Recueil de divagations
Un cadavre exquis est un texte écrit à plusieurs mains où chaque auteur ignore ce qu’écrira l’auteur suivant.
Pour réaliser cet exercice, nous avons tout d’abord dû créer cinq incipits (débuts d’histoires) chacun, d’une ou deux phrases de long. Puis nous en avons choisi un chacun, parmi ceux que nous avions écrits ou ceux de nos camarades. À partir de cet incipit, nous avons chacun écrit un court texte que nous avons passé à notre voisin·e, qui l’a poursuivi. Le texte est alors arrivé dans les mains de la personne suivante, avant de revenir à son auteur premier qui devait le terminer.
Je remercie Jessica et Lorraine, mes deux co-autrices, de m’avoir laissé publier le texte auquel elles ont contribué. Je me suis contenté de corriger quelques fautes et tournures maladroites.
Si vous le souhaitez, vous pouvez tenter de déterminer où se termine l’incipit et quand les changements d’auteurs s’opèrent (solution à la fin du texte).
Par une chaude nuit d’été, je découvre sur la rivière une embarcation de cristal, sans rame et avec une grande lanterne verte à sa proue. À l’intérieur, un unique banc tressé en soie d’araignée. Je ne sais trop ce qui m’a menée là. J’ai erré dans la campagne après m’être disputée avec mes parents, sans aller nulle part en particulier, et mes pas m’ont menée à cette rivière où je jouais étant enfant.
La barque accoste devant moi. Habitée d’un grand détachement, je monte à bord. Ce n’est pas un choix, plutôt une évidence. Où pourrais-je aller, sinon ? L’esquif repart, emporté par le courant. Il flotte doucement, m’emmenant vers des paysages inconnus. Assise sur le banc soyeux et brillant, je découvre émerveillée des paysages nouveaux.
La forêt que j’admire à présent n’a rien de commun avec ce que j’ai pu voir par le passé. Les arbre clairsemés semblent faits d’argent et leurs feuilles chatoient de mille couleurs, bien visibles malgré la nuit sans lune.
Accoudée au bastingage, je repense aux événements qui se sont déroulés plus tôt dans la soirée. L’annonce que j’ai fait à mes parents, le soulagement ressenti à l’idée de ne plus avoir à porter ce secret seule... Le silence de mort, étouffant, qui a fait s’effacer mon sourire. La fureur de mes parents, incapables d’accepter ce que je leur avais dit. Les larmes qui ont coulé sur mes joues tandis que je reculais d’un pas comme s’ils m’avaient frappée. La porte qui a claqué lorsque je suis partie.
Je suis sortie de mes pensées par la barque accostant de nouveau. Essayant de remettre de l’ordre dans mes idées, je me rends vite compte des larmes sur mon visage. Je n’étais pourtant plus triste, peut-être était-ce le trop plein d’émotions ? Une lumière aveuglante jaillit alors ; où suis-je ? Je n’ai pas le temps d’y songer plus longtemps lorsque la barque se retrouve embarquée dans un courant violent qui me semble durer une éternité.
— Ne vous inquiétez pas, ce n’est rien ! nous dit d’un ton rassurant le capitaine de la barque.
Je décide donc de sortir de mes rêveries et me rapproche d’un petit garçon de six ans qui avait en sa possession une sorte de tableau pliable. En me rapprochant davantage, je découvre, surprise, mon visage peint sur ce tableau. L’enfant me sourit et, d’un geste de la main, me propose de m’asseoir juste à côté de lui, ce que je fais sans hésiter. Il se met bien en face de moi et termine mon portrait. C’est tellement magique ce moment, il reste très concentré. Une fois mon portrait complètement réalisé, il me fait un large sourire.
Je regarde l’eau claire sur laquelle nous voguons, m’abîmant dans sa contemplation. Lorsque je tourne la tête, cherchant l’enfant du regard, je m’aperçois qu’il a disparu, comme s’il n’avait jamais été là – simple songe au milieu de la nuit. Sur le banc de toile d’araignée, pourtant, demeure son portrait. Je le prends et l’admire, promenant mes doigts sur les traits finement tracés de mon visage. Ce visage que mes parents doivent haïr à présent...
À force de manipuler le portrait, je réalise que l’expression représentée sur mon visage d’encre change selon comment je le regarde. De face, j’ai l’air sereine. De profil, des larmes semblent couler des joues de mon avatar – ou n’est-ce qu’un jeu de lumière ?
Je sens que la barque ralentit et je m’aperçois que la rivière débouche sur un étang. C’est la fin de la route. L’esquif se rangeant doucement le long de la berge, j’hésite à en descendre. Je n’ai pas saisi ma chance précédemment, trop occupée à m’apitoyer sur mon sort. Mais désormais, je dois choisir : rester dans cette barque ou en descendre et explorer l’inconnu ? continuer à regarder le portrait de face ou assumer ces larmes que j’ai dissimulé toutes ces années ?
Je prends une profonde inspiration, puis expire doucement. Je quitte le doux banc de fils de soie et enjambe le bastingage. À peine ai-je fait quelques pas entre les arbres scintillants que je me retrouve à l’orée de la forêt. Devant moi, l’aube point sur un paysage merveilleux.
