MÉMORIA ZÉRO - TOME 1 (Ancienne version)
Assis sur une marche d’escalier, Kyeran scrutait les tranchants de son Alphübel d’un air pensif. Malgré l’utilisation intensive dont il avait fait preuve quelques minutes auparavant, ils étaient toujours aussi bien affutés.
Deux semaines s’étaient déjà écoulées depuis que Lyria avait aiguisé son épée et à son plus grand regret, il n’avait pas pu revenir lui rendre visite. Le lendemain de sa venue à la forge, Tibérius Bolkiah l’avait engagé pour une mission de plusieurs jours. Il avait donc dû se rendre à Solsti, une métropole située à trois heures de route au sud-est de Zapornia afin d’enquêter sur des faits troublants, mais entre-temps, la ville voisine de Kisava avait appelé à l’aide.
Une vingtaine d’infectés du Fléau avait attaqué les habitants et l’armée n’avait pu intervenir à temps pour empêcher le massacre. Occupée à repousser une offensive ennemie à plusieurs kilomètres de l’agglomération, elle s’était retrouvée prise au dépourvu et les rares exterminateurs présents sur les lieux n’avaient pu changer la donne. Kyeran ainsi que ses pairs avaient dû affronter une véritable vague et leur amère victoire ne s’était pas obtenue sans pertes humaines.
Malgré l’extrême agitation autour de lui, il resta blotti dans ses songes. Après l’horreur vécue aujourd’hui, il préférait laisser son esprit vagabonder vers d’autres horizons et ainsi, ce fut Lyria qui l’aida à s’évader. Sa personnalité fougueuse lui avait fait traverser un capharnaüm d’émotions. La colère avait laissé d’abord place à la curiosité et enfin, à la fascination. Lorsque la jolie Dragyanne s’était légèrement dévêtue, sa peau à l’arôme épicé et ses cheveux brun-rougeâtre tombant en vagues brillantes dans le creux de son dos avaient failli faire chavirer son cœur.
Par Yldrarth, qu’est-ce qu’elle est belle, s’était-il surpris à penser.
Depuis ce jour, l’image de ses prunelles cramoisies dans lesquelles dansait une innocente espièglerie tourmentait ses songes.
C’est notre compagne, c’est pour cette raison que tu es en émoi, répétait son dragon.
S’il avait fini par s’habituer à cette présence étrangère dans son esprit, Kyeran ne comprenait toujours pas ses intentions et préférait l’ignorer plutôt qu’écouter ses agaçantes énigmes. Jusqu’à ce que le souvenir du soudain changement d’attitude de Lyria le mette sur une piste.
En temps normal, il se fichait du ressenti des autres à son égard à cause de son statut d’exterminateur, mais le regard empli de dédain de la Dragyanne l’avait douloureusement affecté. Jamais ce sentiment ne l’avait effleuré jusqu’à ce jour et son cœur s’en était serré d’amertume. Néanmoins, l’aiguisage de l’épée avait fini par dissiper cette contrariété et Lyria avait souhaité le revoir.
D’abord, son passé compliqué l’avait dissuadé de répondre favorablement à sa proposition. Il ne voulait pas se forcer à la fréquenter juste pour sa grande ressemblance avec Léona et le fruit de cette désillusion le remplissait d’une gêne coupable. Enfin, la curiosité et surtout, l’instinct propre à son statut de mâle esseulé l’avaient emporté sur son hésitation.
Aujourd’hui, l’absence de Lyria le brûlait et sans qu’il ne puisse l’expliquer, elle avait réveillé la bête en lui. Il ressentait un désir ardent de se transformer, de déployer ses ailes et de survoler les sommets enneigés en sa compagnie. Il voulait voir son ravissement pendant que le vent caressait leurs écailles et qu’ils fondaient en piqué au fond des gorges pour laisser ensuite les courants aériens les porter là où ils le souhaitaient et...
— Kyooooo ? Es-tu encore de ce monde ?
Kyeran sursauta. Face à lui, Hayato l’observait d’un regard à la fois amusé et suspicieux, son fusil de précision encore pendu à ses bras. Il était tellement perdu dans ses pensées qu’il ne l’avait pas entendu s’approcher.
— Encore en train de rêver ?
— Non, pourquoi ?
