Yakuza : Ryuji, l'indigne

Chapitre 1 : Ryuji, l'indigne

Chapitre final

3416 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 21/11/2020 20:34

La voix enragée de Tokiya résonnait dans l'ensemble de la suite royale du Yuu Hotel. Ses lieutenants se tenaient derrière lui. Leurs mines renfrognées étaient divisées entre le respect, l'obéissance aveugle qu'ils se devaient de maintenir à l'égard de leur oyabun d'une part, et le désaccord général de la famille que Tokiya criait d'autre part. En face de lui, le patriarche restait stoïque dans son costume blanc. Le cadet fulminait, éructait, extériorisant sa rage dans la laisse qu'il tenait en main. La fille qui y était raccordée par un collier étrangleur ne pouvait que souffrir dans le silence.

Tokiya hurlait pour parler, sous l'emprise de l'alcool.

- Les Okaïs empiètent sur notre territoire, vendent leur drogue dans nos rues et envoient leurs putes dans nos bars. Et toi ? Que fais-tu ? Rien ! Le déshonneur et la lâcheté s'abat sur notre famille par ta faute !

- Change de ton veux-tu, réclama l'oyabun, une guerre des familles provoquerait un bain de sang et des dommages collatéraux trop importants. Pour la sécurité des habitants, c'est trop risqué.

- Et nous là-dedans ? Ils la cherchent, la guerre, ils la provoquent même, mais ils savent qu'ils sont à l'abris tant que tu es aux commandes. Tout ça parce que t'es un mou, t'as rien sous ton smoking. T'as fait ton temps, il faut savoir passer les rênes.

- Passer les rênes ? A toi peut être ? Un fanatique de violence gratuite qui s'habille comme un écervelé sortit d'un groupe de pop, et qui plus est trimballe toujours une gonzesse en laisse ? Je ne laisserai pas ma famille être dirigé par un pervers comme toi.

Un des quatre lieutenants se risqua à intervenir :

- Laissons pour ce soir, nous pouvons reparler de ça un autre jour, en plus tu as bu Tok…

Le cadet se retourna et lança le whiskey contenu dans son verre au visage de son lieutenant. Le silence qui tomba n'était perturbé que par le bruit du liquide orangé goutant sur la moquette. Tokiya s'approcha de lui et grinça lentement :

- Ne m'appelle plus comme ça. Dorénavant, et ce pour tout le monde, je suis oyabun, et je n'aurai pas d'autre appellation jusqu’à ma mort. Compris ?

Son lieutenant hocha doucement la tête, les yeux rivés au sol. Le nouveau oyabun autoproclamé se retourna lentement, profitant de son autorité nouvelle pour écraser son interlocuteur du regard. Il ne tourna sa tête qu'au dernier moment, son dernier moment.

La détonation précéda la perforation de sa boite crânienne. Le sang chaud moucheta la porte d'entrée de la suite royale et se déversa ensuite sur la moquette hors de prix. Le canon de l'arme du chef des yakuzas laissait s'échapper une mince fumée, représentative des dernières bribes de l'âme de Tokiya qui s'accrochaient encore à ce monde. Le corps sans vie de son bras droit gisait là, devant lui, la main encore serrée autour de la laisse.

Ryuji finit par baisser son arme. Les quatre costumés noir, malgré leur surprise, restaient stoïques, craignant que leur tour ne vienne dans les secondes suivantes.

- Emmenez le corps, ordonne l'oyabun.

Après un court instant d'hésitation, ils prirent le cadavre de leur supérieur pour l'emmener hors de la suite.

- Un instant. Laissez la fille.

La suite ne comptait désormais plus que le patriarche d'une grande famille de la pègre japonaise et une adolescente en sous-vêtements, bâillonnée, attachée et souillée. Ryuji s'approcha d'elle et s'agenouilla à sa hauteur. Elle tremblait.

- N'aie pas peur, je ne te ferai rien. Tu as déjà assez enduré.

