'appuie sur le bouton qui crée la projection et je me retrouve dans un glacier. La voix de la machine dit :
— Vous devez grimper en haut de cette montagne en affrontant un ours.
Je m'exclame :
— Un ours !
A peine ai-je fini de parler que j’entends un sifflement près de mon oreille gauche. La griffe de l'ours ! Je m'enfuis en courant, sans plus réfléchir. Quelques mètres plus loin je m’arrête, essoufflée. Alors un plan me vient à l'esprit : je me cache derrière une congère et grâce à la neige l'ours ne me sent pas et continue sa course. Plusieurs minutes plus tard je sors de derrière la congère et je monte agilement. Une fois en haut je hurle C'EST FINI ! Et me revoilà dans la salle avec Ammos qui me regarde avec un drôle d'air, comme s'il était vraiment désolé. La machine me dit seulement la phrase et lorsque Ammos l'entend il se fige et me regarde, l'air encore plus désolé. Il m'annonce :
— Je vais devoir t'emmener au syllipsi pour un examen, mais ne t’inquiète pas ce n'est pas grave.
— Quoi, je dois aller au syllipsi ! Mais ma mère va me tuer !
— Ne t'inquiétes pas ta mère sera prévenue que tu ne rentreras pas tout de suite.
— Mais elle va....
— Elle va quoi ? m’interrompt Ammos.
— Elle ne va pas être contente. Vous pouvez me dire pourquoi vous m'emmenez ?
— Non, non, je crains que ce soit impossible.
— S'il vous plaît !
— Non, c'est impossible, si je le dis je perds mon boulot donc non !
Je soupire mais je le suis hors de la salle. Je sors avec le fylakes qui me tient le bras quand Skotadi entre pour son entraînement, quand elle me voit elle a l'air choquée, elle ne me connaît pas vraiment donc elle doit se demander ce que j'ai fait. Ammos fait un signe aux gardes qui contrôlent le centre pour qu'ils viennent nous rejoindre. Étrangement, nous ne nous dirigeons pas vers le syllipsi le plus proche mais vers la sortie de la ville. Je leur demande au bout d'un moment :
— Pourquoi vous ne m'emmenez pas au syllipsi ?
— Évidement que nous t'emmenons au syllipsi.
— Alors vous ne savez pas où est le nôtre !
— Nous ne vous envoyons pas à celui de la ville mais au plus grand de ton Quartier, celui de le ville Est !
— Mais nous sommes au sud de la ville Sud, ça va prendre des plombs !
— Nous allons prendre le train, idiote !
— Je ne suis pas une idiote !
Dès que j'ai fini de hurler ma phrase, je sens qu'il me frappe la joue violemment, je ne réagis même pas, je suis habituée. Je me débats, je hurle quand il me soulève pour me porter comme un sac de pommes de terre. Il me frappe au ventre -je pense- du plus fort qu'il peut et comme c'est une brute je m’évanouis tellement la douleur est forte.