Hayato était difficile à duper. Il haussa un sourcil et sa queue s’agita derrière lui.
— Tu es souvent dans la lune ces temps-ci, et si ce n’est pas à cause d’une femme, c’est sans doute mon imagination.
— J’ai toujours eu tendance à m’égarer dans mes pensées, c’est pas d’aujourd’hui.
— Bien sûr...
Kyeran soupira, agacé par l’obstination de son partenaire, et se leva.
— Admettons que ce soit une femme, en quoi cela te concerne ?
— Je veux juste savoir ce qui te tourmente à ce point, se justifia le Vulpian en haussant les épaules, je m’inquiète pour toi, tu sais.
Il leva les yeux au ciel tandis qu’Hayato reprenait avec une grimace dégoûtée.
— Bon, tu me diras... vu ce qu’on a vécu aujourd’hui, je comprends que tu aies envie de penser à autre chose. Personnellement, je préfèrerais rêver d’une bonne petite paire de seins plutôt que d’avoir affaire à ça.
Kyeran secoua la tête face à cette réplique absurde. Hayato avait toujours le don de glisser quelques anecdotes grotesques, mais il dut admettre que son binôme n’avait pas tort. Personne d’un minimum sensé n’aurait souhaité vivre le tumulte qui se dressait devant eux.
Un monticule de corps entremêlés et mutilés ne finissait plus de s’élever au-dessus d’une mare écarlate. Au fil des minutes, des soldats continuaient inlassablement d’y déposer des cadavres. Autour d’eux, une confusion générale régnait. Des femmes et des enfants pleuraient, des hommes blessés témoignaient de l’horreur à laquelle ils venaient d’assister pendant que des infirmiers s’occupaient de les soigner. D’autres habitants couraient se réfugier chez eux ou au contraire s’amassaient pour observer la macabre scène. Plus loin, à l’écart du charnier, environ vingt dépouilles décapitées étaient alignées le long d’un mur d’enceinte et attendaient d’être examinées, puis incinérées. Elles étaient toutes de cette même couleur noire dégoulinante qui terrorisait à présent chaque ville du pays.
— C’est de pire en pire, marmonna Hayato d’un ton atone. Maintenant, ça arrive par vague.
— Combien de victimes, au total ?
— Je dirais... une cinquantaine, si l’on ne compte pas les infectés.
Kyeran sentit ses entrailles se crisper et grogna de dépit. Malgré l’aide de son tireur d’élite, trop d’innocents avaient trouvé la mort.
— Agent Nexus ?
Il se retourna vers la voix autoritaire qui venait de l’interpeller et se retrouva face à un soldat humain d’une trentaine d’années, vêtu de l’uniforme militaire aïdolarien. Les quelques galons multicolores cousus sur sa veste grise lui indiquèrent un rang équivalent à celui de sous-officier. Ils s’échangèrent le salut réglementaire dont le geste consistait en une paume posée sur le cœur avant d’être redressée face à son interlocuteur.
— Je suis le Major Erix Daryen, je tenais à vous féliciter pour votre intervention, vous et votre équipier. Mes hommes et moi étions dépêchés plus au sud du pays et le temps de revenir jusqu’ici, ces saloperies ont réussi à faire un carnage. Combien étaient-ils ?
— Une vingtaine d’infectés, Major, répondit Hayato avec une moue pincée.
Daryen grogna, furieux contre lui-même.
— Et… vous les avez tous éliminés ?
— Tous… confirma Kyeran.
Le militaire soupira, les épaules basses, et reporta son attention sur la place principale. Les soldats jetèrent deux derniers corps et aspergèrent le charnier d’un liquide combustible. Bientôt, des flammes rougeoyantes crépitèrent et avalèrent les chairs, répandant une fumée âcre dans l’atmosphère. Écœurés, les badauds s’éloignèrent pour se mettre à l’abri de l’insupportable effluve.
— Je sais que cette méthode est peu conventionnelle, mais nous n’avons pas d’autre choix que de les incinérer, leur expliqua-t-il, la mine contrite. Comme nous ne savons pas comment se transmet cette maladie, nous préférons prendre des précautions.
Le binôme opina, puis Hayato s’avança d’un pas.
— J’aimerais faire quelques prélèvements sur les infectés avant qu’ils soient eux aussi incinérés, si bien sûr vous n’y voyez pas d’inconvénient.