Il tendit sa main. La jeune fille la regarda, l'air perdu, le regard comme vidé de son essence. Le yakuza resta de longues secondes immobile avant de s'activer. Il détacha le bâillon, les liens et la laisse, puis l'emmena s'asseoir dans le canapé. Elle était recroquevillée, son regard perdu dans le vague.

- Depuis combien de temps étais-tu enchainée à lui ?

Il n'obtint aucune réponse. Il se leva et s'éloigna du canapé. Son occupante frémit un instant, son regard terrifié scruta l'homme en blanc. Celui-ci revint avec la couverture de son lit et entoura l'adolescente avec les draps.

- On n'a pas idée de sortir comme ça avec des températures pareilles…

Le regard effrayé s'adoucit, ce qui n'échappa pas à Ryuji.

- As-tu moins froid ?

Elle hocha légèrement la tête. Le léger sourire de Ryuji disparut bien vite. Cela faisait un an qu'elle était l'esclave de Tokiya, un an qu'il savait, mais n'y pouvait rien. Il se souvint alors, il vit défiler sa vie devant ses yeux, sans doute comme tout le monde avant de mourir.

Il se souvint. Ryuji s'appelait Konoji Aichigari à ce moment-là. Il sortit de l'université à l'aube de ses 24 ans et finit rapidement dans une entreprise florissante. Sa vie n'était rythmée que par son travail, et ne lui laissait aucune occasion de rencontrer de nouvelles personnes. Il était bien parti pour mener une vie de célibataire travailleur, jusqu'à ce qu'un de ses collègues le pousse à s'inscrire à un speed-dating sordide.

Forcé, Ryuji s'y rend, non sans s'être imbibé d'alcool. Après une longue période avec des relations humaines strictement professionnelles et bien souvent masculines, la perspective d'une discussion avec une femme le plongeait dans une panique tétanisante. De plus, le but d'une pareille conversation est évident, ce qui ne contribuait pas à l'apaiser.

Ryuji passait de table en table, sans jamais réussir à accrocher l'attention de la personne en face. La rencontre la plus curieuse de cette soirée fut une femme aux cheveux ébouriffés et au visage terne. La discussion s'enlisa encore plus rapidement que les autres du fait que son interlocutrice peinait à trouver ses mots, sa tête balançant aléatoirement par moment. Nul doute qu'elle aussi avait bu avant de venir. Ryuji trouva néanmoins un intérêt à cette femme, et se demandais quelle histoire l'avait poussée à faire comme lui. Peut-être avaient-ils certains points communs.

A la fin de la soirée, personne ne vint lui reparler. Pas étonnant, mais tout de même dur à encaisser. Il décida de le noyer dans de l'alcool au bar du café qui accueillait le speed-dating. Autant terminer comme ça a commencé.

La femme aux cheveux ébouriffés vint s'asseoir à côté de lui, commanda un whiskey, le tout sans prêter attention à Ryuji. Le silence s'installait, tous deux ne pipèrent mot durant une dizaine de minutes. La salle était vide à l'exception d'eux et du barman qui leur tournait le dos.

Ryuji, dont la conscience de ses actes était déjà limite, finit par lui proposer de partager une bouteille car "ça coutera moins cher". Ce sont ses derniers souvenirs.

Le lendemain, sa montre sonna midi, extirpant Ryuji de son sommeil. Sa tête était lourde, chaque son, aussi infime soit-il, représentait une douleur auditive aigue, et son estomac était sans dessus dessous. Il constata avec une joie toute relative qu'il était chez lui, et non dans un quelconque caniveau.

Après une demi-heure de semi-léthargie entrecoupée de moments de douleurs, il entreprit de se rappeler comment il en était arrivé là. Mais rien. Il passa la journée à décuver, vomissant le surplus et s'alimentant de nourriture légère. Il lui fallut le week-end pour s'en remettre, et ne prit plus en compte les conseils de ses collègues concernant sa vie privée. Il retourna ainsi à sa vie strictement professionnelle.

Il se souvint de cette surprise. Presque un an plus tard, Une femme aux cheveux ébouriffés sonna chez lui. Elle tenait un nourrisson dans ses bras.