Voici les solutions au petit jeu que je vous proposais plus haut :
- L’incipit est composé des deux premières phrases : “Par une chaude nuit d’été, je découvre sur la rivière une embarcation de cristal, sans rame et avec une grande lanterne verte à sa proue. À l’intérieur, un unique banc tressé en soie d’araignée.” L’ambiance merveilleuse qui s’en dégageait m’a immédiatement charmé et je l’ai emprunté à l’une de mes camarades, Adèle, avec sa permission.
- Mon texte se termine à “Je suis sortie de mes pensées par la barque accostant de nouveau” et Jessica enchaîne avec “Essayant de remettre de l’ordre dans mes idées”
- Elle termine son récit sur “la barque se retrouve embarquée dans un courant violent qui me semble durer une éternité” et Lorraine enchaîne avec le seul dialogue de ce texte.
- Lorraine me repasse la main sur “il me fait un large sourire” et je termine alors le récit.
Vous pouvez également découvrir une version retouchée de façon plus approfondie, afin de gommer les différences entre nos styles et de rendre le texte global plus harmonieux et organisé.
Par une chaude nuit d’été, je découvre sur la rivière une embarcation de cristal. Elle est sans rame et une grande lanterne verte pend à sa proue. À l’intérieur, un unique banc tressé en soie d’araignée. Je ne sais trop ce qui m’a menée là. J’ai erré dans la campagne après m’être disputée avec mes parents, sans aller nulle part en particulier, et mes pas m’ont conduite à cette rivière où je jouais étant enfant.
La barque accoste devant moi. Habitée d’un grand détachement, je monte à bord. Ce n’est pas un choix, plutôt une évidence. Où pourrais-je aller, sinon ? L’esquif repart, emporté par le courant. Il flotte doucement, m’emmenant vers des paysages inconnus. Assise sur le banc soyeux et brillant, je découvre émerveillée des paysages nouveaux.
La forêt que j’admire à présent n’a rien en commun avec ce que j’ai pu voir par le passé. Les arbres clairsemés semblent faits d’argent et leurs feuilles chatoient de mille couleurs, bien visibles malgré la nuit sans lune.
Accoudée au bastingage, je repense aux événements de la soirée. L’annonce que j’ai faite à mes parents, le soulagement ressenti à l’idée de ne plus avoir à porter ce secret seule... Le silence de mort, étouffant, qui a fait s’effacer mon sourire. La fureur de mes parents, incapables d’accepter ce que je leur avais dit. Les larmes qui ont coulé sur mes joues tandis que je reculais d’un pas comme s’ils m’avaient frappée. La porte qui a claqué lorsque je suis partie.
Je suis sortie de mes pensées par la barque accostant de nouveau. Hésitant à en descendre, je me lève et reste immobile à observer la rive. Lorsque la barque repart, je suis toujours à bord. Bien que la tristesse m’ait quittée, je pleure encore, comme pour déverser toutes les émotions que j’ai vécu ce soir et m’en libérer. Comme en réponse, la barque se retrouve prise dans un courant plus violent durant ce qui me semble être une éternité. Le bateau finit par en sortir et se stabiliser de nouveau.
Une lumière aveuglante jaillit alors durant une fraction de seconde et m’arrache à mes rêveries. Alors que j’aurais pu jurer être seule l’instant d’avant, je constate qu’il y a désormais un petit garçon sur le banc de soie, occupé à peindre à l’encre noire sur une petite toile. En me rapprochant de lui, je découvre qu’il est en train de faire mon portrait. Je croise son regard et, d’un sourire, il m’invite à m’asseoir à côté de lui. Il continue sa peinture en fronçant parfois les sourcils, très concentré. Levant les yeux de sa toile, il finit par me gratifier d’un large sourire, que je lui rends : le portrait est terminé.
Mon regard est attiré par les reflets de la lanterne sur l’eau de la rivière et je m'abîme dans sa contemplation. Lorsque je tourne la tête, cherchant l’enfant du regard, je m’aperçois qu’il a disparu, comme s’il n’avait jamais été là, simple songe au milieu de la nuit. Sur le banc de toile d’araignée, pourtant, demeure son œuvre. Je la prends et l’admire, promenant mes doigts sur les traits finement tracés de mon visage. Ce visage que mes parents doivent haïr, à présent…
À force de manipuler le portrait, je réalise que l’expression représentée sur mon visage d’encre change selon comment je le regarde. De face, j’ai l’air sereine. De profil, des larmes semblent couler sur les joues de mon avatar – ou n’est-ce qu’un jeu de lumière ?
Je sens que la barque ralentit et je m’aperçois que la rivière débouche sur un étang. Ce doit être la fin de la route. L’esquif se rangeant doucement le long de la berge, j’hésite à en descendre. Je n’ai pas saisi ma chance précédemment, trop occupée à m’apitoyer sur mon sort. Mais désormais je dois choisir : rester dans cette barque ou explorer l’inconnu ? continuer à regarder le portrait de face ou assumer ces larmes que j’ai dissimulées toutes ces années ?
Je prends une profonde inspiration, puis expire doucement. Je quitte le doux banc de fils de soie et enjambe le bastingage. À peine ai-je fait quelques pas entre les arbres scintillants que je me retrouve à l’orée de la forêt. Devant moi, l’aube point sur un paysage merveilleux.
Vous pouvez observer de nombreuses différences entre ces deux versions. N’hésitez pas à me dire si vous trouvez les changements que j’ai apporté pertinents, ça m’intéresse beaucoup !