Daryen prêta un coup d’œil furtif sur les créatures noires et fronça le nez.
— Je ne vous empêcherai pas de faire votre travail, allez-y.
Hayato appuya sur l’un des boutons de sa T020-Z, puis un halo luminescent verdâtre émana de l’appareil. Il numérisa son fusil de précision et l’arme se désintégra en une multitude de particules scintillantes. Désormais plus léger pour œuvrer, le Vulpian se dirigea alors vers les cadavres.
Pendant ce temps, Kyeran tentait de se préserver de la fumée. L’odeur immonde lui soulevait le cœur et lui piquait les yeux. De sombres souvenirs ressurgirent de sa mémoire et défilèrent sous ses paupières closes. Un ciel rougeâtre. Des formes noires s’entredéchirant. Des colonnes de pierres qui s’effondrent. Des cris, des pleurs, des morts...
Un intense frisson le transperça et de la bile lui remonta le long de la gorge. Il courut se réfugier face à un mur et son estomac se vida de toute son angoisse. La main posée sur la façade qu’il venait de souiller, il respira profondément en attendant que ses spasmes s’estompent.
Fichues visions...
Un bip retentit. Kyeran avisa sa montre où clignotait un point vert lumineux. C’était un message vocal de Sköll. Il glissa un doigt hésitant sur l’écran et l’écouta.
« Retrouvez-moi vite au bar de La Chaume, j’ai quelque chose d’important à vous raconter. »
D’après son ton alarmiste, son ami avait dû découvrir une information inquiétante et cela attisa aussitôt son envie de quitter les lieux.
— Est-ce que ça va ? Vous êtes malade ?
Kyeran tressaillit. Le major l’avait rejoint et le dévisageait d’un air préoccupé. La bouche encore pâteuse, il se redressa, non sans dissimuler son récent inconfort.
— Ne vous en faites pas, ce n’est rien. Mon odorat est sensible alors, il m’arrive parfois de vomir lorsque ça sent un peu... trop fort.
— Je vois. Si tout va bien, alors, tant mieux, sinon j’appelle un médecin.
— Ça ne sera pas nécessaire, mon équipier l’est déjà.
Au même instant, Hayato revenait. Il fixa le brasier d’un regard amer avant de reporter son attention sur Kyeran.
— J’ai tout ce qu’il faut pour mes prochaines analyses, tu as encore des choses à faire, ici ?
— Non, nous allons partir. Sköll vient de m’envoyer un message, on doit le rejoindre tout de suite.
— Ah ?
Kyeran se retourna vers Daryen.
— Désolé, nous devons partir.
Le militaire hocha la tête.
— Je comprends. Je ferai transmettre à votre guilde le montant de vos primes. Merci encore pour votre aide.
— Pas de quoi.
La journée touchait à sa fin quand le ciel nuageux déversa sa mélancolie sur la cité portuaire. L’ondée se mua bientôt en déluge et au plus grand bonheur de Kyeran, les effluves macabres s’estompèrent pour laisser place à ceux plus doux du bitume et de la terre moites. S’il profitait de cette pluie bienfaitrice pour se débarrasser du sang séché qui maculait son visage, Hayato, lui, pressait le pas en râlant. Il avait une sainte horreur de mouiller sa fourrure.
Au détour d’une ruelle, ils trouvèrent le bar où Sköll leur avait donné rendez-vous. À peine pénétrèrent-ils dans l’établissement qu’une étouffante fumée de tabac les saisit de plein fouet, leur faisant presque regretter l’humidité extérieure. Un silence hostile les accueillit et tous les regards se braquèrent sur eux. Quelques habitants qui avaient trouvé refuge ici pour échapper au massacre les dévisageaient avec curiosité tandis que d’autres les observaient d’un air à la fois méprisant et écœuré.
— Je vois qu’on est toujours autant appréciés, constata Hayato, un rictus en coin, après s’être ébroué.
Kyeran ne chercha pas à renchérir. Le Vulpian sur les talons, il ignora les regards inquisiteurs ainsi que les murmures injurieux à leur encontre et se faufila à travers les tables. En parcourant les lieux, il ne tarda pas à repérer la chevelure blonde et hirsute de Sköll au fond de la salle. Ce dernier les héla d’un grand geste de la main quand il les aperçut et ils le rejoignirent aussitôt.