Elle s'appelait Mikyo, et sa fille, Yunai. Mikyo s'était inscrite au speed-dating sur un coup de tête (et aussi sous l'influence de l'alcool). Elle se souvient de quelques bribes de leurs ébats, mais sans plus. Elle a ensuite continué sa vie en essayant d'oublier cette expérience. 9 mois plus tard, suite à une visite chez le médecin pour maux de ventre, elle est conduite à l'hôpital. L'échographie qui attestait son déni de grossesse précéda le gonflement très rapide de son ventre, et son accouchement dans la journée. Ryuji prit ses responsabilité, accueilli Mikyo et la petite Yunai chez lui. Ils se marièrent rapidement après.

Il se souvint de cette cérémonie. Discrète, silencieuse, triste. Peu de famille, aucun ami. Même la nuit de noce relevait plus d'une obligation traditionnelle que d'une réelle envie. Le lendemain, la vie reprenait son cours sans que rien ne change. Mikyo ne travaillait pas, Ryuji assumant seul la rentrée d'argent.

Il se souvint des conflits. Mikyo buvait beaucoup, trop même, et bien souvent les mots devenaient des armes. Des cris, du verre cassé, des pleurs, et quand ça ne suffisait plus, des coups. Ryuji n'en a jamais donné. Il s'y refusait, quand bien même l'envie était présente. Il souhaitait épargner cette situation à Yunai au maximum. Il n'éprouvait aucun amour pour son épouse, mais considérait sa fille comme un trésor, et rien n'était plus précieux pour lui que de la voir sourire. Il fit son maximum pour lui assurer un avenir correct, l'encourageait, la protégeait, et essayait tant bien que mal de modérer les crises de sa mère. Mikyo savait qu'il accepterait beaucoup de choses, mais pas qu'elle s'en prenne à Yunai.

Il se souvint de cette crise. Le secteur d'activité de l'entreprise qui embauchait Ryuji se portait très mal. La boite fit faillite, et Ryuji se retrouva rapidement sans revenu. Malgré ses efforts, ses postulations, presque plus aucune boite n'avait les moyens d'embaucher de nouvelles personnes. Son solde s'amenuisait, Mikyo buvait, Yunai n'en savait rien. Une image frappa Ryuji au plus profond de lui : le visage déconfit de sa fille face à une assiette presque vide.

Il se souvint de cette décision. La vente de sa première cargaison de drogue lui a suffi à regarnir l'assiette de Yunai et racheter la même quantité de marchandise. La culpabilité qu'il pouvait éprouver fondait instantanément devant le sourire de sa fille. Il le faisait pour elle.

Le commerce de stupéfiants lui rapportait assez pour sous-traiter, embaucher d'autres personnes qui vendent à sa place.

Il se souvint de cette menace de mort. Le milieu criminel n'accepte pas facilement de nouveaux membres, car un monopole implique que son possesseur peut établir les règles qu'il souhaite. Son personnel s'élargit pour laisser place à des gros bras chargés de protéger, menacer, et potentiellement malmener. Ses talents de gestionnaire permirent à son entreprise clandestine de s'imposer dans la région, et même de jouir d'une certaine notoriété. Sa femme ne s'occupait pas des finances et ne s'intéressait qu'à la boisson dont elle dépendait de plus en plus. Sa fille, elle, n'a jamais découvert ses activités. Un malaise envahissait cependant Ryuji lorsqu'elle lui demandait en quoi consistait son travail, et qu'il devait lui mentir en lui exposant des termes techniques de son précédent travail qu'elle n'avait aucune chance de comprendre.

Il se souvint de ce mensonge. Son entreprise grandissait et s'imposait de plus en plus dans le milieu du crime organisé. Pots-de-vin, sociétés écrans, trafics en tout genre, la famille criminelle de Ryuji s'agrandissait et devenait la cible de familles rivales. Tout moyen de pression sur lui devait être neutralisé afin qu'il soit considéré comme intouchable. Il a donc abandonné son ancien nom de naissance pour Ryuji, s'est créé une histoire d'orphelin sans famille ayant survécu dans les bas-fonds.