Le coursier laissa presque échapper sa cigarette et fronça le nez.
— Oh, la vache ! J’en connais un qui va avoir besoin d’une bonne douche !
Kyeran devina que cette remarque lui était destinée et il avisa sa tenue en haussant les épaules. Il avait l’habitude de se retrouver dans cet état, ce n’était pas nouveau.
— Alors, quelle est la situation ?
— Pas terrible, maugréa Hayato en s’enfonçant dans sa chaise. Il y a eu encore trop de morts…
Le visage blême, Sköll saisit sa tête entre ses mains et soupira.
— Cette saloperie se déclare vraiment partout, maintenant. Qu’est-ce qu’on va faire si jamais ça touche quelqu’un de notre famille ou un ami ? Il doit bien exister un autre moyen pour l’arrêter que de tuer les gens, non ?
Kyeran partageait son angoisse, mais n’avait aucune solution rassurante à lui apporter. Toutefois, la question soulevée par son partenaire l’interpella. Devrait-il se résoudre à exécuter les ordres si un de ses proches contractait le Fléau ? Cette simple idée lui donna la nausée et il dut user de toute sa volonté pour se contenir. Mieux valait garder son sang-froid plutôt que de se torturer l’esprit inutilement.
— Alors ? Que voulais-tu nous dire ? reprit Hayato d’un ton pressant.
Sköll hésita à lui répondre. Il survola la salle d’un œil méfiant et repéra au loin quelques regards indiscrets rivés sur eux avant de se lever de son siège.
— Prenons une chambre pour cette nuit, nous repartirons demain matin quand le temps sera plus calme.
Kyeran avisa la météo par la fenêtre. Celle-ci avait empiré depuis leur arrivée et il n’avait aucune envie de rentrer sous une pluie diluvienne. Il acquiesça, désireux de se débarrasser de ses vêtements souillés et de se mettre à son aise. Cependant, l’idée de son ami ne fit pas l’unanimité.
— Attends, quoi ? Tu veux qu’on dorme dans ce boui-boui ? grimaça Hayato.
Sköll lui sourit paresseusement et haussa les épaules.
— Tu as une meilleure idée ?
Les lèvres du Vulpian tressaillirent.
— On a passé une dure journée, trancha Kyeran en se levant à son tour, et on ne peut pas dormir à chaque fois dans des hôtels de luxe. Cet endroit fera l’affaire.
Le coursier tira une dernière bouffée sur sa cigarette avant de l’écraser dans le cendrier et jeta un regard navré à Hayato.
— Bien, alors on y va.
***
Enfin délassé après une douche bien chaude, Kyeran s’était allongé sur son lit et fixait le plafond, les bras croisés sous son oreiller. À ses côtés, Hayato se lamentait tout en observant son index couvert de poussière.
— Qu’est-ce que c’est sale ! Je vais bien attraper une allergie ou des puces en dormant dans ce taudis.
Au même instant, Sköll sortait de la salle de bain et frictionnait ses cheveux à l’aide d’une serviette qui avait connu des jours meilleurs. Un rire moqueur lui échappa.
— Quand je t’entends parler, j’ai vraiment du mal à croire que tu étais un combattant de la guerre de Surdie. Tu as dû dormir dans des conditions bien plus insalubres que cette pièce alors arrête un peu de t’offusquer pour trois grains de poussière.
— Ne parle pas de choses que tu ne connais pas, Blondinet, répliqua le Vulpian en fronçant les sourcils. Quand tu vieillis, tes exigences finissent par changer et j’ai pris goût au confort.
— D’accord, mais on ne t’a pas demandé d’essuyer chaque meuble du bout des doigts, soupira Kyeran. C’est juste pour une nuit, tu vas bien réussir à survivre ?
— Non, mais tu as vu l’état de la literie ? C’est scandaleux ! Je ne dors pas là-dedans !
Sköll et Kyeran se dévisagèrent, puis survolèrent du regard l’ensemble de la chambre désuète que l’établissement leur avait prêté. Hayato n’avait pas totalement tort, la propreté laissait à désirer. La moquette des cloisons autrefois blanche ou crème s’était teintée d’un beige sale parsemé à certains endroits de taches suspectes tandis que les rideaux avaient jauni avec le temps. Une subtile odeur rance émanait des couchages et donnait l’impression que la lessive utilisée pour laver les draps semblait aussi usagée que les quatre murs qui les entouraient.