Il se souvint de cet argent. Son activité lui prenait un temps considérable, et afin d'être raccord avec sa fausse histoire, il ne devait plus avoir de contact avec sa famille. Il déménagea dans une riche propriété, seul, au cœur de son territoire. Bien que laisser sa précieuse fille entre les pattes d'une alcoolique violente ne soit pas la meilleure des protections, elle était bien moins susceptible d'être la cible des familles concurrentes. Ryuji avait également passé un pacte avec sa femme : Elle devait foutre la paix à Yunai, la laisser vivre, et surtout ne jamais lever la main sur elle. En échange, il s'engageait à verser une somme considérable sur le compte de sa femme. Cette somme devait être répartie entre sa femme et sa fille. L'argent ne remplace pas l'amour d'un père, mais c'était la seule chose qu'il pouvait faire. L'engrenage était lancé, et sa cupidité l'a mené trop loin. Ni ses alliés, ni ses rivaux ne lui laisseront l'occasion de retourner à une vie calme.

Il se souvint de ces insultes. Ryuji prit le risque d'expédier plusieurs fois des lettres à destination de sa fille. Mais tout ce qu'il reçu en retour, c'était d'autres lettres, écrites par Mykio. Elle l'incendiait, le traitait de lâche, de père indigne, elle certifiait que son argent ne suffirait jamais et que sa fille ne lirait jamais une seule de ses lettres. Il aurait voulu aller sur place, parler à Yunai en face et lui expliquer, sans mentir cette fois. Mais c'était l'exposer au danger, et il n'aurait voulu cela pour rien au monde.

Il se souvint de ce silence. Cela faisait presque un an que sa femme ne répondait plus aux lettres qu'il envoyait. Il ne prit pas compte de ce silence car l'expédition de ses lettres était un moyen très efficace de purger sa peine, et il finissait de toute façon par ne plus lire les réponses, identifiant l'écrire de Mykio sur l'enveloppe. Peut être avait-elle fait pareil durant cette année-là. Mais non. Si elle n'a pas répondu, c'était pour autre chose.

Il se souvint de ce frisson. Un frisson d'angoisse, qui sillonne le corps sans s'arrêter. Sept ans après qu'il soit partit, Ryuji revint chez lui. Il y découvrit une maison dans un état pitoyable, des carreaux cassés, la porte scellée par un cadenas et la végétation qui reprenait ses droits. Comme un fou, il arracha une des fenêtres au châssis de bois vieilli et fouilla la maison de fond en combles. Personne. Les armoires contenaient encore des bribes du passé : de la vaisselle, des petits objets, mais rien d'autre. Ça ne ressemblait pas à un déménagement, mais à un abandon. La maison aurait alors été vidée par des vandales ou autres vagabonds en quête d'objets à revendre. Mais il n'expliquait pas la disparition de Mykio et Yunai. La seule chose qu'il retrouva était une photo de Yunai avec des amis dans le bureau de sa chambre. Elle avait grandi, mais son visage n'avait pas changé. Ryuji ne pu que crier, crier de n'avoir que cette photo.

Il se souvint de cette traque. Après avoir mené l'enquête grâce à ses différents contacts, il apprit que son épouse était morte un an plus tôt à la suite d'un coma éthylique, au moment où ses lettres restaient sans réponse. Le plus affolant pour Ryuji n'était absolument pas la mort de cette femme qu'il n'a jamais aimé, c'était de ne pas connaitre le sort de cette fille qu'il n'a jamais pu oublier. Il remua ciel et terre, investit des sommes folles afin de la retrouver, mais c'est comme si elle avait disparue, voire qu'elle n'aurait jamais existée aux yeux de certains.