— Et tu comptes dormir où ? demanda Sköll, les bras croisés sur son torse.
— J’en sais rien, dans ta fourgonnette, peut-être ? Elle est plutôt confortable, j’y ai fait une bonne sieste, tout à l’heure.
— Tu plaisantes, j’espère ? Je n’ai pas envie que ça sente le chien mouillé, et en plus tu vas me foutre des poils partout.
Un rire nasal échappa à Kyeran.
— Là, il marque un point... surtout que tu es en pleine mue en ce moment.
— Hé ! Un peu de respect, je vous prie ! Parce que si je n’étais pas là, personne ne soignerait vos petits bobos ! s’offusqua le Vulpian avant de reporter son attention sur son coéquipier. Et quant à toi, ne la ramène pas trop, parce que tu es bien content de me trouver pour surveiller tes arrières !
Kyeran allait protester, mais un projectile de gros calibre vola au-dessus de lui et un bruit étouffé retentit. Un oreiller venait de percuter Hayato en plein visage et Sköll souriait de fierté pour avoir atteint sa cible.
— Mais arrête de te plaindre !
Tandis qu’ils s’esclaffaient, Hayato jeta l’objet de sa défaite au sol avant de s’asseoir à son tour sur son lit avec un air renfrogné.
— Bon, et si on revenait à nos moutons ?
Kyeran s’arrêta de pouffer à contrecœur. Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas ri ainsi à cause des pitreries de son meilleur ami, mais la situation exigeait à présent de retrouver son sérieux.
— J’ai préféré qu’on se retrouve ici en privé pour en parler, leur avoua Sköll, il y avait des gars bizarres dans ce bar et je ne voulais pas qu’ils nous écoutent.
Le Vulpian haussa un sourcil.
— Qu’est-ce qu’il y a de si confidentiel ?
— Pendant que je livrais un colis à une cliente, j’ai surpris une conversation entre un soldat et un exterminateur. Ils auraient vu une énorme forme sombre survoler la ville environ deux-trois heures avant la vague et d’après leurs propos, c’était un dragon.
— Un dragon ? C’est peu probable. S’il avait été hostile, il aurait carbonisé la ville entière ou utilisé la magie, non ?
Kyeran approuva les propos d’Hayato. En général, ces créatures n’attaquaient pas les humains, du moins, plus depuis le traité de paix qui s’était établi entre les deux peuples trois mille ans auparavant. Il peina à croire cette hypothèse.
— Peut-être, mais ce n’est pas tout, reprit Sköll. Il y a eu d’autres témoignages. Des hommes en provenance de Dobrad auraient observé le même phénomène qu’ici il y a deux jours. Une bestiole identique a volé au-dessus de la ville et à peine deux heures après, c’était le carnage.
Le binôme s’échangea un regard perplexe. Un seul passage de cette créature aurait pu être considéré comme hasardeux, mais pour déboucher sur un drame similaire à deux endroits différents, ce n’était plus une simple coïncidence.
Hayato se frotta le menton.
— Alors, ce serait un dragon – si c’en est bien un – qui provoquerait la mutation ? C’est un peu tiré par les cheveux, non ?
— J’avoue que j’ai du mal à croire cette histoire, moi aussi, affirma Sköll en haussant les épaules. Je ne vois pas comment il pourrait provoquer la transformation d’une poignée d’humains en mutants.
Kyeran réfléchit. À sa connaissance, aucun dragon n’était capable d’utiliser un tel sortilège, mais cet étrange animal observé récemment le laissait en proie au doute. Il reporta son attention sur son coéquipier.
— Tu te souviens de ce que tu m’as dit au sujet de la contamination ?
— Oui, qu’elle se fait par voie sanguine et peut-être par autre chose.
— On a peut-être une piste... Il faut qu’on arrive à savoir pourquoi seule une partie de la population humaine est touchée, et comment.
Le Vulpian hocha la tête et lui désigna sa T020-Z.
— T’inquiète, dès que nous rentrerons à la guilde, je m’occupe de faire analyser tout ça.