Il se souvint de ce hurlement. Le hurlement qu'il poussa une fois certain d'être seul, après avoir vu Tokiya en possession de Yunai. Tokiya s'est rapidement hissé dans la hiérarchie de la famille, ayant une grande influence par son charisme et sa jeunesse. Même si Ryuji ne l'avais jamais apprécié, il s'est avéré efficace par son côté brutal et imprévisible. Depuis son rang de Kyodai, il aimait s'afficher avec une fille tenue en laisse, comme s'il s'agissait d'un animal et d'un défouloir. Mais Ryuji, qui avait passé de longs mois à chercher sa fille, ne s'attendait pas à la retrouver lui-même, et encore moins sous le joug du plus instable de ses subalternes. Il ne pouvait la réclamer car sa légende narre que les yakuzas étaient sa seule famille, et comme toujours il ne pouvait prendre le risque d'exposer Yunai au pire, même dans cette situation. Tokiya l'avait prise dans la maison close ou elle travaillait pour survivre, et le plus ironique est que la maison close en question était dirigée par les yakuzas de Ryuji.

Il se souvint de ces erreurs. Celles qui l'ont mené à cet instant fatidique. Ryuji changea de stratégie pour asseoir son empire sur une vague de flegme, freinant son développement. Le but étant de créer l'indignation de Tokiya qu'il a volontairement élevé au rang de Shateigashira, dans le but d'exacerber son sentiment de puissance qui l'aurait conduit à une attitude fautive. Dans cette optique, il aurait pu l'éliminer, sans perdre son honneur, et libérer ainsi sa fille. Mais Ryuji a laissé les choses se gangrener trop loin, et Tokiya jouissait d'une popularité grandissante, encore plus depuis son ascension au grade de second lieutenant, soit troisième dans la hiérarchie exécutive. L'oyabun cumule les erreurs, submerger par l'urgence de sauver Yunai, et sa contradiction ne pas éveiller les soupçons.

Il se souvint de cette détonation, une heure auparavant. Celle qui mit fin à l'odyssée de Tokiya, et clôture cette série d'erreurs que Ryuji ne saurait de toute façon jamais rattraper. Au moins avait-il mis fin au calvaire de Yunai.

- Ecoute, je ne peux pas te laisser ici. J'ai tué mon bras droit, j'ai violé nos règles. Et pour peu qu'il ait été considéré comme oyabun l'espace d'une minute, mon acte n'en est que plus impardonnable. J'ai déshonoré ma famille, et ils débarqueront bientôt pour m'éliminer, tu dois être partie d'ici là.

Le yakuza s'en alla dans sa chambre et revint avec une jeune femme inconsciente dans les bras. Il la déshabilla jusqu'aux sous-vêtements et donna les habits à son affranchie. Celle-ci prit les vêtements avec une mine dubitative.

- Dans la deuxième salle de bain, il y a une grande armoire colonne vide, caches-toi là-bas et n'en sors que demain matin. Il y a 200 millions de yens dans une valise sous l'évier, prends-là en partant. Refait ta vie ailleurs, va à Yokohama, la famille n'y est pas implantée. Trouve une maison, un travail, un but, refait ta vie.

Ryuji se rendit compte de ce qu'il lui demandait. Après l'avoir abandonné et laissé sombrer dans ses plus noirs moments, il lui fait la morale de la "vie classique d'une personne normale". Lui. Un meurtrier, un criminel, et désormais un renégat. C'est de sa position actuelle, où il n'est plus à sa place nulle part, qu'il se permet de jouer le rôle du père. Il se dégoûtait.

L'oyabun pris sa fille dans ses bras. Cela fait un an qu'elle souffre en silence, devant le nez de son père inactif, et bien plus longtemps encore qu'elle souffre derrière son dos.

Elle alla se cacher, tandis que son père se planta devant la porte d'entrée de sa suite. Le martèlement des pas dans le hall s'intensifiait, l'évidence de l'issue fit frémir le chef yakuza. Après tout ce sang versé, le sien suivra la même voie. Il sait pourtant qu'une seule vie prise ne saura racheter toutes les autres, même la sienne.

Ryuji sait qu'il a échoué en tant que chef, et en tant que père. Il n'aura, selon lui, jamais su s'occuper d'une famille correctement jusqu'au bout, et lui inculquer les vraies valeurs qui vont avec. Il ne réclamait pas d'échappatoire, pas de sursis, pas de larmes. Il écarta les bras en croix au moment où la double porte s'ouvrit en grand par un coup de pied, suivie d'une averse de balles.

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